N'ayant besoin que de peu de sommeil, Genji, une fois la nuit tombée, s'assit dans la pièce qu'on lui avait donnée en guise de chambre. Il se positionna en tailleur comme Zenyatta lui avait appris à le faire, et ferma les yeux sous son casque. Toutes les lumières de son corps s'éteignirent, il se mit comme en veille. Il songea alors à la grande guerre qui allait débuter demain, et de tout ce qu'il allait devoir affronter, il n'avait plus peur car il savait de quoi il était capable et aux côtés de qui il allait se battre. Les plus grands héros d'Overwatch, tous réunis contre la Griffe. Peu importe ce que l'organisation de terroristes était en train de préparer, Genji était confiant quant à sa capacité à lui et à ses alliés, à déjouer leurs plans.

Il n'avait qu'une préoccupation en tête et elle portait le nom de Hanzo. Genji voulait croire, de toutes ses forces, qu'il y avait quelque chose à récupérer dans l'âme de son frère, celui avec qui il avait grandi et s'était entraîné durement sous la sévérité de leur père. Ce que Genji ignorait, c'est qu'en ce moment même, à l'autre bout de l'océan, Hanzo songeait à son défunt frère lui aussi. Il pria que Genji fut en paix là où il était, car il n'avait jamais voulu lui infliger une mort aussi violente et aussi douloureuse. Il ne voulait que le transpercer de sa flèche, pour que sa mort soit rapide, mais il l'avait envoyé au feu alors qu'il vivait encore et l'avait regardé se baigner au cœur de la porte des enfers. Mais peut-être se mentait-il, peut-être était-ce ce qu'il avait toujours voulu. Voir brûler son égoïste de frère, lui qui avait renié sa famille et refusait d'entendre raison. Lui qui se moquait des traditions et de l'héritage que lui avait légué son père sur son lit de mort. Comment Genji avait-il pu ignorer les paroles de son propre père mourant ? Ce n'était qu'un fils indigne.

Mais moi, suis-je digne ?

Hanzo se remémora le soir où il était revenu au temple après avoir assassiné Genji et avait trouvé le monastère complètement vide. Il s'était alors recueilli sur l'hôtel de son père, et avait prononcé ces mêmes mots.

Je n'étais pas digne de vous, père

L'était-il désormais ? Poursuivant une quête vide de sens aux côtés de criminels sans foi ni loi qui s'apprêtent à faire hurler le monde entier.

Il s'imagina très clairement être assis là, dans le monastère où il avait grandi à Hanamura, se recueillant sur la photo de son défunt père. C'est alors qu'il entendit un bruit derrière lui, à l'intérieur même de son esprit, ou du moins de l'espace métaphysique dans lequel ses souvenirs l'avaient propulsé.

"Je ne savais pas qu'Overwatch comptait parmi ses membres un télépathe, dit-il sachant bien que quelqu'un se trouvait derrière lui."

Une forme se dévoila dans l'ombre et tout d'un coup de petites leds vertes s'allumèrent sur certaines parties de son corps. Hanzo, toujours dos à l'ombre qui venait de sortir des ténèbres, ne bougea pas d'un cheveux. Il se ne demanda même pas ce qui était en train de se passer, mais il savait qu'il n'était ni dans un rêve, ni dans la réalité. La forme, qui dégageait désormais une lueur verte émanant de traits sinueux sur son corps, se déplaça et atterrit sur le sol avec aisance, mais sans émettre aucun son. Tout le reste de son corps était fait d'un métal gris luisant.

"Tu n'as rien à faire ici, dit l'homme en armure. Comment peux-tu honorer la mémoire d'un homme que tu as tué ?

-Tu ne sais rien de moi !"

Hanzo prit son arc dans les mains et attrapa une flèche dans son carquois qu'il tira sans scrupule vers l'homme de métal qui l'esquiva.

"J'en sais assez, crois moi, dit l'homme de métal de sa voix synthétique.

-Comment oses tu me tutoyer ? Comment oses tu venir dans ce lieu que ton groupe a profané ?

-C'est toi qui m'a appelé."

Hanzo recula d'un pas, se demandant ce que l'homme voulait dire. Puis il décocha une nouvelle flèche, plus rapide et l'homme en armure eut plus de mal à l'esquiver. Pour cela il lui fallut sortir de son fourreau une lame qui se trouvait accrochée à sa taille.

"Comment..." balbutia Hanzo.

Les techniques qu'utilisaient l'homme de métal ressemblaient étrangement aux arts du Clan. Personne n'avait jamais directement paré une des flèches de Hanzo de cette façon, personne sauf...

"Ton père serait fier de toi, dit l'homme en armure, tu tires avec la même puissance que lui, il ne te manque qu'un peu de volonté...

-Ne parle pas en son nom !"

Hanzo ressorti une flèche à la pointe modifiée par ses soins et la décocha avec force vers l'homme de métal. Quand se dernier la stoppa avec sa lame, il fut projeté vers l'arrière et tomba dans la petite fosse qui entourait l'hôtel du père Shimada. Hanzo tira une nouvelle flèche, dont l'homme de métal se protégea de justesse en reprenant ses appuis, mais la pointe de la flèche se divisa en plusieurs dizaines de petits fragments lacérateurs qui rebondirent sur les murs tout autour de lui. L'intrus s'éloigna avec agilité de la fosse de laquelle il était prisonnier et commença à monter des escaliers qui menaient vers un grand balcon. Hanzo le poursuivit sans relâche en tirant des flèches dans sa direction. Arrivé au balcon, Hanzo fut surpris de ne voir personne, mais il plaça une flèche sur la corde de son arc, sentant toujours le danger autour de lui. Soudain, il fut plaqué au sol par un mouvement si rapide qu'il ne fut pas en mesure de l'esquiver. En revanche, il repoussa son ennemi, qui l'entraîna vers le bord du balcon entourés de piliers de bois. Hanzo fut projeté contre la barrière en bois du bord du balcon qui se brisa sous son poids, il n'était plus qu'à quelques centimètres du vide, sa tête pendait déjà au-dessus des bas quartiers de Hanamura. Au-dessus de lui se tenait l'homme à l'armure de métal, qui avait placé sa lame dans le repose flèche de l'arc de Hanzo, et appliquait désormais une force phénoménale sur celui-ci, dernier rempart entre l'acier et la gorge de Hanzo. L'homme hésita quelques secondes, tuer Hanzo était tentant, il était la source de tous ses malheurs passés, il l'avait trahi, tué, et avait rejoint une organisation terroriste, c'était un être mauvais, ni plus ni moins.

Mais c'est ton frère...

Genji se ravisa, il avait largement assez de force pour en finir ici et maintenant, mais il ne pouvait et ne voulait pas. Il fallait chercher ce qu'il restait de bon en Hanzo. Alors il relâcha sa pression et Hanzo ne manqua pas cette occasion pour repousser Genji au fond de la pièce.

"Tu es venu finir ce qu' Overwatch a commencé ? demanda Hanzo avec rage. Mais tu n'en a pas le cran ?

-Je ne suis pas venu te tuer Hanzo, et Overwatch ne veux pas ta mort non plus, ni celle de la famille.

"Mensonge ! rugit Hanzo."

Et cette fois, il ne décocha pas de flèche, il prit son arc entre les mains et l'abattit sur Genji qui se baissa pour esquiver. Il voyait bien la haine de Hanzo mais ne comprenait pas pourquoi il en éprouvait autant.

"Tu ne comprends pas Hanzo, laisse moi..."

Mais Hanzo revint à la charge, il fendit l'air avec son grand arc, dont les deux bouts du repose flèche formaient des pointes acérées. Mais Genji esquiva à chaque fois, ses membres synthétiques lui offrant cette aisance au combat. Alors Hanzo reprit l'une de ses flèches et banda son arc en tirant la corde le plus fort qu'il le put. La flèche traversa le balcon en une fraction de seconde et Genji en découpa la pointe en plein vol à l'aide de sa lame. Les deux bouts de la flèche parfaitement coupés vinrent se planter sur le sol derrière Genji.

Hanzo reconnut une nouvelle fois les techniques de son clan et enragea davantage. Il fonça sur Genji qui se prépara à le recevoir comme un taureau et avec un mouvement rapide comme le vent, il déséquilibra Hanzo et plaça sa lame sur sa gorge.

"Qu'est ce que tu attends, tue moi !

-Je ne tuerais pas Hanzo. Ni ici, ni lorsque nous nous verrons demain."

Des pétales de cerisiers emportés par le vent passèrent sur le balcon à côté des deux frères. Genji abaissa sa lame et Hanzo roula au sol pour se repositionner. Puis avec un cri de rage, il prit une nouvelle flèche et les tatouages présents sur ces bras commencèrent à se mouvoir et à prendre une forme de dragon bleu sinueux. Le dragon vint s'enrouler autour de la flèche et Hanzo la tira en direction de Genji qui revit alors la flèche qui l'avait envoyée au cœur du volcan. Cette fois, il ne se laisserait pas faire. Il dégaina sa plus grande lame, celle qui se trouvait accroché à son dos et avec un cri, invoqua l'énergie qui se trouvait depuis toujours au plus profond de son âme, ce dragon vert que Hanzo avait aperçu sur le toit de King's Row et sur lequel il n'avait pu se résoudre à tirer parce qu'il avait perçu en lui un sentiment familier. Ce dragon vert, c'était l'âme même de Genji, tout comme le dragon bleu était celle de Hanzo. Genji dirigea son épée vers la flèche qui lui arrivait dessus, et confronta le dragon de Hanzo qui tout à coup se dédoubla pour amplifier sa puissance. Mais Genji parvint à lier son propre dragon à ceux de Hanzo, et avec un geste lent, il les accompagna autour de lui et les redirigea vers leur maître qui subit leur déflagration de plein fouet. Néanmoins il ne sentit aucune douleur, Genji s'en était assuré, il avait fait en sorte que son âme soit en paix avec les dragons de Hanzo. Ce dernier tomba au sol, complètement déboussolé et lâcha son arc. Il avait une nouvelle fois vu ce dragon vert qui lui semblait tant familier, il lui rappelait son défunt frère.

Mais c'est impossible...

Genji passa à côté de lui.

"Qui es tu ? demanda désespérément Hanzo."

En réalité, il le savait déjà, et s'en doutait depuis longtemps.

Genji ne vit plus aucun inconvénient à le lui révéler. Il était temps.

Alors il plaça ses mains sur le dessus de son casque tandis que Hanzo se tournait vers lui. Le petit compartiment détachable de son casque commença à se rétracter vers l'avant, Genji le prit d'un main et le retira. Hanzo contempla alors un tiers de visage enfermé sous deux couches de titane. Il y vit des yeux, sous des paupières mutilées et entourés de peau carbonisée, mais deux yeux, verts, ceux de son frère.

"Genji... murmura Hanzo."

Et il prit conscience de tout, il avait bel et bien jeté son frère dans la lave mais par un moyen inconnu, il avait survécu. Des larmes coulèrent sur son visage, des larmes de joie, de soulagement. Son frère était en vie.

Genji replaça sa visière sur ses yeux et s'approcha de Hanzo.

"Tu dois arrêter cette croisade, mon frère, dit Genji. Te mêler à ces criminels est insensé."

Hanzo releva la tête.

"Je dois venger notre famille.

-Dans quel but ? Vous n'étiez que des assassins, tu crois que vous pourrez reprendre vos activités après que Doomfist et Ramattra auront réduits la planète en cendre.

-Ils les ont tués, je dois les venger. Je dois détruire Overwatch..."

Genji recula d'étonnement.

"Qu'est ce que tu racontes Hanzo, personne n'est mort tu...

-Ils sont entrés ici, lâchement ! Le soir où je... où je t'ai... Je n'étais pas là et ils en ont profité pour attaquer le temple et tuer le clan.

-Notre famille est vivante Hanzo ! Personne n'est mort ce soir-là."

Hanzo ouvrit grand les yeux, la Veuve lui avait pourtant dit qu' Overwatch avait lâchement décimé sa famille. Qui devait-il croire ? Son frère ? Un membre d'Overwatch ?

"Comment pourrais-je te croire... dit Hanzo, tu es avec eux.

-Je les ai vus. Ils sont détenus. J'ai vu Yume, Hanzo. Ils sont en vie."

Hanzo considéra les paroles de Genji un instant, pourquoi ne le croirait-il pas ? Après tout ce qui venait de se passer, pourquoi son frère lui mentirait-il ?

"Pourquoi la Griffe me mentirait ? demanda Hanzo.

-Pour te manipuler Hanzo, ils ont besoin de bras. Et tu est parfait pour ça, réfléchit. Tu venais de perdre tout ce que tu avais, il te fallait absolument un coupable. La Griffe est venu t'en donner un parce que ça les arrange bien, Overwatch est leur ennemi. Tu penses vraiment pouvoir faire confiance à une terroriste comme la Veuve ? Elle a tué son propre mari !

-Je... balbutia Hanzo.

-Le temps presse, mon frère. Une guerre approche, il est temps de choisir ton camp. J'ai choisi le mien."

Hanzo, plus perdu que jamais, regarda son frère en armure disparaître, emporté par le vent en même temps que des pétales de cerisiers roses.