Genji, une fois dans sa chambre, se dit qu'il fallait préparer un sac pour le voyage. Mais qu'allait-il bien pouvoir mettre à l'intérieur ? Des habits ? Des vivres ? Tout cela lui était inutile désormais. Tous les biens qu'ils possédaient étaient restés à Hanamura au Japon, il passa encore quelques jours à l'annexe de Paraiso qui était en fait l'ancien club de Lucio, qui avait été autrefois attaqué par les omniac du Secteur Zéro puis reconverti en complexe opérationnel. Mais l'équipe d'Overwatch allait désormais partir pour l'Antarctique et Genji prendrait lui aussi le départ. Il passa ces quelques jours auprès de Lucio, Ange et bien entendu Tracer, mais se montra assez discret, il se demandait où pouvait bien se trouver son frère en ce moment. Le jour du départ, Genji partit donc par la porte de derrière, Tracer l'accompagnait.

"J'espère que tu vas y arriver, Genji, dit-elle.

-Arriver à quoi ? demanda Genji

-Eh ben, à t'accepter, bêta. Je suis sûre que tu peux devenir super fort avec cette armure. Un vrai samouraï. Tu sera trop stylé !

-On se reverra sans doute jamais.

-Dis pas ça, c'est pas vrai, pourquoi t'es si pessimiste, bien sûr qu'on se reverra.

-Qu'est ce que tu en sais ? Vous êtes tout le temps en mission au quatre coins du monde, même en Antarctique, je vois pas comment on pourrait se croiser.

-On va se revoir, je le sais c'est tout. Et si on se recroise pas, et bah je te chercherais partout avec ma super vitesse, d'accord ?

-Euh, ouais...

-Mais en attendant, concentre-toi sur ton voyage. Le Népal quand-même, ça va être super dur d'arriver là-bas, j'aurais bien aimé qu'on te dépose mais Jack acceptera jamais. Tu sais comment il est. Il dirait : "On va pas faire un détour de dix milles kilomètres pour déposer cette boîte de conserve au sommet de l'Everest." dit Lena en imitation forcée de Jack.

-Il n'aurait pas tort, répondit Genji en plaisantant."

Lena fut contente que Genji plaisante là-dessus.

Genji passa le pas de la porte et regarda une dernière fois Lena, il put voir qu'elle était triste qu'il parte.

"J'espère qu'on se reverra, lança-t-il."

Lena fut tenté de le contredire en lui disant qu'elle était certaine qu'ils allaient se revoir, mais elle préféra s'abstenir, cette phrase de la part de Genji lui suffisait bien.

"Oui, moi aussi, se contenta-t-elle de répondre avec un sourire triste."

                                                                               ****

Genji partit donc en direction de l'Inde dans un premier temps, il traversa tout Rio de Janeiro à pied, passant dans les rues pleines de monde, sous les regards de tous les humains. Rapidement, il se décida à mettre un châle pour couvrir son corps, parce qu'il se sentait de moins en moins à l'aise. Le peu d'omniacs qu'il croisait le regardaient intrigués, à cause de son apparence anormale. Il ne se sentait définitivement pas à sa place. Genji prit l'avion depuis l'aéroport de Rio en manquant de le rater à cause de tous les contrôles qu'on lui imposait. C'était le règlement pour tous les omniac, à cause des attaques du Secteur Zéro dans les environs, l'ombre du Démon Omniac s'étalait encore jusqu'ici. Genji aurait bien pu dire à tous ces humains qu'il en était un lui aussi, mais ça ne lui aurait servi à rien, il aurait fallu qu'il ouvre son plastron, révélant le bout de torse en chair qui lui restait. Et on l'aurait pris pour un fou.

Il prit de justesse son avion et s'assit à côté d'omniacs silencieux. Sur le siège devant lui se trouvait un journal parlant d'Efi, une jeune scientifique ayant encore gagné le concours de robotique de Numbani, c'était définitivement elle qui construisait les omniac les plus évolués, sans compter bien sûr Ramattra et ses robots de guerre du Secteur Zéro. Arrivé en Inde, Genji prit un train rempli à ras bords d'humains et d'omniac, certains étaient même obligés de se mettre sur le toit pour voyager. Genji sentait des regards mauvais sur lui, son châle ne le protégeait plus. Sorti du train, il marcha en pleine nuit dans les rues de Patha, cherchant un endroit pour dormir. Il n'avait pas besoin de se rendre dans un hôtel pour humain, car son corps n'avait pas les même besoin en chaleur et en confort de lit. Des établissements pour Omniacs existaient mais il ne répondait pas non plus aux critères. Il s'allongea alors dans un ruelle et essaya de dormir quand il entendit des bruits de pas s'approcher. Il vit deux humains entrer dans la ruelle et il se rendit compte qu'il n'était pas caché par son châle.

"Regarde ça, dit l'un des deux hommes. T'as déjà vu un omniac de cette qualité ?

-Il doit sortir des usines de Numbani ou de King's Row.

-Son métal est blanc c'est trop bizarre, on pourrait en tirer gros si on grattait quelques petits bouts.

-Tu crois qu'il dort ?

-On s'en fout."

Genji ne bougea pas, il n'en avait pas la force, qu'allait-il bien pouvoir leur dire ?

"Eh toi t'es en veille ? demanda l'un des deux à Genji."

Toujours aucune réponse. L'un des deux hommes mis un petit coup dans les jambes de Genji, il ne sentit rien. Et il ne sentit rien non plus quand tous les deux se mirent à arracher des parcelles de ses jambes, des bouts de métal remplaçables sans importance. De toute façon il ne pouvait pas se défendre, et il était fatigué, si fatigué, ils n'avaient qu'à tout prendre s'ils le souhaitaient. Il n'avait qu'à prendre l'énorme cylindre qui contenait son cœur et ses bras inutiles. Mais quand les deux hommes s'attaquèrent à son torse, ils virent de la peau humaine sous les couches de métal et reculèrent d'un pas.

"Merde, c'est pas un omniac !"

Ils avaient dépecé les jambes de Genji, il ne lui restait plus que des barres sur lesquelles tout son corps allait devoir tenir. Ils mirent toutes leurs trouvailles dans un sac et, honteux, s'en allèrent.

"Désolé mon pote, on croyait que t'étais un omniac."

Qu'est ce que ça change, pensa Genji, Qu'est ce que ça change, revenez, revenez tout me prendre...

Genji continua ses voyages en train jusqu'à la frontière du Népal où il fut accueilli par une bonne centaine d'omniacs bienveillants. Le Népal est l'un des seuls pays où les lois concernant l'égalité entre humains et omniacs sont clairement établies et respectées par tous, un pays où la paix entre les deux peuples règne sans que l'influence du Démon Omniac n'envahisse les esprits. Genji put ainsi circuler à travers le pays sans crainte d'être agressé. A son arrivée, les omniacs constatèrent à quel point ses jambes avaient été endommagées, il tentèrent de les réparer mais ne parvinrent pas à comprendre comment elles étaient faites. La technologie de Vital et de Symmetra n'avait pas encore atteint cette partie du monde. Le Moine Gris semblait être connu dans tout le pays, il était décrit comme le bienfaiteur de la race omniac, lui et son frère décédé. Zenyatta semblait s'être exilé dans un temple au cœur de l'Himalaya.

Génial, se dit Genji.

Son chemin devenait peu à peu une côte et il apercevait la chaîne de montagne qui approchait de plus en plus, en même temps que le froid. Le climat de l'Inde s'éloignait en même temps que le chaos ambiant et les regards méfiants, laissant place au calme du Népal.

Genji pensa à Overwatch, cela faisait deux semaines qu'il était parti de Rio, l'équipe avait sûrement dû quitter l'Antarctique depuis, ils ne cessaient de bouger. Dans les conversations auxquelles Genji avait été confronté malgré lui dans le train, il avait entendu dire que Toronto avait été attaqué par le Secteur Zéro. Le Démon s'était définitivement bien réveillé, une nouvelle fois, et il allait faire s'abattre sur les humains qu'il exècre tant sa fureur dévastatrice. Comment s'en sortait Lena dans tout ce chaos ? Genji la revit pleurer à son chevet quand il s'était réveillé, elle avait l'air si fragile, mais elle faisait mine de rien avec ce sourire qu'elle affichait sans cesse.

Genji entama une dure montée, ses jambes criaient, mais bien entendu, il ne sentait rien, à part une petite sensation de froid alors que les températures étaient tombées largement en dessous de zéro degré.

Pas si mal cette armure, se dit-il, non, rappelle-toi. Et il se rappela de tout, il se souvint qu'il ne pouvait plus sentir ses jambes, ses bras, il se souvint qu'il avait perdu sa peau, son visage, sa voix, ses muscles, ses sensations, il se rappela qu'il ne verrait plus le monde que par cet écran vert devant ses yeux, il se rappela que cela sera toujours ainsi et il se rappela qu'il ne pourrait jamais avoir d'enfants.

L'une de ses jambes flancha et il se rattrapa de justesse avec son bras dans la neige. L'une des plaques de métal qui se trouvaient sur son torse et que l'un des hommes avait tenté d'arracher se détacha, tomba dans la neige et glissa comme un luge le long du chemin. Son torse se découvrait au froid et Genji sursauta. Il ressenti cette sensation qu'il avait presque oublié, l'air frais qui vient stimuler la peau. Il se releva et continua d'avancer. Quelques minutes passèrent et le froid commença à réellement s'infiltrer dans sa peau brûlée, il grelottait et son armure ne fournissait plus assez de chaleur pour contrebalancer ce surplus de froid qui venait d'arriver. Genji mit ses bras autour de lui par réflexe, mais il avait oublié qu'eux non plus ne lui apporterait aucune chaleur. Malgré tout, il continua d'avancer à la même vitesse, ces jambes ne fonctionnant plus que par automatisme, il n'avait presque plus besoin de les diriger, peut être était-ce une fonctionnalité que Niran avait implanté dans ses neurones. Même si ce froid commençait à lui faire mal, paradoxalement Genji savourait cette sensation car il savait qu'il n'aurait plus beaucoup l'occasion de la ressentir.

"Halte, lui dit quelqu'un qui le surplombait, que venez-vous chercher ici ?

-Je viens pour le Moine Gris, dit Genji à bout de force."

Il y avait trop de neige autour de lui pour qu'il puisse voir qui lui parlait.

"Pour quelle raison le cherchez-vous ?

-On m'a dit qu'il pourrait m'aider. Je ne sais pas comment. J'ai eu un accident.

-Êtes vous un Omniac ou un Humain ?"

Genji s'arrêta de marcher, que pouvait-il bien répondre à cela ? Qu'était-ce vraiment qu'être un humain ou qu'être un omniac ? Cela revenait-il seulement à avoir un corps de chair ou un corps de métal ?

"Je ne sais pas... dit enfin Genji, je viens chercher la réponse. "

Après quelques instants, un omniac emergea du nuage de neige et contempla Genji de haut en bas. Il vit ses membres et son casque en métal, et il vit aussi qu'un bout de son torse était fait de chair.

"Bien vous pouvez passer dit-il."