Chapitre 23 (Deuxième partie)

Horror : Bon, je t'explique. Il va falloir isoler Storyshift!Chara tout en l'empêchant de s'échapper. Durant le combat, il voudra à coup sûr utiliser le reset. Si on fait l'erreur de le faire canner, il renaîtra en pleine forme tandis que nous on ne sera pas affecté vu qu'on n'est pas originaire de cet univers, avec la fatigue les blessures potentielles et tout le blabla. En gros, plus tu le tues, plus tu as de chance de te faire tuer. Tu as compris ?

Lisa : En gros... Répliqua distraitement la brunette.

Horror : Il faudra donc baisser sa barre de vie au maximum et l'immobiliser afin de me laisser le temps de boulotter son âme, et tout ça le plus vite possible avant que les Stars ne découvrent quelque chose. Être rapide, précis, efficace.

Lisa : Mhmh...

Horror : Eh, dis-le si je t'ennuie, surtout ! Bougonna Horror, froissé.

Lisa ralentit leur marche. Elle grinçait des dents comme si elle se retenait de lui cracher toutes ses invectives et prit une grande inspiration, le coin de l'index appuyant l'arrêt du nez.

Lisa : Horror, te vexe pas, mais... Je me fous comme de mes premières baskets de la meilleure technique à prendre pour tuer un humain, ok...?

Demande rejetée, Horror se vexa. Elle devait encore rêvasser de son beaaaaau squelette d'ébène. Rien que de les imaginer se retrouver pour la moisson des caresses et baisers foisonnants le soupoudra d'une envie épicée d'abuser de son pouvoir. Il se pencha sur elle, menaçant et la voix rauque.

Horror : Tu devrais doser tes paroles avec moins de poivre, morveuse. C'est un vrai travail et si tu n'y mets pas un peu de bonne volonté, je n'aurai aucun soucis à faire un rapport douteux sur toi au Patron. Et ce ne sera pas demain la veille que tu retrouveras ton Erry chéri. C'est clair ?

La jeune fille ouvrit la bouche pour contester, mais son effronterie fit un pas en arrière, affaiblissant ses arcades. Elle finit par fermer les paupières, le menton baissé. Satisfait, il lui tapota l'épaule.

Horror : C'est bien, c'est bien, tu commences à apprendre à te tenir tranquille.

Elle recula furieusement comme s'il l'avait piquée, le fusillant des pupilles avant de les balayer aux alentours, portant instinctivement sa main là où il l'avait touchée. Ils étaient aux abords de la région de The Furnace, alternative à Calciterre, non loin du laboratoire des Dreemurrs. On aurait dit que les pierres volcaniques et les arbustes morts lui rappelaient des choses peu agréables. Horror mit un temps avant de se remémorer Malfratale. Une gêne palpable émergea de ses pommettes. Oui, bon, il s'était un peu laissé emporté, pas de quoi en faire toute une histoire ! Elle croyait quoi, qu'il allait lui sauter dessus comme ça alors qu'ils étaient en pleine mission ? Non mais sérieusement...

Seulement ce foutu embarras l'obligea à se planquer sous une couche de moquerie. Il reprit la route l'allure décontractée, avec le rictus crâneur de celui qui se la jouait.

Horror : D'toute manière il est mort ton gars.

Pareil à ce qu'il avait savoureusement prévu, cela ralluma une étincelle chez Lisa qui, ulcérée, alla se planter pile devant lui. 

Lisa : Ah ouais ? Et qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Horror : Tsss, c'est évident, il s'est rendu compte qu'il avait une sale gueule et il est allé se suicider.

Lisa : Il est vivant !! Rétorqua-t-elle, élevant le ton avec la crédibilité d'une petite souris. Et sa gueule est plus belle que la tienne !

Horror : Vivant, et qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Lisa : Je... Je le sais, c'est tout.

Le sourire de l'antropophage s'étira. Il plaqua ses carpes osseux sur ses joues, partant dans de grands airs railleurs.

Horror : Ooooh, elle le sait, elle le sent ! L'amouuuuuuur, que c'est romantique ! Error Error, je me languis de toi !

Lisa : Non mais c'est quoi ton problème ?!! T'as quelque chose contre lui ?!

Horror : Absolument pas. Mentit-il. Mais c'est un traître et j'aime pas ça. La preuve il t'a trahie toi aussi.

La plaisance qu'il avait eu à taquiner Lisa s'éclipsa aussitôt lorsqu'il fut confronté à ce qu'il trouvait de plus moche chez elle. Visage chiffonné, masséters poussés jusqu'au blocage... Mais le pire c'était la dureté de son regard, dont les iris s'étaient teintées de jaune, et les larmes de colère qui étaient à un poil de squelette de déborder.

Lisa : Allons finir cette putain de mission.

Elle lui fit froidement volte-face, furibonde, avant de se téléporter à plus d'une centaine de mètres, non loin du labo d'Asgore. Horror grimaça. Cela lui faisait se demander sincèrement à quel moment il s'était mis à s'intéresser à elle. Et alors une nouvelle question s'enchaîna, et une autre, chacune s'emboîtant aux mémoires de sa vie comme des enzymes accélérant le métabolisme, retraçant l'histoire en sens inverse.

Depuis quand s'était-il embrouillé avec Dust ?
Depuis quand s'était-il embrouillé avec Papyrus ?
Depuis quand désirait-il la brunette ?
Depuis quand avait-il arrêté de se répéter «Je n'ai pas faim» ?
Depuis quand aimait-il le sang ?

Depuis quand avait-il commencé à manger de la chair humaine ?

«Là c'est toi qui m'emmerde, Horror.»

Il avait été sidéré par cette réponse. C'était ce qu'avait lâché le poussiéreux le jour où le squelette à la hache leur avait raconté, à lui et à Killer, sa dernière conversation avec son frère, quand il s'était plaint qu'il l'emmerdait avec ses airs navrés dont le sournois but était de le faire culpabiliser. Quoi, Papyrus pouvait être heureux pour lui, non ? Pourquoi ne le laissait-il pas trainer avec ses potes ?

«Je ne te reconnais plus, Sans... Lui avait tristement confié le grand squelette.

– Hein ? S'était étonné Horror en bourrant le réfrigérateur de leur nourriture mensuelle généreusement offerte. Qu'est-ce que tu racontes, je suis toujours le même.

– Non... Avait-il insisté, colonne vertébrale déviée de sa droiture habituelle. Tu passes tout ton temps avec tes autres toi, tu ne viens plus que pour me vider les courses.

– Parce que c'est le boulot. J'aurai aimé pouvoir être plus présent, mais...  C'est ce qui t'apporte à manger. Et puis morfale comme je suis je viderais les réserves si je mangeais avec toi.

– Tu ne me parles que de tes tueries...

– Faut bien trouver un sujet de conversation !

– Et les humains ?

– Quoi, les humains ?

– Tu...les manges tout le temps. Tu as l'haleine de leur sang à chaque fois que je te vois.

– Tu ne peux pas comprendre, Pap's. Se disculpa-t-il lestement, haussant les épaules. Tu ne t'en es jamais privé, c'est normal que ça ne te paraisse pas si bon. Alors que moi, j'ai sept ans de retard à rattraper ! Vu que tu m'as laissé crever de faim toutes ces années.

– C'est... C'est toi qui me l'as demandé, Sans...

– Quoi...?»

Horror s'était retourné, perplexe. Son frère, tête basse, le fixait avec désolement, tant de désolement qui ne lui ressemblait pas... Sa mémoire pouvait des signes de défaillance par moments, et il avait du accorder son regard au parchemin punaisé au mur d'en face, ces règles écrites qu'il avait lui-même instauré à Papyrus, pour se souvenir. Le papier était vieux, déchiré par endroits et l'encre pâle, datant si l'on puit dire, d'une autre époque. Avant sa libération spirituelle, son évasion psychologique.

« C'est toi qui ne voulais pas manger d'humains pour...!

– Tu m'emmerdes, Pap's.»

À force de ronger son frein en permanence, il aurait fini par s'étouffer avec. Comment cela s'était-il déroulé, déjà ? Tout cela se désaxait dans sa tête, broyé dans le moule opaque et uniforme de son cerveau. Deux images. Le squelette aux tentacules peintes d'hémoglobine où un tissu violâtre pendait encore, souriant, s'avançant vers lui. Deuxième image, une jambe humaine, encore chaude, appartenant à quelqu'un de petit, gamin ou gamine. Le dialogue demeurait flou, mais il en identifiait encore quelques bribes lointaines, ainsi que la voix douce de son interlocuteur et futur patron.

«Mange.»

Je n'ai pas faim.

«Tu as faim.»

«Laisse toi aller.»

«Cesse de te faire du mal pour rien.»

«Tu y as le droit, toi aussi.»

Je n'ai pas faim.

«Après toutes ces années...»

«Tu le mérites.»

«Mange.»

Et la sensation. Un feu d'artifice explosant ses papilles, un plaisir qui lui eût arraché des hoquets de larmes, le ferreux puissant faisant trémuler tout son corps sans qu'il eût pu se contrôler. Calcium, protéines, solidifiant ses os d'argile. Force, vigueur, santé, exaltation, l'enveloppant à nouveau. Une renaissance.

Horror cligna des orbites, de retour à la réalité. Sa partenaire était déjà loin, pas plus grande qu'un petit pois à cette distance, visible devant le flanc du laboratoire d'Asgore. Il secoua la tête, comme pour faire tomber les particules de souvenir, et la rejoignit en deux coups de téléportations. Elle était à genoux devant une rangée de vitres rasant le sol qui donnait, une dizaine de mètres en bas, sur un vaste hangar.

Il y était dispersé de nombreuses caisses de fer empilées les unes aux autres, certaines éventrées, leurs entrailles s'éparpillant sur la moquette grisâtre. Au centre prônait une étrange machine rectangulaire que Horror associa à une sorte de tête difforme, avec ses cheveux de câbles et de tuyaux, sa bouche tirant une langue-lit avec matelas, oreiller et fils électriques provenant des côtés arrondis de la cavité buccale, et ses orbites étant deux trous accueillant des bocaux, un vide et un où baignait un liquide mystérieux qui ne devait pas être très comestible. Storyshift!Asgore, Storyshift!Asriel et surtout Storyshift!Chara s'y figuraient, tous vaquant à leurs occupations.

Horror : Bon, on fait quoi pour l'attirer dehors sans éveiller de soupçons ? S'enquit-il auprès de Lisa.

La brunette ne l'écoutait pas. Elle était focalisée sur la scène muette qui vivait sous ses yeux. Les mouvements de lèvres du chevreau, la capuche verte de l'adolescent qui gigotait paresseusement en interaction, le sourire du père. Un havre de paix et de convivialité familial épié depuis l'extérieur. Il ne déchiffrait pas avec excellence l'expression de sa chair et tendre. Envie ? Culpabilité ? Amertume ?

Horror : Eh, si tu te focus sur chaque bonheur qu'on va détruire t'auras pas de sitôt le cul sorti des ronces... Conseilla-t-il avec une conscienciosité dans la voix qui l'étonna lui-même.

Lisa : Je sais... Souffla-t-elle, sans être sur la défensive pour une fois, juste avec un profond regret.

Merde, elle lui ferait presque se sentir mal pour tout à l'heure. À force de la mat... de la surveiller, il se rendit compte qu'elle détenait en réalité cette constante fadeur. Paupières mi-closes, tête concave, confinée dans une bulle hypersensible qui s'électrisait à chaque fois qu'on y toquait. C'était peut-être pour ça qu'il aimait la provoquer, au fond. Elle n'avait plus cette étincelle habituelle de quand elle était amusée, qu'elle était en colère ou qu'elle avait peur, et en même temps sa chaire n'avait pas l'onctuosité qu'il recherchait. Et ce depuis qu'elle était dans leur camp.

Qu'aurait fait Error s'il avait été là ?

Cette question triviale, clandestine, l'agaça au plus au point. Il préféra reformuler. Qu'aurait fait Cross s'il avait été là ? Oui, c'était mieux. Sa pupille fondit sur la main de la brunette, posée sur le rebord. Il rapprocha la sienne, l'âme battante. Soudain, Lisa, qui n'avait pas quitté leur cible, se recula de la vitre, fronçant les sourcils.

Lisa : Il nous a vu.

Horror : Qui ? Demanda bêtement l'antropophage.

Lisa : Chara.

Horror : Hein ? Ah, euh... Oui, mince alors ! Bafouilla-t-il en rentrant son poing bredouille dans sa poche.

Lisa : On fait quoi ?

Horror : On a attiré son attention, maintenant on bouge. Il viendra de lui-même. Décida-t-il, professionnel. On l'observe de loin, on attend, et une fois qu'on a vérifié qu'il est bien seul, on attaque.

★★★

Chara fronça les sourcils. D'où venaient ces deux silhouettes ? Il ne les avait pas bien discernés, mais il était sûr d'avoir reconnu un humain. Et ça... Ça ne lui plaisait pas. Des envoyés de Dream ? Le gardien des sentiments positifs lui avait pourtant certifié qu'il reviendrait seul. Il devait en avoir le cœur net.

Asriel : Frérot ! Où tu vas on a presque fini ? L'interrogea le chevreau en le voyant sauter de sa caisse et monter les escaliers.

Chara : Je vais chercher du chocolat.

Asgore : On attend que tu reviennes pour tester la machine, alors. Décida le scientifique sur un ton bienveillant.

L'adolescent prit le temps de leur faire un sourire de vedette, celui qu'on force pour appuyer une assurance absente.

Chara : Pas besoin, commencez sans moi j'en ai pour deux minutes.

Il leur fit un signe du pouce et se transporta à l'extérieur. De part quelques coups de téléportations en zig-zag, Il slaloma entre les rochers, laissant sa capuche ombrer son regard à l'affût malgré la chaleur environnante des mares de lave. Son oreille capta soudain un bruit. Il la tendit, alerte, quand brutalement un os bleu perça le sol et captura son âme. Les deux silhouettes de tout à l'heure apparurent alors dans une détonation, et Chara put enfin les détailler de plus près.

Le plus grand des deux était un squelette qui ressemblait beaucoup à sa Majesté Sans, sauf que celui-ci n'avait rien de l'élégance d'un roi. Vêtu n'importe comment, pantoufles roses avec manteau d'hiver gris sombre et short de sport, il le fixait avec une importante iris carmine qui étouffait son orbite, un sourire lui fendant la poire. Quant à la seconde, c'était bien une humaine, une petite femme aux épaules, bien que féminines, plutôt robustement bâties. Il avait du mal à identifier son âge. Jeune adulte, vieille ado ? Son visage était fermé, sentencieux comparé à celui de son collègue. Chara garda une mine sérieuse. Son âme emprisonnée rougissait légèrement, préparée à l'affrontement.

Horror : Salut, gamin. Aborda méchamment le squelette en jouant avec une hache d'os. J'aimerai me présenter mais malheureusement pour toi je crois que ça ne sera pas très utile.

Chara : Vous n'êtes pas des amis de Dream, je présume.

Horror : Mmh, c'est une longue histoire pour certains, mais...

Lisa : Arrête de tergiverser, Horror, ça nous fait perdre du temps. Tempéra la jeune femme en s'avançant à pas lents vers Chara.

Elle avait une voix plus aiguë que ce à quoi il s'était attendu, incohérente vis à vis de sa carrure de guerrière. Elle était peut-être plus jeune qu'il ne l'avait supposé... Un sabre jaune se matérialisa lentement dans sa main.

Lisa : Je m'occupe de celui-là. Toi va tuer notre cible...

Elle ordonnait cela à son complice sans détourner ses yeux sévères, dénués d'émotions.

Lisa : ...le petit chevreau au foulard arc-en-ciel.

Horror : Euh... Qu–?

Chara : NON !!!

Chara se jeta sur elle, négligeant l'os bleu qui lui fit perdre un quart de ses points de vie, et la noya sous une vague de couteaux de détermination. Il se télétransporta ensuite quelques mètres en arrière, en position de combat, tandis que la pierre explosait à l'emplacement de l'impact. La fumée occasionnée se dissipa progressivement, dévoilant peu à peu une barrière d'os noircis aux reflets dorés. Les fémurs rentrèrent dans la roche, derrière lesquels était campée cette sale humaine qui n'avait reçu aucun dégât.

Il évalua rapidement la situation. Ces gars étaient venus pour Asriel, ok. Que faire ? Rester et combattre ? Ou fuir chercher de l'aide, sa mère par exemple, et mettre son frère à l'abri ? Le problème était qu'ils se téléportaient, et même en admettant qu'ils ne connaissent pas tous les recoins de l'Underground, ça ne leur prendrait pas longtemps pour dénicher Rei. De plus, Chara pourrait réinitialiser autant qu'il le voudrait si cela venait à tourner mal durant la confrontation. Pas le choix, il devait les arrêter seul. Ils étaient trop dangereux pour qu'il puisse mettre sa famille dans le coup.

Chara : Si vous voulez le toucher il faudra me passer sur le corps ! Clama-t-il, furibond.

Par instinct, il fonça tout d'abord sur l'humaine, et invoquant un couteau tournoyant pour chaque doigt, il les propulsa sur elle à une vitesse folle. Il tira ensuite grâce à ses Gaster blasters sur le squelette à la hache, le coinçant dans une spirale infernale de rayons destructeurs qui tournaient, tournaient en tout sens, à l'apparence de têtes chercheuses meurtrières et obstinées. Cela occupait bien Horror qui se perdait dans ses incessantes esquives, assez pour qu'il pût se concentrer sur l'autre qu'il affrontait au corps à corps : sabre contre couteaux.

Seuls le halètements des deux humains ponctués au tempo prestissimo se cachaient sous les explosions des gueules osseuses et les coups de vent secs causés par leurs mouvements lors de leur échange. Tous deux demeuraient concentrés, étudiant chaque son, chaque action, chaque faille qu'offrirait l'autre, suant sous l'atmosphère étouffante de la terre calcinée.

Horror, de son côté, se téléporta une énième fois, lassé et légèrement transpirant. Il n'était pas très doué dans ce domaine. Même si sa constitution de mort pas-tout-à-fait-mort lui avait conféré un don de quasi immortalité grâce à ses régénérations, se prendre les blasters le claquerait direct au sol et le rendrait inutile tout le combat si ce foutu môme continuait en plus de mitrailler sa carcasse. Il observa au mieux la joute des deux humains, tentant hardiment de s'approcher pour aider sa collègue. La brunette devait, en plus des couteaux, éviter les tirs perdus que Chara ciblait sur l'antropophage, ce qui ne lui facilitait pas la tâche. Horror plissa les orbites. Les pas bondissants du gamin ainsi que ses téléportations semblaient rythmés, comme s'il savait exactement où il allait. Jamais il ne paraissait se soucier de ses propres blasters. Il comprit. Chara ne visait pas au hasard : il connaissait parfaitement les angles morts de ses rayons, manière de ne pas s'handicaper lui-même tout en déstabilisant l'autre. Le squelette à la hache l'imita, et après quelques erreurs, parvint enfin à se caler sur sa danse.

Le jeune homme était trop ciblé sur son duel pour le remarquer. L'humaine lui donnait de fil à retordre, même diminuée par le ballet des gueules osseuses. Plus il galérait, plus la colère fusait, faisait luire son âme tel un brasier crépitant. Le sourire d'Asriel encourageait son combat, amplifiait sa force. À l'aide de deux couteaux, il croisait le fer avec l'épée d'or lorsque tout ralentit. Leurs regards se croisèrent, sur un laps d'une seconde, peut-être deux. Il aboya avec un cri hargneux, bombé de larmes. Les globes de la brunette s'écarquillèrent, et subitement, son arme disparut entre ses mains, le temps reprit une vitesse normale, trop vite pour elle, léguant à Chara l'opportunité de lui lacérer l'épaule, lui arrachant un cri. Elle bascula en arrière. Il allait lui porter le coup final lorsque le squelette à la hache s'interposa et le repoussa d'un violent coup de hache dans la hanche, l'amenant à percuter brutalement le rocher à sa gauche. Cela eut plus l'effet d'une masse que d'une tranchante lame, mais le déchaînement porté lui avait ôté une bonne partie de sa barre de vie.

Horror : Putain qu'est-ce qui t'arrive Lisa t'as perdu tes skis ?! Enguirlanda l'antropophage.

Lisa : Je... Je euh... Balbutia-t-elle pauvrement tandis qu'il la hissait par le tee-shirt pour la remettre debout.

Horror : Fais gaffe bon sang, t'aurais pu y rester !!

Lisa : Oui... T'as raison... Fit-elle alors que l'adolescent se redressait péniblement au loin, de sorte à ce qu'il entende. Finissons-le, le temps qu'il reset on sera en mesure d'emporter l'âme du chevreau définitivement.

Chara paniqua. Elle bluffait, il aurait largement le temps de réinitialiser, non ? Mais ne savait rien de leurs capacités, et ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas combattu... Ses jambes devenaient du coton, ses points de vie chutaient à vue d'œil. Il avait été trop présomptueux de croire qu'il aurait pu les stopper seul. Merde, il devait reset ou pas ? Il compta ses options, approuva dans l'affolement la deuxième qu'il s'était posé : aller chercher de l'aide et placer Asriel en lieu sûr. À cet instant, l'humaine fondit sur lui et fit une attaque frontale, perturbant ses réflexions. Il contra avec fougue. Hélas, à peine eut-il pu voir le coup fourré qu'une vive douleur frappa son dos de plein fouet. Des câbles jaillirent alors par derrière et le ligotèrent de la tête aux baskets. Il essaya de se téléporter, se dégager, invoquer une arme, impossible.

Horror : Ça peut toujours servir de trimballer une Nautralocorde dans sa poche. Commenta Horror, sonnant ainsi la fin du combat. (Merci à Wil pour avoir trouvé ce super nom ^^)

Chara se cambrait, se tortillait, dans le but vain de se délivrer de son étau. Rien à faire. Sa détermination flancha sous un coup de désespoir. Il jugea l'humaine en face de lui d'une haine pure, qu'elle renvoya avec calme ; même plus que cela. Avec... Peine ? L'adolescent secoua la tête, perdu. Le sourire d'Asriel lui revint. Non, il ne pouvait pas abdiquer, il devait sauver son frère, qu'il reset et...

Il sursauta. Il avait manqué un temps. Sans qu'il ne l'eût remarqué, la brunette l'avait enlacé. Elle avoua, bredouillante.

Lisa : C'est toi que nous devions tuer Chara...

Son cœur rata un battement. Mais pourquoi donc cela l'étonnait-il ? Tout devenait si limpide...

Rêvait-il ou bien... Elle pleurait ?

Lisa : Jamais je ne ferais de mal à ton frère...

Elle l'étreignait avec tant d'émoi qu'elle en bloquait presque sa respiration. Une autre ruse, n'est-ce pas ? Mais son timbre brisé était si sincère... Il sentit son âme diverger de son enveloppe charnelle, comme englobée dans une poigne froide. Puis, ce fut le souffle chaud d'une haleine qui s'y posa, avant qu'elle ne fût fissurée, écorchée, une moitié cédant sa jumelle à l'algie.

Les bras de Chara se collèrent tous seuls le long de son corps. Ses joues devenaient humides. Reset ? À quoi cela servait-il ? Ils avaient remporté la victoire. Il... il ne reviendrait pas, hein...? Au fond ce n'était pas si grave, il avait toujours été un étranger, ici, en tant qu'humain. Il ne manquerait à personne. Ce monde après tout, s'était toujours bien débrouillé sans lui.

Sa tête, nébuleuse, louvoyait. À quoi devions-nous penser, lorsqu'on était sur le point de mourir ? Chara n'avait pas la réponse. Son esprit naviguait sans gouvernail entre les souvenirs retraçant sa vie, les coups de bâtons que son village lui portait, son arrivée dans l'Underground, le roi le sauvant du trépas, Toriel, Asgore, Asriel... Son cher petit Asriel, barbouillant dans la neige, son rire lézardant les murs, sachant surtout guérir les blessures.

Tout ce temps était-il mort de sa chute, guidé jusqu'au paradis, à Forest Fields, par un ange au pelage blanc ? Ou bien les hommes de son village l'avaient-ils mené au bûcher pour sorcellerie il y avait longtemps déjà ? La douleur le rendait sourd, muet, aveugle. Nul sens ne le touchait autre que l'odeur rôtie et la fournaise irradiante. Oui, ce devait être ça.

C'était une belle journée...pour brûler en enfer.

Horror entama la dernière bouchée. C'était assez pour le revigorer, un peu trop d'ailleurs, même pour une âme dépressive. La "digestion" allait être douloureuse. Il observa l'adolescent expirer dans les bras de la jeune fille qui le gardait jalousement contre elle, complètement abattue. Dans un silence des plus religieux, elle l'étala consciencieusement sur le sol, défit les câbles qui le retenaient et s'assit face à lui, coudes pliés sur les genoux. Ses yeux reflétaient une profonde tristesse, comme si elle énonçait une excuse discrète, une demande de pardon.

Horror : Bon, ben... on a fini. On rentre ? Proposa le squelette à la hache, incertain.

Lisa : Laisse-moi encore un peu de temps s'il te plaît... Pria-t-elle.

Il se gratta l'arrière du crâne, mal à l'aise. Bon... Il pouvait au moins lui accorder cela, sans doute ? Il s'installa donc à côté d'elle. Le vide sonore se prolongeait, de plus en plus pesant, extrêmement embarrassant pour l'antropophage. Finalement, il creva l'abcès.

Horror : Bien joué le coup de faire croire à Chara qu'on en voulait à son frère... À croire que les héros sont plus doués pour le boulot des vilains que la vilains eux-mêmes.

Elle s'accorda un instant avant de répondre.

Lisa : Parce qu'on sait comment on fonctionne. J'avais à peu près prévu les résonnements de Chara... Ce qu'était sa faille. Je connais mes propres points faibles, après tout.

Horror : Je vois... Pratique.

Lisa : La magie et le reset est une question de détermination. Au final tout se joue sur le psychologique, de même que...

Elle s'égara, contemplant le corps serein, reposé pour l'éternité. Pour un peu on eût dit qu'il dormait.

Lisa : C'est plus dur pour moi d'invoquer mes armes en ce moment. Bégaya-t-elle. Tout à l'heure... Quand mon sabre a disparu... C'est parce que j'ai croisé son regard. Il était furieux mais... On voyait tellement qu'il aimait son frère...je...

Sa chair convusla. Elle enfonça son visage dans ses cuisses.

Lisa : Ce n'est pas juste...

S'il avait été en compagnie de ses potes, Horror l'aurait sans doute raillée, ridiculisée pour être aussi émotive. Mais là ? Elle faisait pitié, franchement. L'envie inexplicable de déposer sa main sur la sienne le pris encore une fois, et peut-être, en gage de réconfort, la blottir contre lui si elle voulait bien.

Horror : Eh, morveuse...

Une secousse ébranla tout à coup la terre. Il fut secoué brutalement, au point qu'il s'écrasa sur Lisa. Il se dégagea promptement, déçu, gêné ET énervé parce que tous les putains d'évènements du monde en avaient manifestement après lui. Ce mauvais karma se confirma par un grondement dans leur dos, comme un coup de tonnerre lointain. Il fit volte-face vers là où se trouvait le laboratoire scientifique.

Lisa : Ça venait du labo d'Asgore ? S'exclama la brunette.

Horror : Houla, pas au point leur truc visiblement. Eh, où tu vas encore ??

Elle fendait déjà l'air vers le grand bâtiment, alors que l'antropophage était à peine en train de se rehausser.

Lisa : Asriel et Asgore sont encore à l'intérieur, on doit les sortir de là ! Chara est mort parce que les Stars cherchaient des recrues, et ça c'est à cause de moi. Mais je ne laisserai pas son frère mourir !

Pardon ? Elle commençait vraiment à le soûler avec sa grandeur d'âme, là ! Excédé, il se téléporta afin de lui barrer la route, phalanges déployées devant elle, et tenta un sourire narquois.

Horror : Minute, moucheronne, ça ne va pas plaire au Patron, ce que tu fais là. Tu ne voudrais quand même pas que je lui rapporte que t'en profite pour aider des gens, mmh~ ?

Lisa : Mais si Asriel meure ? Lui fit remarquer la brunette comme s'il lui avait sorti la pire des stupidités. Comment veux-tu qu'il ressente des émotions négatives pour la mort de son frère ?

Horror : Euh... Fit-il, abêti.

Lisa : Allez, viens ! L'encouragea-t-elle en reprenant sa course.

Elle lui prit vélocement le poignet et l'entraîna avec elle. La douceur de la peau pressant ses os n'offrit pas à l'antropophage abruti le bénéfice de protester.

★★★

Les doigts d'Asriel glissaient sur la surface poilue qu'il s'entêtait à traîner. Bien que ses griffes étaient plantées avec ostentation dans la peau épaisse du gros bouc assommé, les biceps ramollis de ce dernier lui échappèrent encore. Il était bien plus volumineux que la plaque de métal de tout à l'heure, trop pour lui.

Asriel : Chara ! Chara !!! S'époumona le petit chevreau pour couvrir le croulage du flux qui lui resquillait les mollets.

Tout s'était passé si vite ; alors qu'Asgore était sur le lit, en train d'effectuer un prélèvement veineux au bras pour extraire son fluide magique, un séisme avait fait tressauter le sol, soudain, inopiné. Un tremblement de terre souterrain. D'aussi loin que le chevreau se souvienne, ça n'avait pas eu lieu depuis des années. Le prototype avait sans prévenir fait retentir un son strident, épouvantablement aiguë ainsi qu'un léger grésillement. Asriel n'avait pu voir que son père se jeter sur lui sans prendre le temps de retirer soigneusement l'aiguille hypodermique, et l'entourer de ses gros bras protecteurs, avant que tout n'eût explosé. Le sourbesaut avait été tel qu'ils avait été expulsés en arrière. Quand le chevreau s'était relevé, assourdi et abasourdi, le scientifique était étendu au sol, la veste déchiqueté et des éclats de ferraille écorchant son dos.

L'extracteur de détermination n'était plus qu'une ruine filendreuse, câbles et morceaux de tôle propulsés de part et d'autre de la grande salle d'expérience. Mais le plus alarmant était qu'un des piliers qui soutenait la plateforme rectangulaire couronnant la pièce s'était décapsulée sous le choc, était rentré dans le mur et avait provoqué une fuite dans la tuyauterie.

L'eau montait à une vitesse folle, faisait trébucher le pauvre chevreau qui ne pouvait se résoudre à laisser son père se noyer. Mais il était apeuré, désorienté, et pour tout arranger, Les néons s'étaient éteints et le système de sécurité enclenché. La noirceur se succédait aux lumières rouges clignotantes, accompagnées d'un signal d'alarme. L'eau était nocturne, la sortie loin, et ses foulées ralenties. Il avait l'impression de vivre un cauchemar. Où était Chara ? Il aurait pu les emmener loin d'ici ! Il avait dit qu'il revenait vite, que faisait-il bon sang ?

Asriel : Papa !? Papa réveille-toi il faut que tu m'aides !! Implora-t-il, impuissant.

Le niveau lui arriva bientôt jusqu'à la taille. Il profita de l'allègement que cela léguait au poids mort pour faire flotter celui-ci en passant un bras sous une aisselle, se servant de l'autre pour s'aider à marcher. Son avancée était lente, progressive, il buta sur un obstacle qu'il ne voyait pas, s'accrochait désespérément au paysage presque mirageux du grand escalier visible qu'une fois sur deux. Des larmes coulèrent dans un couinement découragé. Et le niveau abouti jusqu'à son cou.

Asriel : Chara !!! Supplia-t-il une dernière fois avant que l'eau ne s'appropriât sa bouche. Au secours Char...!!!!!

La froideur environnante le gela des orteils jusqu'au bout des oreilles. Il dut poursuivre en nageant à l'aveugle, droit devant lui, retenant sa respiration du mieux qu'il pouvait. Son cœur fatiguait, lui faisait atrocement mal, mais il s'acharna à persévérer, sans lâcher sa prise. Il ne voulait pas mourir maintenant, il voulait vivre, vivre ! Il était le grand Asriel ! Il rendrait sa mère fière, il rendrait son frère fier ! Et il sauverait son père ! À court d'oxygène, il chercha à tâtons de quoi s'agripper, serra les dents, sur le point de lâcher un sanglot, trouva enfin une surface fine et froide, s'y hissa, tailladant sa paume velue qui se mit à saigner, inspira à fond, toussa, vérifia qu'Asgore était également à l'air libre. Puis, voguant de prises en prises à l'aide d'une seule main, à ras de la surface qui augmentait en grade, il acosta enfin sur les marches. Tremblant d'adrénaline, les os comme sur le point de se fracturer en mille morceaux, il tira dans un ultime effort le bouc sur la berge.

Hors d'haleine, grelottant, les poils mouillés bouchant à moitié ses narines, il demanda à ses muscles ankylosés un dernier effort, celui de le faire ramper hors de ce bassin infernal, quand il sentit quelque chose retenir la jambe. Un câble. Un câble s'était enroulé autour de sa cheville ! Alors qu'il cherchait férocement à s'en dépêtrer, la secousse reprit. Une des caisses, soumise au tremblement, tomba au ralenti sur le fil tendu. Asriel fut aussitôt attiré vers le bas, se cogna violemment à la surface dure, et, inconscient, chuta d'une lenteur dramatique dans les profondeurs opaques des abysses.

★★★

Les couloirs du laboratoire étaient un vrai labyrinthe. Horror emboîtait le pas hâtif de Lisa tout en se radotant à lui-même que sa cécité à son égard le perdrait, surtout si ces foutus tremblements de terre persistaient. Seulement ce n'était pas ce qui l'emmerdait le plus : ils étaient complètement perdus. L'antropophage ne parvenait plus à se situer dans l'espace, l'absence de repères et sa méconnaissance des lieux l'empêcherait de se téléporter si la situation devenait critique. D'ordinaire, jamais il ne se serait jeté dans une gueule de loup aussi dentue.

Ils débouchèrent sur ce qui apparentait le mieux à la grande pièce espionnée plus tôt. Elle ressemblait à présent plus à un aquarium géant plutôt qu'à une salle d'expérience. Les éboulements avaient bolqué l'accès à toute lumière naturelle, leur seul guide étant désormais l'éclairage binaire et alterné des alarmes anti-incendie.

Lisa : Là ! C'est Asgore ! Fit Lisa en direction du scientifique conquis par le remous, agonisant sur les marches de l'escalier aux trois quarts dominé par les eaux.

Horror l'épaula pour le ramener sur le palier, jurant non pas une mais deux fois. C'est qu'il pesait un âne mort, ce bouc !

Lisa : Où est Asriel ? Se tracassa-t-elle.

Horror : Il... a du partir chercher de l'aide ? Hasarda celui qui ne voulait pas trainer les pieds ici plus longtemps.

Lisa : Pas en laissant son père aussi proche d'une eau qui monte !

Elle se figea subitement, fixant la mare où baignait anarchiquement les ferrailles et les câbles. L'antropophage eut un mauvais pressentiment.

Horror : Oh non non non, je sais à quoi tu penses et ça ne me plaît pas du tout ! Contesta-t-il, tandis qu'elle se dirigeait vers le bassin. Tu ne sais même pas s'il est là-dessous !

Elle ne parut pas l'entendre. Son teint était pâle, comme âpé par l'eau noire, obscure et sauvage. Et le mauvais pressentiment de Horror se confirma.

Horror : Tu sais pas nager. C'est ça ?

Lisa : Partiellement... Articula-t-elle.

Horror : Partiellement ?? S'emporta-t-il. Partiellement et tu comptes y aller ?! C'est pas une bonne idée, on rentre ! De toute manière on risque de se prendre le plafond à tout moment avec ces saloperies de secousses de ses–!!

Il fut interrompu par un drap blanc tarté en pleine figure. Il le dégagea rageusement et découvrit la brunette se dévêtir de son tee-shirt gris. Horror se laissa distraire un instant, l'âme serrée. Elle faisait bien la mauvaise à l'appâter ainsi pour qu'il souffre mieux de la voir partir.

Horror : Lisa, je t'interdis de faire ça !! Tonna-t-il en pointant le sol de l'index, pendant qu'elle se débarrassait de ses chaussures et ses chaussettes. Sinon, je... je dis à Nightmare que–!

Elle plongea avant qu'il pût finir sa phrase. Il pataugea jusqu'aux tibias pour la retenir, avant de renoncer avec colère. Les vagues amenaient trop facilement son squelette vers le centre et il n'aimait pas ça. Lui-même ne se débrouillait pas super super à la trempette vu sa constitution osseuse. Et elle, aurait-elle assez de force pour revenir, emportant avec elle une masse lourde qui plus est ? Et si cette eau ténébreuse l'avait engloutie pour toujours ? C'était quoi cette question alors qu'il devait s'en foutre totalement en réalité ? Ce n'était pas comme s'il y avait le moindre sentiment dans son désir ! Et pourtant, il ne put se résoudre à quitter le voile aquatique des pupilles, comme si le liquide flexueux l'avait paralysé.

Une minute fila, aucun son ne se démarqua au travers le chuintement que produisait la tuyauterie. Les plaques de métal s'immergeaient toujours un peu plus. Deux minutes, il avait mis les fripes dans les bottes de la brunette pour plus de confort à transporter, et aucun signe, excepté une nouvelle agitation sismique qui fit succomber un morceau de plafond, troublant grossièrement le ballottement paisible du bassin. Et si Lisa avait été juste en dessous ? L'âme de Horror battait si fort qu'il se demanda si ce n'était pas elle qui provoquait les tremblements de terre. L'angoisse le gagna. Pourquoi c'était si long ? Elle foutait quoi, putain de merde ?

Le tapage des alertes devenait insoutenable, cruel. Ça faisait quand même longtemps qu'elle était sous l'eau, non ? Ça pouvait retenir sa respiration combien de temps un humain ? Il surprit deux perles aux coins de ses orbites. Jamais il ne pourrait se combler parfaitement de sa chair au final. Mais quelle importance ? Quelle putain importance une fois qu'elle avait disparu, qu'au final rien que l'effleurer, humer son parfum, voir son sourire devant une plâtrée de carbonara ou quelconque émotion de sa part lui suffisait, lui avait toujours suffi ?

Toujours rien, le niveau atteignait désormais presque le palier. Il y trempa les rotules, ne réfléchissait plus nettement, braqué sur le bassin, ce putain de bassin qu'il abhorrait. Il beugla plusieurs fois son nom dans l'espoir qu'elle l'entende, peut-être pour la diriger dans la pénombre.

Mais seul l'écho lui répondit.

L'antropophage baissa la tête, affligé, quand brusquement une main perça la surface, l'éclaboussant jusqu'à l'os. La brunette refit son apparition, tenant fermement le corps meurtri du chevreau sous son bras.

Horror : Lisa !!! Ne put s'empêcher de s'écrier Horror en l'aidant à émerger entièrement. Putain de merde sale morveuse me refait plus jamais ça !!!!

Suffocante, elle ne gâcha pas son souffle à lui répondre, allongea sans attendre Asriel à côté de son père, posa une main sur son front, deux doigts sous le menton, et bascula prudemment sa tête en arrière. Puis elle mit le talon de la main au centre de la poitrine, l'autre main par dessus, entrecroisa ses doigts, et, penchée perpendiculaire à la victime, coudes verrouillés, appuya avec vigueur, rythme, le thorax.

Horror : Euh... Tu fais quoi, là ? S'enquit Horror, impressionné qu'elle pût trouver l'énergie de fournir autant d'efforts après ça, et légèrement vexé qu'elle ne prête plus attention à son anxiété.

Lisa : Massage cardiaque. Siffla-t-elle entre deux compressions. Epic m'a appris.

Elle pinça ensuite le museau d'Asriel, ouvrit sa bouche et colla ses lèvres aux siennes, ce qui augmenta encore plus la frustration de l'antropophage. Elle insufla deux grands coups, recommença l'opération. Horror sentit nauséeusement une nouvelle secousse sismique. Il jeta des coups d'œil, se concentra pour se téléporter. Malheureusement il ne visualisait ni la distance requise, ni l'angle directeur. Il était déboussolé. Les vitres, qui auraient pu être d'un véritable soutien, n'apparaissaient nulle part dans son champ de vision.

Finalement, Asriel eut un sourbesaut, se tourna sur le côté, expectora l'eau sur le sol à s'en brûler les poumons. Le visage de la brunette s'illumina.

Horror : C'est bon Lisa, on l'a réanimé maintenant on bouge.

Autour d'eux, tout se dégradait. S'ils ne foutaient pas le camp maintenant ils finiraient aplatis comme des crêpes. Quelle idée de merde c'était aussi !

Lisa : Hein ? Mais on ne les a pas encore amené à l'a...

Horror : On n'a pas le temps ! La pressa-t-il en attrapant son poignet.

Emportée de force par l'antropophage, elle n'eut l'occasion que de leur créer une tente d'os de fortune avant de s'engager dans le dédale de couloirs.

Horror maniait sa téléportation au meilleur de sa capacité, effectuant des translations accélérées, se cognait dans les virages, à l'affût de quelconque issue, lumière, repère apte à pouvoir se barrer d'ici.

Lisa : Horror ! Cria sévèrement Lisa derrière lui en tirant sur son poignet pour freiner leur course. Horror, lâche-moi !!!

Horror : Hors de question que t'aille les aider cette fois !! On est trop loin !

Lisa : Tu comprends pas ! Je peux...!

Sa voix se perdit dans le ramdam d'un écroulement. Le squelette à la hache lâcha sa prise, se retourna, horrifié.

«Merde, merde, merde !!!»

Un pan de mur s'était effondré sur la jeune fille. Elle geignit, poings serrés, le visage tordu de douleur. Il s'affaira à dégager les blocs de plâtre putains de lourds, diagnostiqua à vive allure les dégâts. Son pied droit était en charpie, ça avait du être le point culminant de l'impact, mais son dos n'avait miraculeusement rien : elle avait de la chance dans son malheur.

Il pensa une seconde à appeler le patron avec son cristal d'Echo, oublia aussitôt. Nightmare leur aurait demandé ce qu'ils fichaient là, et l'antropophage aurait été obligé de tout lui expliquer, y compris que c'était en partie à cause de Lisa. Et bizarrement... Il préfèrerait l'éviter. La brunette avait l'air à moitié évanouie, incapable de se relever. Il la prit par la taille, passa un bras sous le creux de ses genoux et la souleva avant de reprendre sa course. Le séisme devait être au paroxysme de son déferlement car il n'arrivait même plus à avancer tant le grondement se déchaînait, ne se déplaçant plus qu'à coups hachés de téléportations aléatoires. Il perçut alors un éclair jaunâtre, une fissure sur le flanc d'un tournant devant lui. Il piqua un dernier sprint, aperçut à travers la fente la terre calcinée de The Furnace, passa l'obstacle dans une dernière téléportation salvatrice, et, serrant la jeune fille contre sa cage thoracique, se courba, genoux à terre, en position fœtale.

Le fracas termina sa destruction jusqu'à graduellement s'atténuer. Enfin. Une fois écarté du laboratoire des Dreemurrs, non loin de la frontière de Wetland, Horror expira un grand coup, affaissé et en nage, et déposa Lisa au sol ainsi que ses bottes qu'il avait eu le réflexe d'emporter. La brunette, chancelante, s'évertua à rester consciente, échoua pour se relever, ses jambes fléchissant sous son poids. Il contribua donc à l'assister, d'une infinie délicatesse.

Lisa : Tu... Tu crois qu'ils s'en sont tirés...? Murmura-t-elle d'une voix rauque, à peine perceptible.

Horror : Y'a intérêt, vu le mal qu'on s'est donné. Grogna-t-il. T'inquiètes pas, les secours rappliquent déjà, regarde. J'espère que les émotions négatives d'Asriel sauront compenser ta connerie. Regarde l'état dans lequel tu es...!

Lisa : J'au...j'aurai pu créer un portail pour nous sortir de là...

Dans la précipitation, il n'y avait absolument pas songé. C'était donc ça qu'elle avait cherché à lui dire tout à l'heure ? Alors si elle avait fini dans cet état... C'était à cause de lui ? Horror la considéra, un peu coupable. Entre le combat contre Chara, sa lutte dans l'eau pour sauver Asriel et l'éboulement qu'elle s'était prise, sa barre de vie était presque vide. Son pied, empourpré, trémulait tout seul, incapable de se poser au sol. Elle était tout bonnement épuisée.

Il la détailla ouvertement, sans se placer de barrage. Sa figure était cabossée de partout, blessée au front, à la joue, un œil à moitié poché, ses cheveux imbibés d'eau, pointant sur chaque mèche ; mais il ne trouvait pas ça laid, au contraire. Elle faisait passer l'illusion d'un animal à la merci des chasseurs, fébrile, titubante, incapable de tenir debout toute seule, son corps collé au sien, si docilement qu'il en frémit de plaisir. La sévice ensanglantée que lui avait causé Chara, parcourant la poitrine jusqu'à la clavicule, lui donna envie de le lécher goulûment. Elle était sale, terreuse, trempée, et alors ? Sa chaire à présent, sa chaire lui était offert, tendre, vulnérable, et bienfaitrice. Une chaleur enveloppa ses côtes papillonnantes de zèle.

Horror : Et maintenant... Tu te sens capable d'ouvrir un portail ? La questionna-t-il, le timbre trahissant son excitation.

Lisa : Je... Je ne sais pas... Je crois pas. Avoua-t-elle avec une telle innocence qu'il se défit de l'idée de cacher son sourire.

Sa prise sur les épaules de la brunette se referma. Elle fronça les sourcils, intriguée, leva lentement les iris vers lui. Les dents de l'antropophage étaient si étirées qu'elles formaient comme une lésion sur son visage, et son œil carmin, arrondi, la jaugeait avec une telle gourmandise qu'elle sursauta. Épouvantée, elle voulut se dégager, mais il emprisonna son âme avec un os bleu, de la même manière qu'avec Chara. Avec les points de vie qui lui restaient, un mouvement trop brusque s'avérerait fatal et elle le savait. Médusée, pétrifiée et érintée, elle n'avait point d'autres options que le laisser ouvrir la bouche pour poser ses dents sur son cou.

Horror souffla d'extase, chaudement, ardemment, à fleur de la peau mordorée de sa chaire et tendre. Mais alors qu'il allait y râper sa langue, il s'immobilisa. Lisa tremblait de la tête aux pieds. Il flairait son effroi comme un prédateur flairait celui de sa proie. Elle gémissait presque muettement, plaintive, redoutant le pire. Il hésita. Non, cette réaction était normale mais elle saurait se détendre, profiter sagement tout comme lui était en train de le faire.

Il sentait les muscles de sa victime bander sous des doigts, le renvoyant à Malfratale. Les circonstances étaient les mêmes à l'exception du fait que là, il avait le plein pouvoir. S'il la mordait maintenant, cela changerait-il quelque chose entre eux ? Oui. Elle le craindrait, encore plus qu'avant. Ben, tant mieux, non ? Tu connais ton maître, morveuse ! Seulement elle s'était laissée porter dans ses bras, il s'était occupé d'elle et... Elle avait fini par lui accorder sa confiance.

De toute manière, il le savait au fond. Lisa était une femme libre. Elle le fuirait, elle le haïrait. S'il commettait cela... il la perdrait à jamais, de même qu'il avait réellement cru la perdre dans le labo. Il verrait pour toujours la fadeur dans son regard. C'était un amour à sens unique, platonique et inique, mais si c'était tout ce qu'il n'aurait jamais... Ne devrait-il pas commencer à se faire une raison... Et à s'en contenter ? Aussi, cela avait-il valu le coup de s'éloigner de ceux qui l'aimaient vraiment, Killer, Dust... Papyrus ?

Lisa décrispa les paupières, ahurie, lorsque Horror retira sa bouche sans même l'avoir touchée, pendant que l'étau animique s'éclipsait. Elle plongea ses yeux dans les siens, complètement perdue. Les orbites de l'antropophage étaient presque fermées, placides, ternes.

Horror : Error... Il ne t'a jamais forcée à rien avec ses fils, pas vrai...? Supposa-t-il tristement.

Il descendit les arcades devant son silence révélateur. Ses lèvres inexistantes brûlaient de lui avouer ce qu'il avait sur l'âme.

Horror : Lisa, je...

Une main glissa à sa taille, la pressant contre lui, et l'autre passa dans sa chevelure.

Horror : Je...

Dans un long soupir, il bascula le visage de Lisa dans la fourrure de son manteau, la serra précieusement contre lui, et, le cœur gros, extraya le cristal d'Echo de sa poche, l'autre main préservée sur la tête de la brunette, tourna le socle grâce au pouce et à l'index.

Horror : Patron...? Fit-il une fois qu'on eut décroché. On a réussi la mission, mais Lisa est épuisée. Elle n'arrive pas à ouvrir un portail. Vous venez nous chercher ?

Nightmare : Une seconde, je vous téléporte. Répondit la voix grave du squelette de négativité à travers l'interphone.

Sous les phalanges de l'antropophage, Lisa expira un grand coup, infiniment soulagée, se détendit à nouveau. Il l'enlaça tendrement contre lui, chèrement si l'on puis dire, appréciant la température embrasée de son dos séchant à la chaleur solaire des champs de lave alentours, appréciant la réflexion des rayons qu'un soleil artificiel reflétait sur les grains de sa peau, bronze et or, appréciant son cœur vibrant contre son âme.

Horror : Tu ne dois rien comprendre j'imagine... Suggéra-t-il sur un ton amusé.

Lisa : Euh...

Horror : Non, "O".

Lisa : Quoi ?

Horror : Rien.

Sur sa face chagrinée apparut un doux sourire.

Horror : Ça n'a aucune importance...

★★★

PDV Lisa :

Horror avait été un véritable ange sur la voie du retour. À cause de mon pied en lambeaux je n'avais pas pu franchir enceintes magiques en marchant, le squelette à la hache m'avait donc généreusement portée sur son dos tout le long de la crevasse de pierre. Je l'avais surpris plusieurs fois à bigler sur mes bras enlacés autour de ses cervicales, comme s'il allait les croquer, puis secouer le crâne et regarder droit devant lui. Je ne préférais pas réfléchir à ce qu'il s'était déroulé tout à l'heure, tout simplement parce que je ne savais pas quoi en penser. En tout cas, l'antropophage faisait preuve d'une attention protectrice déconcertante et... Pas désagréable à vrai dire. Ça me faisait même plutôt plaisir.

Une fois à l'intérieur du château, on rejoignit le maître des cauchemars qui sortait tout juste de la salle commune.

Nightmare : Qu'est-ce qui vous est arrivé ? Questionna-t-il en voyant Horror m'aidant à m'avancer clopin-clopan.

Moi : Le combat a été plus dur que prévu. Grimaçai-je, blasée comme à chaque fois qu'on dialoguait.

Nightmare : Tu es trempée, sanglante, et couverte de terre orangée tandis que Horror n'a pratiquement rien, que s'est-il passé ? Énuméra-t-il, pesant, en se tournant vers l'antropophage.

Lisa : Et bien...

Horror : Miss Justicière ici présente est allée crapahuter dans la neige. Me coupa Horror, rigolard, en posant son coude sur mon épaule atteinte, ce qui me causa une vive douleur. On était à Forest Fields en train de combattre Chara quand elle a eu un instant d'hésitation, du coup il en a profité pour la frapper à l'épaule et elle est tombée comme une nouille dans la poudreuse. Après ça on est allé à The Furnace pour qu'elle sèche un peu. Enfin à part ça elle a bien bossé. Je vous ferai un rapport détaillé après bouffer parce que là je crève la dalle. (Il me toisa avec une mine condescendante) Fais gaffe la prochaine fois, ce sera pas Killer qui t'aurait sauvé les fesses !

Il lécha grossièrement ma pommette où coulait un peu de sang, ce qui m'arracha un juron écoeuré, et tourna les pantoufles en direction des escaliers sans rien ajouter. Je me frottai la joue en me servant du mur afin de me rééquilibrer, agacée. Retour à la case départ, finalement. À croire que je m'étais faite des idées.

Nightmare : Lisa. Me dit Nightmare avec professionnalisme. Tu feras attention à toi la prochaine fois. Le principe d'un Bad Sans est d'être rapide, efficace, et surtout opérationnel. Tu te doutes bien que je ne peux pas te donner des missions aussi fréquemment que les autres si tu reviens toujours oscillante comme ça. Au cas où tu l'aurais oublié, nous ne pouvons pas te soigner comme Dream et Ink si tu subis des dégâts trop importants.

Moi : Mmh. Grommelai-je par réflexe. Je sais...

Nightmare : Bon, en tout cas j'imagine que ta mission est validée. Demande à Cross de t'amener chez Science, on s'adaptera en fonction de comment tu te remets de ta convalescence. Conclut-il avant de prendre le chemin qui menait à ses appartements.

PDV Extérieur :

Il était treize heures, l'heure du repas. Horror mastiquait mollement une cuisse de poulet en s'interrogeant sur le plat à préparer. Ici, l'amour n'avait pas lieu d'être, alors autant se comporter comme avant. Lisa n'en aurait jamais que pour son Error. Ça lui faisait mal, mais c'était comme ça. Pourquoi ne pouvait-on pas avoir tout ce qu'on voulait dans la vie ?

Tout en suçotant l'extrémité du pignon, il choisit les ingrédients à préparer pour ce midi, cherchant également la recette du plat favori de Papyrus, pour quand il le verrait demain. Il avait des excuses à cuisiner et des morceaux à recoller.

★★★

La journée d'Error avait été pénible. D'anciens souvenirs cisaillés entre les glitchs de ses pensées s'étaient brutalement renoués. Il croyait que les virus informatiques, pleins à craquer à l'intérieur de sa boîte crânienne, effaçaient définitivement les données de sa mémoire, et qu'il lui était impossible de se rappeler de son passé, une fois celui-ci disparu. Mais de toute évidence les images archaïques de Toriel savaient se montrer tenaces, attendre l'instant propice pour resurgir.

L'instinct tourmenté du destructeur l'avait guidé vers Outertale enveloppé dans la nuit, cherchant la tranquilité sans doute, la paisibilité. Une semaine qu'il n'y avait pas mis les tongues, il en avait bien besoin. Il se promenait dans la rue déserte, en direction de chez Grillby, quand il s'était rendu compte qu'il n'avait pas apporté une feuille promise à l'homme de feu. LA feuille promise, lorsqu'il eut fait le lien avec l'arbre sur la colline. Et puisqu'il ne s'était pas senti avoir la gueule de bois cette fois, la tête assez surchauffée ainsi, il avait tourné la brèche vers le lieu dit, enfoncé son coccyx dans l'herbe, et effectué un nettoyage du système, contemplant le ciel pavé de ces étoiles qui, amicales, semblaient l'avoir attendu, postées à la même place que la dernière fois, comme pour écouter ses problèmes avec patience et attention. 

Était-ce la première fois qu'il s'était souvenu de sa Toriel ? Sûrement pas, avec sa mémoire buguée comme pas possible... Mais s'il s'était trouvé dans cette situation, c'était à cause de l'autre, là, et de cet univers. Ils n'avaient qu'à pas exister, aussi. Ils n'auraient pas été rayé de la carte. Et si ces sales anomalies n'existaient pas, il ne serait pas obligé d'exploser d'un rire enjoué en maniant ses fils, car s'il ne faisait pas en sorte d'aimer pleinement son job, il n'aurait jamais la force de purger son nettoyage. Nettoyage du système. Virer les glitchs qui lui martelait le cerveau, qui lui donnait cette migraine. C'était donc eux qūį luī-į cåūsãį-ī-į-ī-įēnt cēs głįtchs dåns têtę ē-ę-Ė-e-EEᵉⒺ︎e̥ͦǝe⃠t...

Il n'aurait pas eu à repérer le visage épouvanté de Toriel. Il n'aurait pas vu ses larmes, n'aurait pas entendu sa douce voix dérayer, n'aurait pas remarqué qu'elle avait tenté de le calmer, de l'aider comme elle l'avait dit. Il n'aurait pas planté. Il ne l'aurait pas tué sur un coup de folie, un coup de rage et de souffrance, il ne se serait pas rappelé ces souvenirs, et il ne serait pas là, à discuter avec les étoiles, égaré dans les tréfonds de ses douleurs. Tout cela, était donc la faute de ces anomalies.

Pourquoi cette femme ressemblait-elle tant à celle qu'il avait aimé ? Avait-il envie d'oublier sa Tendre encore une fois ? Car ça allait se reproduire, sans aucun doute. Peu importe, l'autre n'était pas sa Toriel, elle n'était qu'une copie, inutile et inintéressante, ils étaient tous des copies.

Un bruit sec, soudain, troubla le silence. C'était quoi encore ? Ink qui l'espionnait ? Il se leva, fit volte-face, lança précipitamment ses fils dans la direction du tronc et tira furieusement. La silhouette fut emportée si brusquement qu'elle bascula en avant dans un petit cri apeuré et se cogna le menton contre la terre.

Error cligna des orbites, pantois. Ce n'était rien d'autre qu'une gamine, une ado à première vue, avec un pull de montagne décoloré sur les coudes, un jean large crasseux et des lunettes bousculées par la chute, équilibre sur le bout de son nez. Mais alors qu'il la scrutait, il eut une sensation étrange, une impression mystérieuse de nouveauté. Il farfouilla ses données, analysa son regard, son expression, la nuance de ses iris et ce fut là qu'il eut une illumination.

Il n'avait jamais, au grand jamais, vu cette fille auparavant.

Là où sa mémoire défaillait sur ses origines, elle gravait et stockait chaque visage, de chaque anomalie de chaque Timeline dans un univers. Pourquoi ? Bonne question, peut-être pour qu'il n'oublie pas à quel point ces glitchs étaient des erreurs de la nature, des hackeurs et des hackés. Mais jamais il n'avait croisé des traits similaires au siens –même si ceux-ci n'avaient pour autrui rien d'exceptionnel avec ce petit nez rond, ces joues prenantes et ces binocles sales– Dans aucun autre univers, aucune autre Timeline, neutre ou génocide d'Outertale il n'avait aperçu cette gamine. Cela attira son regard sur elle, une curiosité mêlée à un profond soupçon. Du coup... Hackeuse de chez hackeuse à détruire sur-le-champ ou anomalie respectable ? Elle n'avait franchement rien de menaçant, elle était si... Banale. Il se ferait des films, alors ? Il mourut d'envie d'aller poser la question au peintre, genre, tout de suite, en certification.

Il se rendit compte qu'elle était toujours saucissonnée dans ses câbles et qu'il était en train de la zieuter comme un con. Gêné, il la détacha en rentrant ses armes.

Error : Désøłé, jē t'ãvåįs prįsę pøūr qūęłqū'un d'ãūtrę...

Elle plissa les paupières, n'ayant sans doute pas décelé tout de suite le sens de sa phrase. Putain de voix glitchée, s'étonna-t-il à bouder.

??? : Je vais bien, ne vous inquiétez pas... Murmura-t-elle, certainement encore chamboulée.

Le destructeur fronça les arcades. Il ne l'avait jamais vue dans d'autres AU's, mais il était sûr d'avoir déjà aperçu cette chevelure châtain.

Error : Ūne mīnûtę... C'ēst tøi łã fįlłe dērnįère føis, nøn ?

??? : Euh... Oui, c'est moi. Mais vous ? Qu'est-ce que vous faites sur ma colline ?

Elle n'avait pas l'air effrayée, ni méfiante. Même... Éprise, ce qui l'intrigua beaucoup. D'habitude, soit on partait en courant, soit on lui sautait dessus pour le tuer. Même Grillby, dont la neutralité était légendaire, avait été un minimum sur ses gardes la première fois.

Error : cølłįnę ?

??? : Oui, enfin non ! S'était-elle reprise, reculant d'un pas. Enfin... C'est la colline où je me rends pour regarder les étoiles.

Ben merde, ça n'avait pas duré longtemps. Comme il ne voulait pas la faire fuir tout de suite, il tena un air amical et enjoué qui ne lui réussissait pas trop.

Error : Åh bøn ? Møi aūssi ! Ęnfīn, pãs icį, j'ãi décøūvęrt cęt ęndrøīt tøūt récęmmēnt. Āvąnt j'åłląīs dãns les røchęrs.

??? : Chouette ! Parut-elle se détendre. Moi c'est Lisa. Et vous ?

«Lisa. Songea-t-il. Peut-on trouver un prénom plus normal ?»

Error : Møį c'ēst Errør. Ętpęūx tūtøyer.

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"Et entendre ton rire qui lézarde les murs, qui sait surtout guérir les blessures"

Les Mistral gagnant, Renaud


Gros chapitre, j'espère qu'il vous aura plu ^^

À la revoyure (づ。◕‿‿◕。)づ

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