(le chapitre commence par un petit bonus mais je fais ma grande annonce à la fin)

CLÉO

05:09

TROIS ANS PLUS TARD

Cher Journal,

Je ne sais même pas par où commencer.

Cela fait, quoi, dix ans que je ne t'ai pas mis à jour ? Peut-être plus ? Je n'ai pas l'énergie de compter. Dans tous les cas, j'ai toujours été plus littéraire que scientifique. J'imagine que mon métier en atteste.

Mais attends, est-ce que je t'ai déjà parlé de mon métier ?

Je suis écrivain. Je sais, c'est fou ; le mini Cléo qui passait des heures à flâner dans les rayons de la bibliothèque municipale d'Hossegor et qui lisait en cachette la nuit sous sa couette n'y aurait jamais cru... Et pourtant.

J'ai d'abord commencé ma carrière en tant que prête-plume. En d'autres mots, j'écrivais des romans et vivais dans l'ombre d'un supposé auteur célèbre, Tony Mirales. Mais il y a trois ans, j'ai réalisé que j'en avais marre qu'on lui impute mon travail, marre de me cacher, marre de ne pas assumer. Le type de dix-huit ans qui avait vendu son cœur, son âme et ses mots à sa maison d'édition était prêt à tout pour qu'on le lise mais au fil du temps, ma vision a évolué. Grâce au statut assez flou du métier que j'exerçais, j'ai pu récupérer les droits de mes romans et les republier sous mon nom. Et depuis, c'est un carton.

La première fois qu'on m'a reconnu, c'était au Starbucks. J'ai dit mon nom, comme tout le monde, et la serveuse a tiqué. Ses yeux sont passés de mon visage à mon café un nombre incalculable de fois avant qu'elle ne dise : « Eh mais attendez, vous êtes ce type, là, celui qui écrit des livres ? ».

Quand j'ai dit oui, elle a ouvert grand les yeux et m'a offert mon latte. J'ai souri toute la soirée comme un idiot.

Pourtant, avant même que mon nom se diffuse et commence à être connu du grand public, je m'étais habitué à ce qu'on me reconnaisse dans la rue à cause d'Esther.

Ah, mais comment te décrire Esther ?

Esther, c'est ma copine depuis près de trois ans et demi maintenant. On s'est retrouvés dans un traquenard assez bizarre qui nous a menés à être colocs – c'est une longue histoire – et si nous nous détestions au début, nous avons finalement appris à nous aimer avec le temps. Ça n'a pas été facile et pourtant, avec le recul, je réalise que tout était évident entre nous depuis le premier jour.

Je me rappellerai toujours la première fois que je l'ai vue. Elle sortait de l'ascenseur tandis que j'en sortais et nous avons à peine échangé un regard, mais je l'ai vue. En même temps, on ne peut pas la louper – à moins d'être aveugle. Ou de ne pas avoir de goût. Ou d'être tout simplement profondément idiot.

C'est la plus belle fille que j'ai vu de ma vie. Au réveil, maquillée, apprêtée, après le sport, quand elle cuisine, quand elle me raconte sa journée, quand elle boude, peu importe : ça reste la plus jolie fille que j'ai jamais rencontrée.

Mais c'est loin d'être le plus important parce que depuis que nous sommes ensemble, je n'ai jamais été aussi heureux.

Je ne saurais même pas expliquer à quel point je suis reconnaissant d'être tombé sur elle. Elle est drôle, douce, à la fois forte et fragile, courageuse, intelligente, pétillante, débordante d'énergie. Elle m'a fait découvrir tellement de choses sur la vie, sur l'amour et même sur moi. Quand j'y pense, je me dis que j'ai eu une chance inouïe de tomber sur elle.

Pourtant, tu m'aurais dit ça il y a trois ans, je n'y aurais jamais cru.

Au-delà des circonstances originales dans lesquelles nous nous sommes rencontrés, je pensais que nos personnalités ne matcheraient jamais. De part son métier – créatrice de contenus sur les réseaux sociaux –, je l'ai tout de suite jugée creuse, inintéressante, superficielle et matérialiste.

Alors qu'en réalité, c'est tout le contraire.

Esther est sincèrement passionnée par son métier. Elle adore toujours autant filmer, monter, réfléchir à du contenu et gérer son image de marques. Elle choisit avec un soin absolument fou les partenaires avec lesquels elle collabore et elle est méticuleuse et professionnelle dans chacune des tâches qu'elle fait. Avec son agente Léa, elle gèrent à deux toute sa carrière, de la comptabilité à la réponse aux commentaires de ses abonnés.

Nous avons discuté longtemps de la question de mon exposition mais après réflexion, nous avons décidé de garder notre couple pour nous. « Je n'ai pas envie de te partager », a-t-elle simplement dit avant de m'embrasser dans le cou. Je sais qu'en réalité, elle a simplement trop peur. Peur qu'on me critique, peur qu'on me casse, peur que les haters se mettent à me harceler, à me suivre ou à faire de ma vie un enfer.

C'est l'une des choses que j'ai oublié de préciser à propos d'Esther : elle pense toujours aux autres avant elle. Toujours.

Sinon, nous avons déménagé il y a environ un an. Depuis que Louis a grandi, c'était devenu compliqué de gérer un enfant de quasiment cinq ans dans un appartement qui n'était pas du tout conçu pour.

Ah oui, c'est vrai que cela fait dix ans que je ne t'ai pas updaté...

Adèle a eu un bébé au lycée et voilà, il a quasi cinq ans. Dit comme ça, ça paraît complètement dingue.

Ma petite sœur a eu son bac avec brio – une mention très bien dont elle n'arrête pas de se vanter à absolument toutes les sauces, c'est très agaçant – et a commencé il y a un peu plus d'un an une fac de psychologie. Non seulement elle s'en sort très bien mais en plus, elle y a rencontré un gentil garçon du nom de Noah avec qui elle forme un couple dégoulinant d'amour – et qui me met hors de moi.

Je sais, je suis dur... Mais on parle de ma sœur, là. Elle est trop bien pour tous les hommes de la Terre.

Pour autant, j'avoue qu'elle aurait pu tomber sur bien pire que Noah. Il est gentil et très serviable et surtout, il s'occupe extrêmement bien de Louis.

Ce n'est pourtant pas une mince affaire : depuis qu'il a découvert qu'il pouvait courir, il est intenable. Il change de passion tous les mois : en novembre c'était Pat Patrouille, en décembre les voitures et ce mois-ci les licornes. Et au vu du caprice qu'il m'a fait hier pour que je lui achète une gomme verte en forme de diplodocus, je crois que le mois prochain on aura le droit aux dinosaures.

Il est tellement grand. Quand je lui lis une histoire avant de dormir et qu'il se serre contre moi en m'écoutant, j'ai parfois des flash-backs de lui, tout bébé, qui attrapait mon doigt dans sa toute petite main. Même si j'ai parfois souffert de devoir tout gérer à la fois, je réalise avec le recul que j'ai eu une chance inestimable de le voir grandir. J'espère qu'on gardera ce lien spécial en grandissant.

Avec mes parents, ça se passe bien aussi. Maman est heureuse, amoureuse... et mariée. Je sais, c'est dingue. C'est une longue histoire mais pour faire court, elle est tombée folle amoureuse de son nouveau voisin médecin il y a quelques années et le temps a fait son œuvre. J'ai deux demi-sœurs – Esther me force à m'entraîner à dire ce mot même si je le déteste – quasiment du même âge que moi, elles sont assez sympa. Adèle et Esther les adorent depuis qu'elles ont parlé ensemble de leur amour commun pour Henry Cavill.

Papa a été placé dans une clinique spécialisée. J'aurais cru que le faire changer d'environnement après avoir vécu tout ce temps avec ma mère dans la maison de mon enfance dans le Pays-Basque l'aurait complètement perdu, mais non. Il s'est habitué à la clinique en seulement quelques jours, pleurnichant auprès de ma mère quand elle vient le chercher le vendredi soir pour passer le week-end avec elle.

Je ne vais pas souvent le voir. J'ai honte, mais ça me fait toujours trop mal de le voir dans cet état.

Peut-être qu'un jour ça ira mieux. Peut-être pas. J'en sais rien.

Enfin, voilà pour les nouvelles. Cette mise à jour journalistique était décidément nécessaire, vu tout ce que tu as loupé.

Oh, mais au fait ! J'oublie l'essentiel !

Si j'ai décidé de t'écrire, c'est parce que j'ai appris une merveilleuse nouvelle il y a environ dix minutes. Je faisais une insomnie, sûrement causée par le stress de ma séance de dédicace de demain, quand j'ai décidé de regarder mes mails pour faire passer le temps. Et devine quoi ?

OVEREXPOSED est présélectionné aux Wattys 2023.

C'est fou, non ? Mon histoire, celle d'Esther, d'Adèle, de Louis et de tous les autres protagonistes de notre vie a été présélectionnée. Je n'en reviens toujours pas.

Je meurs d'envie de réveiller Esther pour le lui dire, mais elle dort paisiblement à ma droite. Elle a la joue écrasée contre son oreiller, les lèvres entrouvertes, et sa main repose contre ma cuisse. Elle me touche toujours légèrement quand on dort, presque comme si elle voulait s'assurer que j'étais toujours là.

Ce qu'elle n'a toujours pas saisi, c'est que je n'ai l'intention d'aller nulle part.

À vie.

Voilà d'où m'est venu l'envie de t'écrire, mon cher journal. J'avais besoin de partager cette grande nouvelle avec quelqu'un. Dès qu'Esther ouvrira les yeux, je le lui dirais. Quant à Adèle et Louis, je leur annoncerai au petit-déjeuner ; je vais passer aller acheter des croissants quand la boulangerie en contrebas aura ouvert dans deux bonnes heures.

C'est notre tradition du dimanche matin : je nous prépare un petit-dej' sympa, que ce soit salé, sucré, fait-maison ou acheté quelque part. Impossible de m'y soustraire : la semaine dernière j'ai dormi un peu plus longtemps que d'habitude et je n'ai rien eu le temps de préparer et Louis a boudé toute la matinée. Son sourire est trop précieux pour que je ne lutte pas contre ma flemme et brave la grisaille parisienne pour aller nous chercher un petit quelque chose.

Cher journal, ma conclusion est simple: je suis comblé.

Je suis tellement heureux que ça me paraît irréel. Je suis fou amoureux d'une femme extraordinaire bosseuse, drôle, intelligente et à qui tout réussit, mes parents se portent bien, ma petite sœur grandit de jour en jour et devient tout ce qu'elle a toujours voulu être – y compris une maman formidable et accomplie.

Je crois que même si je pouvais, je ne changerais rien à ma vie.

Je crois que c'est ça, le bonheur.

∞

Vous l'aurez compris...

OVEREXPOSED est présélectionnée aux Wattys 2023!!!!!!!

si vous saviez comme je suis heureuse. j'ai déjà été préselectionnée deux fois à ce concours, en 2021 et 2022, avec un autre de mes romans intitulé Forelsket. Sans trop m'en rendre compte, je me suis persuadée que j'avais finalement fait un bon roman et que voilà, ça resterait un super accomplissement mais que je ne l'égalerait sûrement plus jamais avec de de nouveaux écrits.

c'est pour cela que cette nouvelle présélection, c'est une petite voix qui me souffle que j'ai réussi. j'ai réussi à écrire un autre bon roman qui mérite d'être lu, ce qui me touche beaucoup plus que je n'aurais jamais pu le croire.

des fois, je me revois taper mes premières nouvelles sur le gros ordinateur fixe sur le bureau chez mes parents et je me dis que ça aussi, c'est une très belle histoire. j'aime écrire, du plus profond de mon coeur, c'est ma passion, et j'adore encore plus partager tout ça avec vous. alors, pour toutes ces années et tous mes romans que vous avez pu lire (j'espère que vous avez au moins lu celui-ci lol), un grand merci.

merci de continuer à faire vivre Cléo, Esther et les autres même si l'histoire est terminée depuis maintenant quelques temps déjà. merci de continuer à commenter, à m'envoyer des messages, à me partager vos avis et à m'envoyer plein d'amour à travers ce roman. j'en suis infiniment reconnaissante.

en tout cas, j'espère que cette année est enfin la bonne et que je vais le gagner, ce foutu wattys!!!!

mais si ce n'est pas le cas, je crois que je ne serais même pas déçue (bon, ok, peut-être un tout petit peu lol, rageuse vie). la préselection, c'est déjà hyper touchant. je suis fière de moi, fière de nous, fière de mes personnages et dans le fond, c'est ce qui compte le plus.

encore merci pour tout. si ça vous tente, j'écris en ce moment un nouveau roman intitulé (Not) Meant to be - je poste un chapitre (voire deux quand jsuis deter lol) tous les jeudis donc si vous vous voulez éclairer un peu votre semaine, foncez !!!!!

avec tout tout tout tout mon amour,

-mae.