Chapitre 25 (Première partie)
Bon, et bien... Je ne sais pas tenir mes promesses-
Hé ◉‿◉
Vous connaissez la chanson, préparez les apéritifs, les petits gâteaux, n'hésitez pas à prendre des poses pour vos petits nieux et bonne lecture !
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PDV Lisa :
Les petites graines dégringolaient joyeusement entre les bosselures de la pente. Séparées de ses sœurs les feuilles sous la portée symphonique du souffle hivernal, elles s'amusaient à voltiger entre les tifs de chiendent, à glisser le long des herbes puis repartir dans un tourbillon, enivrées d'une traditionnelle danse hélicoïdale. En espérant l'idéal d'un gazon plat, humide et confortable où élire racines, c'était ainsi qu'elles nourrissaient leur déchéance, cavalaient la colline, ricochaient sur le dos du champ, sans possibilité de retour. Un champ de pierres ceinturant tout le jardin, dur, sec. Une terre infertile.
Nous n'étions pas dans la lune la tête basse, normalement. Il fallait trouver le courage de la redresser si nous comptions décrire nos propres constellations, imaginer des histoires, une histoire d'extra-terrestres, pourquoi pas ? Ces contes là démarraient souvent par "Il était une fois."
Il était une fois... Une jeune fille banale qui habitait dans une jolie maison avec sa gentille famille et son animal de compagnie, pleine de quiétude et de prospérité, jusqu'à ce que tout bascule. Un jour où elle était sortie admirer le coucher du soleil -car on était tellement triste quand on aimait les couchers de soleil-, et qu'elle était restée happée par les tâches lumineuses sur le drap azurite s'étendant au dessus d'elle comme à l'accoutumée, un immense vaisseau spatial s'était décrit dans l'obscurité.
La jeune fille aurait pu s'enfuir, mais ses jambes refusaient de bouger. Par stupeur, un peu, mais surtout dû au ressac de la curiosité bouillante grouillant dans son estomac.
Le vaisseau s'était posé devant elle, produisant vigoureusement de puissantes rafales de vent. En découvrant cette étrangère, les extra-terrestres la prirent et l'enlevèrent.
Elle partit alors vivre de nombreuses aventures au sein des multiples planètes qu'elle explora par le futur. Mais cette histoire ne connut pas de suite ni d'autres événements fortuits.
On ne l'inventa pas, on ne l'explora pas, on préféra le début, au moment de la cassure entre l'ordinaire et le merveilleux, l'élément perturbateur, là où tout commençait et rien ne serait plus jamais comme avant. On devait vraiment détester le statu quo pour tant se délecter de sa destruction, encore et encore sans remords.
Ce soir-là, donc, je ne parvenais pas à fantasmer sur le firmament, la raison pour laquelle j'avais dû me rabattre sur les graines à ras du sol. Quelque chose me tracassait. J'avais vérifié une à une chaque figure, reconnu chaque astre au biais des nombreuses années passées à les apprécier, pourtant une étoile manquait. Toujours présente, normalement. Mais cette nuit, elle avait disparu. Il était temps pour elle de s'en aller, peut-être. Tout scientifique après tout, dirait qu'une étoile projetait sa lumière si loin que pour nous parvenir, les rayons galopaient des milliards d'années, assez pour qu'au moment où nous l'admirions, sa source mère s'était déjà éteinte.
Celle-ci devait être morte depuis longtemps, et j'avais juste reçu l'information trop tard.
Trop tard.
Trop tard...
Nightmare : Je ne comprends vraiment pas comment tu peux garder les yeux rivés sur ces boules de gaz brûlantes pendant des heures.
Un cri se sauva de mes lèvres. Je fis un bond sur le côté. Adossé au tronc, mains entrecroisées soutenant son occiput, le squelette de pétrole semblait confortablement installé. Depuis quand était-il là ?
Moi : Qu... Qu'est-ce que tu fous là, toi ?!! Crachai-je, ulcérée. C'est la place de..!!
Ma phrase fondit. Les mots s'empêtraient honteusement dans la muqueuse. Je bafouillais, rouge de colère et de gêne.
Nightmare : Mmh...? La place de qui ? C'est un lieu public il me semble, j'ai le droit tout autant que toi de profiter de ce magnifique panorama Outergroudien.
Moi : Dégage ton fiacre plein de merde de là !!! Feulai-je tandis que l'électricité magique rendait mes cheveux hirsute.
Nightmare : Jarnijoku tu ne manques pas d'air, on dirait que je suis en train de souiller une tombe !
Moi : Espèce de sale...!!
Il leva un index.
Nightmare : Langage, jeune fille. Ta douce voix me convaincrait sans soucis de considérer ta demande si seulement tu usais de sobriquets plus fleuris.
La pression que j'exerçais sur mes phalanges était à un rien de me rompre les os. Pourquoi ne m'autorisait-il jamais ne serait-ce qu'un instant de sérénité ? Je pris sur moi pour rabrouer les hourvaris de mon être intérieur et entrepris une profonde inspiration, joignant mes mains, ajustant mon timbre en psalmodie :
Moi : «✿︎Ô puissant seigneur des cauchemars, auriez vous dans votre immense et souveraine magnanimité l'obligeance de déplacer votre royal séant à un siège qui lui siérait davantage ?✿︎»
Nightmare : Non.
Moi : CONNARD !!
Ma lame l'attaqua de plein fouet. Un éclair jaillit, et mon corps dégringola de la colline comme une graine. Je plantai mes ongles dans la terre gorgée, dérapai, grelottante de douleur. Le filet de haine s'était brutalement resserré, cinglant mon âme dans un tiraillement atroce. Peu à peu l'étau relâcha, semant derrière lui une brûlure qui se propagea vicieusement dans chacun de mes muscles. J'éructai, prise de convulsions.
Nightmare : Décidément tu es longue à la détente. Se moqua le maître des cauchemars. Dois-je te rappeler que tu possèdes ni plus ni moins les mêmes droits que tes camarades et que par conséquent, tu ne peux porter la main sur moi qu'en cas d'extrême légitime défense ? Continue comme ça et ton âme est bien partie pour être réduite à l'état de puzzle.
Je portai ma paume à ma bouche. Du liquide noir s'y étala, gluant, parcourut les lignes de ma main à la manière d'une chenille mécanique pour se déposer doucement dans l'herbe, sans laisser la moindre mouillure sur ma peau, la moindre trace, excepté une aura absolument répugnante. Je gémis, le tourni me faisant tanguer d'un côté d'un autre. Je balançai grossièrement ma tignasse à l'arrière de mon crâne perlé de sueur avant de me remettre debout, essoufflée, et de marcher en direction du champ de pierres, abandonnant mon havre de paix avec amertume.
Moi : Faut que j'y aille, je dois recharger mon médaillon à la Fontaine d'encre. Informai-je en parlant de l'endroit où Ink allait remplir ses fioles, là où s'écoulaient des cascades de peinture engendrées par l'inspiration des créateurs.
Nightmare : Oh, tant que t'y es, tu peux passer chercher Dust dans son univers natal ? Tu sais, ce tronc est si confortable... Je n'arrive même plus à me lever.
J'aurais pu confirmer l'appréhension de cet ordre par un beau doigt d'honneur. J'aurais également pu lui lancer un "Je t'emmerde, Nightmerde" comme j'en avais l'habitude. Mais toutes ces répliques sonnaient creuses à présent ; dénuées, que dis-je, dénudées de sens. Ne rien répondre me parut la meilleure des options.
★★★
J'avais besoin d'une claque, d'un choc. Aspirant fougueusement au contraste entre la neutralité de la Fontaine et la froideur glaciale des souterrains, je me complus, dès mon arrivée au village, de la plus exquise des bouffées d'air. Hélas pas de bourrasque des montagnes mais une tempête du Sahara, j'eus l'impression d'introduire du sable dans mes poumons, qui gratta et râpa horriblement mes bronches. Je toussai avec véhémence, me couvrant de mon tee-shirt. Après m'être accommodée à de paisibles respirations, j'observai autour de moi. Snowdin était poussiéreuse.
Un attribut un peu bancal, n'est-ce pas ? Comment une si grande et si vaste région pourrait-elle être comparée à chambre d'enfant négligée ? Toutefois c'était vrai. Des constellations de petits points blancs grouillaient en surplomb, s'écartant sur mon passage, épousant les poutres des chalets, surpassant les plus hautes pointes des sapins. Le plafond de la cavité était complètement brouillé.
L'atmosphère ne s'imbibait pas d'une odeur de poussière normale. Trop ferreuse, sucrée, étouffante de féerie.
De la poussière de monstre.
Ces amas de cadavres en particules simulaient la beauté de minuscules flocons perdurant dans l'espace, légers et étonnamment stables, suspendus par des ficelles invisibles. Ou bien immortalisaient-ils la déliquescence d'un paysage figé dans le temps, abusé puis délaissé, les rouages de son horloge ayant été détraqués à force de manipulation irréfléchie ? C'était d'une poésie morbide.
Qu'est-ce qu'il s'était passé pour avoir un tel tableau ?
Y avait-il seulement âme qui vive ?
Cette masse se mêlait à la poudreuse. Je zigzaguai entre les maisons, espérant rencontrer l'ombre d'un mouvement. Écraser la neige à chaque pas trahissait le silence macabre des lieux. Moi qui avait toujours apprécié la musique du crouch-crouch sous mes semelles, voilà qu'ici il me guidait sur une mer de carcasses squelettiques, fracturant des os à chaque avancée. Tout à coup, quelque chose bougea. Une tâche beige trémulant dans l'angle d'une habitation. Je m'y rendis prudemment, m'apprêtant à dégainer mon sabre en cas d'attaque.
J'écarquillai les yeux. Il y avait là un petit monstre d'une maigreur inqualifiable, coussinets pressant ostensiblement ses oreilles. Je le reconnaissais, il s'agissait de Calotte Glacée, sans son chapeau. Je tentai d'arranger ma voix.
Moi : Ermh... Bonjour...?
Un glapissement s'envola de son gosier. À la manière dont il me fixait, un mort aurait cataclysé plus d'émotions. Les secondes défilèrent, puis il hurla, baragouinant un méli-mélo de plaintes dont tout ce que j'enregistrais de concret était «humain...!».
Moi : Je ne te veux aucun mal... Tentai-je au plus doux. Je veux seulement savoir...
Ses gestes malhabiles dégagaient la neige, la réduisaient en granulés comme s'il avait l'ambition de s'y enterrer, mais rapidement il parvint à se hausser sur ses pattes arrière et à filer plus vite qu'une comète.
Moi : Hey ! Attends !!
Trop tard. Je soupirai. Dusttale, un de ces univers émoussés où s'émouvoir ne servait plus à rien... Leur disgrâce n'était pas une nouveauté et elle s'étendrait encore sur des décennies. Comment aurais-je vécu ma vie si le Frisk de mon ancien AU avait planifié ce genre de projets meurtriers ? S'était-il une fois laissé aller à la tentation ? M'avait-il déjà tuée puis effacé ce souvenir de ma mémoire ?
Je m'ébrouai pour chasser ces idées noires et traçai ma route. Je pris la sortie par le nord, en alerte au moindre indice, non sans rechigner. Passer chercher Dust, il en avait de bonnes, Nightmare, comment j'étais censée le retrouver au juste ? En retournant tout l'Underground tandis qu'il se la coulait douce sous MON arbre ?
Moi : Dust ? Appelai-je, blasée. Duuuuust ?
Les maisons s'écartaient à mesure que j'abordais la lisière de Snowdin, vers la rivière. Du moins c'était ce que je présumais grâce aux clapotis audibles des vagues sur une berge, car en plus de la myriade de particules, une brume laineuse bouchait l'horizon, s'élevant tels des courants marins au-dessus de l'eau. J'eus un sursaut. On sifflotait dans l'obscurité blanche. Un chant se concentrant plus sur la pureté du son que la mélodie. Un rythme lent, des notes allongées, jouant sur les octaves, c'était ce genre de sifflement que l'on émettait avec nonchalance pour tuer l'ennui –ou bien pour filer la frousse aux pauvres jeunes filles égarées, hmrf–. Une silhouette noire se dessina à travers l'opacité. Sa forme oblongue et busquée en angle droit sur l'extrémité accompagnant le ballottement du rivage indiquait qu'il s'agissait d'un homme. Un homme debout sur un bateau.
J'étais méfiante. Il ne suscitait aucune hostilité, mais après avoir subi la réaction de Calotte Glacée, je trouvais son flegme suspect. Pourtant, je vins à sa rencontre.
Il se tenait sur sa pirogue droit comme un vénitien, serrant un long bâton dans ses mains en chiffon. Une large robe à capuche le couvrait de la tête aux pieds jusqu'au bout des doigts, si bien emballé qu'aucun grain de sa peau ne se laissait révéler. Pour un peu, il me ramenait à Reaper avec son allure de Passeur Charon. La figure de proue de son embarcation était à l'effigie d'un chien familier à la trombine idiote. Il continuait de siffloter, perdu dans les ondulations de la rivière.
Moi : Mh. Toussotai-je, pas très à l'aise. S'il vous plaît...?
Son chant s'interrompit. Il tourna la tête vers moi, lâchant une faible intonation examinatrice. Son visage était viscéralement dissimulé sous son voile violet d'évêque, comme si les ténèbres lui avaient confectionné un masque tangible de noirceur. Il ne semblait ni soucieux, ni interloqué de me voir.
??? : Que puis-je faire pour vous, mademoiselle ?
Sa voix était grave, douce, caressait l'oreille d'une volupté encourageant la confiance.
Moi : Bonjour... Repris-je. Je cherche un monstre... Un...squelette. Petit, euh... Avec une capuche. Je suppose que vous voyez de qui je veux parler...
Nul besoin du miroir de l'âme pour déceler le fruit d'une vaste connaissance sous la toile de son habit énigmatique. Il prononça calmement :
??? : Le Meurtrier se sent en veine aujourd'hui. Je suppose qu'il affronte son destin au Couloir du Jugement.
Moi : Le Couloir du Jugement ? Répétai-je sans comprendre.
??? : Le lieu où chaque geste, mauvais ou bon, est un grain de sable dans la balance mesurant la pureté de votre âme.
Il parlait sans doute de l'endroit où Frisk défiait Sans dans la route Génocide... L'église juxtaposée au palais. Mais elle se trouvait à Capitale, à l'autre bout des souterrains ! Rien que de songer au nombre de translations à exercer, j'en avais la migraine.
Moi : Merci, monsieur... Soupirai-je en plongeant mes poings dans mes poches, prête à faire demi-tour.
??? : Vous ne comptez tout de même pas y aller à pied ? Releva-t-il avec un léger amusement.
Moi : Par téléportations. Rectifiai-je. Je voudrais terminer cela au plus vite, et sans vouloir vous offenser je ne pense pas que vous ayez plus rapide.
??? : J'ai mes propres raccourcis. Vous montez ?
Son masque de ténèbres avait cette touche particulière qui aspirait le regard. Comme pour les orbites de Killer ou de Core!Frisk, c'était ainsi que je devinais qu'il me fixait. Je haussai les épaules, me disant que tout compte fait ce n'était pas une mission officielle, que par conséquent j'avais un peu tout mon temps, et que de toute manière si Nightmare était vraiment pressé il serait venu chercher Dust tout seul et m'aurait laissée tranquille alors j'avais le droit de traîner un peu, na.
Je posai prudemment mes appuis sur sa drôle de barque. L'ajout de mon poids l'immergea un peu trop à mon goût. Je me mis en tailleur, effleurant la matière. Le bois était sombre et humide, pygmé de trous, équivalent à du bois flottant. Je réprimai une grimace sceptique quand brusquement, la pirogue escalada quelques centimètres dans les airs et cumula de la vitesse, projetant mon corps en arrière. Je m'agrippai aux rebords, retrouvant peu à peu ma stabilité. Nous foncions tel un bateau à moteur, pourtant, c'était à peine si nous glissions sur l'eau, aussi discrets que le chuintement du vent. Tout autour le paysage enneigé défilait, me faisant écarter les paupières avec enchantement.
Je n'avais jamais croisé cet homme à Outertale, ni dans les AU's dans lesquels je voyageais... Pourtant je me souvenais que Frisk avait déjà témoigné l'existence d'un spectre durant son épopée, une forme fantomatique l'emmenant où gré lui seyait, naviguant sur une mer d'étoiles. Il l'avait baptisé le Riverman.
Le Riverman, donc, n'usait pas de sa perche pour se propulser contrairement à mes attentes. Elle traînait dans l'eau, engendrant des vagues de gouttelettes sur son passage. Peut-être aimait-il lui aussi s'émerveiller sur la fenderie du rideau aquatique, s'ouvrant en deux comme on découperait du tissu. Il fredonnait nonchalamment, concentré sur son cap. J'hésitai à rompre l'hymne, mais quitte à profiter d'une balade en pirogue, autant en profiter également pour s'instruire un peu.
Moi : Dites... Vous savez ce qu'il s'est passé ici ? Je veux dire... Comment cet endroit a-t-il pu devenir... Comme ça ?
Il se tut.
Riverman : Êtes-vous intéressée par notre histoire ? S'enquit-il, toujours avec cette tranquillité qui ne dévoilait jamais le fond de sa pensée.
Je lâchai un "oui" timide. Beaucoup de lacunes au sujet du passé de Dust m'empêchaient d'y voir clair. J'avais révisé les principes des Timelines génocides et je ne faisais pas abstraction de son entreprise sanguinaire, mais comment son AU était devenu un tel dépotoir, ça je ne saisissais pas. Le Riverman commença.
Riverman : Il y a très longtemps, deux peuples vivaient en harmonie sur la Terre. Les humains et les monstres...
Moi : Oh, non...! Le coupai-je, secouant nerveusement les mains. Pas la peine de remonter aussi loin, je connais déjà cette histoire, ce que je voulais savoir c'est...!
Il dirigea son regard vers moi. Je déglutis.
Moi : Ermh...je veux dire... allez-y, continuez... Bredouillai-je, l'invitant par une rotation du poignet.
Le visage du spectre revint à sa position initiale. Aussi long fut son silence à rebours que mon action de me ratatiner au fond de la chaloupe, écrasée d'embarras. Il reprit avec toute l'indifférence du monde.
Riverman : ...Il y a bien longtemps, deux peuples vivaient en harmonie sur la Terre. Les humains, et les monstres. Mais un jour, une guerre éclata entre les deux races. Après une longue et terrible bataille, les humains furent victorieux. Ils scellèrent les monstres sous la montagne avec un sort magique, lancé par les sept mages les plus illustres de leur époque. Les monstres, marqués par la victoire écrasante de leurs ennemis, migrèrent au plus profond des cavernes qu'ils rebâtirent, fondant une nouvelle civilisation souterraine. Malgré leur triste condition, l'espoir perdurait encore en leurs âmes. Car ils croyaient en une prophétie qui promettait qu'un jour, un ange de la surface descendrait du ciel et les libérerait tous.
Je buvais ses paroles, captivée par ce récit que je connaissais pourtant par cœur.
Riverman : Le temps s'écoula longuement tels les flots sculptant la figure des rochers. Un jour, un jeune humain fit l'ascension du Mont Ebott et tomba dans l'Underground. Il rencontra toutes sortes de gens sur sa route, des alliés, des ennemis, modestes et farfelus, des obstacles et des amis. Il vécut pour ainsi dire la plus belle des aventures. Il accomplit la prophétie et, grâce à sa détermination, rendit aux monstres leur liberté bafouée.
Je louchai sur mes chevilles entrecroisées, prise de doutes.
Moi : Euh... De quel humain parlez-vous exactement ? De Frisk ? Ou de Chara ? Chara était le premier humain tombé mais... C'est Frisk qui a libéré les monstres, non ?
La rivière rencontra un angle droit dans sa course. Le Riverman s'aida de sa perche pour se projeter contre le bord et virer le bateau sur la gauche avec adresse.
Riverman : Frisk ? Chara ? Ne ne parlons-nous pas de la même personne ? D'ailleurs, cet enfant possède-t-il seulement un nom défini ? Il a de multiples visages, un nombre infini de facettes. C'est pourquoi pour éviter toute confusion nous l'appelons l'Humain.
Je fus tentée de demander qui était ce "on" mais ne pris pas le risque de dévier la conversation.
Riverman : Les monstres menaient une vie parfaite à la surface. Tout le monde se complaisait dans son nouveau quotidien. Mais se rendant compte de son pouvoir, l'Humain décida, au lieu de laisser aller ses amis au bonheur bohème, de réinitialiser le monde. Il démarra une nouvelle route moins clémente, puis une autre, et encore une. Et plus le fil se rembobinait, plus il tuait, jusqu'à exterminer radicalement la race des monstres de l'histoire.
Je baissai la tête, ne pouvant m'empêcher de faire le parallèle avec le Frisk d'Outertale... Mon Frisk. Que pouvaient donc ressentir les habitants de cette dimension piégée sous globe ? Se sentir à l'intérieur d'une boule à neige, se préparer à ce que sans crier gare une main génocidaire ne nous secoue dans tous les sens, nous cogne à la surface sphérique de notre prison et nous observe avec fascination choir au ralenti au fond de la caverne...
Moi : Pourquoi...? Murmurai-je, attristée. Pourquoi a-t-il fait ça...?
Riverman : La curiosité, répondit le spectre, et pour une fois je perçus dans son ton un soupçon de regret. La curiosité et l'ennui. Lorsqu'une vie calme et paisible vous attend, la possibilité de réitérer votre gloire, encore et encore, de vivre tous les futurs possibles ne serait pas tentante ? Sachant que personne ne se rappellerait de rien. La curiosité est aguicheuse, l'ennui aide à l'embrasser, jusqu'à ce que la soif de connaissance ne se tarisse pour le plus morbide. Une fois qu'elle vous prend, impossible de reculer. À qui, venant de qui, toutes les recettes sont bonnes mais le mal sera obligatoirement commis.
Je soupçonnai injustement le remous de rivière d'inciser une nausée doucereuse dans mon estomac. Mes muscles devenaient cotonneux, ma langue pâteuse. J'espérais qu'on arriverait bientôt à la Capitale.
Riverman : Il aurait pu devenir l'Ange Exterminateur et délivrer les monstres de leur fardeau en les confiant au néant éternel et immuable, mais ce fatum ne lui suffisait pas. Après avoir condamné définitivement sa pureté par le pire des sacrilèges, il reproduit son péché, ivre du charisme de la spirale maudite. Ce n'était plus un ange mais un démon, séquestrant les monstres et les retenant en un enfer perpétuel. Il pensait que personne ne serait jamais apte à l'arrêter. Il pensait épuiser jusqu'à la moelle toutes les possibilités de ce qu'il estimait être un jeu. Mais un, ne le vit pas de cet œil. Au fond de l'âme du Juge, des souvenirs semblèrent résonner. Toutes les routes, toutes les actions de l'Humain des plus belles aux plus infâmes frappèrent sa mémoire au rythme du clairon. Il acquit un statut au-delà du supplicié et enfila le masque de l'acteur, ou en l'occurrence, du comédien. Comment, esseulé, supporter plus longtemps la tyrannie de cet être corrompu aux desseins erratiques ? Le Juge trouva le moyen de tuer le fléau. Égaler la puissance du démon et reprendre le contrôle de sa réalité. Le Juge devint le Meurtrier. Il goûta à l'opium du mal, et de justice il passa à folie, un démon à la raison amorphe au même titre que celui qu'il combattait. Ainsi démarra la course pour le pouvoir.
Pour moi, Dust avait tout été le plus "Sans" de tous. Toujours blagueur, toujours le mot pour rire et foutre le malaise, toujours insolent. Mais sa sympathie n'avait d'égal que son instabilité et sa fourberie, à un stade où je me demandai à cet instant où était le masque et où était le monstre.
Riverman : La partie se déroulait toujours à la même enseigne. Selon le Meurtrier, s'accaparer la vie d'autrui permettait de jouir de leur énergie. S'il en récupérait plus que l'Humain, il vaincrait. L'Underground fut aménagé en jeu de loup, les individus furent rabaissés à un stade moindre que celui de l'animal et les âmes converties en puissance convoitée. Une partie, un cycle, à chaque cycle tout recommençait. Dès que, au moment du combat final qui réglait le compte de la journée, l'Humain revenait d'entre les morts, signe que le Meurtrier n'avait pas amassé assez d'expérience, ce dernier se repliait, le monde était remis à zéro et un énième cycle s'entamait. Astuce, manipulation, trahison, piège, tous les moyens étaient bons pour prendre le dessus sur l'autre. Du Bien contre Mal le combat pour l'univers passa à compétition désespérée entre deux aliénés. La poussière négligée naquit du résultat funèbre de leur névrose et s'accumula dans les cieux aux murs de pierre, outrepassant le Reset, marquant à jamais la terreur en ce triste tombeau.
Moi : Donc si Dust... Je veux dire, le Meurtrier, a tué toute sa famille et ses amis... C'est pour gagner un LOVE plus élevé que l'Humain et ainsi lui voler le pouvoir du Reset ? Afin de réinitialiser son monde une bonne fois pour toute et reprendre une vie normale ?
Un nouveau tournant, le Riverman soigna sa trajectoire sans qu'une goutte ne m'atteigne.
Riverman : L'enfer est pavé de bonnes intentions, comme dit le proverbe. Dominer à tout prix, tel était devenu son ultime but. Cela aurait pu continuer jusqu'à ce que le démon ne se lasse à nouveau et l'abandonne, mais, un cycle, le Meurtrier se volatilisa. L'Humain le pista, réinitialisa encore et encore, interrogea les victimes aux faciès éthérés, en vain. Il demeurait introuvable.
«Le jour où Nightmare l'a recruté.» Songeai-je.
Riverman : Jusqu'au jour où il ressurgit mystérieusement, plus fort, confiant, cruel. Le combat s'était accru en violence, avant qu'il ne s'éclipse à nouveau sous la défaite. Dès lors il revient de temps en temps affronter le démon en combat singulier, toujours plus coriace, plus dangereux que la fois précédente. Mais la même rengaine s'ensuit, le démon ressuscite, le Meurtrier s'enfuit.
Et ce petit jeu se répétait en un cercle vicieux poisseux s'usant graduellement, un destin pire que tragique car sans fin.
Moi : ...Ce que je me demande... C'est pourquoi il n'a jamais pu vaincre l'Humain. Vu le nombre de LOVE qu'il a accumulé il aurait dû se trouver au niveau 20 depuis longtemps, non ? À moins que le processus ne soit plus long chez un monstre ? Comment cela se fait-il que malgré sa longueur d'avance il n'ait jamais pu acquérir le Reset ?
Riverman : Le Meurtrier s'embourbe dans l'erreur et l'ignorance. Le cycle où la vérité éclatera la face de l'univers changera à tout jamais.
Il employait le terme cycle pareil qu'aux jours dans la semaine...
Embarquée par l'histoire, je n'avais pas prêté attention au nouvel environnement qui s'était matérialisé aux abords du fleuve. La gondole cheminait paisiblement au cœur de la Capitale. Les majestueux bâtiments dressés sur nos flancs pliaient à notre rencontre, évoquant les salutations larmoyantes d'un roi chagriné. Déjà ? Effectivement, il connaissait ses raccourcis.
Moi : Comment savez-vous tout cela ? Osai-je tandis que nous passions sous un joli pont marbré. Qui êtes-vous au juste ?
Riverman : Moi ? Je ne suis que l'humble Passeur qui guide les voyageurs vers leur destination.
La barque accosta près d'un petit escalier de granit. Plus loin, on distinguait le toit de l'église, ainsi que l'emblème de l'Underground sur sa face, le delta rune.
Moi : Merci beaucoup, monsieur... Souhaitai-je sincèrement en quittant le navire.
Riverman : Ce fut un plaisir.
Cette leçon d'histoire m'avait un peu démoralisée. J'avais beau me douter que Nightmare ne choisissait pas ses sbires au hasard, que les passés sombres n'étaient pas denrée rare dans les AU's génocidaires et qu'il n'y avait rien à sauver dans l'âme du poussiéreux, j'espérais le voir accomplir son objectif. Pas pour lui, pour son peuple. C'était injuste, ils méritaient le repos.
Hélas mon titre d'ex-héroïne facilitait le choix. Mon employeur ne serait assurément pas agréé de me surprendre à magouiller dans les problèmes de ses tributaires. Rien que d'envisager, je sentais mon âme ployer sous la pression impérieuse de la haine liquide. Néanmoins, je me risquai à faire volte-face vers le Riverman.
Moi : Dites... Si vous aviez un... conseil à donner au Meurtrier... Que lui prodigueriez-vous ?
Je crus distinguer venant de lui une curiosité naissante. Sa cape se gonfla puis se rabougrit.
Riverman : Qu'il cesse de vouloir passer un fossé en marchant sur de la lumière. Qu'il accorde sa confiance davantage aux êtres qui lui sont chers qu'à ses étalons.
Bien que sur le coup je n'eus pas tout compris, je secouai solennellement le menton. Puis je gravis les marches. Une fois postée en haut, je me retournai. Il avait disparu.
Je soupirai à nouveau. Il ne fallait pas que je tergiverse avec mes réflexes de justicier, je ne saurais même pas par où commencer. Ignore-les, Lisa. Ignore-les, va chercher Dust et ramène-le à Killertale, c'est tout ce qu'on te demande.
Cette cathédrale sans prétention ne dépassait pas la taille d'une chapelle. Avec son architecture romane rondelette et peu détaillée, elle aurait aux yeux d'un néophyte pour unique excentricité le monopole d'appartenir au peuple des monstres. Pourtant un charme symbolique embellissait ses parures dorées. C'était l'entre du juge, nichant le noyau de tout Dusttale, là où ça bat, là où ça vit, là où tout importait. Le remue-ménage de Gaster blasters audible depuis l'extérieur traduisait son dynamisme et sa toute-puissance.
J'examinai le lieu de culte de plus près. Peut-être que passer par la porte n'était pas très malin. Vu l'engouement de la bataille, je me ferais aussitôt attaquer et je n'étais pas sûre de savoir par qui. Compter sur l'approche furtive me paraissait la meilleure option. Je repérai un vitrail brisé sur le côté, une brèche ronde aux pourtours ramollis. Sans doute un coup de Gaster blaster.
Alors que je la contournais, une lueur captura mon attention. Au seuil de la fenêtre oblongue, un étalage de lumière éclatant attaquait ma pupille. On eut dit une étoile incrustée dans la pierre, c'était joli. Quelle bizarrerie géométrie provoquait donc cette luminescence ? L'humidité ? J'y portai une main dubitative. Le rayon du soleil, sûrement, la réchauffait par une diffusion dolce et fortifiante. Je souris. À la surface, l'astre semblait m'encourager. La ville, les reflets pailletés du fleuve, les maigres rayons que nous accordaient la cavité... Tout cela m'emplissait de détermination. C'était bienvenue, ce genre d'étincelle inopinée dans un fragment de vie peu égayant, je l'aurais presque assimilée à une tape dans le dos de la part de Dream. Je plantai mes pics de magie jaune dans la muraille, m'en servant de prises pour grimper jusqu'à la faille.
★★★
L'édifice avait été bien amochée. Hachuré de fontes cendrées çà et là, bataillé d'os du sol aux chevrons, craquelé de fissures béantes, il s'esquintait sous son propre poids. Je bondis sur le sommet raccourci d'un pilier de marbre, espionnant la scène d'une hauteur confortable. La mêlée s'était essoufflée, les opposés se dévoraient des yeux, l'un courbé, l'autre fringant.
Humain : Sans, mon cher Sans... Claironnait l'Humain à la voix venimeuse et haut-perchée. Tu m'avais promis que ce combat-ci serait mémorable, que tu allais enfin... Quoi déjà ? Ah oui ! Me "supprimer pour de bon". Mais mon cœur saigne de t'annoncer que je ne constate aucune amélioration depuis la dernière fois. Si mou, siii leeeeent... Si peu créatif ! Je sais que tu es capable de beaucoup mieux~
Cet être était bien plus perturbant que la plupart de ses homologues ; le pull à double rayures de Frisk, sa taille, sa peau ambrée, ses cheveux ébouriffés discordaient avec les paupières déployées et les iris écarlates miroitants de Chara. De surcroît, il émanait de cette entité une aura dérangeante qui empêchait de le décrire étant l'un ou l'autre. Entre ses attitudes théâtrales, ses tics, ses pas presque dansants, trébuchant une fois sur deux ; animés par cette tête chancelante qui brinquebalait, roucoulante comme un ivrogne malgré ses affreuses écorchures, sourde aux supplications de son corps lynché et ensanglanté, sorte de mélange syncrétique décalé... Ce n'était ni Frisk ni Chara. C'était l'Humain, point final.
Humain : Au fait, ça fait quelques cycles déjà que tu stagnes au niveau 19... Une baisse de motivation, peut-être ? Oh, non Sansy, tu ne vas pas t'enfuir encore, on commence à peine à s'amuser !
Le poussiéreux reculait mécaniquement, triturant la poche de son short dans laquelle était fourré son cristal d'Echo. La provocation de sa Némésis le coupa net dans son élan. C'était étrange, la manière dont il la toisait paraissait... familière.
Je serrai la mâchoire. Au départ j'étais juste venue faire taxi et bon débarras merci au revoir, mais ce satané Riverman avait posé du plomb sur la balance de cette affaire où il n'avait jamais été question de balance ni de plomb.
Pourtant, je n'avais qu'à attendre la prise de bec finie. Le plus sage en fait, serait de sortir pour ne pas me faire repérer par l'Humain.
Voilà, c'était simple, beaucoup de torticolis du cerveau pour pas grand chose finalement. Sortir, patienter.
Seulement je demeurai happée par la pièce, incapable de remuer.
En bas, l'adolescent harponnait sournoisement le poussiéreux dans ses filets.
Humain : Mais oui, c'est ça, enfuis-toi encore... Persiflait-il, gesticulant avec un agacement factice. Laisse-moi ici toute seule pour la millionième fois ! En attendant ton retour je pourrais... Ch'ais pas, torturer ton frangin à la cire, exploser le château avec une montagne de dynamites– mince, ça je l'ai déjà fait le septocycle dernier... (Il se tint la hanche en tapant du pied d'un air contrarié.) Bon, je saurai m'occuper en tout cas.
Les orbites du squelette crépitaient sous sa capuche comme s'il allait incinérer tout le Multivers. Cela arracha un gloussement à son contraire.
Humain : Allons, ça se sent depuis quelques temps, tu t'impatientes... Tu veux que je te raconte à quel point le monde est du pareil au même quand tu n'y figures plus ? Quand je reset et que tu disparais du code, pouf ! Tout le monde t'oublie comme si tu n'avais jamais existé, et rien n'évolue ! Papyrus est toujours aussi idiot, Undyne toujours aussi teigneuse, et ta vieille Toriel, toujours aussi pitoyable enfermée entre ses quatres murs ! Franchement je me demande comment tu peux encore tenir à eux, après toutes ces années ressassées. Nous sommes bien au-dessus de tout cela !
Dust tiqua. Il catapulta l'Humain contre mon perchoir grâce à sa magie télékinésique. Je m'accrochai aux volumes de roche, craignant qu'il ne culbute sous l'impact. Puis il l'envoya brutalement embrasser les seize piliers d'un bout à l'autre de la salle telle une boule de flipper.
Humain : Déjà-vu ! Raillait le démon en
crachant une dent avant de fondre sur lui, effectuant un mouvement latéral du couteau d'une célérité estomaquante.
Un frisson me galopa l'échine. J'assistais à un combat de titans. Non seulement cet être connaissait les tactiques du plus puissant des Bads par cœur, mais en plus il n'avait peur ni de la douleur, ni du décès. L'hypothèse que peut-être, aujourd'hui, pour Dust, qui sait, c'était la bonne, ne lui traversait pas un instant l'esprit.
Les attaques s'enchaînaient, spectaculaires, du sang giclait çà et là, le meurtrier réussit à embrocher l'enfant, l'enfant à croquer un biscuit et, en partie rétabli, lacérer l'humérus du meurtrier. Et Dust... Dust qui d'habitude se dandinait le sourire aux dents, impudent, s'amusait un peu, titillant les nerfs... De sanité passive à ouragan de folie il gardait continuellement cette nonchalance, cette impression que tout était un jeu pour lui.
Ici, effrénés, agressifs, bestiaux, ils étaient férocement déterminés à s'entretuer.
Humain : Un jour il faudra tout de même que tu me dises comment tu fais pour disparaître de la Timeline...! Tenta l'Humain en esquivant un groupe de tridents de justesse.
Dust : Et ta sœur ! Répliqua Dust, libérant une sorte de rictus tordu.
Humain : Méchant, tu n'as jamais voulu me répondre alors que tu sais que ça m'intéresse ! Bouda-t-il, ondulant entre les spirales enflammées par de sportives roues bondissantes. Allez, dis-moi, dis-moi, dis-moi, dis-moiiii !!!
Les explosions fusaient, simultanément à ses jérémiades. Je peinais à suivre ses déplacements, hypnotisée. Cette danse macabre s'accélerait dangereusement, emportant mon pouls dans sa vélocité. La montée en pression me picorait de la pulpe des doigts jusqu'à la plante des pieds.
Humain : S'teuh plaît, dis-moi ! Et je te promets que je te laisserai peut-être profiter d'une petite route Pacifiste ! Un peu de nostalgie ça ne se refuse pas, hein ?
Dust se téléporta sur son flanc et abattit furieusement ses poings sur son crâne. Un style signé Horror. L'Humain, surpris, tituba, tandis que le poussiéreux serrait la maxillaire en secouant ses poignets endoloris. Un nombre incalculable de PV's pour une défense ridiculement basse, les attaques physiques n'étaient décidément pas son truc.
Dust : 'Vache ça fait mal...!!
Dust l'estimait assommé. Dans la pénombre, un sourire comblé se greffa sur la face de l'adolescent. Maintenant sa position accroupie, genoux collés, il pivotait ses chevilles, le couteau collé contre son buste. Le squelette à capuche ne remarqua pas l'attaque furtive de son ennemi qui de près avait tout l'air de s'effondrer. L'arme bascula vers le ciel, visant le thorax par le biais du sternum. L'éclat scintillant de l'acier affola tous mes signaux.
Moi : NON !!!
Le cri m'échappa. Tout comme la balle flavescente frappant de plein fouet les phalanges du démon, envoyant valser le poignard. Lui et le poussiéreux dressèrent la tête. Debout sur mon pilier, je braquai sur eux un pistolet de magie jaune, impressionnée de ma propre initiative et de la dureté forcenée que j'imposai aux traits de mon visage.
Humain : Justice ? Lâcha l'Humain comme s'il avait vu un fantôme.
Je tressaillis. Il me fallut deux secondes de torpeur pour réaliser qu'il parlait de l'âme de cet AU. La faute au colt, sûrement. D'une translation, je m'interposai entre lui et mon collègue, lui enfonçant ma semelle dans le bassin. Il percuta un vitrail, s'écrasa au sol. Il secoua ses cheveux, interdit.
Humain : Mais c'est...un autre humain...? Ici ? Comment ??
Dust : Lisa ! Réprimanda le squelette à capuche, exposant ses poings. Qu'est-ce que tu fais là !?
Moi : Je te sauve la vie, de rien ! Pestai-je en retour.
C'était stupide mais j'avais espéré un peu de... Reconnaissance de sa part. Une déception naquit en moi, une déception que je ne saurais interpréter.
Dust : Je pouvais me débrouiller tout seul, j'avais pas besoin de ton aide !!
Moi : Bon bah tu m'excuseras, alors. En attendant, Nightmare te demande pour une mission, il m'a envoyée te chercher.
Dust : Tu diras à Face de Poulpe de prendre son mal en patience. Comme tu le vois, on n'avait pas fini.
L'Humain nous consultait tour à tour.
Humain : Mission ? Ramener ? De quoi parle-t-elle ? Sans !
Je soufflai.
Moi : Ok, mais dans ce cas laisse-moi au moins te couvrir...
Il afficha une expression indignée que je n'avais encore jamais vue.
Dust : Quoi ?? C'est hors de question ! Tu dégages !!
Il me bouscula. Je fis la moue. Pourquoi j'avais eu envie de le supporter, déjà ? C'était juste un immonde connard tueur en série, je ne comprenais pas ce qui m'avait pris...
Lisa : Non mais tu t'es vu ? Débitai-je avec lassitude. Ta barre de vie à est peine à 60, venant de toi c'est riquiqui, tu vas clamser si tu continues... Pas que j'en ai quelque chose à faire mais j'ai pas envie de porter la responsabilité de ta mort puis Killer voudrait mille fois plus me tuer et même de manière objective ce serait un peu c...
La pupille de Dust trémula d'exaspération. Ses os se crispèrent, arrondissaient ses vertèbres. Il émettait un sifflement guttural, écumant presque entre ses dents. Je pris mes distances, alerte. Sa colère paraissait muer en une de ses scabreuses pertes de contrôle. Tout à coup, il ricana.
Dust : Mais c'est qu'on dirait qu'elle a pas compris, Pap's... On lui explique....?
Son sourire s'évanouit. Il s'avança à pas lourds. Une fleur mauve avait éclos dans son iris gauche. Il appela un Gaster blaster plus immense encore que celui de Killer. La gueule de loup inspira, béante.
Dust : J'ai dit... FOUS LE CAMP !!!
Humain : NON ! Ne la tue pas !!
L'Humain se jeta sur moi. Nous fîmes un rouler bouler sur plusieurs mètres. Le tir déclencha une déflagration du bâtiment. Des briques s'écrasèrent sur le carrelage, procréant des bulles de poussière qui gonflaient et se dispersaient dans l'atmosphère. L'adolescent se redressa et piqua droit vers Dust. Ce dernier dilapida alors sans discernement ses os violets à travers la carcasse du Couloir.
Je me tapai la tempe. Merde, si j'avais pas fait la conne, aussi... Dust avait les nerfs fragiles, c'était connu.
Le fait que les monstres usaient de paternes en combat faisait partie de leur culture. Cette tradition n'était pas volontaire à l'origine ; la magie étant une matérialisation de l'esprit, leurs attaques correspondaient donc à leur personnalité. Du plus ordonné au plus chaotique, elles suivaient un instinct précis. De la même façon qu'abattre à plusieurs reprises une mine de crayon sur une feuille révélait des cohérences, le cerveau recherchera forcément un sens, une ligne, un cercle, un dessin, une forme concrète. Mais quand il pétait un boulon, le squelette à capuche n'adoptait plus de paternes. Il devenait foncièrement imprévisible, et donc dix fois plus dangereux.
L'Humain propulsa le poussiéreux à terre. Il se mit à califourchon sur lui, levant son poignard. Dans la panique, je l'éjectai de sa victime en lui sautant dessus, le plaquant brutalement par les épaules. Je l'enchaînai par des droites en plein dans le nez, rythmées, spasmodiques. Dust m'envoya des fémurs par derrière. Je m'écartai in extremis de part une roulade peu élégante. L'adolescent se releva avec une immédiateté qui tenait du zombie et me protégea en tranchant vivement les projectiles. Puis il projeta sa dague sur le squelette. Elle se logea dans son humérus. Dust jura. Il l'extirpa, provoquant une éruption d'hémoglobine. Puis il se téléporta devant moi, brandissant un os taillé.
Moi : DUST, ATTENTION !!! Hurlai-je, le regard pointé dans son dos.
L'Humain, qui avait reprit son poignard, chargeait. Le poussiéreux se retourna mais trop tard, une lésion diagonale pourfendit sa poitrine, de la clavicule à la côte inférieure.
La lame tel un ciseau cranté transcenda sauvagement sa chair, tailladant cruellement chaque échelon de la cage thoracique. Pas de douleur, pas de cri, juste un fracas intrinsèque ainsi qu'une sensation bizarre du cartilage qui craquète et d'organe qui couine lorsque sous son sternum, le cœur creva tel un ballon de baudruche, déversant le fluide vermeil le long de son abdomen. Pourtant il ne souffrait plus de rien, l'air coupé anesthésiant son supplice.
Je me dis alors que j'arrivais quand même vachement bien à me projeter dans les pantoufles de Dust pour imaginer aussi précisément ce qu'il vivait.
Progressivement je sentis que quelque chose me démangeait, comme une légère incommodité. Mon ventre me grattait un peu.
J'hoquetai. Le voile de l'illusion se leva. L'Humain me considéra, sous le choc. Pareil pour le squelette à capuche qui se tenait à côté, indemne. Il s'était téléporté à temps. De la pointe du couteau une guenille de peau pendait.
La mienne.
Brusquement, le flou. Je m'écroulai, le monde fondant au blanc.
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