Extrait septième


Le 7 novembre **50

Ça y est. Je l'ai vu. Je l'ai retrouvé.

Gaëlan, mon Gaëlan...

Sais-tu tout ce que je fais pour toi ? Non, non, bien sûr, tu ne le sais pas. Comment le pourrais-tu ?

Je sais que tu m'aurais défendu de faire tout ce que je fais... mais tu ne m'en aurais pas empêchée. Tu n'aurais pas pu.

J'ai eu beaucoup de mal à accéder à ton secteur, à ta prison.

J'ai dû espionner toutes les femmes qui s'occupent de vous, trouver celle qui avait l'air le plus fragile... Et le sort a voulu que ce soit Tina.

Tu sais, c'est la petite infirmière qui devrait bientôt atteindre la trentaine, aux longs cheveux bruns.

La séduire n'a pas été facile, mais j'y suis parvenue, me pliant au moindre de ses désirs, je me suis conformée au moule de sa « petite-amie parfaite ».

Mais j'y suis arrivée.

Et la première fois que je suis allée chez elle, je lui ai emprunté son badge de secours. Emprunté, pas volé.

Je ne suis pas de ces gens-là.

Je ne suis pas encore devenue un monstre ! Oui, je regrette ce que je lui ai fait, mais c'était pour toi Gaël, comprends-le ! Je sais qu'elle ne mérite pas ce que je vais lui faire. Oui, c'est une femme géniale. Une de celle que j'aurais pu aimer -vraiment aimer- si rien n'était arrivé.

Par chance, c'est une femme soigneuse, elle ne perd pas ses affaires. Elle ne remarquera pas la disparition de son badge de sitôt.

Dès le lendemain, je suis entrée dans le bâtiment H. Quel beau jeu de mot, H comme Hétérosexuel, bien-sûr...

J'ai mis du temps à te trouver.

Vous n'avez plus de nom, que des matricules. Fouiller des yeux chaque recoin sombre de chaque cellule m'a pris du temps. D'autant plus que j'ai commencé par le quartier des femmes.

Voir tous ces corps, presque nus, vêtus uniquement d'une tunique sale et déchirée, plus morts que vivants... j'ai cru que les haut-de-cœurs allaient avoir raison de moi. Surtout parce je n'ai pu m'empêcher de m'imaginer à leur place. Après tout, moi aussi, je suis potentiellement classable dans cette catégorie.

Puisque j'étais dans le quartier féminin, j'ai cherché Nomi.

J'imagine que tu te souviens d'elle, vous vous êtes damnés ensemble, au fond.

Je ne l'ai pas vue.

J'ai eu beau chercher partout, nulle trace d'elle.

Je suis ensuite montée à l'étage du dessus afin de pénétrer dans la section des hommes.

Et tu étais là. Dans la troisième cellule sur la gauche, en compagnie d'une autre personne.

Le silence régnait ici, et tous avaient disparu dans les coins les plus obscurs. Toi seul cherchais la lumière.

Tu as toujours été effrayé par les ombres.

Je ne t'ai pas reconnu dans un premier temps. Tu t'en es chargé.

Alors que je continuais mon chemin, tu t'es précipité sur la vitre qui te sépare du monde normal, ce qui a créé un bruit effroyable.

Tu as tellement changé mon Gaëlan.

Tu t'es aminci, les quelques rondeurs de l'enfance qui subsistaient à quinze ans ont complètement disparues. Après tout, tu vas bientôt avoir dix-huit ans.

Tu es plus beau que dans mon souvenir, même dans la misère où tu te trouves en ce moment.

Nous ne pouvions pas nous toucher, ni nous entendre vraiment. La vitre absorbait la plupart des sons. En plus, si nous criions, nous aurions alerté quelqu'un.

Mais les gestes sont parfois plus intenses que les mots.

Tu as collé ta main contre le verre, et j'y ai apposé la mienne. La chaleur de nos souffles créait un peu de buée sur la vitre.

Et les larmes se sont mises à couler. D'abord toi, puis moi.

Joie intense, mais douleur immense.

Je n'ai pas prononcé un seul mot, mais mes yeux ont exprimé tout l'amour que je te porte.

Auquel tu as répondu. Mais pas de la manière dont j'aurais pensé. Tes lèvres ont dit quelque chose, que ton expression m'a aidé à déchiffrer.

« Fay, je t'en supplie. Tue-moi. »

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