29 | overtenacious

CLÉO

19:30

— Oui. ... Oui, oui, je sais, mais j'ai déjà un truc de prévu lundi. ... Oui, c'est une séance de dédicaces.

Dans le combiné, Sylvie commence à déblatérer à propos de mon planning. Je ne l'écoute que d'une oreille, distrait par la musique que j'entends dans la salle de bains. C'est de la soul, ce qui ne peut signifier qu'une chose : c'est Esther qui l'occupe.

— Euh, dis, coupé-je Sylvie dans le combiné. Tu peux m'envoyer un récap' de ce que tu viens de me dire par e-mail ? Ce sera plus simple pour tout retenir.

— Bon, très bien, cède-t-elle. On se voit lundi alors.

— Yes. À lundi !

Sur ce, je raccroche et glisse mon téléphone dans ma poche avant de traverser le couloir. Je toque à la porte de la salle de bains et attends d'entendre le fameux « entrez ! » avant de pénétrer à l'intérieur.

— Waouh, grosse préparation, commenté-je en voyant qu'Esther a étalé je-ne-sais-combien de trousses de maquillage autour du lavabo.

Celle-ci rougit légèrement et répond sans me regarder, concentrée sur l'anti-cernes qu'elle est en train d'appliquer :

— Pff, n'importe quoi.

Je m'apprête à rétorquer quand Adèle passe une tête derrière la porte en s'exclamant :

— Esther, je peux te piquer du maquillage ?

— Oui ! Je t'ai déjà dit que tu peux te servir. Le troisième tiroir de ma commode est rempli de trucs que je n'ai jamais ouverts, tu prends ce que tu veux.

Un immense sourire éclaire le visage de ma sœur qui s'exclame joyeusement avant de disparaître :

— Waouh, merci !

Je ne peux m'empêcher de sourire en la voyant aussi joyeuse. J'oublie parfois que ce n'est qu'une fille de seize ans et que lui filer du maquillage gratuit, c'est comme m'emmener à la bibliothèque. En d'autres mots : c'est le paradis.

— Dis donc, c'est gentil de la laisser se servir, commenté-je.

Tout en poursuivant son maquillage, Esther hausse une épaule avant de me répondre :

— C'est normal. À quoi ça sert d'être aussi gâtée si je ne peux pas en faire profiter ceux que j'aime ?

Je ne réponds rien, un sourire bête aux lèvres. Ce n'est pas la première fois qu'Esther me dit qu'elle aime Adèle et Louis mais chaque fois, ça ne manque jamais de me toucher. Parfois, quand je repense à quel point elle était dégoûtée d'apprendre que nous allions être ses colocataires, un rire incontrôlable me prend. C'est drôle, la vie.

— Et donc, tu l'emmènes quelque part ? demandé-je, curieux.

Je me doute un peu de la réponse étant donné qu'Esther porte une robe à sequins argentés et qu'elle ne s'habille pas si chic tous les jours, bien qu'elle soit toujours très bien apprêtée.

— Oui, à un évènement, répond-t-elle toujours sans me regarder. Miranda arrive par le train dans une demi-heure, elle nous rejoindra là-bas.

J'acquiesce.

— Waouh, sympa.

— Oui, c'est cool.

Après ça, nous ne disons plus rien pendant quelques instants. Seule sa musique douce et l'odeur de son parfum flotte entre nous tandis que je la regarde se maquiller, assis sur le rebord de la baignoire. Elle utilise des tonnes de trucs dont je ne connais pas le nom et dont je ne vois même pas les effets, mais je dois dire que c'est assez hypnotisant de la voir aussi concentrée et sûre d'elle.

Lorsqu'elle a terminé, elle fixe son reflet d'un air satisfait et rebouche tous ses tubes avant de se tourner vers moi. Puis, elle sourit doucement et vient se mettre entre mes jambes, ses bras enroulés autour de mon cou.

— Adèle est juste à côté, dis-je doucement.

La blonde me sourit, son visage à la hauteur du mien.

— La porte est fermée, rétorque-t-elle.

Tandis que je lui rends son sourire, sa bouche se pose sur la mienne.

Embrasser Esther, c'est comme goûter un bout de soleil. Elle est toujours chaude contre mes lèvres, à la fois douce mais présente. Chaque fois que ça arrive, un truc trop bizarre se passe dans ma poitrine, comme si elle arrivait à illuminer quelque chose en moi. Je n'ai toujours pas réussi à trouver comment est-ce qu'elle fait ça mais tant qu'elle le fait, j'ai décidé que ça suffisait.

C'est comme la magie ; si on connaît le truc, c'est moins drôle.

— Allez, je vais mettre mes chaussures, dit-elle ensuite en se reculant.

Après ça, elle éteint son enceinte et termine sa préparation dans l'entrée. Pendant ce temps, je vais toquer à la porte d'Adèle pour lui dire qu'Esther est prête et rejoins l'entrée, où les deux filles se pressent.

— Louis a déjà eu à manger, me dit précipitamment Adèle tout en zippant l'une de ses bottes. Il avait mal aux dents donc il s'est endormi tôt ; donne-lui du Doliprane s'il se met à pleurer.

Je roule des yeux, tout sourire.

— Oui chef.

— S'il ne s'arrête pas de pleurer, mets-lui un petit morceau de piano, ça le détend. Et si il se met à c...

— Eh, oh, Adèle, la coupé-je doucement en la prenant par les épaules. Relaxe, OK ?

Ma sœur prend une grande inspiration en s'arrêtant de bouger un instant, les paupières closes. Puis, elle reprend d'une voix plus calme :

— Désolée, je suis un peu stressée... C'est la première fois que je vais à un évènement d'influenceurs, c'est un truc de fou pour moi.

Adossée au chambranle de la porte, Esther rétorque :

— Crois-moi, c'est surcoté. Je te préviens d'avance : tu vas trouver tes stars préférées imbues d'elles-mêmes, il y aura un alcoolisme mondain hyper banalisé et tout le monde va prendre des photos ou faire des vidéos toutes les deux secondes.

Adèle fait la moue un instant, puis se reprend joyeusement :

— Ouais, mais on pourra se faire customiser des baskets !

J'ouvre de grands yeux, surpris.

— Waouh, sympa, rétorqué-je. C'est la marque qui offre ça ?

Ma sœur hausse une épaule.

— Apparemment. Enfin, ce n'est pas sûr, mais c'est ce que Maël a dit à Esther.

Oh.

Cette phrase me heurte plus violemment qu'une gifle en pleine figure. Alors comme ça, ils se sont reparlés... Bien évidemment, je n'étais pas au courant. Esther s'est bien gardée de me le dire et visiblement, elle s'est aussi retenue de m'annoncer qu'il serait là ce soir.

— Ah oui ? Quand est-ce qu'il t'a dit ça ? dis-je, tendu, en feignant de m'en foutre.

Esther semble mal à l'aise, ce qui m'énerve encore plus. J'ai l'impression qu'on me fait une mauvaise blague et plus les secondes passent, plus la jalousie fait palpiter mes veines.

Je me sens déçu, trahi et vexé qu'elle ne m'ait pas fait assez confiance pour m'en parler. Pire : blessé que je ne compte pas assez pour elle pour qu'elle se dise que je méritais d'être mis au courant.

— Euh, cette semaine, répond-t-elle. Lundi, je crois.

Ah. Si je fais le calcul, ça fait donc six jours qu'elle le sait.

Et en six jours, elle n'a pas jugé bon une seule fois de m'en parler, pensé-je avec un goût amer sur la langue.

— Ah OK, rétorqué-je.

Esther n'ose pas croiser mon regard, ce qui me laisse penser qu'elle a compris que je suis énervé. Adèle, elle, semble ne rien remarquer et zippe sa deuxième botte en s'exclamant :

— Je trouve ça vraiment gentil qu'il t'ait proposé de venir à sa soirée même si vous n'êtes plus ensemble. Au moins, il est mature.

— « Sa soirée » ? répété-je en essayant de contrôler au maximum l'agressivité dans mon ton.

— Oui, c'est le lancement de sa paire de chaussures avec la marque, répond Adèle d'un ton léger en enfilant sa veste. Ça va lui faire vraiment plaisir que tu viennes ; ça montre que tu tiens encore assez à lui pour mettre le perso de côté et te concentrer sur le pro.

Oh bon sang, c'est de pire en pire.

Gênée, Esther ne sait plus quoi répondre et balbutie simplement :

— Euh... Ouais. Bon, hum, on y va ?

J'ai beau essayer de me contenir, je crois j'irradie tellement de colère que la pièce est en train de monter en température. Heureusement, Adèle semble ne se douter de rien et m'embrasse sur la joue avant de partir en premier dans le couloir, attendant Esther devant la porte.

Croiser le regard de la blonde me fait mal. Dans ce moment-là, j'aurais réellement voulu qu'Adèle sache ce qu'il y a entre Esther et moi – quoi que ce soit, d'ailleurs. Au moins, elle aurait pu me soutenir et comprendre pourquoi je suis blessé. Là, je dois faire comme si de rien était et ça me tue.

Je suis écrivain, pas acteur.

— Bonne soirée, rétorqué-je alors.

Malgré tous mes efforts, mon ton est froid comme de la glace. Esther n'est pas bête et le remarque tout de suite, affichant un sourire forcé qui ne trompe personne.

— Merci.

Tandis qu'elle sort à son tour et commence à marcher jusqu'à l'ascenseur avec Adèle, je ne peux m'empêcher de m'écrier dans leurs dos :

— Amusez-vous bien !

Et avant que l'une ou l'autre se retourne ou me réponde, je claque violemment la porte de l'appartement.

Je n'arrive pas à croire qu'Esther ait revu Maël, et encore moins qu'il l'ait invité à sa soirée. Ce type est un connard fini mais une chose est sûre, il est loin d'être bête ; on dirait qu'il sait exactement comment la manipuler.

Mais comment est-ce qu'Esther peut être aussi bête, au juste ? Comment est-ce qu'elle peut décemment accepter de lui parler, de le revoir et même de respirer le même air que lui après tout ce qu'il lui a fait ?

Même si nous en parlons très peu, elle m'a déjà rapporté plusieurs fois des propos plus que blessants et complètement irrespectueux que Maël avait eu à son propos. Plus j'en entendais plus j'enrageais alors Esther ne m'a mis au courant qu'à petite dose, mais tout de même. Ce mec a carrément dépassé les bornes avec elle – plus d'une fois d'ailleurs –, il l'a rabaissée, humiliée, injuriée et lui a brisé le cœur... mais non. Esther revient toujours vers lui.

Je suis fâché contre elle mais en vérité, je crois que c'est à moi que j'en veux le plus. Je suis complètement idiot d'avoir cru que je comptais pour elle et je m'en veux qu'elle compte autant pour moi. Si la situation avait été inversée, je lui aurais dit tout de suite que j'avais revu mon ex. Même si nous ne sommes pas en couple, nous nous embrassons tous les jours et partageons le même lit – en tout bien tout honneur pour l'instant, mais tout de même – depuis des semaines. Pour moi, ça voulait dire quelque chose.

Pour moi, ça voulait tout dire.

Furieux, je me laisse tomber sur le canapé et allume rageusement la Playstation avant de lancer un jeu de guerre. Je tire sur tout ce qui bouge sans réfléchir, ne pouvant pas me défaire de la vision d'Esther dans sa robe à sequins. Plus je l'imagine danser et s'amuser à cette fête sous les yeux de Maël, plus je me rends malade.

Finalement, vers vingt-et-une heures trente, je capitule et décide d'aller me coucher pour terminer cette journée au plus vite. Cela va sans dire que je me mets au lit dans ma chambre et non dans celle d'Esther. Je prie tous les dieux du ciel pour que je sois déjà en train de dormir lorsque les filles rentreront. Au moins, il y aura Miranda qui créera une diversion et cela retardera forcément ma discussion avec Esther.

Ça m'arrange. Je n'ai plus du tout envie de lui parler, là tout de suite.

J'ai fermé les yeux depuis à peine dix minutes quand j'entends soudain la clé tourner dans la serrure et la porte de l'entrée s'ouvrir. Tendu, je ferme les yeux et fait mine de dormir en espérant que ce n'est qu'Adèle qui rentre tôt – peut-être car elle ne se sentait pas à sa place ou qu'elle ne s'est entendue avec personne.

Ma théorie semble se confirmer quand j'entends la porte de ma chambre s'entrouvrir, puis...

— Cléo ? Tu dors ?

... Et merde.

Évidemment, c'est la voix d'Esther. Je fixe le mur sans rien dire, les doigts enfoncés dans la couette.

— Cléo ? répète Esther tout bas, encore dans l'entrée de la chambre.

Je ne réponds toujours pas, ne bougeant pas d'un cil. Sa voix m'énerve. Les craquements de ses talons sur le parquet m'énervent. La lumière qui se réfléchit sur le mur à cause de sa foutue robe m'énerve. Elle m'énerve.

— Et puis merde, finit-elle par murmurer.

Sur ce, j'entends la porte se refermer et pense avec soulagement qu'elle est partie quand soudain, je sens le matelas s'affaisser dans mon dos. Aussitôt, le parfum d'Esther emplit mes narines à plein nez et je la sens poser ses mains sur mes épaules. Je me retourne violemment, la faisant sursauter.

— Pardon, je ne voulais pas te réveiller, dit-elle tout bas malgré sa surprise.

— Je ne dormais pas.

Mon ton est cassant, assez pour qu'elle n'ose pas répondre pendant quelques secondes.

— Est-ce que ça va ? finit-elle par demander d'une petite voix.

— Non. Non, ça ne va pas. Sors de ma chambre, s'il te plaît.

Ma mère serait fière que je reste poli même dans les pires situations, pensé-je avec un goût amer.

— Non, rétorque-t-elle. D'abord, on discute.

Je pousse un soupir en me reculant, désirant mettre de la distance entre nous.

— Pas maintenant. Demain, si tu veux. Ou jamais, ça m'arrangerait.

Je sais, je suis puéril... Mais je suis trop blessé pour y penser pour l'instant. J'aurais sûrement honte bientôt mais là, je refuse de culpabiliser.

— Si, maintenant. Je suis rentrée exprès alors on va discuter, dit-elle d'un ton ferme.

— Non.

— Si ! insiste-t-elle. Sors de cette chambre avec moi ou je te jure que sinon je crie et je réveille Louis.

Outré, j'écarquille les yeux de surprise avant de pousser un soupir sonore et de quitter le lit d'un pas énervé. Je rejoins alors la cuisine et croise les bras sur mon torse tandis qu'elle me rejoint, les yeux plissés.

— Pourquoi est-ce que tu me parles comme ça ? demande-t-elle alors.

— Sérieusement ?! lâché-je. T'as même pas une petite idée ?

Esther me lance un regard noir qui me cloue sur place. Je crois que je ne l'ai jamais autant détestée qu'à cet instant.

— Désolée de ne pas t'avoir dit qu'on allait à la fête de Maël, rétorque-t-elle alors. C'est bon, t'es content ?

— Non ! Tu as eu des centaines d'occasion de me le dire cette semaine et ça me tue de me dire que tu n'en as saisi aucune !

Esther fronce les sourcils, ne répondant rien. Cela m'énerve encore plus et je ne peux pas m'empêcher d'ajouter :

— Et puis même, je savais que tu étais naïve mais je ne pensais pas que tu l'étais à ce point.

La blonde me coule un regard blessé. Sérieux, c'est le monde à l'envers.

— Je l'ai croisé à l'agence cette semaine et il m'a proposé de venir. On ne s'est pas fait de date, on ne s'est pas revus parce qu'on le voulait ou je-ne-sais quoi, rétorque-t-elle sèchement. Et même si c'était le cas, je ne te dois rien.

Aïe.

C'est vrai, mais ça fait mal quand même. J'ai été idiot de croire qu'on pourrait rester dans cet entre-deux de relation sans se brûler les ailes.

Sans que je me brûle les ailes, en réalité.

— Je sais, mais c'est une question de respect. Tu pouvais juste me dire que tu allais aller à sa soirée, je ne t'aurais rien dit mais ça m'aurait fait plaisir que tu m'en parles.

— Pourquoi ? T'es jaloux ?

Je fais volte-face dans sa direction, les sourcils froncés.

— Jaloux de ce tocard ? Jamais, rétorqué-je. En revanche, j'ai de la pitié pour toi.

Esther recule légèrement, affichant un air blessé. Je sais que je dépasse les bornes mais avant que je ne puisse m'excuser elle rétorque :

— Ah ouais, je te fais pitié ? Et pourquoi alors, dis-moi ?!

Je lui tourne le dos, marchant jusqu'à la fenêtre. J'ai trop mal au cœur pour la regarder dans les yeux alors je fixe les lumières parisiennes, les dents serrées.

— Ah, j'ai compris, rétorque-t-elle alors d'un ton calme qui me fait froid dans le dos. En fait, je t'ai touché dans ton petit ego de mâle à la con !

Je fixe le paysage, les bras croisés sur mon torse. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été aussi agacé.

— Tu ne comprends rien, rétorqué-je.

— Alors explique-moi, Cléo ! Explique-moi, merde !

À bout, je fais volte-face pour m'écrier un peu plus fort que je ne l'aurais voulu :

— Je suis pas ton putain de pansement, Esther ! Si t'as encore des sentiments pour Maël, remets-toi avec lui et arrête de me tourner autour ! Tu crois quoi, en fait ? Je ne suis pas un jouet, tu ne peux pas profiter de moi quand t'as du temps libre et retourner vers ton ex quand t'en as envie !

La blonde me fixe avec des yeux humides, déglutissant avec difficulté.

— C'est ce que tu penses ? Que je joue avec toi ?

— Oui, rétorqué-je en serrant les poings. Là, franchement, j'ai l'impression que tu te fous de ma gueule.

Sa voix est tremblante quand elle répond froidement :

— Ce n'est pas le cas.

Je détourne le regard, un rire jaune s'échappant de mes lèvres.

— Ouais, c'est ça.

Mon attitude semble énerver profondément Esther, qui se met à littéralement bouillonner de rage.

— J'ai été amoureuse de Maël, Cléo, est-ce que tu peux comprendre ça ?! s'exclame-t-elle alors. Les sentiments, ça ne part pas comme ça ! Même s'il m'a fait du mal, même s'il a dit des choses horribles, qu'il m'a humiliée, qu'il m'a foutu la honte et qu'il a tout brisé en moi, je ne peux pas arrêter d'avoir de l'affection pour lui en un claquement de doigts !

— Mais pourquoi ?! lâché-je, à bout. Pourquoi est-ce que tu continues d'avoir de l'affection pour lui malgré tout ?

Esther secoue la tête. Elle a l'air à la fois résignée et à la fois sur le point de pleurer.

— Ce que tu ne comprends pas c'est qu'on ne s'est pas séparés parce qu'on ne s'aimait plus ; on s'est séparés parce qu'on se faisait trop de mal. Et si t'es trop con ou arriéré et que tu n'arrives pas à concevoir ça, ce n'est pas mon problème.

Oh.

J'ai l'impression qu'elle vient de m'arracher le cœur de la poitrine. Je n'aurais jamais cru qu'en si peu de temps, Esther pourrait me faire si mal.

En fait, je n'aurais jamais cru qu'elle me ferait du mal tout court.

— C'est bien ce que je pensais, tu l'aimes toujours, rétorqué-je alors. Eh bah tu sais quoi : vas-y, retourne avec lui ! Mais quand il n'aura plus l'énergie de faire semblant que ce n'est plus un pervers narcissique et qu'il a soi-disant changé il ne faudra pas revenir pleurer dans mes bras, Esther. Moi, je ne serais plus là.

Esther se mord la lèvre, les yeux brillants.

— Je n'ai jamais dit que je voulais me remettre avec lui, au contraire, répond-t-elle sèchement.

J'hausse les épaules.

— Eh bah peut-être que tu devrais. Vous êtes aussi idiots et superficiels l'un que l'autre ; finalement, vous allez très bien ensemble.

Sur ce, je tourne les talons sans ajouter un mot de plus et retourne dans ma chambre. Je m'allonge et rabats la couette sur moi d'un geste rageur avant de fixer le mur en silence, les lèvres serrées par la colère. Puis, j'attends.

J'attends qu'Esther vienne dans la chambre et s'excuse, me dise qu'elle s'en veut, qu'elle ne voulait pas me faire de peine. C'est bête mais au fond, j'attends qu'elle me coure après.

Seulement, elle ne vient pas. En fait, au bout de plusieurs minutes, j'entends de nouveau ses talons cliqueter contre le parquet et quelques instants plus tard, la porte claque. Elle est partie.

Elle est partie et moi, je réalise seulement que je suis amoureux d'elle.

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