22 | overlively
ESTHER
00:09
— Salut.
Surpris, Cléo cligne plusieurs fois des yeux comme s'il voulait être sûr que je suis bien réelle.
— Oh, salut. Je pensais que tu dormirais quand je rentrerais.
Sa voix est teintée de fatigue. Je pourrais facilement imputer ça au long trajet qu'il vient de faire mais bizarrement, je sens que c'est plus profond que ça. Il a l'air sincèrement las, comme si c'était plus mental que physique.
— Non... J'ai voulu t'attendre.
Cléo arque un sourcil, esquissant un minuscule sourire moqueur.
— Dis donc, qu'est-ce que tu as mangé pour être si gentille ?
Je lui réponds d'un bref sourire, ne souhaitant pas épiloguer. La vérité, c'est que je n'ai rien avalé depuis ce matin en dehors de deux galettes de riz à midi. Mais je sais que cette réponse n'ira pas, alors je me tais.
Aussi, je me racle la gorge et finis par demander :
— Alors, comment va ton père ?
Je regarde Cléo retirer ses chaussures ainsi que sa veste, comme hypnotisée par chacun de ses mouvements.
— Ça va, il est sorti de l'hôpital cette après-midi, me répond-t-il se lavant rapidement les mains. Et Adèle ?
Je croise les bras sur ma poitrine, affichant une petite grimace qui fait sourire Cléo.
— Elle dort... enfin, j'espère. Sinon, peut-être qu'elle est en train de chercher sur YouTube comment se débarrasser d'un cadavre sans laisser de traces.
Cléo arque un sourcil, amusé.
— Elle est énervée contre moi ?
J'hausse les épaules.
— Un peu, ouais.
Je ne lui dis pas, mais c'est carrément un euphémisme. Quand j'ai dit à Adèle que son frère était parti en déplacement professionnel, non seulement elle ne m'a pas cru mais en plus elle m'a suppliée pour réussir à me soutirer des informations. Faible comme je suis, j'ai fini par craquer et lui avouer que leur père avait eu un petit problème et que Cléo était allé voir ce qu'il se passe.
— Je le déteste ! a-t-elle alors crié. Il n'a pas le droit de m'écarter comme ça, ce n'est pas parce que je suis la plus petite que je suis trop bête pour gérer les choses !
Je me suis sentie affreusement mal, alors j'ai essayé de lui expliquer qu'elle était surtout restée parce qu'il fallait quelqu'un pour s'occuper de Louis. Elle a eu l'air tellement énervée et blessée qu'elle ne m'a rien répondu et a passé le week-end à bouder, sortant une tête uniquement pour manger quelque chose ou emmener son fils au parc.
— Aïe, rétorque alors Cléo, me reconnectant à la réalité.
Nous échangeons un regard tandis qu'il s'approche de moi, me rejoignant près du mur sur lequel je suis accoudée. Il se plante face à moi puis plisse les yeux, me regardant de haut à cause de la demi-tête qu'il mesure de plus que moi.
— Et toi, ça va ? demande-t-il alors doucement.
Oh.
Sa question me touche. J'ai alors envie de lui dire que non, rien ne va. Que Maël m'a tellement harcelée d'appels que j'ai dû bloquer son numéro entre deux crises de larmes pour enfin pouvoir respirer. Que j'ai prétendu être malade sur mes réseaux sociaux et donc que j'ai menti aux gens pour qu'on me laisse tranquille. Que je m'en veux, j'en veux à Maël, que j'en veux à tout le monde en fait et surtout que je me déteste encore plus qu'avant.
Mais comme d'habitude, je n'ose pas. Aussi, je me contente d'un simple :
— Ça va.
Cléo ne me croit pas, c'est évident, mais il n'insiste pas. Je l'apprécie encore plus pour cela.
— Et toi ? questionné-je alors.
Il laisse reposer le côté de sa tête le long du mur, imitant ma position. Nous nous regardons droit dans les yeux tandis qu'il hausse une épaule.
— J'en sais trop rien... Mais je n'ai pas le choix, de toute façon. J'ai trop de trucs à gérer en ce moment, je peux pas m'écrouler.
— Techniquement, on est dimanche. Et le week-end, on a rien à gérer.
Ma réponse semble lui plaire et il acquiesce doucement, un petit sourire apparaissant sur ses lèvres fines.
— OK. Ça me va.
Je lui rends son sourire, puis me redresse et lui tape sur l'épaule en disant :
— Bon, t'as mangé ?
— Non ; le sandwich dégueulasse du train à dix euros, non merci.
— Je suis bien d'accord. Va prendre une douche, je te cuisine un truc.
Mon colocataire me lance un regard interrogateur.
— Sérieux ? demande-t-il comme s'il n'y croyait pas.
Je roule des yeux.
— Oui, sérieux. Allez, bouge de là !
À la fois surpris mais visiblement content, Cléo rit en disant « OK, OK, je m'en vais ! » et s'éloigne dans le couloir. Je suis en train de me rapprocher du frigo quand je l'entends s'exclamer d'une voix forte :
— Mais tu mangeras avec moi, je te préviens !
Mon cœur se réchauffe bêtement.
Je ne lui dirais jamais, mais je suis contente qu'il soit rentré.
∞
11:10
Bon, faisons le point sur ma vie :
– C'est fini avec mon copain que j'aimais de tout mon cœur,
– Il a complètement détruit ma confiance en moi et le peu d'estime que j'avais pour mon talent et mon contenu en général,
– Je n'ai rien posté sur YouTube depuis des semaines,
– Mon compte Instagram est quasiment à l'abandon,
– Mes colocataires se font la guerre froide,
– Et last but not least : si je fais un repas par jour en ce moment, j'ai l'impression d'avoir trop mangé.
En résumé, je crois que nous sommes d'accord pour se dire qu'il était grand temps que je reprenne ma vie en main.
C'est aussi ce que je me suis dit ce matin. Aussi, j'ai mis un réveil aux aurores pour faire du yoga, me doucher et me préparer avant de foncer au Starbucks acheter un petit-déjeuner – je suis un vrai cliché sur pattes, j'assume. Ensuite, j'ai filé à mon agence et ai dégoté un bureau cosy dans un coin où j'ai mis mon casque sur mes oreilles, lancé ma playlist de piano préférée et fait une liste de tout le contenu que je souhaite lancer sur ma chaîne incessamment sous peu.
Cela fait plus de deux heures que je bosse et lorsque je termine enfin mon plan d'action, je suis réellement satisfaite. Si je m'y tiens, je suis censée sortir deux vidéos cette semaine : une FAQ histoire de remettre les pendules à l'heure, puis une vidéo où je veux re-goûter des aliments que je n'aime pas. J'ai vu le concept sur plusieurs autres chaînes et j'ai trouvé ça génial, d'autant que je sais être assez difficile niveau nourriture et que ça peut réellement être drôle à regarder.
— Esther !
Je sursaute en entendant mon prénom et relève la tête. Aussitôt, je tombe face à Emma, mon agente, qui me scrute avec de grands yeux énervés. Elle a sa tête des mauvais jours, celle qui me dit d'avance : « je vais te faire passer un tellement mauvais quart d'heure que tu vas regretter d'être née, ma grande. »
Le temps que je retire mon casque de mes oreilles, elle a déjà commencé sa leçon de morale.
— ... deux jours, et je n'ai toujours rien reçu. Tu étais censé me dire quelle vidéo tu préférais pour que je puisse commencer à tout préparer mais comme d'habitude, tu n'en a rien à faire de mon travail. Ce n'est pas professionnel et tu me fais perdre un temps considérable ; je ne sais pas si tu t'en rends compte.
Ses mots me font mal, comme d'habitude. Sérieusement, je ne me rappelle plus la dernière fois qu'elle n'a pas été blessante avec moi.
— Je suis désolée, m'excusai-je aussitôt. Je voulais qu'on en parle en face-à-face, c'est pour ça que je n'ai pas envoyé de mail. En fait, je ne vais réaliser aucun des concepts que tu m'as proposé l'autre fois.
Emma se décompose littéralement.
— Pourquoi ? lâche-t-elle d'un ton agressif en tapant du pied, visiblement fulminante.
— Ça ne reflète pas du tout ma personnalité et je n'ai rien contre ces idées, mais je pense que ça conviendra mieux à d'autres talents de l'agence. J'ai travaillé de mon côté à un plan de contenu qui me va mieux.
— Tiens tiens, et je peux voir ça ?
Bien que son ton soit clairement ironique, je retourne tout de même ma tablette vers elle pour qu'elle puisse voir ce sur quoi j'ai travaillé. Plus elle fait défiler la page, plus ses sourcils se froncent.
— C'est... Tu as mis des deadlines et estimé les coûts, commente-t-elle, visiblement surprise.
Je prends une inspiration intérieure et relève le menton, essayant d'avoir l'air confiante.
— Oui. Je sais que tu ne me crois pas professionnelle, mais je connais mon travail et malgré tout, je le fais bien.
Emma me rend alors ma tablette en se massant les tempes. Elle a l'air épuisée.
— Je ne sais pas comment te dire ça sans être méchante, Esther, rétorque-t-elle. Ce contenu-là, OK, il te ressemble et c'est tant mieux. Mais moi je suis une business woman, d'accord ? Je sais ce qui attire les marques et crois-moi, une vidéo où tu réponds à des questions assise sur la moquette de ta chambre ça ne va pas attirer grand-monde.
Bon, si j'avais encore des doutes sur le fait qu'elle adore bosser avec Maël je crois qu'ils ont bel et bien disparu, maintenant. Ils tiennent exactement le même discours.
— Peut-être, mais je m'en fiche, rétorqué-je alors. Je fais du contenu parce que ça me ressemble, pas pour gagner de l'argent. Si ça attire des marques tant mieux, si ça les repousse tant pis. Je ne vais plus changer qui je suis pour plaire aux autres, c'est fini.
Emma pousse un soupir.
— Tu vis dans un monde de Bisounours, Esther. Ça me dépasse.
Je ne réponds rien, me contentant d'hausser une épaule. Peut-être qu'elle a raison et que je suis trop idéaliste – même si elle est agaçante et souvent méchante, Emma est loin d'être bête. En revanche, je crois qu'elle sous-estime mes capacités de travail et ma motivation.
— Je pense que je devrais changer d'agent, finis-je par dire calmement.
Le visage d'Emma passe du rouge au blanc. En une seconde top chrono', elle est livide.
— Quoi ? lâche-t-elle d'une voix blanche.
— Ce n'est pas contre-toi, expliqué-je alors. Tu fais du très bon travail, c'est clair, mais je crois que nos personnalités ne vont pas ensemble et que c'est un frein pour nos deux carrières. Je vais appeler Rufus, le patron de l'agence, et voir comment on peut s'organiser pour me faire switcher d'agent. Tu pourras aussi travailler avec un talent qui te correspond plus, je pense que c'est mieux pour nous deux.
Sur ce, je commence à rassembler mes affaires. J'ai l'impression qu'un poids vient de se lever de ma poitrine et que soudainement, je respire mieux. C'est bête mais je me sens déjà plus légère.
— Après tout ce que j'ai fait pour toi c'est comme ça que tu me remercies ?! lâche-t-elle entre ses dents, des larmes de frustration apparaissant dans ses yeux noirs. Ça fait deux ans que je me troue le cul pour te rapporter un max de blé et voilà comment je suis félicitée !
Je m'efforce de rester calme et rétorque posément :
— Ce n'est pas une expression très professionnelle, ça.
Mon propre aplomb m'étonne, mais pas autant qu'Emma. Sonnée, celle-ci fait volte-face en marmonnant des insultes entre ses dents et traverse l'open space en faisant cliquer ses talons contre le carrelage, visiblement plus énervée que jamais.
Cependant, moi, je décide que je lâche prise et que ce n'est plus mon problème. Il est temps que je pense à moi, et peu importe si ça déplaît.
Après avoir rangé mes affaires, je passe rapidement aux toilettes et me rhabille chaudement avant de sortir. Tandis que j'attends l'ascenseur dans le couloir, je m'efforce de ne pas culpabiliser pour ce que je viens de faire. Même si Emma et moi n'avons jamais réussi à nous entendre et à collaborer correctement, ça ne veut pas dire que je me fiche d'elle. Au fond, ce n'est pas quelqu'un de méchant... seulement d'extrêmement ambitieux, prêt à empiler les cadavres pour grimper jusqu'au sommet. Malgré tout, j'espère qu'elle va réussir à rebondir.
Au moment où les portes de l'ascenseur s'ouvrent je suis en train de me ronger les ongles, stressée par la situation. Aussi, quand mes yeux croisent ceux de Maël, mon cœur loupe littéralement un battement et ma main retombe bêtement le long de mon corps.
Nous nous fixons sans rien dire, la gorge nouée. J'en profite bêtement pour le détailler en une fraction de seconde, et ce que je vois me surprend.
Il n'a pas du tout l'air en piteux état comme dans ses appels, où il était en larmes et me suppliait de le reprendre. Là, il est habillé avec goût, bien coiffé et a les joues impeccablement rasées. Il sent le parfum de luxe à plein nez et tient son ordinateur portable dans une main, appuyé nonchalamment contre l'une des parois de la cabine.
— Je vais prendre le prochain, finis-je par articuler en reculant d'un pas.
Maël lève les yeux au ciel en rétorquant :
— Arrête, c'est idiot. On descend tous les deux.
J'avale difficilement ma salive et hésite une seconde, puis finis par hocher la tête avant de m'engouffrer à mon tour dans l'ascenseur. Je me plante à la droite de Maël, fixant un point dans le vide pour ne pas le regarder.
— Alors, tu as viré Emma ? dit-il.
Je me balance d'un pied sur l'autre, tendue.
— Les nouvelles vont vite.
— J'étais dans la salle de pause quand elle est arrivée, explique-t-il. Tu l'as fait pleurer.
Une boule de culpabilité se forme aussitôt dans mon estomac. Seulement, je refuse d'avoir l'air vulnérable devant lui et rétorque froidement :
— Si tu essaies de me faire sentir mal, bravo c'est réussi.
Maël soupire et j'aperçois dans le reflet de la vitre qu'il baisse les yeux sur ses chaussures.
Après ça, nous ne disons plus un mot jusqu'à ce que l'ascenseur arrive au rez-de-chaussée. J'en sors la première et me hâte de quitter le hall, bien décidée à m'éloigner rapidement. Seulement, au bout de seulement quelques mètres, Maël hèle mon prénom et enchaîne dans mon dos :
— Attends, ne pars pas comme ça ! Il faut qu'on ait une discussion.
Je m'arrête devant la porte d'entrée, le doigt suspendu au-dessus du bouton pour l'ouvrir.
— On a déjà eu une discussion, rétorqué-je en faisant volte-face. Je sais que tu étais défoncé, mais quand même.
Ma pique semble le toucher là où ça fait mal et il serre les dents, contractant la mâchoire. Les poings serrés, il finit par me dire :
— C'est fini, les joints. Je ne fume plus.
Je croise les bras sur ma poitrine.
— Tant mieux pour toi.
— Tu t'en fiches ?
Je détourne le regard sur la rangée de boîtes aux lettres plaquée le long du mur, la gorge nouée.
Bien sûr que non, je ne m'en fiche pas. Je suis réellement contente et même fière qu'il ait enfin arrêté la fumette, et prétendre le contraire serait mentir. Mais encore une fois, il a fallu qu'il arrête pour les mauvaises raisons – en l'occurrence, à cause de notre rupture. Et clairement, ce n'est pas vivable d'attendre chaque fois un électrochoc pour qu'il avance dans sa vie.
— Non, réponds-je au bout d'un moment. Bravo.
Maël me regarde alors de ses grands yeux clairs, l'air peiné. Il se rapproche doucement de moi mais je recule d'autant de pas, ne voulant pas qu'il envahisse mon espace.
— Je suis désolé, dit-il.
— Je t'ai dit que je ne voulais plus d'excuses.
— Je sais mais je t'en donne quand même parce que tu les mérites, rétorque-t-il. Je suis fou amoureux de toi Esther et je sais que toi aussi. Je sais qu'on a des problèmes, que tout ne...
Je ne peux m'empêcher d'avoir un rire jaune qui le coupe dans sa tirade. Agacé, Maël me fixe avec un regard mêlant incompréhension et frustration.
— Arrête de te voiler la face, reprends-je d'une voix posée. On a des problèmes ? Non, Maël. Tu es le seul à avoir des problèmes.
— Ah ouais ?! C'est ce que tu crois ?
Je ne peux m'empêcher de me figer, reconnaissant ce ton entre mille. C'est celui qu'il emploie toujours avant d'être méchant et de me balancer une tirade qu'il met ensuite des semaines à regretter.
Bêtement, j'espère tout de même au fond de moi qu'il va retenir ses coups... mais ça n'arrive pas. Au contraire, il se met bien vite à cracher sans vergogne :
— C'est gonflé de me dire ça alors que tu es une pute égocentrique qui ne vit que pour attirer l'attention. Tu fais la sainte-nitouche, la madame parfaite qui boit du matcha et qui fait dix mille pas par jour mais en réalité, t'es une putain d'arnaque. Tes abonnés savent que tu enlèves le Coca de la table avant de prendre une photo de ta bouffe pour faire la meuf healthy ? Est-ce qu'ils savent que tu claques un SMIC par mois dans des choses dont tu n'as même pas besoin, que tu fais des vidéos avec des gens que tu n'apprécies même pas – comme Lou par exemple – juste pour le buzz ? T'es une pauvre fille Esther, et si tu crois que tu vaux mieux que moi tu te fourres le doigt dans l'œil.
Waouh.
J'entends mon cœur se craqueler dans ma poitrine puis se briser, morceau par morceau, fragment par fragment. Je suis comme gelée, complètement paralysée par le froid qu'il a jeté sur moi – je n'arrive même pas à pleurer, c'est pour dire.
Je me sens vide.
Je voudrais lui hurler dessus, le pousser en arrière, lui crier qu'il m'a détruite, qu'il ne me connaît même pas et que tout ce qu'il dit de moi est faux. Je veux lui bourrer le crâne pour qu'il comprenne que je ne suis pas parfaite et que je n'ai jamais prétendu l'être, et que ce n'est pas ma faute s'il espérait sortir avec une Barbie ou un personnage de série.
Mais je suis tellement, tellement vide que je n'y arrive pas.
Alors, doucement, je fais volte-face. Je me retourne, appuie lentement sur le bouton qui ouvre les portes et arrive enfin dans la rue comme si rien ne s'était passé. Je m'éloigne doucement, pas à pas, et rejoint le métro sans un regard en arrière. Je ne parle à personne, je ne mets même pas mes écouteurs.
Je regarde juste le vide et essaie de comprendre comment est-ce que j'ai pu laisser délibérément ce poison s'infiltrer dans mes veines et dans ma vie... et tout faire exploser.
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