En quête de vérité


L'estomac d'Amanda émettait un gargouillement étrange qu'elle espérait être la seule à entendre. Un nœud s'était formé dans celui-ci, et son envie de rendre l'intégralité de son déjeuner sur le bureau du proviseur était trop forte pour être ignorée.

Cela faisait des semaines qu'elle se préparait pour ce moment, si ce n'était même des mois. Alors que les jeunes de son âge se prélassaient au soleil sur une plage méditerranéenne, Amanda avait passé ses journées enfermée dans sa chambre à établir le plan parfait.

Sa chambre, qui était devenue semblable à une taverne de détective privé. Des coupures de journaux tapissaient les murs de toutes parts et recouvraient jusqu'aux fenêtres. Des cahiers entiers recouverts de l'écriture serrée de la jeune femme débordaient du bureau sur lequel elle travaillait et des photos de Lucy ainsi que les visages de tous ses camarades de classe étaient toujours étalées sur le sol.

Si une personne lambda entrait dans sa demeure, il était très probable qu'elle en reparte en courant pour prévenir les flics qu'une jeune femme étrange semblait espionner tout un tas de gens de façon complément illicite, seulement Amanda ne craignait pas grand chose. Encore fallait-il qu'une personne pénètre dans sa chambre, ou dans sa maison, et après un an à se terrer chez elle, les visites avaient commencé à s'estomper jusqu'à en devenir presque inexistantes.

Personne n'aimait passer du temps avec une fille qui vivait enfermée dans sa chambre et rejetant la moindre présence humaine. Toutefois sa solitude ne dérangeait plus Amanda. Pour que son plan fonctionne, il fallait de tout façon que les gens autour d'elle l'oublient. 

L'on se souvenait toujours des victimes, jamais des dommages collatéraux causés par leur disparition.

Amanda était du genre à réfléchir avant de passer à l'acte. Elle avait élaboré tous les meilleurs stratagèmes possibles et inimaginables. Elle avait paré toutes les situations susceptibles de déraper.

Elle avait passé des journées entières à retourner le scénario dans sa tête. À imaginer toutes les façons possibles et inimaginables de se faire passer pour quelqu'un qu'elle n'était pas.

À première vue Amanda était prête.

Seulement, assise sur ce siège trop bas pour ses jambes élancées, le stress commençait à la gagner. Il nouait son ventre et faisait trembler ses mains bien qu'elle les dissimulait sous son ample tee-shirt.

Il y avait des choses qui ne changeaient pas, comme le caractère perpétuellement angoissé de la jeune femme.

Il y avait toujours cette partie d'elle qui criait que la situation se déroulerait forcément mal. Cette manie de voir le verre toujours sur le point de se renverser au lieu de le voir à moitié plein ou vide, lui collait à la peau.

- Mademoiselle Élias, vous m'avez entendu ?

La voix grave du proviseur avec lequel Amanda s'entretenait la tira de sa rêverie. Pour la bonne élève qu'elle avait été pendant toute sa scolarité, la situation était assez ironique. Qui aurait cru que des années plus tard, elle perdrait ses moyens dans le bureau d'un directeur qui ne lui semblait pas particulièrement sévère ? 

- Oui, excusez-moi, répondit Amanda en arrangeant une mèche brune qui lui tombait sur les yeux. Vous disiez ?

- Une brillante élève comme vous ... Vos notes sont remarquables, le saviez-vous ? Du moins, il semblerait que votre redoublement a fait de vous une nouvelle femme.

- Je vous remercie, la jeune femme hocha la tête et son reflet projeté sur le bureau lustré du proviseur Jordan en fit de même.

L'image que lui renvoyait son physique ne lui ressemblait pas et pourtant c'était bien elle. Amanda passa une main dans sa chevelure d'une longueur ridiculement courte et serra les dents.

Elle haïssait sa frange qui lui obstruait perpétuellement la vue et elle ne pouvait s'empêcher de vouloir rejeter ses cheveux derrière ses épaules avant de se rappeler qu'il y avait trop peu matière à faire.

Ce tic en accompagnait un autre. Pour la première fois depuis des années, Amanda avait troqué sa paire de lunettes rondes pour des lentilles inconfortables. Seulement, impossible pour la jeune femme d'empêcher ses doigts de remonter des lunettes invisibles sur l'arrête de son nez.

Seulement malgré toutes les transformations corporelles qu'elle avait subi : sa silhouette qui s'était considérablement amincie à cause du stress et de la peine, ses cheveux aux boucles vénitiennes qu'elle avait recouverts d'une teinture noire de mauvaise qualité ou encore les lentilles de contact qui avaient pris la place de sa traditionnelle paire de lunettes, la jeune femme tremblait de peur à l'idée que quelqu'un fasse le rapprochement.

Daniel, qui n'avait pas eu d'autres choix que de suivre la jeune femme dans ses décisions même s'il en était complètement opposé, l'avait pourtant rassuré à ce sujet. Personne ne la connaissait au sein du lycée Haron et même de son vivant, Lucy avait toujours eu un physique bien différent de celui de sa sœur.

Malgré tout cela, la jeune femme se sentait mal à l'aise sous le regard de ce directeur qu'elle n'avait vu qu'une seule fois auparavant.

« - Et s'il se souvient de moi ? Certaines personnes n'oublient jamais un visage ...

- Il y avait beaucoup trop de monde ce jour-là Am. Des journalistes, les élèves, ta famille, ... Pourquoi se souviendrait-il d'une sœur éplorée qu'il a vu de loin l'espace d'une seconde ? »

Les paroles rassurantes de son ami lui revinrent en mémoire. Que risquait-elle après tout ?

Ses yeux se posèrent sur la pile de documents qui se trouvait devant le directeur, et son cœur accéléra malgré elle. Combien prendrait-elle pour falsification de documents officiels ?

Ce n'était que des bulletins scolaires sur lesquels elle avait changé la date et son nom de famille. Un nom qui aurait pû faire un peu trop réfléchir le directeur ou les lycéens, et qu'elle tenait à dissimuler.

- Pourquoi changer d'établissement pour votre toute dernière année de lycée ? En règle générale, les élèves restent dans le même lycée jusqu'à l'obtention de leur diplôme. D'autant plus lorsqu'ils semblent être aussi brillants que vous.

- Des problèmes familiaux, répondit vaguement la jeune femme.

- Je sais que cette histoire ne me regarde certainement pas, mais j'aimerais tout de même bien rencontrer vos parents.

- Je suis majeure, rétorqua la jeune femme en arrachant un ongle avec ses dents. Un tic qui ne l'avait pas quitté même après son changement d'identité. Je n'ai pas vraiment besoin d'eux pour m'inscrire ...

- J'en ai bien conscience, seulement mettons de côté le point de vue légal. J'aime bien établir un contact avec les parents des futurs étudiants avant de les accepter au sein de notre établissement. Ne dit-on pas que nos parents ont eu une quelconque influence sur notre façon d'être ?

Amanda hocha la tête mais rétorqua :

- Ils travaillent beaucoup et ils n'auront certainement pas le temps de se déplacer pour fixer un rendez-vous mais vous pouvez toujours les appeler en cas de problème, elle désigna le dossier d'inscription rempli par ses soins.

Ses faux papiers indiquaient qu'Amanda venait tout juste d'avoir la majorité, ainsi elle n'avait besoin d'aucun accord de la part de ses parents pour s'inscrire au lycée. Néanmoins, il avait tout de même fallut mentionner le nom et le numéro d'une personne à contacter en cas d'urgence. Un nom inventé de toute pièce, et le numéro de téléphone d'une puce jetable.

Peut-être que son plan comportait des failles. Devant les services secrets, il ne tiendrait certainement pas la route et elle serait très rapidement démasquée, mais Daniel avait été formel : les lycéens normaux ne s'amusaient pas à tracer les numéros de téléphone fournis par leurs élèves.

- Je vois, murmura le proviseur. J'essaierai de les contacter dans ce cas.

Sous le regard soulagé d'Amanda, il se regroupa tous les documents fournis par la jeune femme et attrapa un dossier vide dans le tiroir de son bureau.

- Alors ça y est ? Vous ... Je suis prise dans votre établissement ? demanda t-elle faiblement, d'une voix peu assurée.

- Eh bien, il est vrai qu'en règle générale les nouveaux élèves doivent au plus tard s'inscrire au début des grandes vacances, et non deux jours avant la rentrée. De plus, c'est assez " dangereux " pour notre établissement d'accepter une élève qui n'a pas une bonne supervision parentale, répondit-il en passant une main dans ses cheveux grisonnant dissimulés sous une teinture noire. Seulement, selon les commentaires de vos professeurs, vous me semblez être un bon élément. Il serait dommage que notre lycée se prive de vous à cause de quelques formalités.

Le cœur de la jolie brune exécuta un bond périlleux. Elle avait du mal à se dire qu'une simple acceptation dans un lycée très peu recommandé puisse provoquer en elle un tel sentiment d'extase, et pourtant c'était le cas.

C'était son premier pas dans sa quête de vérité.

•••

Salut :)

J'espère sincèrement que ce premier chapitre vous aura plu !

J'ai essayé d'en dire le maximum sans trop en dévoiler et j'espère que c'est réussi pour l'instant !

Cordialement,
Romy

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