Chapitre 25 (Deuxième partie)

Avez-vous déjà regardé autour de vous en vous demandant pourquoi le monde se mettait à tanguer ? L'heure arrive bien trop tôt, nous destitue du droit de contester. Nous sommes drogués. Une fatigue intense nous enserre et nous plongeons. Les signaux sensoriels s'éteignent, puis nous nous endormons, un soulagement palpable nous emmaillotant tel un édredon de soie. C'est agréable de se délester enfin de tout, même de la vie. Est-ce là le secret caché sous la juridiction du dernier soupir ? Un souffle de joie ?

Mes yeux se plissent. Ils distinguent des tâches de couleurs, ectoplasmes craie et or se trémoussant comme des anges, submergés par une oriflamme. Et je ne vois plus.
Mes oreilles se brouillent. Elles captent des râles, des litanies tumultueuses englouties par une vague. Et je n'entends plus.
Mes narines s'obstruent. Elles flairent des exhalaisons fétides d'entrailles, de sueur et de sang séché, l'aigreur de la poussière magique mêlée à la poussière de ruine, balayés par une faux. Et je ne hume plus.
Ma langue s'ankylose. Elle lape la substance ferreuse, amère au niveau de mes lèvres, la surface âcre et glacée au-delà, dissipée par du coton. Et je ne goûte plus.
Ma chair est engourdie, frigorifiée. De chaque grain de l'épiderme s'échappent des picotements qui pétillent. Un ultime frémissement, passage prompt du froid au chaud, puis plus rien. Des articulations de mes doigts de pied remontant jusqu'à mes chevilles, mes cuisses, mon bas-ventre, mon cou, mon être.

Cécité.
Anosmie.
Surdité.
Agueusie.
Hypoesthésie.
Vide.

★★★

PDV Extérieur :

Combien de fois avait-il ployé sous la dague purificatrice de l'humain ? Dust ne comptait plus. Avant que la Détermination n'illumine son front d'une éclaircie carmine, avant qu'il ne se drape du capuchon et se lance dans la quête de l'interminable moisson. Autrefois c'était une us et coutume; son ennemi déployait ses ailes de rapace, adaptait son pas de danse en une splendide spirale crépitante d'étincelles au défilé de la lame rutilante, puis le ciselait de sa serre dans une intensité fantastique. Quand il achevait le poussiéreux, on ressentait toute la ferveur de son animosité fanatique, étalant passionnément sur sa poitrine la signature de son massacre. Ce fut pourquoi, reconnaissant parfaitement le doigté presque artistique du geste, il avait cru que ça avait été lui, l'assiégé. Finalement ce qui s'écoula dans la mœlle de ses sens ne fut que le debrief de ses anciens trépas. Les globes exorbités de la jeune femme qui le fixaient, hagards, lui rendirent lucidité. Elle avait pris le coup à sa place.

«Cheh.» Fut le premier réflexe qui en déboucha, se remémorant sa virée à l'hosto depuis leur premier combat.

«Ta gueule, Dust !» Fut son second réflexe, le plus résonné qu'il personnifiait souvent étant Horror ou Pap's. Ce coup-ci c'était l'anthropophage, à tout hasard.

Ce fut quand la dépouille claqua contre le carrelage qu'il fut expulsé de sa torpeur.

Dust : Non... Suffoqua-t-il, carpes osseux en croix sur la bouche. Non non non non non non merde, Lisa !

Il se jeta devant elle, lui empoigna l'épaule et le poignet, basculant tout son poids en arrière pour la mettre sur le dos, puis il la secoua avec véhémence.

Dust : RÉVEILLE TOI ! Bordel, mais réveille toi !!

Les couches de tissu qui dissimulaient la peau de la brunette avaient été déchiquetées sous le joug de la sciure vermeil. Il s'efforçait de plaquer le regard sur son teint blafard, ses paupières closes, ses lèvres entrouvertes afin d'éviter de parcourir le long de son tronc. Pas par souci de pudeur, mais parce qu'il ne se sentait pas l'estomac assez accroché pour supporter la vision des accessoires organiques déballés sur le sol.

«Elle est... Réalisa-t-il, son pouls tambourinant ses temporaux.»

«Comment tu vas expliquer ça à ton patron ?»

Il eut un haut-l'âme. Cette marque était une estampe de sa défaite, de la chute du dernier espoir et de la virée sans fin des monstres sur leur Styx personnel. Peu importe sur qui elle s'appliquait, elle lui promettait forcément son arrêt de mort. Il avait toujours été épargné malgré son impertinence parce que son LOVE se révélait être un avantage et qu'il avait Killer et Horror à la bonne, mais là, il était convaincu qu'aucun statut ne le sauverait du courroux de Nightmare. C'était la marque des condamnés. SA marque. Elle était condamnée et lui c'était un con damné, haha.

«Reprends toi, Dust.»

Le gamin s'avançait à pas lents, frappé d'hébétude.

Humain : Oh. Libéra-t-il en se penchant prudemment sur la jeune femme. Je n'avais jamais tué d'humain avant, c'est plus gore que ce que j'imaginais... Y'a les boyaux qui ressortent et tout, trop dégueu !!!

Son faciès se fripa. Il se pencha sur le côté pour dégobiller, mais seul un filet de bile en dégoutta. Relevant la tête, pâlot, il capturait pourtant chaque détail de l'anatomie, ou du moins ce qui en avait réchappé.

Humain : Mais fascinant. Dégueu mais fascinant. Dis, tu crois qu'elle m'en voudra si je fais de la dissection sur son corps ?

Dust : Mais bon sang, TU NE VOIS PAS QU'ELLE EST MORTE ?!! Rugit le squelette à capuche.

L'humain envoya ses pupilles aux quatre coins de ses yeux las.

Humain : Roooh... "Morte", "morte", c'est quoi la mort ? Te mets pas la rate au court-bouillon, Sansy, un p'tit reset et tu vas la retrouver, ta collègue !

Dust : Pauvre imbécile !!! Cracha-t-il. Lisa vient d'un autre monde, son code n'est pas ancré au nôtre, elle n'est pas affectée par ton stupide bouton !

Humain : Que...quoi...?

Les mimiques du gamin fondirent en une grimace dénaturée. Il s'engagea dans une auréole de pas irréguliers.

Humain : ...Mince... Mince mince mince mais ça ne me plaît PAS DU TOUT, ÇA ! Pour une fois que...!

Il remuait son couteau, assailli de tics nerveux. Il craquela le carrelage fragilisé du talon.

Humain : Non, non, NON, CE-N'EST-PAS-JUSTEUH !!

Il ramassa un caillou et le logea dans un vitrail. Ce dernier implosa, chutant en bris de verres telle une cascade argentée.

Humain : Tout ça c'est de ta faute, Sans !! Tonna-t-il en faisant volte-face vers Dust.

Dust : MA faute ?? C'est pas moi qui l'ai éventrée avec mon maudit couteau !

Humain : Je voulais la protéger de toi de base, c'est TOI qui cherchait à la cramer sur place !

Le poussiéreux accusa le coup. Au fond de lui il reconnaissait bien sa culpabilité dans cet incident. Il avait disjoncté pour rien, encore une fois. Il finirait puni par son immaturité, sans avoir pu s'excuser auprès de Horror.

«Dust, t'as merdé.»

«Horror, je suis tellement désolé...!!»

Dust : Je... Je n'ai jamais voulu la tuer, juste la faire fuir...! T'aurais pas dû m'attaquer par derrière, aussi !

Humain : Et toi t'aurais pu te laisser zigouiller pour une fois !!

Dust : Quoi, t'aurais préféré que ça soit moi ?!

Humain : Parfaitement !

Dust : Sale gosse !!

Humain : Pauv' type !!!

Dust : JERRY !!!

PDV Lisa :

Je vais louvoyant dans un océan de brumes. Je vais louvoyant et je ne puis apprécier ni l'assouplissement des deltoïdes dont je n'endure plus l'usage, ni le bleu-gris irisé qui glisse sa transparence sur mes prunelles, ni l'air iodé infiltré dans ma respiration qui va et vient sans même comprendre ce qu'il fait là. Non, je ne vois rien, je n'entends rien, je ne sens rien. Je n'éprouve pas, je ne pense pas. Je sais, et c'est à peu près tout.

Je sais que je dérive inexorablement vers le bas. Je sais que le bout de mes ongles se sertissent de micro diamants de rien. Ils prolifèrent, se propagent, font ricocher la lumière, les estompent. Je sais qu'ils vont envahir mon enveloppe toute entière, l'emballer à l'instar d'un linceul.

Soudain, je sens une boule de pulsations au fond de ma gorge. C'est le désir d'une lutte, la manifestation d'un regret qui s'affermit puis s'efface. Je sais qu'on m'attrape le poignet, qu'on cherche à m'extirper du naufrage. Ou à le retarder. Je sais qu'on m'allonge sur le dos, qu'on installe délicatement mon occiput sur des fémurs, que l'on presse mes joues, que c'est cette pression le point d'accroche. Je sais qu'un sourire me parle.

«Toutes ces palpitantes aventures à courir, à te battre, te débattre et combattre pour terminer ainsi : un coup involontaire par un humain étranger dans un univers au hasard.»

Je sais que je réponds.

«C'est trop bête.»

Je sais qu'il me dit :

«Ainsi va le non-sens de la vie. "C'est à ça qu'on reconnaît les héros", pas vrai ? Tu t'es bien divertie, pourquoi regrettes-tu ?»

«Ce chemin ne menait qu'à la mort.»

«Tous les chemins mènent à la mort, mais celui-ci valait le coup.»

Je sais que j'élude.

«Tu ne sembles pas en colère.»

«Pourquoi le serais-je ? Je me suis bien amusé de toi, désormais tu peux te reposer.»

Je sais que mes cils s'embrassent. Ha... S'il avait été là c'est ce qu'il aurait dit, à coup sûr, n'en déplaise à Gaster.

Il me lâche. Et je tombe dans les tréfonds d'un abîme neutre.

PDV Extérieur :

Humain : De toute manière t'es qu'un chialeur !!

Dust : MOI, je chiale ??

Humain : Oui, sans arrêt, t'es incapable de faire ton deuil, c'est insupportable ! "Mon frère est mort pour la trente-six millionnième fois, ouin ouin !"

Dust : Espèce de...!!

Une lueur provenant du macchabée mit leur querelle en suspens. Se fiant aux chemins tortueux des artères et des veines et flétrissant la peau sur leur passage, des afflux de particules dorées sulfureuses venaient s'attrouper autour du thorax décharné de la jeune femme. Elles parurent la panser d'une sorte de couche de tissu salvateur qui gonfla, gonfla à l'art des souffleurs de verre. De cette masse d'énergie éclot un cœur renversé dont l'étincelance était avilie d'un filet d'une substance noir parasite.

Humain : Son âme...

Brusquement, le noyau émit un craquement cristallin. Une fissure se dessina. Sans que quiconque ne pût faire quoi que ce soit, l'âme trémula puis éclata en morceaux. Les fragments se dissipèrent dans la bise avant même d'avoir pu caresser le sol.

Le silence domina la salle.
Jusqu'à une plainte.

Dust : MERDE ! Braillait le poussiéreux en se compressant les tempes. Nightmare va me torturer et après il va m'empailler ! Je vais finir dans son cabinet de curiosités à côté des lapins aux têtes siamoises !!

Ses phalanges formaient des gerçures entre les plis de sa capuche. Tandis que la liquéfaction du stress suintait sous ses vêtements, un tourbillon de pensées affolées s'effeuillant au creux de sa boîte crânienne s'envolait par tous les orifices.
Que faire ? Il ne voulait pas que ça se termine ainsi, pas après toutes ces années à s'échancrer l'âme lamelle par lamelle ! Il n'avait pas encore gagné ! Il devait continuer de tuer, tuer encore pour devenir plus fort, c'était ce qu'il avait promis à Pap's ! Collecter de l'amour, encore et encore plus d'amour, chercher plus d'amour, il ne pouvait PAS finir comme ça !

Cambré en avant tel un pêcheur au purgatoire, il eut des éruptions de gloussements soulagés.

Dust : Ha...ha...hahaha...mais qu'est-ce que je raconte...?? C'est toi qui l'a tuée ! C'est TOI qui va t'expliquer auprès de Nightmare, tiens !

Sous le sourcil perplexe de l'humain, il souleva Lisa avec difficulté, et dans un effort, la lui flanqua en pleine poire.

Humain : Hein ??! S'exclama-t-il, contaminé par la panique de Dust. Ah non, t'as pas intérêt à me refiler tes emmerdes, reprends-la !!

Il la repoussa. Le poussiéreux la lui renvoya de nouveau, et ils se retrouvèrent à se filer le corps inanimé à tour de rôle, s'imprégnant, un peu plus de passe en passe, du sang de leur victime.

Dust : Il est à toi !

Humain : J'en veux pas !

Dust : C'est ton cadavre !!

Humain : TON cadavre !!!

Dust : TON CADAVRE !!!!!!

PDV Lisa :

Je sais que suis emportée par un cyclone. Un cyclone à l'œil turquoise. Titanesque, vorace, il manipule les airs chauds et les airs froids, les malaxe, les modèle à ses avantages, faisant circuler des images de lui en même temps que ma dépouille éthérée. Il m'aspire, m'ingurgite, me recrache. Je dévale une falaise où chaque souffrance vécue en sa compagnie est un ressaut griffu qui tente de me rattraper sans succès. Je m'y écrase, abdomen, flanc, colonne vertébrale, je m'y brise, rebondis, roule et dégringole. Comme une graine.

La dernière causse où je me fracasse est la main d'un géant de pierre. Incurvée, elle me fait converger dans une ultime tentative vers le ciel, hélas l'élan n'est pas assez fort. Il faut dire que je ne l'aide pas.

Cette fois, les abysses sont là. Ce ne sont pas de méchantes ténèbres carnassières avides d'âmes et de pureté. C'est autre chose. C'est pire que tout. C'est le Néant.

Les diamants pullulent. Je n'ai plus de membres, plus de chair, plus de consistance, et bientôt, plus d'existence.
Plus d'inquiétude.
Plus d'agonie.
Tout,
comme....

...

Crack.

Je sais qu'un étau me tient car la gravité échoue à me magnétiser. Une pression me harponne. Seconde lutte, dernier regret. Ça me tire, ça m'élance, ça fait mal. Une bille roule en circonvolution dans la coquille de ma conscience. Mon cou décrit et redécrit un même croissant de lune. Des fourmillements mastiquent mes membres. Je retrouve contenance.
Je retrouve mes sens.

La léthargie thermophobe fond et dégouline de mon être spongieux. Je gravis les dénivelés du menton et dresse une analyse. C'est un fil enroulé autour de mon cœur qui me cause cette déplaisante tension. Un fil bleu. En contre-plongée, il ressemble à un large pilier prônant au centre d'une dimension terrassée.

Error.

Merde, quel est ce sentiment qui se manifeste en moi ? Je n'en veux pas, il est insoutenable. Serait-ce l'amour qui m'empêche de me désagréger dans le Void ? Mais dès que par instinct j'émets cette hypothèse, le pilier se fragilise, irrité. Irrité comme je le suis. Une colère intime projette en moi des flammes, ravive mes nerfs. Au fond ce n'est pas cela mon regret. Ce n'est pas cela qui me retient de trépasser. Peut-être est-ce égoïste pour Error, mais je suis seule avec moi-même, qui est là pour me blâmer, ici ?

Je gigote les doigts. Plus mon corps poursuit sa réanimation, plus la franchise comble mes lacunes. Bien sûr, je serais accablée de mourir sans avoir réussi à le sauver, je n'aurais jamais signé un pacte avec le diable autrement. Mais si je fais tout ça, c'est aussi pour moi.

En se volatilisant, il m'a volé un peu de mon âme. Une partie meurtrie par le doute, l'inconfort, le mensonge, une culpabilité bien antérieure. En se volatilisant, il m'a fuie sans que je ne lui aie expliqué le principal problème de notre relation. Sans que j'aie eu la bravoure d'être honnête avec lui, et lui avait moi. Et maintenant, quelle opinion de mon squelette d'ébène puis-je bercer quand mon dernier souvenir de lui se tient exultant de folie, sur le point d'éteindre la lumière du Multivers ? Quand la première émotion me conquérant le palais se révèle être un incommensurable malaise ? Je le chérie, je l'abhorre, deux opposés recalés aux fantasmagories en dépit d'un avis concret. Combien de fois l'ai-je giflé furieusement dans un rêve et embrassé langoureusement dans un autre ? Je dois me calquer à nouveau sur la réalité, discuter avec le véritable lui. Sur quelle conclusion déboucherai-je, qu'importe. De l'amour le plus fou à la déception la plus cinglante, qu'importe, je veux une réponse. Une stabilité. Et surtout, je dois lui reprendre ce peu de mon âme afin de redevenir entière. Me raccommoder.

Ce mot m'émeut. Je chuchote.

«Je veux me raccommoder.»

Tout à coup, un éclair jaune balaie les environs. Au sommet d'une douzaine de mètres, une écriture brille, encadrée d'un rectangle où il est marqué "CONTINUER" en majuscules. Je juge que je dois la toucher si je veux quitter cet endroit. J'ambitionne de m'accaparer de la corde, hélas mes muscles récalcitrants refusent d'obtempérer. Dans un élan de hargne intempestive je force sèchement dessus. Ils froissent, pèlent, se déchirent sous l'épiderme. Un beuglement pathétique s'échappe de mes lèvres. Mon bras retombe. Je jure, pleurniche, certaine de l'avoir bousillé pour toujours.

Je m'applique à me calmer. Je sais que l'infirmité de ma carcasse n'est pas dû à un traumatisme physique. Que si j'en ai la détermination, je peux le guérir, et même me faire pousser des ailes. Je dois juste faire preuve de patience.

Je retente, plus respectueuse de ma convalescence. Je roule d'abord les épaules, voulant débloquer mes articulations en douceur, mais même cela me coûte. Serrant les dents, je continue avec le poignet, exerce une torsion dans le sens des aiguilles d'une montre, puis l'inverse. Ensuite je me risque à plier et déplier mes coudes, ignorant le sciemment intenable des filaments. Encore trop faible pour maintenir verticalement mes biceps, je balance maladroitement mes mains vers le câble, rate mon coup plusieurs fois, avec cette impression d'avoir des tentacules caoutchouteux à la place des humérus. Alors qu'il est campé à une tête de mon nez, ça me rend dingue. Je vise plus lentement, prends le temps d'accorder ma trajectoire, fais des mouvements déséquilibrés, et, tremblante, parviens enfin à empoigner le câble. Je m'accorde un instant pour souffler.

Je ne veux pas mourir incomplète.
Je ne veux pas mourir le cœur lourd.
Je ne veux pas mourir sous le joug d'un autre.
Pas après tous les efforts que j'ai fournis.
Pas après tous ces sacrifices.
Pas alors que je me déteste.
Il faut que je persiste. J'aime être têtue.
Que je sois courageuse. C'est le principe du héros.
Propre à moi-même. Jamais la Lisa que je connais ne se serait laissée tuée sans son accord.
Je meure quand je dis que je meure !

Ces paroles m'endurcicent. Sachant que je lâcherai prise si je m'aventurais trop tôt dans l'élévation, je commence à balancer mes bottes dans l'intention de créer une impulsion. Avant, arrière. En avant, en arrière. Puis, prenant une extrême inspiration, je contracte les abdominaux, et réussis à déplacer mon second poing dix centimètres plus haut que le précédent. Comment croire que ces monstrueuses courbatures ne sont qu'une bête manifestation de mon esprit ? J'étouffe de douleur, mais tant pis. Je préfère boire le calice plutôt que subir l'inanité.

Je ne peux pas laisser tomber tous ceux à qui je tiens alors que je les ai déçus. Pas encore une fois.
Je le dois à ceux qui se sont inquiétés pour moi et qui m'ont protégée, même quand j'ai été la pire des pestes.
Je le dois à Epic.
Je le dois à Science.
À Cross.
À Color.

Lister chaque être cher me fait du bien. Cela me rappelle toutes les raisons pour lesquelles je ne veux pas mourir. Cela me rappelle que je les aime. Que je les aime et que j'aime la vie. Je presse mes cuisses, meus mes dorsaux qui craquent et me hisse. Je gravis dix centimètres de plus. Mes habits collent sous la transpiration. Allez, un poing après l'autre. Échelon par échelon. Si seulement je pouvais m'aider de mes jambes... Hélas le câble se rembobine à mesure de ma progression.

Je le dois à ceux que j'ai honteusement trahis et devant qui je dois me racheter.
Je le dois à Dream.
Je le dois à Blue.
À Ink.

«Ça l'emmerderait bien si je mourrais. Crever au piffe sous la main d'un autre, ça serait le plus beau doigt d'honneur que je pourrais lui faire.»

Mes paumes râpent. Le câble s'allonge dans ma chute. Je me rattrape. Il est tranchant. Un liquide rouge fleurit de mes paumes et dégouline jusqu'à mes coudes. J'exprime un fou rire de désespoir, secoue mes cheveux, me ressaisis. Je me fixe sur le CONTINUER en perspective et me le répète incessamment.
Continuer.
Continuer.
Continuer.

Je le dois à tous ceux que j'ai rencontrés sur ma route. Des personnes qui m'ont peut-être oubliée, mais dont chacune a laissé une trace mémorable dans le livre de ma vie.
Je le dois à G.
Je le dois à Red et Edge.
Je le dois à Swap!Chara.
À Plum.
Aux jumeaux d'Epictale.
Aux frères de Quantumtale.
Au Capitaine.
À Ccino.
À Scoundrel, Tsukichi, Sachi et Papyrus.
Et même à Fresh et Honey, tiens.
Et même toi, Ace.

Je le dois à celui dont ma rancune n'a d'égal que mon amour.
Je le dois à Error.

«Tu ne sais pas ce que tu veux. Tu causes des ennuis à tout le monde. Tu te rappelles de Storyshift ? Arrête-toi tout tout de suite.»

Mes poings s'ancrent fermement à la corde. Je ravale mes pleurs. En vain. Je hurle, refusant obstinément le Néant, râle vers mon espoir de sortie tel un animal boiteux, m'y accroche de toute mon âme. L'image idyllique du bouton grossit. Je ne dois pas relâcher ma vigilance. Échelon par échelon. Encore. Encore. Et encore.

Je le dois à mon univers natal qui m'a élevée, éduquée, chérie, qui m'a offert tant de moments de bonheur que je ne saurais jamais rendre.
Je le dois à Grillby.
Je le dois à Papyrus.
À Sans.
À Frisk.
Je le dois à Luna, au petit Hubert, à Undyne, Alphys, Muffet, Toriel, Asgore et à tous les autres.

Je le dois à Outertale.
Cette maison qui a ensemencé mon rêve de croiser d'autres étoiles, qui m'a offert avant même que je le sache un panorama sur le lieu de mes futures aventures, qui m'a insufflé le courage et l'ambition de transgresser les lois du statu quo. Je l'ai quittée à tout jamais, mais ça ne l'a pas empêché de reposer toujours près de moi, en chaque univers. Elle a éparpillé ses astres au-delà de ses propres frontières, se répandant dans les confins les plus obscurs de la Doodlesphère, accessible où que je me trouve afin que jamais, jamais je me sente abandonnée, associant ses étoiles à la mythologie du Multivers et reliant tous ces AU's à un réseau immense et intemporel de constellations. Un Outerverse.

Je suis devenue un tas de viande en feu et en nage. Je m'étire vers l'écriture. Une chaleur s'avachit sur mes phalanges. J'appuie de toute mon âme, bramant que je veux vivre.

PDV Extérieur :

Dust : Tu vas assumer tes responsabilités, oui !?

Humain : C'est TOI qui me dit ça ??

La silhouette de la dépouille se mit soudain à onduler. Le poussiéreux eut la brève impression de tenir un mirage, un hologramme brouillé par des transmissions radios, avant qu'elle ne s'évapore dans un tas de glitchs. Au même moment, les murs abusés du Couloir du Jugement farcirent du même sort. Le grès solide serpentait comme du caramel, et les phalanges de Dust également lorsqu'il les consulta, un frisson phobique lui galopant l'échine.

Il n'avait plus été témoin de cet événement depuis... Il n'avait jamais osé effectuer le décompte des jours depuis lors. Nightmare avait bien un calendrier dans son bureau, toutefois, lui dont le temps n'était plus qu'une succession de nombres absurdes, préférait en perdre la notion, se persuader que cela ne faisait que quelques mois qu'il avait été engagé.

Dust : Qu'est-ce que t'as fait !! Aboya-t-il en adressant au gamin un regard effarouché.

Humain : Mais RIEN ! C'est pas moi !!!

Le poussiéreux ne put répliquer que, au fin fond des files, le fil ficelé du seigneur Temps déchu à esclave, se réenroula autour du rouage. Pas de sensations de tout revivre à l'inverse ne fut servies aux pantins, ni d'endormissement. Au résultat un réveil, juste un réveil.

PDV Lisa :

J'eus un hoquet de vie. C'était quand, en sommeil, on oubliait de respirer. On se redressait sur notre lit, asphyxié, happant l'oxygène comme un nectar. Je me tenais ainsi debout, roide en I, effleurant la surface gibbeuse du grès, là où j'avais admiré l'éclat émissaire du soleil. Je tâtai mon buste, stupéfaite de n'y trouver ni sévices ni cicatrice. Le suc gastrique remontant le long de l'œsophage causa une brûlure dans ma trachée. Je gémis, le pas chancelant, n'ayant pas pâti d'une telle sensation depuis la fois où le squelette de pétrole m'avait empalé le ventre.

J'étais encore...là. Mais comment ? Je n'avais pourtant pas rêvé !

L'église était restaurée, robuste sur ses piliers, avec au sommet du vitrail la même bouche de verre. Je me précipitai vers l'entrée principale. La grande porte se fendit sur le Meurtrier et l'Humain, distancés du même écart qu'à la minute où je les avais trouvés.

Dust, le plus sidéré des deux, délinéait des rosaces à travers le Couloir, endurant chaque angle redécouvert comme une mandale dans la mâchoire. Ses pupilles butèrent sur moi. L'Humain suivit le mouvement, interdit. Je leur rendais bien.

Le mutisme prit possession de l'espace et du temps, avant que le poussiéreux ne crève l'abcès, assumant la réalité que personne n'osait prononcer.

Dust : Tu...tu as... réussi à reset ?

Non. Non, c'était absolument impossible... Ils étaient pourtant au moins six fois plus forts que moi avec un LOVE drastiquement supérieur !

Le squelette à capuche se téléporta devant moi, m'attrapa par le col du tee-shirt et m'encastra dans le mur.

Dust : Tu n'es pourtant que de Niveau 1, comment ? Tu as trafiqué quelque chose, c'est ça !? Ça ne peut être que ça, tu n'es qu'une tricheuse, comme tous tes semblables ! SALE HUMAIN, DIS-MOI COMMENT TU AS FAIT !!!

Il m'abattit contre la pierre à plusieurs reprises. Je commençais à sentir une ligne de fraîcheur couler à l'arrière de mon crâne quand ses ruades quand intervint un cri aigu. Dust fit volte-face. Le son stridulant émis par l'Humain retomba en des ricanements de hyène. Il se pliait en deux, ses chevilles se tordant sous le poids d'une hilarité folle.

Dust : Qu'est-ce qui te fait rire, toi ?!

Humain : Sans ! Oh Sans, Sansy, tu es tellement naïf...! Roucoula l'adolescent, se griffant la pommette jusqu'à y peindre des zébrures de rousseur. Ne m'en veux pas, je croyais que tu le savais ! Tu croyais vraiment que tu le savais ! Pensais-tu sérieusement que ton Expérience et ton LOVE allaient changer quoi que ce soit à notre hiérarchie ?

Le squelette à capuche se figea. Et sa prise, sans s'adoucir, cessait sa sauvagerie.

Humain : Le pouvoir du Reset est un privilège obtenu par celui qui bénéficie du plus de DT dans l'Underground. Tuer t'a rendu plus fort, plus déterminé et t'a encouragé à t'élever, certes, mais cela parvient à peine à égaler ne serait-ce que le centième de ma puissance. Ta barre de vie exponentielle, les techniques de combat que tu as développées au cours des cycles, tout cela n'a fait que me divertir en m'offrant un peu de nouveauté et de difficulté dans le gameplay. Je m'en serais allée depuis bien longtemps, si tu... TU, ne me retenais pas ici depuis le début !

Le démon joua porta ses doigts à ses lèvres, ses iris cuivrés témoignant une folâtrerie sans vergogne.

Humain : Tu veux savoir pourquoi tu n'as jamais réussi à me vaincre ? Tu n'es qu'un monstre, une race faible dépourvue de détermination. Mon âme est rouge, la tienne est grise. Quoi que tu fasses, jamais tu ne pourras me surpasser. Oh, alors pendant tout ce temps, en fait, tu nourrissais un espoir ? Aïe, que ça doit piquer...! Moi qui étais convaincue que tu faisais tout cela pour mes beaux yeux...

Dust : Non...

Tandis que Dust relâchait peu à peu son étau, L'Humain s'avançait. Il poussa lestement le poussiéreux sur le côté et planta son regard avide dans le mien.

Humain : Et oui, tu as tué ton frère et tes amis pour des quilles, si c'est ça la vérité que tu refoules. À présent si ça ne te dérange pas, j'aimerais entretenir une petite conversation privée avec notre chère amie ci-ne-gît-plus.

Dust : Quoi...? Mais...

L'Humain le passa sous la balayette de sa main.

Humain : Tu ne m'intéresses plus. Ça faisait quelque temps déjà que tu m'ennuyais, et maintenant que j'ai trouvé beaucoup mieux, je n'ai plus besoin de toi. Alors fais moi plaisir, va chouiner comme un bébé dans les bois et laisse-nous papoter entre filles.

Le squelette désabusé s'agrippait à son contraire, comme si, dans ce monde où tout s'effondrait, il espérait conserver ne serait-ce qu'une once de statisme. Mais ce lamentable SOS demeura ignoré. Et son aura, qui aurait pu effuser de son enveloppe un violent typhon d'émotions, résonna dans le néant. Il se retira dans une téléportation.

Moi : Dust ! Appelai-je en voulant le suivre.

L'Humain m'agriffa et me fit à nouveau rejoindre le mur d'une férocité qui m'arracha un couinement rauque.

Humain : Ne te méprends pas, tu as juste réussi à outrepasser la mort, mais c'est toujours moi qui aie le bouton du Reset, ainsi que le pouvoir de tout réinitialiser quand je le souhaite. Gazouilla-t-il. Je reste la plus forte !

Un rictus énervé accentuait sa fossette pendant qu'il m'encombrait la circulation de l'air en refermant ses serres sous ma mâchoire.

Humain : Alors comme ça on a ressuscité avec sa mignonnette petite âme de Justice ? Ça a dû te demander beaucoup d'effort, tu crois que tu réussirais à le refaire ?

Il tapota sa dague dansotante sur ma fourchette sternale pour la remonter jusqu'à ma jugulaire. Mais alors qu'il menaçait cette pétulante tentation d'opérer, il se mit à rigoler.

Humain : Je plaisante, évidemment, tu m'es beaucoup plus utile vivante. (il m'entailla affectueusement une joue.) Par la barbe des trois sages, c'était donc vrai, les univers alternatifs existent ! Ils exiiiiiistent !!!

Il se recula, sautillant sur place en hurlant d'hystérie et par à-coups, dans un artifice d'euphorie qui me complexa durement le diaphragme. Il ne tarda pas à me bombarder copieusement de questions en tout genres.

Humain : Tu peux voyager entre les dimensions, n'est-ce pas ? Comment tu fais ? Il y a un passage secret dans l'Underground que j'aurais pas vu ? Tu pourrais m'emmener faire un tour ? Oh, s'te plaît, s'te plaît, s'te plaîîît !! Je te promets que je serai sage et que je ne tuerai personne ! Tu n'imagines pas à quel point la vie peut être ennuyeuse ici avec incessamment les mêmes visages, les mêmes lieux ! J'ai tâtonné les quatre murs de cet endroit, je connais toutes les combinaisons possibles, je me sens si seule, ici... Seule et prisonnière...! Libère-moi, je t'en supplie !

Ne se laissant pas mon absence de réaction l'abattre, il s'accrocha langoureusement à mes épaules.

Humain : Ou alors si ça te dérange, tu peux toujours me présenter ton employeur... Nightmare, c'est ça ? S'il engage des humains, tu crois qu'il voudra bien m'embaucher aussi ? Je serai hyper loyale ! Alors ? Alors ?

J'étais aplatie contre les briques fraîches du Couloir, paralysée et transie. Dans un élan d'empathie je transcendai ce tangible masque de démon et y découvris toute la détresse d'un enfant trop âgé voulant simplement s'amuser pour oublier qu'il va mourir. Il a rejeté si opiniâtrement cette destinée qu'il s'est levé contre le Temps lui-même en le soumettant à sa volonté. Un enfant si pur et innocent qu'il joue avec le Mal comme avec un ami, car dans un jeu, le Mal c'est pour de faux, non ? Confondant réalité et fantasme, il a fini par tout abandonner, ses amis, sa dignité, et enfin son âme, pour garder ce sempiternel mouvement étanchant son inaltérable soif.
Pour survivre.

Les larmes me mouillèrent de manière incontrôlée. Je jaugeais ses courbes de jeunesse, son regard gorgé d'espoir et de candeur et ses lèvres remuantes d'appétence.

Moi : ...Tu es tout ce qui me débecte.

Interdit, il s'écarta. Incapable d'aligner une phrase de plus, je lui passai devant et m'enfuis à mon tour dans une détonation sonore.

★★★

J'avais la certitude de trouver Dust quelque part près de Snowdin. Sillonnant l'étendue alpine depuis le pic montagneux le plus panoramique de la région, je repérai au loin un concert de Gaster blasters, inondant sapins et plafonds caverneux sous leurs feux de la rampe. Une téléportation plus tard, me voilà slalomant entre les filtres fuligineux des effluves de bois carbonisés, les flaques de neige fondues et les cratères de stalactites décrochées.

Au centre de cette désolation marécageuse, le squelette, de dos, agenouillé, était livré au vide. Non. À un tissu rouge qu'il décryptait comme un quipu, inidentifiable jusqu'à ce qu'une bourrasque souterraine ne la soulève. Une écharpe.

Dust : Combien ?

Je crus au départ à un délire qui n'appartenait qu'à lui, mais il répéta, anormalement grave.

Dust : Combien de temps s'est écoulé depuis que Nightmare m'a engagé ? Tu dois bien avoir quelques indices, toi qui aimes fourrer ton nez partout.

Je ne dis pas un mot. La moindre vérité, le moindre aveu contribuerait à l'évincer davantage, à anéantir sa mythologie brique par brique, mensonge par mensonge, doctrine par doctrine.

Dust : Je dois savoir. Combien de temps j'ai passé à massacrer des innocents ?

«Des Innocents.» Alors Dust était parfaitement conscient de l'atrocité de ses actes...

Par soucis de principe et de culpabilité, je consentis à réfléchir. Color avait fait référence à Horror dans son discours. Et l'anthropophage avait été recruté après Dust.

Moi : Et bien... Tu étais déjà là quand Color combattait aux côtés des Star Sans... Hasardai-je.

Dust : Color ? Ah, ouais, je me souviens... Murmura-t-il en frottant son front sous son voile gris. Le bogoss avec la chevelure de feu... Ça remonte à quand, déjà ? Deux ans ? Trois ? Attends, me dis pas que ça en fait déjà quatre ?

Je déglutis. Mon timbre s'érailla.

Moi : ...Ça va faire seize ans, Dust...

Il tordit ses cervicales vers moi d'une lenteur horrifique. Articulant muettement le nombre déclaré, ses cernes formant des anfractuosités sous ses orbites, il leva la tête au ciel. Au-dessus, les particules chassées par le dynamisme des gueules osseuses et des vents se refermaient sur nous tels des crocs vengeurs.

Dust : ...Quand il est venu me proposer de travailler pour lui dans les univers alternatifs... J'ai immédiatement refusé. C'était ma mission. Mon fardeau. Et MA victoire. Il était hors de question qu'un clone louche tout droit sorti des livres de Loftcraft se ramène et me dise quoi faire. Mais il m'a forcé. Il m'a lynché à mort et m'a emmené avec lui. Il a dit que pour rentrer chez moi je devais me ranger à sa botte, que tout ce qu'il désirait c'était m'aider à récupérer du LOVE. Hé, je ne sais même plus qui m'a inculqué cette idée débile de récupérer le bouton en tuant des gens... Était-ce moi ? Était-ce Pap's ? Était-ce lui...? Ce qui est sûr, c'est qu'il en a profité. Affranchi des recommencements, il m'a assuré que mon Niveau allait enfin pouvoir se développer librement. Que nos buts s'entendaient, que j'avais tout à y gagner. Ce connard, j'avais tellement envie de le crever, putain ! Mais je suis resté docile. J'ai fini par relativiser... je me disais que même si c'était le pire des déshonneurs, au moins ça ne serait pas vain. Au moins, ça me servirait à quelque chose...

À l'abri sous ma poitrine, le silence tanguait au rythme du balancier du Dieu sinistre horloge. À chaque oscillation la nuque du châtié succombait; cran par cran saccadé le chagrin le décapitait. Le textile de sa capuche s'étira, et derrière son corps se réfugia. Il semblait privé de sa tête, comme une masse informe de vêtements, masse mouvante sans contrôle et sans mire. Puis il éclata; le maelstrom. L'effroyable mugissement déchiqueta le vaste linceul qui emballait l'Underground de son noir destin, repoussant les doigts récriminateurs proclamant l'anathème du Moissonneur. Ou bien celui-ci acceptait-il la sentence et sa plainte ne signifiait-elle que la clameur de toute espérance brutalement tombée en poussière : un désenchantement ? Il glissait ses phalanges dans ses orifices oculaires, voulant arracher son masque physionomique, traversé de vibrations dignes d'un épileptique.

Dust : Pap's... PAP'S...!! Pourquoi... POURQUOI TU NE ME L'AS JAMAIS DIT ???

C'était un spectacle abominable. Jamais, au grand jamais je n'aurais pu m'attendre à voir un jour Dust le flegmatique ainsi ratissant du front la poudreuse, à la merci de l'enfer.

Dust : En fait... Haha...en fait... Toi, Nightmare, l'humain... Vous êtes tous de profonds enculés...!!

Progressivement, ses omoplates accompagnèrent le mouvement de déplorables sanglots.

Dust : ...Gamin, oh, gamin, pourquoi...? Pourquoi tu m'as fait ça, à moi...? Je croyais que tu...qu'on... J'en avais besoin de ce LOVE, J'EN AVAIS BESOIN !!!

Le hurlement retentit dans toute la clairière. Bouleversée, je tendis une main vers lui.

Moi : Dust...

Dust : LA FERME !!! Beugla-t-il en se retournant complètement. Tu ne sais PAS ce que ça fait d'être persuadé que tu pouvais avoir confiance en quelqu'un alors qu'il te considère depuis le début comme un putain de jouet !!

Je fis un pas en arrière.

Moi : D...Dust, je sais que c'est un peu tordu, mais en fait...

Il ne m'écoutait pas. Un trio d'os jaillit de nulle part et me cloua dans la neige par les vêtements. Sa pantoufle s'enfonça rageusement dans mon estomac alors qu'il invoquait un pic acéré.

Dust : Ha... Je ne pourrais jamais tuer le gamin. Mais au moins... à LUI... Je pourrais lui faire payer. Ça l'emmerderait bien si je te tuais, nan !?

Moi : Quoi ?? Non. Non, attends c'est...!

Il me piqua une clavicule. La brûlure abreuva d'âcreté ma cavité buccale.

Dust : Il croyait m'enfermer dans l'ignorance ? Claironnait-il. Il croyait continuer à m'humilier en me faisant bouffer de la merde dans sa main pour toujours !? Non, je ne suis pas un putain de pantin !! Si je dois partir qu'à cela ne tienne, je le ferai en lui crachant dessus une derrière fois !

Les zygomatiques dissonaient de son expression détraquée comme un sourire greffé. Mais les secondes se succédèrent sans qu'aucune exécution ne soit appliquée. Finalement, miraculeusement et paradoxalement, son halètement frénétique décéléra, ses arcades s'affaiblirent.

J'aurais juré que ses pupilles recueillaient une étincelle de remords au moment où il me libéra sur un coup de rage.

Dust : Putain mec, t'es chiant...!!!

Je me mis assise, soutenant ma blessure. Il virevolta les talons, se prosterna dans la neige en la brassant avec vigueur. À se demander s'il ne cherchait pas à creuser sa tombe, actuellement.

Moi : Dust, il n'est pas encore impossible d'arrêter l'Humain. Bredouillai-je. Il faut juste que tu te calmes... Tu as des amis qui...

Dust : Ha ! Quels amis ?? S'esclaffa-t-il. Killer, qui se réjouit de jouer le toutou pour l'autre enfoiré ?! Ou bien Horror, tellement occupé à penser à toi qu'il en oublie qu'il...

Sa voix dérailla. Il tenait jalousement l'écharpe contre lui, la couvait comme une mère.

Dust : ...qu'il a encore un frère...!

Délicatement, il déposa son artefact dans le nid tendrement confectionné. Mon cerveau chamboulé s'attarda sur sur l'anthropophage avant de ranger tout ça maladroitement au fond d'un tiroir. Ce n'était pas le moment.

Moi : P...Pourquoi tu ne demandes pas conseil à Killer ? Il a tué Chara il me semble, n...?

Dust : Écoute-moi bien, gamine... Ça fait plus de seize ans que j'extermine, que je m'endurcis, que je me laisse dicter ma conduite par un être que je méprise de toute mon âme pour avoir enfin l'occasion de tuer cette gangrène putride... Je n'avais pas tout sacrifié pour qu'une petite fouineuse qui n'a même pas réussi à surmonter son syndrome de Peter Pan mette le nez dans mes affaires ! Tu m'as compris ? TU AS FOUTU MA VIE EN L'AIR !!! Alors tire toi avant que je ne change d'avis !

Il tassa consciencieusement la neige, en ramena d'autres aux alentours et en érigea un monticule. Puis, son ouvrage fini, il se releva. Ses poings serrés trahissaient une dernière once de détermination.

Moi : Tu y retournes...?

Dust : Le Temps est une croqueuse de diamants, il la joue à qui a la plus grosse. Je n'ai plus rien à faire, de toute façon. Plus de raisons de fuir.

Moi : Tu ne peux pas y arriver tout seul...!

Dust : Pas grave. Je ne veux pas mourir autrement.

Moi : Tu ne dois pas abandonner, il y a forcément un autre moyen ! Suppliai-je en le rattrapant. Si tu me laissais t'aider...!

Dust : M'aider ?! Feula-t-il. Pour quoi, me manipuler comme les autres ? Ou entretenir ton égo de Sainte-Nitouche ?

Son animosité me pétrifia. Il claqua sa langue, négligeant le bras que je tenais vers lui.

Dust : Les choses se répètent inlassablement, hein ? Acheva-t-il, lugubre. Tous les humains sont pareils. Égoïstes, avides de contrôle. Et moi je suis toujours le même. Le pire des hypocrites. Comme ton chéri que t'essaies à tout prix de sauver !

La bise souleva granulés et poussières. Je ramenai doucement ma main. La seconde d'après, j'étais seule face à la sépulture.

★★★

PDV Extérieur :

Le squelette regagna l'Humain prostré en plein milieu du Couloir. Équipé d'un seau d'eau rouillé à sa droite et d'une montagne de poussières de monstre à sa gauche, il bâtissait une construction à la vague forme de château, bien que la structure misérable ressemblait davantage à une espèce de termitière noyée sous la crue. Le bout des manches trempés et salis, il invectivait auprès des grains opiniâtres refusant de s'assembler.

Dust : C'est ton empire ? Se moqua sans entrain le Meurtrier.

Humain : Tu t'es pas encore suicidé, toi ? Grommela l'adolescent sans daigner se désintéresser de sa patouille.

Dust : T'as essayé de sculpter une personne et de lui injecter de la DT pour voir si ça prend vie ?

Humain : T'essaies de me remonter le moral ? Parce que ça marche pas.

Dust : Non, c'est juste qu'en y pensant l'idée m'amusait. Un monstre artificiel. Je me demandais ce que tu créerais.

Dust prit une profonde inspiration, et dégaina ses poings de ses poches.

Dust : Bref, je suis venu te tuer.

L'Humain cessa sa poterie pour le toiser. Son rire était venimeux.

Humain : Wouaaaaaah, tu viens me tuer, première nouvelle ! Et comment tu comptes procéder à part me faire mourir d'ennui ?

Dust : Elle t'a envoyé chier, c'est ça ? C'est pour ça que tu boudes ? Tu te décides enfin à passer la relève ?

Humain : Tu rêves, pas alors que j'ai une occasion en or de me tirer d'ici ! Clama-t-il en s'avançant vers lui, serrant le pommeau de son couteau. D'ailleurs je cherchais justement un moyen d'attirer l'attention de ton patron et ta présence m'arrange. Toi tué, il sera bien obligé de venir voir ce qui se passe, non ?

Dust : Et s'il ne vient pas ?

Humain : Ta collègue viendra et je trouverai un moyen de la convaincre.

Dust : Et si elle ne vient pas ?

Humain : Meh, je pourrais toujours revenir à un point de Sauvegarde pour te ressusciter !

Dust : Après tout qu'est-ce que la mort, hein ?

Humain : Si tout se passe comme prévu tu ne reviendras jamais, Sans.

Dust : Qu'il en soit ainsi. Conclut le poussiéreux, closant les orbites.

Il les réélargit dans un déclic. Une tonalité mauve s'en empara, et un immense sourire carnassier couvrit la moitié de son visage.

Dust : Au moins, on passera un dernier quart d'heure de FOLIE !

Humain : Ha ! Ça fait un bail que t'avais pas ressorti cette réplique ! S'égaya l'adolescent.

Le squelette fit apparaître sans plus attendre deux croix d'os carmine et les envoya en shurikens. Elles roulèrent vers l'ennemi telles des scies circulaires, l'asséigeant de vas-et-vient acharnés. L'Humain esquivait aisément en tournicotant sur quatres cases, dans un sens puis dans l'autre. Dust fit tinter ses doigts, imposant à l'adolescent un champ de vision intégralement rouge. Mais connaissant les paternes par cœur, le maléfice ne l'empêcha en rien de reproduire ses pas en rythme.

Annulant son sort d'aveuglement, le poussiéreux souffla et chargea ses paumes d'incandescence.

Dust : Allez, ma Vieille... Montre lui à quel point t'es flamboyante.

Il projeta des boules de feu sur son adversaire. Elles se transformèrent en deux vertigineux serpents qui se dressèrent devant l'Humain, claquant leurs crochets. Cependant, celui-ci prouva sans anicroche l'habileté de ses mouvements. Alors les reptiles s'envolèrent, se formèrent en deux circuits hélicoïdaux et fondirent sur lui en spirale. L'incendie réduisit le périmètre en cendres, puis les flammèches s'assoupir. Les traces de morsure étaient visibles sur la peau calcinée du démon, hélas rien de suffisant pour le faire vaciller.

Dust : Pap's, à ton tour. Ordonna Dust. Deux contre un, couvre moi !

Il n'avait pas besoin de lever la tête pour savoir que son frère était là, en défense. L'adolescent dut rompre son sprint à cause des os de magie rouge qui lui bouchaient la route. À l'instant où le squelette à capuche fut à sa portée, Papyrus se dépêcha d'utiliser le Blue Attack pour le projeter contre les poteaux de fortune.

Dust : Beau travail d'équipe !

Le poussiéreux tira à répétitions avec son Gaster blaster. Le démon se prit plusieurs projectiles avant d'user de son couteau. Il le planta dans un pilier, se tracta vers le haut et puisa de son élan pour bondir sur la gueule de loup et l'empaler. Le blaster implosa.

Dust : Undyne, j'ai jamais eu assez l'occasion de te tuer pour apprendre ta technique, donc on va faire avec ce qu'on a.

«Je suis désolé

Papyrus s'en alla. Dust voulut modeler une lance par sa propre magie, hélas, bien loin de la philosophie chevaleresque, il ne résulta de sa tentative qu'une sorte de pic biscornu à l'allure d'une flamberge. Il s'en contenta et, clouant l'adolescent sur place à l'aide de sa télékinésie, lui en livra une bonne vingtaine.

Humain : Ooooh, ça c'est du nouveau ! S'enjailla le démon, maniant sa dague en tant que bouclier.

D'un coup croisé il renvoya les vrilles en valse vers le poussiéreux, qui peina à tous les éviter. Il avait oublié qu'il n'avait pas eu le temps de régénérer sa barre de vie depuis le dernier combat et se sentait épuisé.

Dust : Alphys, Mettaton, à vous...!

«Je ne mérite sûrement pas de mourir à vos côtés...»

Un petit Gaster blaster surgit dans les airs et dilapida ses rayons par tous les orifices. Il tournait sur lui-même telle une boule de disco. Comprimant un ricanement, le démon joignit ses phalanges en pistolet, et, l'âme fondant au jaune, généra un amas d'énergie entre ses paumes qui se précipita sur le blaster. Brutalisé, celui-ci passa du cyan à l'orange, au cyan, au blanc, parfois même au rouge. L'adolescent en tira profit de ces changements pour s'amuser à se déhancher comme il l'aurait fait en compagnie de l'androïde showman. Il poussa une exclamation lorsque des tridents de détermination faillirent l'embrocher. Il se baissa juste à temps.

Dust : Et bien sûr, sa Majesté Popotouffe.

«...Même si j'essaie de faire honneur à chacun d'entre vous

Les fourches royales tombèrent du ciel, sèchement et par à-coups. L'adolescent les contourna tout en fonçant sur sa cible, sa silhouette de vautour repliée vers l'avant. Son sourire ramenait à une de ces poupées dans les films d'horreur que personne n'était en mesure d'arrêter, malgré sa taille de mouche et son poignard pour unique arme. L'on avait qu'à shooter dedans comme un ballon pour la repousser, mais la fatalité du scénario exigeait qu'elle se redresse indéfiniment, même après être passée sous rouleau-compresseur.
Tout cela à cause d'un funeste destin.
Où l'on préférait affronter éternellement l'ignominie plutôt que vivre dans la peur de la voir reparaître.
Car la poupée revenait toujours.
Et personne ne pouvait rien y changer.

Hors d'haleine, Dust le mitrailla de tout ce qu'il lui restait en détermination.

Dust : Même toi... L'herbe toquée du bulbe... T'y as le droit...!

«J'espère avoir au moins réussi ça

Des graines dévastèrent le Couloir, trouant çà et là la chair du démon qui s'y transperçait gaiement, s'accommodant de la douleur, voire s'en imprégnant avec plaisir. À moins que la partie de son anatomie responsable de la lui communiquer avait fini par se détériorer au fil des innombrables cycles ?

Quelle importance ? Il n'avait qu'à envoyer une autre slave.
Durant ce temps où tout engrenage décèlerait, où l'Humain se trouvait face à lui, à découvert, le poussiéreux eut, par désespoir, la certitude de l'achever. D'une balle dans le front.

L'achever...

L'achever ? Quelle drôle d'idée...

Et tellement... irréelle.

«Je vous aime

Avant même qu'il ne le réalise, voilà le poussiéreux épinglé au carrelage, noyé sous le sang dégoulinant du démon. Un monstrueux gloussement coagulait dans le fond de son gosier, l'étouffant jusqu'à vomir un caillot sur son thorax.

Humain : Tu me fais rire, Sans ! Comment comptes-tu seulement récupérer le Reset...

Il brandit sa lame.

Humain : ...Si tu n'as même pas le cran de me tuer ?

«Et voilà, pensa Dust, membres en étoile. C'est fini. On s'est battu tous ensemble contre lui, une dernière fois.»

Il voyait trouble. Sa coutume de toujours riposter devant l'adversité lui hurlait de persévérer. Mais son trépas serait-il si dramatique ? Il avait jadis tant guetté cet événement salvateur... L'Humain le tuerait, s'enfuirait dans les mondes extérieurs et lui foutrait enfin la paix. Mourir était un privilège à Dusttale. N'était-ce pas ce qu'avait toujours souhaité ce bon vieux Sans paresseux ? Dormir sans que l'on vienne manipuler les ficelles de son cadavre ?

Ses fantômes se tenaient devant lui. Ils ne lui en voulaient pas. Ils opinaient du chef, sentencieux. Dust avait fait de son maximum, ils en étaient conscients. Ils l'attendaient juste afin de partir ensemble, et cela le toucha. Il ferma les yeux.

On le tira par le tee-shirt.
Il se laissa faire.
Aucun regret.
Plus rien ne le retenait ici, de toute façon.

Un vacarme indistinct retentit, doublé d'une secousse. Libéré et indemne, son corps brimbala mollement par l'absence de mainmise. Tout en basculant en arrière il risqua un œil au dehors. Une tâche rose dominait l'ensemble.

Il se concentra un peu. Non, pas une tâche... Une pantoufle. Que faisait une pantoufle qui pue juste devant son nez ? D'ailleurs il y avait un pied dans cette pantoufle, non ? Il remonta le long de la jambe qui avait remplacé l'adolescent, détecta un short blanc, un manteau bleu marine enveloppant un gros pull anthracite, puis un rictus au niveau de la maxillaire inférieure élargissant une tribu de coulées noires.

Killer : Besoin d'aide, mec ?

On le rattrapa. Une voix rocailleuse connecta ses ouïes à son esprit.

Horror : Désolé du retard, on vient juste de rentrer de mission. Ça va ?

Dust : L...Les gars...?

L'Humain avait été cordialement affecté au mur de gauche, signant son contrat de mutation par un trauma crânien contre le châssis du vitrail. À la frontière de l'évanouissement, il s'empressait de manger un demi hamburger de chez MTT avec un automatisme quasi robotique.

L'anthropophage profita de la béatitude de son collègue pour lui glisser un sablé entre les dents. Celui-ci mâchouillait à peine, émiettant le gâteau dont le quart s'enfuyait entre ses côtes.

Horror : Nom d'une pomme pourrie, mais qu'est-ce qui t'as pris ? Sermonnait-il en l'aidant à avaler. On a frôlé l'infarctus !

Le poussiéreux avait encore du mal à admettre la cassure de toute l'intrigue qu'il s'était planifié. Killer, Horror. Ils étaient là. Tous les deux. Devant lui. Concrets. Ça changeait tout. En revanche, ce qu'il désapprouvait, c'était qu'en arrière-plan les fantômes s'évanouissaient. Il paniqua. Où allaient-ils ? Pourquoi partaient-ils sans lui ?

Dust : Qu'est-ce que vous foutez là ?! Aboya-t-il froidement. C'est pas vos oignons, laissez-moi crever ici !!

La seule chose qu'il recueillit fut un coup de boule de la part du squelette à la hache. Il lui saisit les pommettes.

Horror : Dust, têtu comme un Temmie sauvage, maintenant tu vas m'écouter !! Tu croyais quoi, qu'on allait te laisser clamser aussi facilement ?!

Dust : J'ai plus aucun espoir de le buter, merde !! Avoua-t-il, excédé. T'as pigé ?! Le LOVE sert à rien, je ne pourrai jamais prendre le Reset !

Horror : Je t'ai jamais connu aussi découragé, mec.

Un mucus salé rebiqua dans la trachée du Meurtrier jusqu'à son palais. L'ombre de sa capuche le dévora.

Dust : Je le savais, au fond... Je l'ai toujours senti.... Une âme de monstre comme la mienne est inefficace contre la sienne...! Je vous déteste, pourquoi vous m'avez laissé faire ça alors que vous aviez toujours su que...?!

Il se cacha derrière ses mains.

Dust : ...Que je n'ai jamais eu aucune chance...!!

Horror : Qui a dit ça ? S'étonna Horror.

La tueur s'accroupit devant lui et désigna d'un geste complice la cible qui décorait sa poitrine.

Killer : Les humains possèdent naturellement plus de DT que les monstres, ok. Mais ça ne veut pas dire qu'il est impossible de les surpasser pour autant. J'ai réussi avec Chara parce qu'iel était au bout du rouleau, et à mon humble avis c'est pas différent pour ce gamin. Si ta motivation est assez grande, tu vaincras. Notre folie meurtrière augmente notre expérience et nous change physiquement, mais cela ne te permet que d'augmenter tes Stats en te nourrissant de la force de tes morts. La détermination, le pouvoir du Reset, c'est une force de conviction.

Au plus profond de l'âme du Juge une nostalgie lointaine sembla résonner. Comment avait-il pu oublier ça ? D'où sa connerie avait-elle démarrée ? Des plus bas étages de sa folie, de ses abysses confortables ?

L'évolution de son raisonnement lui apparut soudain :
"Je dois tuer pour devenir plus fort, ainsi l'Humain se découragera face à moi et je serai le seul être déterminé capable de reset."
"Tuer pour devenir plus fort, ainsi je pourrais tuer l'Humain."
"Le LOVE rend plus fort et permet de tuer l'Humain."
"Avoir plus de LOVE que l'Humain pour tuer l'Humain."

Foutu raccourci disculpabilisateur dans le but de justifier son contentement d'infliger à autrui les pires actes qui soient.

Killer : Hey, je te dis pourquoi tu stagnes toujours à 19 ?

Dust : ...je me rappelle.

Il acquiesça néanmoins. Il avait besoin de l'entendre.

Killer : Le LOVE ne se limite pas à calculer un total de morts, la vie n'est pas une suite numérique. Il désigne la facilité d'une personne à faire du mal à autrui, de quelque façon qu'il soit. Si tu n'as jamais pu atteindre le niveau 20 c'est parce qu'au départ tes intentions étaient bonnes et que cette empathie est toujours logée quelque part en ton âme. T'es pas comme moi, mec, t'es pas pourri jusqu'à la moelle.

Les larmes s'intensifièrent dans les iris du poussiéreux.

Dust : ...pou...pourquoi tu ne me l'as jamais dit...?

Killer : Tu ne me l'as jamais demandé. Et tu ne m'aurais pas écouté.

Dust : Peut...peut-être.

Killer : Nan, c'est sûr.

Horror : Alors, t'es prêt à lui botter le cul, maintenant ?

Dust : Mais... Je...j'en sais rien...

Killer : Y'a autre chose, non ? Qu'est-ce qui t'empêche d'agir ?

Il réfléchissait, dos au mur et face à lui-même. Lui, le gamin, se retrouvant chaque mois pour ce sinistre rendez-vous... Quelle routine réconfortante. Il avait passé plus de seize ans à essayer de le tuer. Quel autre but a-t-il déjà eu dans toute sa putain de vie ?

Dust : ...Une fois que je l'aurais tué... Murmura-t-il, guttural. Qu'est-ce qu'il me restera, après...?

Son leader lui dévoila sa paume.

Killer : Un monde ouvert avec des milliers de possibilités.

Killer et Horror, bien vivants, et lumineux. Dust examina cette perspective d'avenir, et s'essuya la figure.
Oui, lumineux. Bizarre entre tarés mentaux d'éprouver un tel sentiment qui nous lie, non ? Un salaud d'assassin ne peut aimer. Il est torturé, sombre et solitaire. Il n'accorde son amour à personne car il n'en a plus à offrir. Pourtant, ces tueries de masses, ils les avaient exécutées ensemble. En parfaits petits soldats certes, en parfaites petites pourritures méritant cent fois la potence, mais cette coalition qui lui réchauffait les entrailles, cette camaraderie frictionnant frileusement les molécules de son anatomie de monstre, existait bel et bien. Il pouffa. Le monde peut bien s'écrouler tant qu'ils demeuraient là, près de lui.

Le pouvoir des squelettes frèrciopathes brille en vous. Cela vous emplit de Détermination.

Il se laissa relever. Encaissant une bousculade enthousiaste de la part de Horror, il jaugea le démon qui roulait les yeux, méprisant.

Humain : Sérieux ? ENCORE des Sans ? Mais j'en ai MARRE de combattre Sans, moi !! Vous auriez pas pu me dégoter... Ch'ais pas, un Asgore ? Une Undyne ? Ou encore mieux, une Alphys très en colère avec des canons lasers ?

Dust : Dommage gamin, parce que c'est la dernière chose que tu verras. J'ai une nouvelle question pour toi... Veux-tu passer un quart d'heure mortel ?

Aucun regard n'était nécessaire pour deviner que ses confrères allaient perpétuer le dicton. Leurs mains massant ses épaules, gonflant son âme d'une énergie mystérieuse qu'il ne connaissait qu'en leur présence, suffisaient largement à l'en convaincre, en plus de le redorer via une transmission quasi scientifique, de l'optimisme et du courage qui lui avait manqués.

Horror : Parce que si tu fais ne serait-ce qu'un pas de plus...

Killer : ...Tu n'aimeras vraiment pas ce qui t'arrivera.

L'adolescent pesta.

Humain : Eeeeet bien, je suppose que je m'en contenterai pour l'instant... Montrez-moi un peu ce que vous avez dans les côtes !

Il attaqua, piochant en premier lieu sur Horror. Immédiatement le poussiéreux s'interposa, assisté de son Gaster blaster.

Dust : Hin-hin, c'est toujours entre toi et moi, morveux.

Humain : Pas toi, tu m'ennuies !!! S'énerva-t-il.

Dust : Je t'ennuie ? Hey, mais il est passé où, le serial killer passionné qui était prêt à tout pour m'éliminer ?

Le démon bondit au-dessus du faisceau destructeur et tenta une frappe piquée, brusquement neutralisée par un torrent de couteaux made in Killer.

Killer : On te couvre.

Suivant la manœuvre céleste d'un phœnix, Dust emprisonna son adversaire au milieu d'une arène de flammes, enfin prêt à lui cracher ses quatre vérités. Vérités métaphorisées en pieux plantés où à chaque fois qu'en retirait un, ça le cinglait et le délivrait un peu plus de sa foutue dépendance. Ce genre de torgnole qu'on se plaisait de recevoir parce que parfois, on avait vachement besoin de se la prendre, c'te baffe. À son tour d'instiller son venin.

Dust : J'ai passé un nombre incalculable de cycles à m'accaparer de la détermination des autres comme un suceur de sang pour une stupide chimère.

Sa Némésis se lança sur lui. Les doigts nébuleux de l'embrasement mariaient et scindaient leurs silhouettes ondoyantes telles des âmes labiles. Magie miroitante frottée au fer rouillé, à ce cœur à cœur il n'y aurait qu'un vainqueur. Heureusement, l'avantage à être le sous-fifre du seigneur du Mal, c'était qu'on intégrait rapidement la technique ancestrale de "l'éloquence de l'enculé".

Dust : Mais tu es plus pathétique que moi. Tu ne sais même plus qui tu es. Tu veux juste respirer sans le moindre but, sans volonté. Tu n'a ni idéaux ni valeurs, ni foi, ni rêves, ni espoirs. Tu n'aimes rien ni personne et personne ne t'aime. Ta vie n'est qu'une queue de lézard arrachée qui se tortille désespérément.

Humain : Laisse-moi... TE... DÉMEMBRER !!!

La flambée magique s'intensifiait tant qu'elle égalait les effets du plasma naturel. La fournaise faisait perdre raison à l'adolescent. Piégé dans ses mirages infernaux dissimulant les assauts furtifs de Killer et Horror, il ne lui apparaissait que le Juge tronquant ses PV's sans pitié.

Dust : Tu n'es qu'une coquille vide cherchant à exister à travers ceux à qui tu prends la vie. Tu n'as ni nom, ni visage.

Une flamberge lui rentra dans le nez. Ses vertèbres craquèrent lorsqu'elles s'arrondirent anormalement tandis qu'il valdinguait jusqu'au fond du Couloir. Il fut avachi face contre terre. Il reprit hardiment contenance, l'adrénaline ponctuant ses blessures par de chauds tremblements. Le squelette s'imposa près de lui, calme, cérémonieux, impérial.

Dust : Tu as passé trop de temps à asseoir ta tyrannie sur ce monde, gamin. Laisse nos êtres chers reposer en paix.

Humain : Tu peux me supplier autant que tu veux, ça ne changera rien ! Éructa le démon en s'échinant à maintenir le contact visuel, écumant sa rage.

Dust : Je n'en ai pas besoin, tu te décourages tout seul. Il n'y a rien pour toi là-bas, tu SAIS que tu ne sortiras jamais d'ici. Tu n'as même pas envie de continuer, ta vie n'a plus aucun sens.

Il généra un rire graveleux.

Humain : Parce que tu crois que la tienne est moins absurde, Sans ?!

Le Juge s'accroupit, coudes sur rotule, drapé de l'illustre sourire charmant-psychopathe que tous ceux de l'extérieur connaissaient de lui.

Dust : Je m'appelle Dust. J'aime les pommes et les chansons de taverne. Je chie sur mon Chef et fais des blagues de beaufs qui emmerdent mes potes. Je suis le mec le plus invivable du Multivers mais ils m'adorent quand même. Et toi ?

Le démon frémit. Son expression médusée se transforma en une piètre fureur, délavée par une angoisse nouvelle et pourtant si cohérente à ce qu'au fond il n'avait jamais cessé d'être : un gosse.

Humain : Alors tu vas vraiment le faire ? Et tu deviendras quoi ? Tu n'es rien sans moi, je suis ta raison de vivre ! Je donne un sens à ton existence erronée !!

Dust : Plus maintenant.

Le poussiéreux le souleva par le pull.

Humain : Tu ne me feras pas partir...! Glapit-il.

Dust : T'es obstiné, c'est sûr. Mais ne t'es-tu jamais dit...

Le Juge étendit son bras libre en grande aiguille braquée sur le quart. Un arc-en-ciel de blasters éblouissants se déplia en éventail.

Dust : ...Que je pouvais l'être encore plus ?

Le démon se débattit.
Rien ne se passa.
Il chercha à augmenter sa barre de vie.
Ses poches étaient inaccessibles.
Il tenta de réinitialiser une nouvelle partie.

...

Il n'en eut pas eu le temps.

Une supernova miniature éclata sur l'adolescent, écartant les charpentes de l'église sous l'ampleur de son souffle puissant. Les bombes colorées déferlèrent en trombe, gobant le corps puis l'expulsant tel un lapilli qui fusa, et se crasha à l'entrée du Couloir, inerte.

Les trois squelettes attendirent. Une pesante et incommensurable attente. Chacun s'apprêtait à ce que le démon se relève ou disparaisse dans un reset, mais non. La dépouille demeura une dépouille.

Les jambes de Dust flanchèrent. Il se dit qu'il aurait dû décocher une dernière réplique foudroyante pour clore ces seize ans (et des poussières) de calvaire. Mais là, tout de suite, il ne lui venait qu'une réaction :

Dust : Et bah putain...

Horror, qui s'empressait de le rejoindre, rigola en s'installant à ses côtés.

Horror : Je te le fais pas dire !

Dust : ...Je me sens tout chose.

Horror : T'es sûr que c'est l'expression appropriée ?

Dust : En tout cas je me sens chelou.

Il aurait pourtant souhaité ressentir l'incroyable. Un geyser d'euphorie, une plénitude enflant sa cage thoracique, même, peut-être, un tantinet de regrets ? Mais rien. C'était vide. Tout était parti. Il se retrouvait sans âme, aussi pauvre et miséreux qu'un clodo de soixante-dix corvées.

Pauvre et miséreux... Tant que ça ?

Il contempla ses partenaires de bastonnade, puis oublia le superflu. Il aurait apprécié que cette ataraxie passagère dure au moins l'instant d'une éternité. Pour un peu il fut fâché que le squelette à la hache, lui tapant l'épaule, remette sa Némésis sur le plateau.

Horror : Bien joué, mec. Tu lui a mis une sacrée dérouillée.

Dust fixa Horror dans un léger flou. En écho, la mort de Lisa additionnée à tous les reproches qu'il lui avait feulé sur ses sentiments pour elle lui infligèrent une nausée fulgurante. Sa culpabilité l'assaillit. Il se jeta à ses cervicales.

Dust : Ch'uis désolé, Horror, j'ai été putain de con !!

Horror : Hein ?? Fit son ami, déboussolé de l'effervescence de son excuse. Euh... C'est pas une qualité, chez toi ?

Dust : Je suis désolé, je suis désolé je le referai plus jamais mais par pitié me déteste paaaaaaas !!

Horror : Je pige que dalle, là.

Il baissa la tête, triturant ses phalanges, tout penaud.

Dust : ...Dis, tu prends toujours soin de ton frère....?

Horror : Bah... Ouais, quand même ? 'fin, je lui ai lu son livre préféré l'autre jour, c'est vrai que ça faisait longtemps...

Dust : Ok... Alors c'est bon.

Horror : Quoi ?

Dust : T'as le droit d'aimer qui tu veux, j'aurais pas dû faire mon enfoiré avec ça...

L'anthropophage en fut muet, voyant enfin où son camarade voulait en venir. Il eut un rictus embarrassé.

Horror : Oh, Dust, t'en fais pas pour ça, je... J'ai tourné la page de toute manière... On s'en fout.

Dust : Mon cul, tu la matais pas plus tôt que ce matin avec des yeux de bouffeur de fritures.

Horror : Mais je t'emmerde !

Killer : De quoi vous parlez ? S'enquit le tueur qui arrivait.

Horror/Dust : T'occupes.

Killer : Les gars, pas cool !!

Dust lui tira la langue. Le squelette aux larmes de haine ralocha mais n'en tint pas rigueur longtemps. Il s'écroula à côté de ses acolytes et un soupir collectif conquit la pièce.

Killer : Un petit discours pour arroser ça ?

Dust : Là, tout de suite, y'a rien qui me vient. Peut-être plus tard.

Killer : T'as raison, on est pas à l'usine. Mais franchement, pas mal tes répliques tout à l'heure.

Dust : Heh, c'est que j'ai appris parmi les meilleurs !

Horror : Woaw, woaw, une minute les gars, je viens de réaliser... Rompit Horror, brandissant ses index. On l'a vaincu avec le pouvoir de l'amitié ou je rêve ??

Dust : Attends, maintenant que tu le dis...

Killer : Oh non, la HONTE !! Paniqua Killer. Faudra surtout pas raconter ça au Boss !

Ils éclatèrent de rire en chœur. Ouais, nan, rien à battre en fait.

Dust : D'ailleurs... Nota Dust. Ça me va très bien que vous surgissiez de nulle part pour me sauver le coccyx, mais... Comment vous avez fait pour arriver ici ?

Ses amis échangèrent un sourire.

Horror : À ton avis ?

Des bruits de pas étouffés sur le carrelage eurent vite fait de subvenir au questionnement du squelette à capuche. La brunette fit son introduction sous le porche, désarçonnée à la vue du cadavre boursouflé gisant deux mètres devant elle.

Lisa : Wouaw. Vous n'y êtes pas allés de main morte...

Le poussiéreux savait qu'il ne devrait pas être surpris, pourtant il crut avoir la berlue en l'apercevant. Pis encore lorsque, quand elle dirigea le verre de ses lunettes vers lui, et qu'un sourire sincère la rayonnait.

Dust : Lisa ?

Killer : Yup, on lui doit une fière chandelle pour une fois. Siffla le tueur. Se faire sauver par un héros... À ta place je me sentirais humilié.

Horror : Eh oh, molo, hein... Exagère pas non plus.

Killer : Quoi, parce que toi ça te gêne pas ?

Horror : J'ai pas dit ça, c'est juste que... C'est pas la fin du monde, quoi !

Le poussiéreux devait vraiment afficher une gueule à faire pitié car, pendant que ses amis se disputaient, Lisa montra Horror d'un coup d'œil discret, et, penchant son sourire, scella son pouce et son index en tirant un trait sur ses lèvres. Il répondit avec une drôle de moue, coincé entre la reconnaissance et l'insatisfaction. Se faire sauver par un héros, il s'en foutait, mais par un humain...

Tous sursautèrent. Il résonna à l'entrée des accès de crachotements incertains. Sous l'hallucination générale, le cadavre du démon se redressa sur ses coudes carbonisés. Il expirait des glaviots maculés, mouvant de manière houleuse son dos difformisé de cloques et d'ecchymoses. Luttant contre l'appesantissement, il rampa vers Lisa.

Humain : Copine...tu ne vas... Pas les laisser me tuer, pas vrai...? Justice...t'es du genre...héroïne, nan...? À l'aide... je t'en supplie....!

De caverneux caquètements s'élevèrent de sa bouche. Son visage tuméfié, allumé d'un ultime espoir, semblait chercher à se réfugier dans la compassion de la brunette horrifiée.

Humain : Haha... Je le vois dans ton regard... On est... pareil...Toi et moi...on pourrait s'amuser ensemble...être partenaire...

Elle ne réagit pas, prisonnière de sa torpeur. Personne ne régissait, à vrai dire. Il s'agaça.

Humain : Allez, sauve moi...! Sauve moi, quoi...!! On se serre les coudes entre humains, non..!?

Il atteignit enfin son pied quand elle le recula farouchement. Pire qu'une aigre amertume, ce fut un apitoiement stoïque qui s'exprima dans sa voix imbibée de larmes.

Lisa : Tu n'as plus rien d'humain...

Seule elle eut l'opportunité de la voir s'écraser. L'étincelle dans ses yeux. Il n'eut pas le temps de balbutier qu'un os taillé perfora son crâne de la racine des cheveux au-dessous de la mâchoire. Tout aussi prestement Dust retira l'espadon de fortune, produisant une sorte de frottement granuleux. La tête retomba sur le sol, paupières grandes ouvertes.

★  𝙼 𝙰 𝙸 𝚂    𝙿 𝙴 𝚁 𝚂 𝙾 𝙽 𝙽 𝙴    𝙽 ' 𝙴 𝚂 𝚃    𝚅 𝙴 𝙽 𝚄   .

Un ange passa. Seules les respirations intenses de la jeune femme enrouaient le mutisme religieux du lieu de culte.

Bientôt, un halo de lumière se profila devant le torse du poussiéreux. Un encadrement jaune nichant un mot en cinq lettres. Ses orbites s'écarquillèrent de stupeur.

Horror : Le Reset ! S'exclama Horror. Vas-y, Dust !

Bousculé par les réjouissances de son confrère, Dust releva les pupilles vers Lisa. Il déglutit avant de parler.

Dust : Gamine...

Lisa : Oui...?

Dust : Je te remercierai pas mais je t'en dois une.

Lisa : Euh... Ok ?

Il inspira profondément. Le poing du Juge s'éleva alors au-dessus du bouton tant convoité. Tout le monde retint son souffle. De longues minutes défilèrent sans que personne ne cille, portant à s'imaginer que le Temps lui-même était en apnée, suspendu au geste du possesseur de son destin.

Le squelette à capuche abattit subitement sa main, faisant tressauter le public. Le Reset se cassa en morceaux, et, pareille à une âme, se volatilisa en une flopée de poussières d'étoiles.

Horror : QUOI ??

Hors de lui, l'anthropophage courut secouer Dust dans tous les sens.

Horror : MAIS DUST, BOUGRE D'ABRUTI, POURQUOI T'AS FAIT ÇA ???

L'intéressé se laissa faire comme un roseau sous la bourrasque, trop souple aux aboiements de son ami. Un fois celui-ci défoulé, il demanda :

Dust : Pourquoi j'ai fait quoi ? Que voulais-tu que je fasse ?

Horror : Mais, tu...tu aurais pu retrouver ta famille...

Il rit avec tolérance, anormalement serein.

Dust : Allons... Tu crois que j'aurais pu continuer à vivre normalement après ça ? Comme si rien ne s'était jamais passé ? Et si l'Humain ressuscitait et que tout recommençait ?

Le squelette à la hache desserra son emprise. Dust soupira, balayant ce qui serait désormais les ruines du Couloir du Jugement.

Dust : Trop de poussière s'est déjà accumulée dans cet AU et aucun Reset ne saura jamais changer ça. Ils étaient tous déjà morts. C'était le seul moyen de réellement les libérer, Horror... J'ai fait ce que j'avais à faire.

Une risette malicieuse se dessina sur ses lèvres inexistantes. Il se retourne vers lui, fourrant ses mains dans ses poches.

Dust : Et puis, c'est pas comme si j'avais nulle part où aller, si ?

Horror sourit de toutes ses dents. Killer l'accompagna dans cet élan. Comme quoi, même un type comme lui méritait autre chose que la mort.

La face de Dust se décomposa tout à coup, emportant les autres dans son déclin. Il s'affolait progressivement, le regard perdu dans le plafond dégagé de l'Underground.

Dust : Pap's...? Papyrus ! Attends... Où tu vas ? Non, ne pars pas !!

Il bouscula ses amis en fendant l'espace comme s'il voulait prendre son envol, ou bien marcher sur de la lumière.

Dust : Je suis désolé, je voulais pas...!! Je t'en prie, attends moi ! PAP'S !!! JE VOULAIS PAS !!!

Horror l'enlaça par derrière, le retenant malgré ses protestations. Il caressait tendrement son épaule du pouce, de doux murmures gorgés d'émotions couvrant ses sanglots.

Horror : C'est bon, Dust...on est là...ça va aller...

Killer remarqua soudain la brunette en train d'emporter le défunt.

Killer : Hey. Lança-t-il, bras repliés sur son thorax, alors qu'elle s'en allait vers la grande porte. Où tu vas avec ça ?

Elle fit volte-face vers lui.

Lisa : Je l'emmène vers sa destination finale.

★★★

PDV Lisa :

Malgré la galère de pousser du dos la porte principale, je m'étais obstinée à prendre la sortie de l'église comme il se doit, possédée par un instinct solennel. Je descendis les marches de la grande place, me dirigeai vers le canal, gardant précieusement l'adolescent étrangement léger contre mon ventre. Le Riverman, en équilibre sur la chaloupe de bois flottant, patientait appuyé sur sa longue canne, suivait de son masque de noirceur mon parcours jusqu'au quai. Une fois que je fus à sa hauteur, il accueillit la dépouille d'un hochement du voile.

Riverman : Alors il a réussi.

Moi : Qui donc ? Le Meurtrier ou le Juge ?

Riverman : C'est une incertitude intéressante... Qui sait ?

Il se décala afin que je puisse déposer le corps sur la gondole. J'étendis ses membres convenablement, ajustai ses bras le long de son abdomen et réglai son menton vers le haut, permettant à sa bouche entrouverte de happer le ciel. Pour conclure, de l'index et du majeur, je lui fermai délicatement les paupières.

Moi : Si d'occasion vous croisez Calotte Glacée, ou n'importe quel survivant... Dites-leur qu'un enfant monochromatique viendra bientôt pour eux. Il peut être effrayant, mais il est gentil. Il les guidera sur une terre libre et sûre.

Riverman : J'y veillerai. Promit-il.

Nous nous perdîmes dans la contemplation du macchabée. Sa légende et sa renommée n'influençaient en rien le sentiment qui nous traversait, celui prônant l'indubitable évidence qu'hier personne n'aurait osé conjecturer.

Riverman : Il ne reviendra pas.

Moi : Je l'ai compris à son dernier regard. Bredouillai-je, me remémorant les reflets estompés de ses iris, l'écarlate vif se dégradant pour la souillure morne de la rouille. Il y avait de l'abandon, et tant de solitude...

Riverman : L'Humain fuyait la Mort mais il a oublié pourquoi. Il était l'heure pour lui de laisser libre cours aux rouages du temps.

Il toqua la perche contre le rebord en guise d'impulsion, chaste choc qui réveilla une énigme en moi que je n'avais pas encore résolue.

Moi : Euh...! Monsieur le Passeur ? Appelai-je, un peu abruptement.

Il stoppa son élan, à l'écoute.

Moi : Ça va vous paraître peut-être bizarre, mais... Je ne viens pas de ce monde. Et... Tout à l'heure... J'ai réussi à revenir à la vie. Normalement je ne peux être affectée par les réinitialisations, pourtant j'ai réussi à le faire. Vous avez... Des explications ?

De coutume, il perdait son regard, rivé vers les nuages aux formes sauriennes dormant sur les flots. Ils s'épaississaient à chaque seconde. Le brouillard se levait.

Riverman : Je n'ai pas réponse à tout. Avoua-t-il enfin. Je présume que revenir à la vie est un privilège dont profitent les êtres les plus déterminés en ce bas-monde. Et à cela, votre origine n'a pas d'importance.

Il revint vers moi, l'air curieux.

Riverman : Mais dans ce cas, où habitez-vous, jeune fille ?

Je clignai bêtement des yeux. Où j'habitais ? Il me posait une colle, là.
Je n'habitais nulle part. Je n'avais pas de maison, je n'en avais plus.
Le QG des Stars ? Je les avais trahis, impossible de le considérer comme tel. Pas encore, et peut-être même plus jamais.
Killertale ? Même pas dans mes pires cauchemars.

Outertale...
Oublié, et pourtant...

Je laissai échapper un sourire nostalgique.

Moi : Sous les étoiles. Affirmai-je. N'importe où je peux admirer le ciel, je suis chez moi.

Riverman : Le ciel, mh...

Il songea, paraissant s'imprégner de ma réponse plutôt que de l'utiliser pour cogiter et tirer des conclusions mécaniques. Comme s'il privilégiait la spiritualité et le ressenti aux suites d'ordres logiques. Il me regarda à nouveau.

Riverman : En fin de compte peut-être est-ce vous, l'Ange.

Moi : HEIN ?? Suffoquai-je. Je... J'ai...Enfin...

Mon cafouillage niaiseux s'empêtra maladroitement dans ma muqueuse. Je baissai la tête en rougissant.

Moi : J'ai pas fait grand chose...

Il fit un soufflement de nez amusé.

Riverman : Les nobles décisions, même requérant la plus moindre des actions, peuvent mener à d'importantes conséquences. Adieu, Fille des étoiles.

La gondole s'éloigna, et son sifflotement, si pur et grave qu'il s'apparentait parfaitement à une litanie paisible, s'élevait librement au-delà des frontières de l'Underground. Bientôt la brume duveteuse du canal l'encercla et l'effaça, lui et l'adolescent qui emportait dans ses bagages et à ses poignets les chaînes brisées de Dusttale. Le reflux des courants tantôt contre le bateau tantôt contre le granit contribuait à accompagner harmonieusement la mélopée dans son funeste présage, son énonciation analphabète d'une loi immuable que bien des vivants choisissaient de braver.

Repousse ta vieillesse et tu mourras jeune.

★★★

Nous rentrâmes au château. Horror et Killer soutenaient leur ami pendant que je leur dégageais la voie, grimaçant sur les pentures gazouillantes de la grande porte qui me narguait. Honnêtement je redoutais la sanction qui allait découler de cette aventure involontaire. Même si, techniquement, je n'avais rien fait de mal. J'avais évité de mourir, puis j'avais demandé de l'aide à mes coéquipiers afin de sauver la peau du con qui avait bondi sur ses grands chevaux. Je n'avais commis aucune faute, ni aucune action héroïque. Voilà.

Je me préparai à bomber le torse s'il le fallait. Ce ne fut pas le tentaculaire mais Blackberry qui fit irruption dans l'aula dès notre arrivée. Je pressai ma lèvre inférieure des incisives. Aïe.

Black : Dust, bon sang, OÙ DIABLE ÉTAIS-TU ?? Tonna-t-il. Ça fait une heure que le Maître te réclame pour une mission ! Et toi, Lisa, tu étais censée le ramener !! Ce n'est pas parce que tu es ma fan numéro un que tu as le droit à un traitement de faveur !!!

Moi : Mais je ne suis pas...

Black : Pas d'excuses, rendez-vous dans le bureau de Nightmare sur-le-champ !!

Orbites mis-closes, aussi exténué physiquement d'émotionnellement, il était clair que la cible de ses remontrances n'était pas en mesure de se défendre. J'allais contester lorsque Killer me devança.

Killer : Écoute Black, là c'est pas le mom...

Black : Je ne veux pas le savoir !! Enragea le squelette rouge, en allant se planter devant Dust. Tu es incorrigible à paresser de la sorte, maintenant BOUGE-TOI LE COCCYX, TAS D'OS FAINÉANT !

Le poussiéreux se redressa subitement, le fixant avec béatitude, pas tout à fait revenu à la réalité. Son visage avait pris les propriétés d'un soufflet : gonflant, gonflant, puis crevant bruyamment.

Dust : BOUHOUHouHOUUuuUuUHh, BLAaaAaaaAAack...!! Chouina-t-il, enfonçant son front dans l'épaulière du tortionnaire.

Black : Attends, tu... Tu pleures ?? Euh... Bah... Je... Tu...

Ce dernier tomba des nues. Il nous consulta tour à tour, en détresse.

Killer : Il a tué l'Humain. Et détruit le Reset.

Black : Oh... Oh ! Réalisa-t-il, terriblement gêné.

Un peu incertain, il ceignit à moitié le squelette à capuche dans ses bras, lui tapotant gentiment la nuque.

Black : B... Bon, allez, arrête-toi grosse bête, je... Je vais prévenir le Maître et demander à ce qu'on annule la mission aujourd'hui... Je suis sûr qu'il sera d'accord si c'est pour ça, et peut-être même qu'on pourra faire la fête. Avec du champagne et de la nourriture. T'es épais comme un sandwich NTT, manger te fera du bien... Bon, on va lui parler ensemble, d'accord ?

Dust renifla.

Dust : Ui.

Black : Raaah, toi, alors...

Black lui prit la main et le guida, débitant des mansuétudes en continu jusqu'à ce que sa voix ne s'affaisse dans les escaliers.

Killer : ...Y'a que lui pour le supporter. Blagua le tueur.

Le soir venu, l'oblongue table de banquet fut chiquement dressée en l'honneur du squelette à capuche. Blackberry était parvenu à convaincre le maître des cauchemars de célébrer l'événement, et sans achoppement, s'était-il vanté. J'avais craint de ce à quoi ressemblait une festivité chez les Bad Sanses; j'augurais de la torture, des jeux avec les prisonniers, des morts... Merci le Multivers, nous nous complûmes d'un illustre dîner cuisiné par Horror, au menu le plat que Dust désirais savourer par-dessus tout : une magnifique plâtrée de spaghettis bolognaise, trop cuits puis surgelés.
Le goût de la nostalgie, je frapperai quiconque approuvera le contraire.

Je ne me prononçai pas de tout le repas, la tête dans un bilan. Que penser de cela ? Observer mes ennemis dans leur environnement naturel, dépister les facettes cachées de leur personnalité, apprendre leur passé, leurs hobbies, leurs qualités, leurs défauts, les petites touches qui les démarquaient les uns des autres, leur lien profond et authentique... découvrir qu'ils étaient... humains, en quelque sorte ? C'était effrayant. Absolument effrayant quand on concevait que cela ne modifiait pas leur comportement exécrable, que les salauds qui mettaient le Multivers en péril n'étaient pas des démons maléfiques, ce qui serait trop facile, mais des êtres imparfaits, comme vous et moi. Et il était d'autant plus injuste et douloureux d'être spectatrice de leur complicité tout en faisant fureur pour éviter de m'y accrocher. N'y avait-il que moi qui ressentais cela ? Cross le vivait-il également ? Et Science ?

Dust, plus affamé que jamais, avait terminé les assiettes d'au moins la moitié de la table et réclama même du rab'. Puis Nightmare consentit à déterrer un vin de qualité et servit une coupe à chacun d'entre nous. Je sniffai le liquide avec scepticisme, n'ayant jamais réellement apprécié l'alcool pour sa saveur.

Nightmare : Nous portons en cette nuit un toast à un de mes subordonnés les plus anciens et fidèles. Épilogua-t-il d'un blasement poli qu'il ne daignait même pas déguiser. Il n'a pas toujours été un employé exemplaire mais a très souvent témoigné d'une motivation sans appel pour les génocides, ce qui pour moi est sa plus grande qualité. Aujourd'hui il a accompli l'objectif qu'il s'était fixé depuis quelques années et nous le félicitons pour cela. Notre cher camarade, Dust. À ceux qui désireraient congratuler, congratulez.

L'anthropophage, le tueur et le tortionnaire applaudirent avec enthousiasme. Le mercenaire ne s'en importuna pas. Moi je tapai discrètement dans mes mains, sans trop savoir si c'était par conventionnalité ou pour le dérangement du squelette de pétrole pour la positivité ambiante.

Dust : C'est sympa de votre part, Chef ! Remercia Dust en levant son verre, décontracté et repu. Je tiens plus que tout à chanter mes louanges aux personnes présentes à cette table. À commencer par notre bon vieux patron, Nightmare. Vous avez reconnu mes talents et m'avez engagé contre mon gré en me bourrant le crâne de fausses promesses de triomphe contribuant à décliner ma santé mentale d'année en année et m'enfermant dans un cercle vicieux de mensonges qui auraient sans doute fini par me pousser au suicide. Me faisant subir kidnapping, séquestration, baratin et lavage de cerveau vous avez réussi à me garder sous votre contrôle pendant plus de seize ans, vraiment chapeau bas. Je vous proclame officiellement la plus belle pîne d'huître de tout le Multivers. Votre filsdeputerie vous honore.

Nightmare : À la tienne, Dust. Dit l'intéressé en le saluant de son verre.

Dust : Cela dit, poursuivit-il en embrassant l'assemblée du regard, il me faut tout de même le remercier car autrement, je n'aurais jamais pu rencontrer cette formidable équipe. On a passé de super moments ensemble, et en dépit de tout, rien ne me fera regretter ça. Merci à tous d'exister.

Il tchina son verre avec celui de son voisin d'en face.

Dust : Killer, on s'est tapé sur la tête puis soutenu dans la même galère, alors même si t'as des goûts que je juge plantureusement, je t'adore, entre enculés on se serre les coudes. Je suis content de pas avoir fini comme toi.

Killer : Merci ça fait plaisir......

Il se tourna ensuite vers Blackberry.

Dust : Black, t'es chiant comme un petit frère. Ça veut dire que t'es chiant, mais je t'aime quand même.

Black : Nyé ?

Dust : Cross, quand je mourrai je me dirais que ça aura été un plaisir de t'avoir moyennement connu.

Cross : De même.

Dust : Lisa, t'es cool. Je déteste les humains mais toi ça va je t'aime bien.

Moi : ...

Il se tourna vers le dernier appelé, affublé d'une risette chaleureuse et véritable.

Dust : Et enfin Horror, mon double, le sang de ma veine, t'as toujours été un partenaire remarquable. T'es le ketchup sur mes pâtes tristes, mon plaid pendant les soirées ciné, l'aspirateur de ma vie pleine de poussière. T'es un modèle, le Sans que j'aurais aimé devenir, parce que malgré les difficultés t'as toujours pris soin de ton frère et pour ça je t'en remercie du fond de l'âme. T'es l'espoir, mec. L'espoir.

Le squelette à la hache serra ses phalanges sur son sternum, retenant très mal son sourire ému.

Horror : Oh, Dust, si tu savais comme ça me t...

Dust : Bien qu'y ait eu du relâchement dans l'air ces derniers temps. Sérieux, et pour un stupide crush en plus ?

Horror : Dust, pas devant tout le monde...

Dust : Je croyais que rien ne pouvait se mettre entre nous, comment t'as pu partir à la conquête de la Gaule en me laissant derrière...?? Pleurnicha le poussiéreux en mélodrame.

Horror : Dust, je te préviens que...!!

Dust : ON AVAIT DIT LES POTES AVANT LES PU-

Horror : DUST FERME TA GUEULE !!!!

Moi : Buvons ! Clamai-je précipitamment, brandissant le vin au plafond avant de tout boire cul sec.

Le goût âcre du jus fermenté m'arracha une affreuse quinte de toux ainsi qu'une remontée prodigieuse des spaghettis. Je croulai à genoux sous l'incompréhension des Bad Sanses, ravalant férocement le vomi qui coulait dans ma bouche, écœurée.

Après les discours chiants, le réconfort. Horror prétendit les bières à la troupe et voilà les pantouflards bras-dessus bras-dessous chantant des paillarderies, pantoufles sur table. Cross était parti se coucher, Blackberry tempérait de son possible l'égaiement du poussiéreux pompette qui virevoltait en gueulant des insanités jusqu'aux étoiles. Je ne savais pas pourquoi j'étais encore là à l'observer, recluse dans un coin sous les immenses tapisseries murales. Les souvenirs de cette journée, mon trépas, le spleen du squelette à capuche, les dernières paroles de l'Humain, ses supplications sourdes éclataient en obus dans mon esprit. Sous une incommodité tangible.

Si tangible que cela m'attira la compagnie du maître de Mortecouille.

Nightmare : Tu es toujours là. Fit remarquer Nightmare en s'adossant à ma gauche.

Moi : Comment ne pas rester après s'être abreuvé du splendide discours de Dust ? Raillai-je.

Nightmare : Je veux dire que tu as ressuscité.

Moi : Ha... Oui, c'est vrai.

Nightmare : C'est bien.

Moi : C'est pas toi qui m'a aidée.

Nightmare : Il sera puni.

Moi : Pas la peine.

Nightmare : Je ne te demandais pas ton avis.

Je fis grincer mes canines en détournant ma focalisation vers le trio plus ostensiblement. L'aura elle-même du squelette de pétrole était tentaculaire. Modestement. Il n'agissait pas spécialement à part faire acte de présence, c'était moi qui devenait de plus en plus chatouilleuse à cette exhalaison de négativité sinueuse et immonde.

Je piochai un sujet avant qu'il ne le fasse.

Moi : L'Humain commençait à avoir l'idée de devenir un de tes agents. Je me demande pourquoi ce n'est pas lui que tu as choisi au lieu de Dust pour devenir un Bad.

Nightmare : Parce que sinon on n'aurait pas été baptisé les Bad Sanses. Plaisanta-t-il sur la plus premier degré des tonalités.

Moi : Et la vraie raison ? Appuyai-je en risquant un œil vers lui.

Il fit un mouvement de menton démonstrateur.

Nightmare : Regarde Dust. Bien qu'il me méprise et qu'il n'a plus besoin de moi, il n'éprouve pas l'envie de partir, car c'est ici sa maison, à présent. Il n'a jamais été un aventurier, il se fout d'explorer le monde tant que ses êtres chers sont près de lui. Les Bad's sont tout ce qui lui reste, il serait complètement perdu sans eux. Sans a toujours eu besoin de Papyrus. Le "Joueur" est un fléau trop instable qui n'a jamais eu besoin de personne.

Moi : Le joueur...

Ma méditation vira sur Dust et l'Humain. Leurs torts et les travers peinturluraient le tableau abstrait de mes émotions, homogènes, enchevêtrés, vivifiés, faisandés, séparés, hétérogènes, tournaillant, rebelote.

Nightmare : Je connais cette tête. À quoi songes-tu ?

Moi : ...Je me demandais si tuer l'Humain était vraiment la seule solution. Si une meilleure voie n'aurait pas pu être empruntée.

Si je lui avais parlé Hébreu il m'aurait jaugée pareil. Il se marra à s'en décrocher la mâchoire, surplombant presque les crillarderies joyeuses des fêtards. Son hilarité impressionnante me raffermit, autant de vexation que de frisson.

Nightmare : Au moins tu me fais rire, Justice !

Coinçant ses pouces dans les échancrures de son short il tira sa révérence, semant sur son sillage un ricanement sordide.

★★★

PDV Extérieur :

Nouvel inconvénient notable à habiter sans l'Anti-Void. Fâché, l'on avait qu'une envie : se faire entendre, et surtout faire entendre nos pas. Des pas violents, tonitruants, censés produire un tintamarre de ras le bol que personne n'oserait ignorer. Et c'était déplorable, mais la dimension blanche absorbait le bruit des tongues d'Error qui claquaient pourtant tout leur soûl, décrédibilisant son courroux, le rendant muet, sans valeur. À la place il hurla en shootant dans son pouf.

Sa colère et sa tristesse ne pouvaient être décrites. Il avait tout fait, oui, tout fait pour que la brunette veuille bien être son amie. Il avait fourré volontairement sous le tapis ses envies de la garder pour lui; la faisant voyager dans un univers alternatif, ne l'empêchant pas de rencontrer les Stars, lui octroyant le droit de combattre les Bad Sanses alors que c'était débile et suicidaire, il l'avait encouragée à persévérer bien que tout ce qu'il aurait désiré c'était lui chuchoter «Je t'avais prévenue que tu n'étais pas faite pour ça, viens te blottir contre moi.». Il avait négocié avec Epic (et ne l'avait pas tué quand elle s'était retrouvée hospitalisée), retardé sa reprise dans la destruction afin qu'elle ne le déteste pas et tout ça pour quoi ? Se prendre une écharpe en pleine gueule juste parce qu'il avait exprimé son aversion pour les AU's ? Les goûts et les couleurs, elle connaissait pas ?

Le squelette eut des quintes de glitchs, croissantes dans leur martèlement incessant. Plus que de la souffrance, ils lui provoquaient des absences terrifiantes, des arrêts de l'âme et de l'esprit en fréquences consécutives. Il avait une maladie. La maladie de la Conscience. Depuis qu'elle avait plongé ses iris envoûtés dans les siens, il s'était éveillé sur sa condition buggée, ses trous de mémoires, désormais ses souvenirs s'accumulaient sans s'effacer. Ce n'était pas normal. Il devait effectuer un nettoyage rapide de cette maudite soirée, l'oublier, l'oublier et recommencer.

Mais il n'y parvenait pas. Sa frustration le dominait. Rah, c'était une mauvaise idée, il l'avait pressentie ! Lisa ne l'avait jamais apprécié, ce n'était une manipulatrice envoyée par Ink pour l'empêcher de continuer ses activités. Demain, il ferait tout comme avant, c'était MIEUX avant. Il ne se souvenait pas très bien de ses émotions antérieures mais il était certain que ça ne pouvait pas être pire. Il fallait nettoyer.
Nettoyer.
Nettoyer.
Nęttøÿē-ę-ê-ė-

...

Le lendemain, aucune de ses menaces n'advinrent. Ni destruction, ni loisirs. Il avait passé la journée à déprimer sur son canapé, se délavant dans la contemplation des divers AU's ouverts sur lui. Soudain, il sentit une présence. Il se remit instantanément sur pieds, armé de ses Gaster blasters. Le visiteur n'était autre que le gardien des sentiments positifs, Dream.

Dream : Error, je peux te parler ? S'enquit-il avec une douceur lénifiante qui flanqua un poignard entre les nerfs de l'effarouché.

Error : mårchãnd såbłę. Grommela le destructeur pourvu d'un sourire mauvais. Qū'ęst-cē qūę tē fåįs łà ? T'ēs déçū pås ãvøįr réussī tøn cøūp, c'ęst çã ?

Dream : Mon coup ?

Error : Nę fåīs pãs ł'įnnøcēnt, c'ęst vøūs qūį m'ãvęz créé cēttę... Pętītė chøsē pårfãįtē pøūr m'ęndørmir !! Jē préviēns, çå pręnd płūs !

Dream : Tu parles de Lisa ? Devina le prince des rêves, bouleversé.

Error : Nån, dę łã Mèrę Åstrãłę. Bøn sãng, dę qūi vęūx-tu qūę jē pårłę ?!

Dream eut alors un de ses soupirs désolés qu'Error abhorrait.

Dream : Error, Lisa est une humaine imparfaite, tout ce qu'il y a de plus normal...

Error : Årrêtę, çã t'årrãngę bįēn qūę jē nę détrūįse płūs ! Çå fåįsãīt pårtįe tøn płãn qū'ęlłe søįt sÿmpå åvēc møį, måįs łã vérįté écłãtę tøūjøurs ! J'åį fãīt ūnę trêvē åvēc Įnk, j'åį dēmãndé à Ēpįc l'ęntråînēr, ęt ēlłe n'ã pås dãįgné møntrēr ūn SØŪPÇØNrēcønnåįssãnce !

Dream : Elle ne t'a rien demandé.

Son timbre était ferme, ses pupilles verrouillées. Chez lui ce genre de phrases glaciales faisait office de sniper : exceptionnel, puissant, précis. Le squelette glitché déglutit, déstabilisé.

Error : J'åį qūand mêmę ãrrêtédétrūįre...

Dream : Ne pas tuer des gens, ce n'est pas censé être un exploit. C'est la norme de la moindre des éthiques.

Error : C'ęst vråį...? Couina-t-il.

Dream : Oui.

Error fit une moue déconfite et les gueules de loup repartirent. Il balançait ses mains en avant en arrière, puis les croisa sur son pull.

Error : C'ęst jūstę quē... Ęlłē n'å pãs prįs łē tęmps m'écøūtęr qūånd øn s'ęst dįspūté... Øn åūraįt s'ęxpłīquer måįs ęlłe n'ã pås vøułū...! Çå prøūvę qū'ęlłe détęstē, nøn ?

Dream : Enfin, mets toi à sa place. Déplora Dream. Elle venait à peine de sortir de l'hôpital alors qu'elle s'était faite transpercer le ventre ! Juste avant de s'embrouiller avec ses amis. Elle était exténuée, ça n'a rien à voir avec toi.

Error : Ēlłe s'ęst ēmbrøūįlłée...? Murmura le destructeur, se rappelant tout à coup la mine patraque de la brunette hier soir. Pøūrquøį ęlłe l'å pãs dīt ?

Dream : Parce que c'est Lisa.

Les orbites d'Error papillonnèrent. Cela dit, il restait sceptique.

Error : Pęū įmpørtē, jē nę førcęråī pãs à chångęr pøūr ęlłe. Płūs måįntēnãnt.

Dream soupira, une main sur le cœur et une autre tendue.

Dream : Il serait hypocrite de ma part de prétendre le fait que ta nouvelle manière de maintenir l'équilibre m'indiffère. Au contraire, j'en suis heureux et soulagé. Mais ça ne veut pas dire que je ne veux pas t'aider également, Error. Ne penses-tu pas que ta seule amitié vaut au moins le coup de me donner une chance ?

Il généra une brèche d'énergie positive à sa droite.

Dream : Je connais quelqu'un capable de t'aider qui n'est d'aucun camp.

Il y entra sans s'assurer que le squelette glitché accepte de lui emboîter le pas. Acte risqué qui, justement, convainquit ce dernier de le suivre.

Ils débouchèrent sans un champ de fleurs d'Echo, curviligne, oblong de part la cavité rectangulaire qui l'englobait. La phosphorescence cyan des lieux, le plafond bas nacré d'une constellation de cristaux et l'humidité de l'air attestaient qu'ils avaient atterri à Waterfall. Dream indiqua une forme anthropomorphique discernable au loin.

Dream : Je l'ai prévenu de ton arrivé. N'aie pas peur.

Un peu méfiant, le destructeur fourcha les herbes sombres jusqu'au monstre. Grand, squelettique, drapé de bandages couvrant les trois quarts de son torse, il inspirait dans un bâtonnet et soufflait une fumée blanche se dispersant sur des mètres à la ronde.

??? : Yo, moi c'est G. Se présenta-t-il, sans même le regarder.

Error : ...Ērrør. Répliqua le squelette glitché, troublé par la conduite placide et berçante de son interlocuteur.

Une Vie Calme. C'était rassurant. Il battit des bras à l'instar d'un pingouin en pleine savane, pas trop à son aise.

G : Tu vas pas rester planté, là, assieds-toi. Rigola G en tapotant la place à côté de lui.

Après hésitation, il s'exécuta. Le grand squelette l'aborda sans ambages, du genre le bavard qui trouvait toujours quoi dire sans jamais en faire trop.

G : T'es le fameux non-petit-copain de cette chère brunette à lunettes, c'est ça ?

Error : Łę "fåmęūx" ?

G : Dream m'a dit que t'avais des questions à me poser. Je suis ton homme, un expert de l'amour ! Se gaussa-t-il en se pointant du pouce. Je leur en dois une, alors parle sans crainte.

Error gigota sur sa motte de terre, accordant par réflexe sa prunelle aux étoiles. Étoiles matérielles, contrairement à Outertale, ce qui, symboliquement, touchait maintes différences. Ne sachant trop par où commencer, il bégaya :

Error : Ēst-cę qū'įł ÿ å, ęūh... Qūęłqu'ūn dãns vįē ?

G : Woh, je te vois venir ! Contesta G. Je raconterai pas deux fois mon histoire dans la même journée, merci.

Mais sympathisant pour la frimousse affligée du gamin chelou en habit de clodo dont Error avait l'allure, il leva les yeux au ciel avec un rictus amusé.

G : Bon, OK, je vois, pas un pour rattraper l'autre. Disons qu'il y a encore quelques temps j'étais pas la personne des plus fréquentables. Mais quand j'ai remarqué qu'entre Frisk et moi il pourrait y avoir plus que de la camaraderie, j'ai...

Error : Tū ås chãngé pøūr ęlłe. Compléta le destructeur en le fixant profondément.

Les arcades du grand squelette décrivirent un double accent circonflexe au dessus de ses orbites captivées.

G : Ouuuuuh, on a touché un truc, à ce que je vois. Alors ? Ta grande question ?

Il s'accorda à y réfléchir. Quel questionnement le taraudait donc particulièrement ? Il ne connaissait rien du fonctionnement de la société. Les masques, les faux-semblants, toutes ces merdes qu'il craignait par dessus tout et dont il était ou avait été témoin avec Ink, Epic, Nightmare... Est-ce que c'était ça le comportement qu'il fallait adopter ?

Error : Ēst-cę qū'øn ęst øbłīgéchångęr qūį øn ęst pøūr płãįre åūx ãutręs ? Traduisit-il aux cristaux luisants incarcérés dans la paroi.

Cette atmosphère s'apparentait à la colline aux étoiles sur certains critères : le firmament, l'enchantement, la capacité à apaiser par d'onctueuses poésies sans nom. Cet endroit était un décors concret, on pouvait toucher les étoiles, le paysage parlait et la poésie chantait des mots. Les versifications lyriques des fleurs ensserraient le cœur des deux squelettes. Error aimait expérimenter ça. Une camaraderie répétée encore plus fort, en écho. G donna enfin sa réponse, écrasant son mégot sur le cuire de sa chaussure.

G : ...Nah.

Error : V... Vråįmēnt ?? S'écria le squelette glitché. Mãīs tøį...

G : Les relations, c'est plus compliqué que ça, Error ! Expliqua-t-il. Je n'ai jamais eu à me forcer, ça s'est fait tout seul. Je me suis rendu compte que ce n'était pas ce que je voulais, que je n'avais pas besoin d'être con pour attirer l'attention. Elle ne m'a pas vraiment "changé"... Elle a révélé quelque chose en moi. Je suis toujours le même, mais en mieux. Je préfère largement celui que je suis aujourd'hui, et c'est ça qui est important.

Voilà une problématique qu'il n'avait jamais abordé. Entre le lui avant et le lui après, qui préférait-il ?

Error : Åłørs... Tū ęs sûr qūe Łįsåm'ã pås jęté ūn sørt øu ūn trūc gęnre ?

G : C'est pas de la sorcellerie, t'es amoureux.

Error : Jē nę sūis pås ãmøuręūx !

G : Ah. En tout cas elle l'est, ça sautait aux yeux quand elle m'a parlé de votre dispute.

Error : Hēįn ?

G : Sa tête toute tristoute de pitchounette était à vous fendre le cœur~ Insista-t-il, narquois.

Error : Jē nę tē crøįs pãs, ęlłe prétēnd, c'ęst tøūt. Bleuit le destructeur rien qu'en imaginant Lisa ainsi.

G : Si, je te jure. Sur la tête de ma Belle.

Error : Nøn, c'ęst fåūx !! Tū mę-Ē-ĘNS !!! Crisa-t-il.

G : Mais enfin, pourquoi tu veux absolument nier le fait qu'elle t'apprécie ?

Error : Pårcę qūe...!

Il s'interrompit, articulant dans le vide. Une piqûre lui vrilla le sternum jusqu'à la moelle.

Error : ...pårcę qūe...

Il baissa le menton. Ses phalanges se cadenassaient durement. Son accent glitché était plus prononcé que d'habitude.

Error : ...qūį pøurråit bīęn ãimęr... Qūęłqu'ūn cømmę møį-ī-į...?

G l'examina de longues secondes.

G : Mh... Ok.

Il entama une seconde clope et l'introduit entre ses dents.

G : Il y a une chose qu'il faut absolument que t'enregistre, mon gars : pour aimer quelqu'un il faut déjà apprendre à s'aimer soi-même.

Error : Bęūh. Maugréa Error, maussade. Qūeł ęst l'īntérêt d'ãppręndrē à t'åįmer sãns sūccès jūstęmēnt qūęłqu'ūn pęūt t'åįmēr à tã płåcę ?

G : Ouh laaaaaa ! Siffla le grand squelette. Si tu changes pas de mentalité mon p'tit père, ton couple va pas brûler longtemps !

Error : Hēįn ?

G : J'vous donne trois mois à tout péter.

Error : Qūėøį ??? Paniqua le destructeur.

G se marra avant d'extraire de sa poche son paquet de vingt-cinq.

G : Allez, prend une tige. Pour te remonter le moral après ta future rupture.

Error : Ęūh... Nøn mērcį. Refusa Error, désabusé.

G : Vas-y, je te jure ça détend.

Error : Nøn, j'ēn vęūx pås, çã pūę ēt åprès ønpēut płūs s'ęn påssēr !

Il avait visionné un épisode avertissant des dangers du tabac dans Undernovela.

G : Bon ben t'es pas si cloche que ça, y'a de l'espoir ! Tu préfères les roses aux cigarettes.

Error : Dę qūøi ?

Le grand squelette rangea son bien.

G : La cigarette tu viens l'acheter où tu sais qu'il y en a. La rose tu la découvres par hasard sur un chemin, tu ne la cherches pas mais t'es heureux quand tu la vois.
La cigarette tu la prends par le cul et tu l'allumes, tu la consommes en quelques minutes, dans un plaisir grossier. La rose tu lui caresses délicatement les pétales, tu la humes, tu lui parles et tu l'écoutes, tu l'apprécies et tu peux revenir chaque jour pour la revoir.
La cigarette t'appartient, tu peux en faire ce que tu veux. La rose, si tu la cueilles pour la garder sur ton veston, elle fane et se meure.
La cigarette te rend addict au point que tu n'arrives plus à t'en passer, elle te fait plus de mal que de bien car quand tu n'en as pas, tes mains tremblent, tu deviens nerveux. La rose, elle te rend heureux tout le temps. Quand elle est là, car tu peux humer son parfum, et quand elle n'est pas là, car rien que penser à elle te rend heureux.
Ta copine, c'est une cigarette ou une rose ?

Error ne comprenait pas. Pourquoi ne pourrait-il pas croiser Lisa par hasard, la caresser délicatement et sentir son parfum tout en se disant qu'elle éloigne les malheurs de sa vie et que quand elle n'est pas là il est seul, triste et complètement perdu ? Quel mal y avait-il à cela ?

Error : Bēn, ęūh... Ūn pęū dēs dęūx ?

G : Mmmmh, y'a du chemin à faire. En tout cas si c'est une cigarette, c'est pas de bol pour toi. Évalua G en s'éjectant du sol.

Error : Pøūrquøį ?

Il commença à se déhancher vers une cavité étriquée servant de couloir, attrapant sa ceinture. Il se retourna.

G : Parce que les clopes, plus on en achète, plus ça devient cher.

Envoyant un dernier salut sollicitant index et auriculaire il disparut dans l'angle de la grotte. Error ne comprenait toujours pas. Il n'avait pas un rond.

À Outertale, la nuit était tombée vite. Trop vite à son goût. Il n'avait pas eu le temps d'encaisser toutes ces émotions qu'il se retrouvait déjà caché derrière l'arbre à espionner la jeune fille recroquevillée dans son chaud manteau d'hiver. Elle malaxait ses mains sous ses moufles. Le destructeur compta les points qui jouaient en sa faveur. Elle était venue, elle stressait, elle luttait contre le froid sans même être sûre qu'il se pointerait. C'est qu'elle devait tenir un peu à lui, non ? Il devait juste s'assurer que ce n'était pas une machination des Star Sans. Si elle l'aimait sincèrement, alors... Il pourrait bien réfléchir à toutes les opportunités possibles, plus rien ne le dérangerait.

Il prit une profonde inspiration et effectua un pas en avant. De la bouche entrouverte de la brunette s'échappait une volute de buée blanche qui se dissipait dans l'air.

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Non, je ne dirai pas combien de mots ça fait -^-

C'est dingue parce que dans le Fandom AU d'Undertale, on a souvent tendance à oublier que... Et bien que ça fait partie d'Undertale... Notamment parce que la majorité des fanfics sur reposent surtout sur Ink, Error, Dream et Nightmare ou bien les Bads et les Stars. Ce sont vraiment les quatres piliers au centre des histoires, et au-delà on a des Sans en veux-tu en voilà...

Alors ça fait du bien de se rappeler qu'avant tout, ça se passe dans des mondes juxtaposés à Undertale, revenir aux bonnes vieilles bases avec le Reset, Chara, la Détermination, le LOVE, les personnages tertiaires (j'adore le Riverman) et les références au jeu :D !
OK ça parle de la route Génocide, MAIS au moins on revient aux sources, moi ça me rafraîchit xD

Aussi, je suis au courant que Dust ne possède pas les pouvoirs des autres monstres dans le canon, mais je le garde quand même parce que c'est justement ce genre de fanon BIEN. Quelque chose qui ne dénature pas le canon, ça le renforce dans sa symbolique (et sa coolitude)

À la Revoyure (⁠づ⁠。⁠◕⁠‿⁠‿⁠◕⁠。⁠)⁠づ !

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