31 | overattentive

CLÉO

18:32

Esther a dormi toute la journée.

Je m'en veux terriblement pour notre dispute, et ce sentiment n'a clairement pas disparu quand j'ai écouté au réveil le message qu'elle m'avait laissé hier soir. Trop énervé pour lui parler, j'avais complètement éteint mon téléphone en voyant qu'elle m'avait appelé – plus par ego que pour autre chose. Mais quand j'ai écouté le message qu'elle m'avait laissé sur ma boîte vocale, j'ai eu l'impression d'avoir complètement raté quelque chose.

J'aurais voulu qu'elle me dise tout ça de vive voix. L'entendre me dire qu'elle se sent bien avec moi et qu'elle se sent à la maison, ça m'a retourné le cœur. J'ai pensé à ça toute la journée, signant des exemplaires du Complexe de l'obscurité 2 d'un air absent à la maison d'édition en prévoyance des prochains envois.

Soudain, la porte d'entrée s'ouvre enfin. Comme prévu, Esther est seule.

— Salut, lâché-je en la voyant.

La blonde se tourne machinalement vers moi en retirant ses Converse. Mon cœur loupe un battement quand je remarque qu'elle a les yeux gonflés, comme si elle avait beaucoup pleuré.

Bon sang ce que je m'en veux...

— Salut.

Sa voix est neutre, sans émotion. Je me demande si elle ne ressent rien ou si elle préfère enterrer ses sentiments au fond d'elle parce que c'est plus facile à gérer.

— Miranda est rentrée dans les Vosges, alors ? demandai-je maladroitement.

Esther hoche la tête pour toute réponse. Ensuite, silence.

Nous nous retrouvons dans la même pièce mais aucun de nous ne parle, se contentant de faire comme si de rien était alors qu'il y a clairement un problème. Au bout d'un moment, je prends les devants et rejoins Esther près du canapé en lui tendant un Tupperware.

— Tiens, il reste encore des cookies de l'autre jour, dis-je doucement.

La blonde ne les regarde même pas.

— Non merci.

J'ai envie d'insister mais je n'ose pas. Le sujet de la nourriture est déjà assez problématique entre nous – surtout pour elle – depuis le début alors je ne pense pas que ce soit malin d'enfoncer le clou alors que la situation est déjà extrêmement tendue.

— Bon, alors, euh... commencé-je en déposant la boîte sur la table basse. J'ai écouté ton message hier soir.

Instinctivement, Esther rétorque :

— Quel message ?

Je fronce les sourcils, la bouche entrouverte.

Elle se fiche de moi ou quoi ?

— Oh, oui, le message, dit-elle ensuite en baissant les yeux. Désolée, c'est juste... C'était une soirée mouvementée.

Je ne sais pas trop ce qu'elle sous-entend par là, mais j'imagine qu'elle parle du fait que c'était une soirée assez arrosée. Adèle n'a que dix-sept ans mais je la soupçonne d'avoir un peu abusé de l'alcool au vu de la tête qu'elle avait en se réveillant ce matin avant de partir dans Paris avec Louis pour la journée.

— J'ai voulu venir dans ta chambre en parler mais tu étais avec Miranda, m'excusai-je alors.

Esther secoue la tête.

— Tu as bien fait. On a dormi toutes les deux toute la journée. On... J'en avais besoin.

Mon cœur accélère sous mon pull. J'ai l'impression de l'avoir encore plus blessée que ce que j'imaginais et clairement, ça me tue.

— J'ai bien entendu tout ce que tu m'as dit, dis-je alors. Et j'ai surtout entendu... la fin. C'était vraiment gentil.

Esther détourne le regard sur la fenêtre. Ses joues ne rougissent pas, ce qui me surprend vu que ça arrive toujours d'habitude. Bêtement, je me demande si je lui fais toujours de l'effet.

— Je... Moi aussi, je suis bien avec toi. Et, euh... Je me sens un peu plus qu'à la maison.

Je marque une petite pause, puis dis doucement :

— Tu es ma maison.

Cette fois, Esther pose son regard océan sur moi. J'ai l'impression que mon cœur va s'arrêter de battre quand je m'approche légèrement d'elle, ne la quittant pas des yeux. Sa bouche m'appelle mais je résiste, voulant d'abord vider entièrement mon sac avant de céder à mes envies.

— Je ne sais pas comment c'est arrivé, poursuis-je. Tout ce que je sais c'est que quand tu m'as laissé hier soir, j'ai eu l'impression de perdre quelque chose de très important.

Je prends une grande inspiration. Je suis au bord du malaise et j'ai envie de me taire plus que tout au monde mais je sais que je dois terminer ce que j'ai à lui dire. Si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferais sûrement jamais.

— Je sais que tu trouves ça long mais moi j'ai envie de faire la liste de tout ce que j'aime chez-toi parce que bordel, j'aime beaucoup trop de choses et j'ai envie que tu le saches, dis-je alors en la regardant droit dans les yeux. J'aime que tu sois douce, toujours gentille avec tout le monde – trop gentille même. J'aime que tu remplisses ton frigo presque exclusivement de limonade, que tu fasses mine que ça t'énerve quand je te rejoins dans ton lit le soir et que tu caches tes sourires, et j'aime aussi quand je te trouve en train de lire avec Louis endormi sur ta poitrine. J'aime que tu traites ma sœur comme si elle était de ta famille et j'aime que tu me fasses sentir important. J'aime quand tu m'écoutes parler de mes livres, que tu me pousses à faire ce qui est le mieux pour moi et que tu me soutiennes toujours, quoi que je fasse. J'aime que tu fasses des vœux aux heures miroir, que tu passes du temps à te maquiller comme si tu faisais de l'art plastique sur ton visage et que tu prennes un temps infini à répondre à tous les messages que tu reçois sur les réseaux parce que tu ne veux décevoir personne. J'aime tout ça et bien plus encore et voilà, je sais que c'est déjà très long mais...

— Chut, murmure alors Esther.

Je m'interromps, surpris, mais le temps que je comprenne ce qu'il se passe la blonde a déjà pris mes lèvres en otage.

Alors, j'ai enfin l'impression de revivre et enroule mes bras autour d'elle, qui a l'air toute petite dans mes bras malgré son grand mètre soixante-seize. Elle sent son éternel mélange d'amande, de pomme et de vanille et plus ses lèvres se pressent sur les miennes, plus j'ai l'impression d'à la fois mourir et vivre plus intensément que jamais.

Au bout d'un moment, je sens la chaleur monter entre nous et ses doigts froids se frayent un chemin dans mon dos, sous mon pull, pour glisser jusqu'à mes omoplates. Quand je reprends ma respiration, je croise son regard. Dans ses yeux, j'aperçois ce que j'imagine parfaitement être dans les miens.

Du désir.

Alors, doucement, j'attrape le bas de son sweat et l'aide à le faire passer par-dessus sa tête. Son t-shirt rejoint peu à peu le même chemin et j'embrasse sa mâchoire, son cou, ses seins. Au moment où je m'apprête à dégrafer son soutien-gorge, Esther murmure contre ma bouche :

— Mon lit.

Sans attendre, je la prends dans mes bras et ne romps pas le baiser tout en allant jusqu'à sa chambre. Quand elle tombe plat dos sur le lit, elle retire d'elle-même son jean et m'aide à enlever mon pull, mon t-shirt ainsi que mon propre pantalon. Alors, nous sommes tous les deux en sous-vêtements l'un contre l'autre, sa peau brûlante contre la mienne.

Je ne l'aurais pas cru si entreprenante, mais le fait est qu'Esther prend les choses en main. Tout en m'embrassant, ses doigts frôlent le renflement de mon boxer et je pousse un gémissement contre sa bouche, la faisant sourire au passage.

Ensuite, elle caresse doucement mes cuisses et joue plusieurs secondes avec l'élastique de mon boxer. C'est de la pure torture et lorsqu'elle le baisse enfin sur mes chevilles pour attraper mon sexe, j'ai l'impression que je vais mourir.

— Tu n'es pas obligée de faire ça si tu n'en as pas envie, murmuré-je tout de même par acquis de conscience.

Esther secoue la tête en s'agenouillant à mes pieds. Ses yeux sont plantés dans les miens quand elle répond avec assurance :

— J'en ai envie.

Alors, elle me prend enfin dans sa bouche et j'ai littéralement l'impression de faire une crise cardiaque sur place. Elle alterne entre rythme lent et rapide, me faisant gémir plusieurs fois dans mon poing pour étouffer le bruit. Plus les secondes passent, plus il m'est difficile de ne pas me laisser aller.

— Stop, dis-je au bout d'un moment juste avant de relâcher la pression. À mon tour.

Esther se relève et je la pousse doucement par les épaules pour la rallonger sur le dos. J'embrasse chaque centimètre carré de son visage, de son front à son menton en passant par ses joues et sa bouche. Elle se laisse faire, tremblant légèrement sous mon contact.

Ensuite, je dégrafe enfin son soutien-gorge après y avoir pensé de longues minutes. Lorsque ma bouche se pose enfin sur ses seins, un soupir de plaisir s'échappe de ses lèvres et je manque de finir ici et maintenant sans même qu'elle ne me touche.

— Je vais pouvoir ajouter des choses à la liste de ce que j'aime chez-toi, murmuré-je en baissant sa culotte.

— Tais-toi, rétorque-t-elle en baissant ma tête, les joues rouges.

J'étouffe un rire avant de me reconcentrer, me perdant enfin entre ses jambes. À l'instant où ma langue la touche, Esther se cambre et resserre ses cuisses autour de moi, ses doigts emmêlés dans mes cheveux.

— Oh mon dieu... dit-elle entre ses dents tandis que je joue avec elle en ralentissant le rythme de ma langue de temps à autre.

J'essaie de graver chaque seconde de ce moment dans ma tête. Je veux enfermer ce souvenir dans une petite boîte pour pouvoir la rouvrir un jour et repenser à quel point tout était absolument parfait.

— On va plus loin ? demandai-je en remontant jusqu'à sa bouche.

Esther acquiesce, murmurant tout près de mon visage :

— Pitié, oui.

Un sourire insolemment heureux étire alors mes lèvres et je me lève pour aller chercher un préservatif dans ma chambre. Quand je reviens, la blonde s'est glissée sous la couette et a à moitié fermé son volet, laissant sa chambre dans une sorte de pénombre.

— J'ai rarement eu autant envie de quelqu'un, lui glissé-je tandis que j'enfile le préservatif.

Je marque une pause, me plaçant au-dessus d'elle, la couette par-dessus nous deux. Elle n'est plus vraiment couverte mais semble s'en contenter, enfonçant ses doigts dans mes épaules et balayant les cheveux sur mon front de sa main libre.

— Jamais, en fait, rectifié-je.

Esther sourit légèrement.

— Moi non plus.

À cet instant je ne sais pas si c'est vrai, mais la vérité c'est que ça m'importe peu. Tout ce que je sais, c'est que j'ai Esther Langlois juste sous moi et que c'est la plus belle chose que j'ai jamais vue.

— Promis, je ferais aussi une vraie liste de ce que j'aime chez-t... Waouh, lâche la blonde en me sentant entrer en elle.

J'embrasse son front et m'arrête de bouger une seconde, essayant de trouver une position confortable pour nous deux.

— Ça va comme ça ? murmuré-je.

— Oui. Oui, c'est parfait.

Alors, doucement, je me mets enfin à bouger. Petit à petit, j'accélère le rythme et me concentre sur sa respiration, qui résonne à mes oreilles comme la plus jolie des musiques.

Au bout de quelques instants seulement, je sens que je vais bientôt atteindre la délivrance. Esther me fait signe de poursuivre et je termine en elle avant de me laisser aller sur sa poitrine, transpirant.

— Eh ben, dit-elle doucement.

Je reprends mon souffle une seconde avant de me rasseoir, retirant le préservatif usagé.

— Attends, on n'a pas fini.

— Quoi ? lâcha-t-elle, surprise.

Tu n'as pas fini.

Je laisse glisser mes doigts le long de la jambe d'Esther, sous son regard médusé. On dirait que c'est la première fois que quelqu'un pense à son plaisir et visiblement, elle a l'air de ne pas en croire ses yeux.

Mes doigts trouvent rapidement son intimité et assez vite, elle se met à soupirer contre mon nez. Tandis que le plaisir monte en elle, elle ferme les yeux... mais pas moi.

Je sais, ça fait psychopathe, mais je la regarde. À cet instant, je mémorise le bruit doux qu'elle fait, l'odeur de ses draps autour de nous, ses lèvres entrouvertes et ses longs cils qui chatouillent ses pommettes.

Avec le recul, je crois que dire que je suis amoureux d'elle était un peu sous-évalué. En fait, j'aime carrément Esther.

Redire tout ce que j'aime chez-elle ne servirait à rien, je pense que tout le monde a bien saisi l'idée. En revanche, je ne pense pas avoir assez parlé de la façon dont elle me fait sentir.

Quand Esther me regarde, j'ai l'impression d'être aimé et de valoir enfin quelque chose. Elle me comprend, elle m'épaule, elle me fait rire. Elle est toujours présente, toujours là pour moi. Et son sourire, putain son sourire... Quand elle sourit et que je sais que c'est juste pour moi, j'ai l'impression que plus rien d'autre n'existe au monde.

Maintenant, il ne reste plus qu'à savoir si c'est réciproque.

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