Chapitre 22 (Deuxième partie)
Nightmare, ainsi qu'on le prévoyait, ne dériva pas d'une goutte à l'apparition du squelette emmitouflé, le nez plongé dans ses rapports, cause des paperasses qui vivifiaient le bureau. Quand il ne se délectait pas de ses ouvrages, il mastiquait ses heures à rédiger les évènements et détails rapportés par ses sbires lors des missions. De cette sorte, il préservait une longueur d'avance sur ses ennemis, exploitait une information propice, maître d'un jeu de rôle, jeu de plateau ou quelconque Donjons&Dragons.
Ce fut pourquoi Cross, cloîtré dans le fauteuil face à la table, s'occupa à gigoter machinalement jusqu'à ce que le squelette de négativité close sa page, bouchonne son stylo plume et le plante dans le pot à crayon. Le monochrome devinait la délibération du tentaculaire à émaner cette ambiance houleuse qui le faisait tanguer de mal être. Et sa mine calculatrice, mine de patron pas content, ne freinait en rien sa nervosité.
Nightmare : Bien. Aborda le maître des malheurs, d'un ton grave. Je pense que tu devines aisément l'objet de ta convocation, Cross.
Le concerné acquiesça silencieusement avant de constater que Nightmare ne lui avait toujours pas accordé une œillade. En réalité, il hésitait toujours si son employeur allait parler de Dream ou de Lisa. Peut-être des deux. Et lui, qu'espérait-il ? Il marmonna dans son foulard :
Cross : Oui, Boss.
Nightmare : Et pourtant, tu n'es pas sans savoir que l'intérêt à garder Lisa ici est que cela me fournit de succulentes sensations de peur, de désespoir, d'injustice, et que par conséquent, ce que tu fais m'ôte littéralement la nourriture de la bouche. Pour la deuxième fois qui plus est. À se demander si je ne devrais pas purement et simplement me débarrasser de toi.
La magie dans ses os ne fit qu'un tour. Son âme battait à tout rompre, de la sueur coulait de son front et ses yeux de merlan frit s'enfuyaient obstinément sous le bureau.
Chara : Cross ! Le secoua le garçon à ses côtés. Cross, réponds quelque chose, ne gâche pas tout maintenant !
Cross : Je... Je suis désolé, Boss ! Concéda le mercenaire, au désarroi. Je voulais juste la calmer un peu !
Nightmare : Cross.
Cross : Ce... C'est vrai, si elle était démunie à chaque mission elle ne pourrait pas faire du bon travail et...!
Nightmare : Cross.
Cross : Je vous jure que je n'ai jamais eu l'intention de vous nuire en faisant...!!
Nightmare : ...Cross. Fit le tentaculaire d'une voix adoucie. Je te taquine.
Cross/Chara : Hein ?? S'étonnèrent en cœur les deux originaires de X-Tale.
Cette réaction provoqua un gloussement de la part du squelette de négativité.
Nightmare : Évidemment ! Assura-t-il en se levant de son siège, recouvré de son sourire glaçant. Penses-tu sincèrement que j'en ai quelque chose à faire que tu parles à Lisa ? Franchement, ne te gêne pas, ça ne change rien à ce que j'avais prévu. J'ai l'intention de la voir aller au bout de sa quête.
Il se tenait désormais pile en face du monochrome hébété, tendit tranquillement sa main.
Nightmare : Non, si nous sommes là c'est pour parler de toi. La lettre, je te prie.
À cet ordre, l'âme de Cross manqua plusieurs battements, ce qui lui causa une vive douleur à la cage thoracique. Il fut tenté de demander pourquoi, étant donné que son patron n'en avait pas l'air dérangé jusque là, mais ne s'y risqua pas. C'était un bras trémulant et cotonneux qui extrayait le précieux parchemin de sa manche et le lui remettait.
Nightmare : Voyons voir... Marmonna Nightmare en suivant les premières lignes.
Pendant un instant Cross eut peur qu'il lise à voix haute. Entendre le timbre moqueur et sépulcrale du maître des malheurs prononcer les doux mots de Dream lui aurait provoqué des haut-le-cœur.
Il surprit son visage se crisper à certains passages, à d'autres se mordre la lèvre inférieure comme s'il se retenait de pouffer, puis finalement, le maître des malheurs enroula consciencieusement la lettre en portant au monochrome un regard apitoyé.
Nightmare : Que c'est mignon, je crois que je vais lâcher une larme ! Tsss... Mon pauvre Cross, pour un peu tu me fendrais le cœur... Dream est en position de faiblesse, en proie aux doutes et ce plus que jamais, avec Error disparu, Epic débordé, Lisa qui a changé de camp, il me semble logique qu'il tente de rallier d'autres soldats à sa cause. Il se sert de toi innocemment, te donne de faux espoirs par des mots subtiles et bien choisis, mais ce n'est que du toc.
Le squelette emmitouflé réprima un froncement de cavité nasale. Son employeur secoua alors la main comme on voudrait expliquer patiemment quelque chose à un enfant, pris d'un air de "attends, je t'explique".
Nightmare : Dream est né positif, pense positif, vit positif. C'est un ange, une apparition, une divinité pour certains, l'idolâtrie de l'espoir et des bons sentiments. Mais c'est tout ce qu'il est. Les années ont grignoté son être intérieur, il n'y a ni substantifique mœlle ni cœur d'or sous ce masque de gentillesse et de bonté. Tu crois qu'il te comprend, qu'il écoute vraiment ce qu'il te dit, qu'il compatit parce qu'il t'aime et veut t'aider, mais tu découvriras qu'il agit pareillement avec tout le monde. C'est une formalité, un pantin de bois dépendant de sa condition qui a besoin de se sentir utile. Rends-toi en compte et tu verras toutes ses mignonnes intentions comme une surface bien lisse et froide... Ce manipulateur de sentiments n'a d'yeux que pour la positivité générale et le bien que cela lui apporte.
Cross avait toujours abhorré l'aisance de Nightmare à faire douter autrui, même lorsque ses paroles se révélaient être des plus irrationnelles ou absurdes. De part ses gestes fluides, son rictus moqueur, ses tics traduisant une assurance incorruptible et son aura graduant considérablement nos idées noires, on était tenté de croire à ses persiflages, ses mélanges de mensonges et de vérité si homogènes qu'on ne distinguait même plus le vrai du faux. L'intéressé repéra le doute farouche dans les yeux de son sbire, la touche de scepticisme. Il claqua des doigts.
Nightmare : Je sais ce que tu penses, là, tout de suite : «Nightmare ne fait pas mieux, c'est un sournois qui manie les émotions des autres pour parvenir à ses fins.» et je te répondrais : Oui ! Assurément ! (Il s'assit sur son bureau, coinçant un pouce dans son short.) Quiconque m'a déjà vu à l'œuvre n'est pas assez stupide pour l'ignorer. Je suis moins subtile, plus assumé et somme tout moins hypocrite que lui. Après tout il est bien plus facile d'accuser le méchant plutôt que le héros, n'est-ce pas ? Et justement, c'est LÀ, où tout le monde se trompe. (Il le pointa de la lettre.) Nous, les gardiens des émotions, sommes par définition des experts en matière de sentiments et de manipulation. Nous connaissons les peines, décryptons les douleurs, repérons les failles et les faiblesses, nous sommes ce qu'on appelle des hyper empathiques. À la fois un don et une malédiction, nous préférons convertir cette caractéristique en atout. Et si j'agis par passion, Dream agit par devoir. S'il fait le bien, s'il t'aide, c'est parce que c'est son job, il pense collectif et non individu. Il est convaincu qu'il cautionne pour le bien de tous et je ne lui donnerais pas tort, mais outre cela, les conséquences restent les mêmes pour votre relation. Il ne t'aime pas. Il n'a aucune considération pour toi.
La défense de Cross faiblit peu à peu. En réalité cela lui semblait logique. Plus il pensait au prince des rêves, plus son image se faisait translucide, fantasmagorique, inatteignable. Le maître des malheurs s'expulsa de son appui d'un coup de pantoufle et se plaça derrière lui, effleurant le dossier de ses doigts crochus.
Nightmare : Cette histoire d'amour dont tu rêves, cette petite parcelle d'espoir que tu ressens sera convertie en une arme dans une guerre dont tu te fiches comme de ta première Timeline. Dream et moi sommes peut-être opposés mais au fond, on a été taillé dans le même bois. Oh, surtout ne lui en veut pas, toi-même tu es pris dans les filets du bonheur plastique ! Son aura magique t'influe un taux de dopamine important et addictif, et alors tu l'aimes parce qu'il s'occupe de toi, parce que tu le vois comme un sauveur, un prince charmant sur son cheval blanc. Par ce fait tu l'exploites, et il n'y pas plus malsaine façon d'aimer.
Cette fois, les orbites en demi-lune de Cross s'écarquillèrent. Certifié de sa victoire, le squelette de négativité revint face à lui en poussant un soupir.
Nightmare : Tu es malléable depuis toujours, Cross, tu es un garde royal, ton rôle est de servir. Tu demeures une marionnette, que ce soit dirigé par des fils maléfiques ou bénéfiques, c'est dans ta nature. En revanche, le choix que tu peux faire, c'est de décider de QUI tu vas être le tributaire. Et c'est là qu'est la différence entre lui et moi. Quel est ton objectif ? Que VEUX-TU accomplir ?
Cross remua faiblement les dents, consultant Chara avant de revenir à son patron.
Cross : Je veux... Trouver une âme pour Chara et reconstruire mon monde.
Nightmare : Et QUI va te l'offrir ?
Cross : ...Vous.
Nightmare : Exactement. Dit Nightmare, satisfait. Tu pourras batifoler autant que tu voudras une fois ton contrat expiré, mais pour l'instant tu ne dois pas te préoccuper d'autres distractions. Et ces lettres n'ont aucun intérêt pour toi.
Il remit le message entre ses mains.
Nightmare : À présent tu sais ce qu'il te reste à faire, n'est-ce pas ?
Cross : ...Oui, Boss. Souffla tristement le monochrome.
Nightmare : Brave garçon.
Le mercenaire contempla à regret la calligraphie de son cher Dream, étudia une dernière fois chaque mot, avant que, dans une inspiration, il ne déchire le parchemin, soigneusement, dans une ligne parfaitement verticale et symétrique. Encouragé par le regard du maître des malheurs, il poursuivit son ouvrage, démultipliant son âme en quatre, puis en huit, puis en seize morceaux. Nightmare lui tendit la corbeille, il y déposa les débris sans rien ajouter.
★★★
PDV Lisa :
J'étais une fille de l'air. Évasive, pelleteuse de nuage, cueilleuse d'étoile, filant toujours au gré d'un vent de liberté et de convictions. Quand j'affrontais les Bad Guys, que j'effectuais un grand bond afin de les prendre à revers, genoux cassés en équerre, sabre aguerri, je volais. Quand je conversais avec Error, allongée au milieu de l'herbe humide, infusant par les bronchites la fraîcheur du soir, je voyageais. Oui, j'étais une fille de l'air.
Je n'étais pas une fille de l'eau. Je nageais relativement mal, juste convenablement pour quelques longueurs dans la piscine d'entraînement d'Epictale. Lors de ma mission avec Blue, j'avais été à deux doigts de paniquer, microscopique au milieu du grand bleu, avais imaginé les requins, les courants. Souvenez-vous, que ce soit pour une crevasse charnelle poissée de sang ou une simple piqûre chez le médecin, il fallait d'une absolue nécessité que je sois pleinement consciente du danger. Je devais voir. Et sous l'eau je perdais tous mes repères, j'étais aveugle. Non, je n'étais pas une fille de l'eau.
Donc dès lors que l'oiseau dégringole et s'écroule dans l'océan, que ses plumes blanches s'engraissent dans la marée noire d'un pétrolier contrecarrant son envol, des sables mouvants, de la boue enlisante, dès lors que les ailes ne se déploient plus et que les poumons se désoxygènent, naturellement, il trépasse.
Bras dormant sur le chambranle de la fenêtre, poignet ployant sous le poids du menton, je succombais lentement à l'attirance du vide obscur, du gouffre. Ce gouffre qui ceinturait le château, prônant, royal, appelait à la vacuité, se nourrissait de mes réflexions maussades. Ce gouffre qui avait aspiré mon pull rose, mon jean décrépit et mes baskets. Si je sautais, là maintenant, et que je planais, membres tendus comme un polatouche, descendant jusqu'à ses tréfonds, si je touchais un jour la roche inexplorée, et que, éclairée de ma lampe, je retrouvais mes vieux vêtements, qu'aurais-je tiré de cette mésaventure qui durait depuis plus d'un an ? Pour l'instant rien, c'était impossible. Je n'avais pas les idées claires, je subissais plus que j'agissais. L'exil d'Error avait figé mon temps. Les rouages de mon horloge demeureraient stoppés du moment que je ne l'aurais pas ramené.
La solution à mon problème paraissait donc évidente, mais voilà, là aussi je coinçais. "Ramener Error", cela sonnait creux. Creux comme s'il manquait quelque chose à mon cœur pour me motiver complètement. Comme si quelque chose avait dévoré mon amour et refusait de me le rendre.
Le doute.
Il tourbillonnait dans mon esprit, m'empêchait de reprendre mon envol. Pourtant lorsqu'on touchait le fond du gouffre, on ne devait pas creuser. On devait décoller.
En bas, les ténèbres se mouvaient sous mes pupilles plates et épuisées, ondulaient par dizaines, non, par quinzaine ? Par vingtaine moins un alexandrin, non, une douzaine. Huit. Évidemment... Un sale poulpe se débrouillerait toujours pour m'attraper dans mon ascendance et me ramener dans l'abysse, un monde où l'on ne respirait pas, les narines obstruées d'une eau salée qui déshydratait et rapait la gorge, où les mouvements étaient lents et saccadés, où se débattre contre ses entraves harassait, coûtait de l'oxygène, faisait cracher des bulles entre les dents, jusqu'à ce que, lassé de lutter, l'on s'évanouisse, coule, poupée de chiffon, là où la lumière devenait imperceptible, loin de la surface, loin de l'air.
La déchéance appelait au doute et le doute à la déchéance, un putain de cercle vicieux. Mes ongles ployèrent sous la pression entre mes doigts et la rambarde. C'était décidé, je le haïssais. Je rompai sèchement le contact visuel avec les Douves Noires comme Dust aimait les surnommer, valsant des hanches dans la direction opposée avant de sursauter.
À quatre pattes terreuses sur ma couette, un clébard bien familier jappa, annulant de par sa frimousse idiote la noirceur de l'ambiance environnante. Ses petits yeux de jais brillaient et sa langue rose pendait sans discontinuer.
Moi : Chien Pénible mais...?? Fis-je, interdite. Qu'est-ce que tu fais... Et comment...? Eh... Non en fait plus rien ne peut m'étonner venant de toi.
J'eus une moue déconfite, énumérant la poussière sur le plancher. Non, après tant de bizarreries vécues et d'aventures contées, ce chien n'avait plus le don de me surprendre. Toby Fox m'interrogea de son museau examinanteur et légèrement incliné.
Moi : Tu choisis bien tes moments, toi. Commentai-je, souriant un peu. Pourquoi tu es venu me voir, tu craignais que je me sente seule ?
Il valida. Je soufflai alors, me pressant les avants-bras.
Moi : Ça va, je ne suis pas délaissée, ici. J'ai Cross. C'est juste que... ...Bah, à toi je peux bien le dire. Je ne sais plus quoi faire, comment faire. Tout s'embrouille, il y a trop de choses auxquelles penser. Error me manque horriblement, mais en même temps... Je me suis rendue compte que je ne le connaissais pas aussi bien que je le croyais. Non, je l'ai toujours su...? J'ai peur de la suite, de ce que ça peut vouloir dire... Et si... Et si entre nous c'était terminé...?
Je libérai un soupir. Et en parallèle, il y avait tout ce qui se rapportait au maître des cauchemars : deux problèmes différents qui se liaient sur certains aspects, serpents aux écailles charbonneuses, ondulant, se croisant de manière hélicoïdale, contractant mon squelette comme des cobras, plantant leurs crocs acérés et venimeux dans ma chair. D'abord ils sifflaient dans mes oreilles simultanément, avant de finalement joindre leurs mélodies en une dernière litanie :
Moi : Maintenant j'ai peur d'avancer...Je sens que la prise se referme. Et si quand j'aurai réussi il sera trop tard...? Je ne peux plus m'enfuir. Et puis je ne suis plus sûre de rien.. Si ça se trouve Error est déjà mort, ou bien fou dangereux, Nightmare ne sait même pas où il est, et je me retrouve là comme une conne à exécuter ses ordres...
Error.
Haineux, désespéré ?
Mort...?
Nuque concave, nerfs à bout, j'abandonnai la chambre au motus, celui qui est lourd et déclamatoire, celui relatif à la pluie, au crachin, avec les mini gouttes qui s'infiltrent entre les lattes. Le canidé se mit à geindre. Je levai à peine les yeux. Il aboya encore, puis bondit du matelas et carapata ses coussinets dégueulasses partout dans le couloir.
Moi : Eh ! Toby, attends ! M'alarmai-je en piquant un sprint. Chien Pénible, reviens ici tout de suite !!!
S'il tartinait sa merde partout dans le château, ça allait encore être à moi de récurer et franchement, c'était la dernière chose dont j'avais besoin. En plus ce sale cabot prenait bien soin de cradosser la moquette dans son virage pour sautiller comme un fou dans les escaliers. Je descendis les marches quatre à quatre, filai à vitesse grand V dans le hall, si bien que je n'enregistrai pas tout de suite mon menton se cogner contre une surface osseuse, qui ne rechigna pas à me cracher dessus.
Killer : Regarde devant toi, Bordel !! S'exclama Killer en me repoussant, écœuré. Dis, t'aurai pas vu Chr... Eh !
Moi : Désolée, je poursuis un petit chien blanc ! Grommelai-je en reprenant ma course sans lui porter plus d'attention.
Toby Fox me balada du hall au grenier et du grenier à la cave, où il s'engouffra dans un énième glapissement. Coincé, songeai-je naïvement, ajustant un zygomatique. Acculé face au mur, grisé par la pénombre, la bête secoua joyeusement la queue, se tourna vers moi, tout content. Je me propulsai sur lui, quand soudain il disparut, emporté dans un travelling ; lui, les murs, le sol de béton, l'odeur de suie, la lumière, l'ombre. Plus rien. Seule persista une sensation glacière, noire... Oui, du noir, omniprésent tandis que je parvenais parfaitement à distinguer mon corps.
Le void.
Je fronçai les sourcils, sondant les lieux au quart de tour. Mon attention cibla alors une silhouette au loin, brancha tous les signaux électriques à mon cerveau, m'envoya une décharge, un coup de jus. Error ! Je fis volte-face, survoltée, sillonnai les alentours à la recherche de Toby Fox, dans l'espoir que ses petits globes de jais imbéciles de sale cabot certifient mon mirage, ma vision de folle, et là deuxième décharge, deuxième coup de jus. Je faillis basculer en arrière lorsque Nightmare, mains dans les poches, me traversa littéralement, fantomatique, -Argh-, en traçant sa route jusqu'au squelette d'ébène sans me calculer ni même m'apercevoir.
Confuse d'avoir cru ne serait-ce qu'une seconde échapper à la réalité tangible des choses, j'observai la scène se dérouler, présumant tristement :
Moi : Un souvenir...
Sur mon flan gauche, le chien approuva d'un couinement désolé.
Le squelette de pétrole s'accroupit devant le marionnettiste.
Nightmare : Oh, Error... Déplora-t-il de la voix caverneuse. Je dois avouer que je suis déçu, et en même temps... Si peu étonné.
Pas de protestation. Fébrile, plus squelettique que jamais, dégradé ici et là, Error conservait sa position, translucide aux friandises empoisonnées du tentaculaire. Ce dernier jouait avec lui, l'effleurait ici et là, le ceignait d'une étreinte douceâtre, semait par son aura une présence poisseuse là où le vide perdurait, opaque, palpable.
Nightmare : Un incapable. Un idiot. Un raté. Tu as vraiment tout foiré, mon pote. C'était ta seule et unique chance. Et à présent, tout le monde sait qui tu es vraiment. Un traître, vil, indigne de confiance. Et condamné à errer dans ton void jusqu'à ce que mort s'en suive.
Son void... Il n'y en avait que deux, la dimension noire et la dimension blanche. Le yin et le yang, pile ou face, recto et verso : le Void et l'Anti-void. Selon Ink, un endroit où l'espace coïncide mais pas le temps. Ces gens, ces êtres isolés, tous au même lieu-dit et pourtant sans jamais se croiser, cadenassant leur bulle ou effacés de la mémoire d'autrui. Un espace de solitude, de néant absolu. Voilà pourquoi le gardien des mauvaises émotions était à même de rendre visite à Error. Le squelette d'ébène, basculé de l'autre côté, barricadait sa zone d'un mur d'idées noires en briques, où les rêves ne pénétraient pas mais les cauchemars si.
Cette nouvelle donna un souffle chaud sur mon cœur. Il crépitait, embrasé d'un nouvel espoir. Le squelette de pétrole était donc bien en mesure de m'amener à lui. Il n'avait pas menti.
Nightmare : Ils te méprisent... Susurrait-il. Ils auront beau te dire qu'ils t'auront pardonné, ils ne te verront plus jamais comme avant, inconsciemment ils se méfieront, ne t'offriront plus ce que tu as cherché tout ce temps sans même l'admettre. Mais il y a encore un moyen de récupérer la caste qui t'es dédiée, Destructeur. C'est ta dernière occasion d'accepter mon offre.
Error : Tå gūęūł-ł-ł-ę-ē, Nįghtmãrę... Entendis-je à peine du marionnettiste dont le visage était enfoui dans son écharpe. Jē tę ł'åį déjà dīt, ãrrêtę dē mę pøūłpęr l'ãīr...
Le prédateur se recula, œil plissé. Le squelette d'ébène ajouta plus intelligiblement :
Error : Tū nę mē bãssinęrås płūs ãvęc tēs cønnęrīes... Jē nę vęūx płūs, tū m'ęntēnds...? J'ēn ãį płūs rįēn à føūtrę...
Nightmare : Ne te mens pas à toi-même. Détruire est ta seule raison de vivre.
Error : J'ēn ãį płūs rįēn à føūtrę. Répéta-t-il.
Nightmare : Ce que je sens, c'est que tu te refoules... Tu nies tes envies, ton esprit s'égare... Pourquoi donc te torturer ainsi ? Demanda le squelette de pétrole avant de claquer sa langue et d'étirer un sourire mauvais. Oh, non, ne me dis pas que c'est encore pour elle...
Les pupilles du marionnettiste fuyèrent, hagardes. Nightmare le prit pour une confirmation. Il libéra un ricanement amer, qui se propagea dans tout le néant comme une vague d'animosité effroyable, sans obstacle pour résonner, enchaîna les pas autour de lui.
Nightmare : L'amour, vous dis-je ! Manifestation plus extrême que les deux Astres contraires, le côté doux et bénéfique de la pièce de la passion, au même titre que la haine, qui consume tout comme elle mais a contrario s'amoindrit avec le temps. Mon beau, mon pauvre Error, crois-tu sincèrement qu'elle éprouve une telle sympathie à ton égard ? Qu'elle était restée avec toi juste parce qu'elle t'aime bien ? Tu te voiles la face, c'est effarant.
Il posa une main sur son épaule.
Nightmare : Non, elle savait seulement que sans son amitié tu détruirais à nouveau. Ce n'est qu'un masque, une façade. Tout ce qui lui importe est son Multivers chéri et son propre divertissement.
Mes cheveux se dressèrent sur la tête. Si Nightmare n'avait pas été un souvenir, je lui aurais sauté à la gorge. Comment osait-il seulement avancer une chose pareille ?
Error : Ęłlē n'ęst pås cømmę çã... Gémit le squelette d'ébène en enfouissant son visage dans son écharpe, fragile à déchirer une âme.
Nightmare : Je peux lire dans son cœur, pas toi. Mais réfléchis, combien de fois as-tu renoncé à ton intégrité pour elle ? Cesser tes projets, rompre tes alliances, socialiser avec des déchets... Tous ces sacrifices, ce temps perdu, ces occasions manquées, a-t-elle ne serait-ce qu'une fois fait honneur à tes efforts ? Non. Nonobstant tes peurs, ta colère, tes émotions, elle a multiplié les caprices, n'a jamais essayé de comprendre la peine qui te ronge. Cette douleur atroce que tu refoules depuis des centaines d'années, elle n'y a jamais prêté attention. Et tu appelles ça être ton amie ?
Les mouvements de lèvres du maître des cauchemars semblaient remuer le morceau de haine insinué dans mon âme. Il la touillait, râpant atrocement ses contours, dévorant la douceur éprouvée et l'innocence que j'allaitais naïvement jusqu'à ce que cette angoisse ne se confirme littéralement, exposant l'une des plus grandes peurs qui me taraudaient. Oui, je redoutais, je craignais, j'étais terrifiée de la réaction d'Error en me revoyant. C'était vrai, abominablement vrai, je n'avais jamais essayé de comprendre pourquoi il voulait détruire les AU's. Il avait quitté son rôle à peine après notre rencontre... Error le Destructeur, je ne l'avais jamais connu. Je n'avais jamais imaginé... Je ne m'étais jamais permise d'imaginer quel mal se cachait derrière tout ça.
Il n'avait jamais rien montré jusqu'à présent. Et je n'aurais sans doute jamais pu encaisser son éclat de folie si je n'avais pas été prévenue par Gatty et les autres avant cela.
Pourtant, est-ce que je m'en doutais ? Bien sûr que je m'en doutais. Est-ce que cela se voyait comme me nez au milieu de la figure ? Bien sûr, bien sûr, mais ça ne m'avait pas empêchée de faire comme si tout allait bien. D'éviter la conversation.
Est-ce que j'aurais dû insister comme lui insistait pour moi ?
Je secouai la tête, retenant mes sanglots. Peu importe, ça ne changeait rien à ce que je ressentais pour lui, ça ne changeait rien !
Nightmare : Et lorsque tu as dévoilé ton vrai visage, Error... Au moment où tu t'es exprimé à cœur ouvert... Elle n'a pas trouvé mieux que de te crier dessus.
Je ne sentais plus mon corps. Il était trop futile, trop dérisoire par rapport à la douleur qui cinglait ma poitrine, et aux torrents qui se déversait silencieusement sur mes joues. Et si j'avais perdu Error pour toujours ? Et si à cause de mon égoïsme il me détestait, il ne chercherait qu'à me décimer, par les mots ou par les armes ?
Nightmare : De toute manière, tu as fait trop de mal autour de toi pour espérer vivre comme une personne normale... Destructeur un jour, destructeur toujours n'est-ce pas ? Si la lumière t'as refusé embrasse définitivement les ténèbres. Rallie-toi à moi et venge-toi de ceux qui ne t'ont pas accepté tel que tu es.
«Non... Ne l'écoute pas je t'en supplie...»
Le squelette d'ébène avait redressé la tête. Il était en larmes, offrait à son ancien allié une figure de petit garçon désabusé, d'un enfant qui aurait vécu, subi et quitté son premier amour. Il passa son visage sur sa manche, essuyant ses pleurs et la pureté de ses pupilles gorgées d'eau. Son regard s'affina, ses arcades se froncèrent, coléreuse. Il fixa Nightmare droit dans les yeux lorsqu'il prononça sa réponse.
Error : ...Nøn.
Je demeurais figée sur place, n'osant pas bouger d'un pouce, de peur qu'une illusion auditive, une erreur d'interprétation, ne se confirme à la moindre perturbation de l'espace-temps, ne me ramène à la raison.
Nightmare : Non ? Répéta Nightmare, glacial.
Error : Ję...J'ēn pęūx płūs dę tøūtęs cēs cønnęriēs, jē tę dīs... Çå mē fãįs mãł à łå têtę dē łęs ēntęndre s'ęntrēchøqūer. Tęł qūę jē sūįs ? Nę mē... fåįs pãs rįrē...
Pour une fois, le squelette de pétrole demeura silencieux.
Error : ...Ję nē m'ęxprīmåįs pãs...
Error s'interrompit, toussa. Sa respiration était sifflante, saccadée.
Error : Ję nē m'ęxprīmåįs pãs à cœūr øūvęrt.
Cette révélation raviva mon sang qui tourbillonna dans ma chair de marbre. Mes méninges tourbillonnaient, repassaient en trombe le discours du squelette d'ébène ce fameux jour, ses multiples raisons, ses multiples facettes : le héros sacrifié, l'acteur prisonnier dans son rôle, le maître du purgatoire, le passionné dans ses actes, l'asocial misanthrope...
Mille excuses plus ou moins absurdes, diverses écailles pour cacher les réelles peines qui incombaient son âme. Le voilà, le vrai Error. Nu, blanc, vulnérable, désarmé, celui des étoiles, celui du premier jour de notre rencontre.
Les larmes dévalaient mes joues indépendamment de ma volonté. On se prend la tête pour rien. Au fond, c'est trop simple.
«Tu n'étais pas toi-même quand tu étais destructeur, Error...?»
«Dois-je comprendre... Que tu es aussi stupide et égoïste que moi ?»
Nightmare : Regarde l'état dans lequel tu es. Gronda le maître des cauchemars. Si tu restes ici tu mourras à petit feu et il n'y a que moi qui puisse te ramener.
L'agonisant eut un rictus, exprima un rire guttural.
Error : Qū'įł ęn søīt åīnsį påū'v cøn.
PAF. Coup de pantoufle dans la maxillaire. Error s'aplatit par terre, glitchant un râle. Je sursautai, et aucune image ne se brisa. Tout ceci était bien la réalité.
Nightmare : Oh vraiment ? Fit Nightmare, la mine assombrie, crispé au niveau de la fossette.
Je ne l'avais jamais vu perdre son sang-froid que deux ou trois fois. Et pour toutes ces fois il parvenait à la maîtriser, pourvu d'un mutisme intelligent ou bien d'un petit sourire. Mais le fait de se passer de quelqu'un d'aussi puissant, malgré tout ses efforts pour le rallier, tandis qu'il avait déjà laissé échapper Scoundrel et Ccino, qu'à cet instant qu'ils n'étaient qu'eux deux, personne aux autours, avait dû le faire céder à sa tentation primaire. Jamais je n'avais été témoin d'un tel courroux, une perte de lui-même. Je tressautai, paumes plaquées sur ma bouche et globes écarquillés lorsque son pied martela le crâne fragile du squelette d'ébène.
Boum. Coup dans l'estomac. Je fis un pas en arrière, épouvantée. Error subit un roulé-boulé, crachota, pantelant. Il l'agrippa par le col du manteau.
Nightmare : Tu es un imbécile, Error. Et maintenant n'es plus rien, un pantin désarticulé qui tombe en poussière au moindre choc. Je vais te laisser là à agoniser, me servir de toi comme pile et quand tu seras mort, je m'en prendrai à ta Sainte Nitouche et tous ceux que tu as aimés ne t'en déplaise !
Il le vautra.
Nightmare : Tu sais ce qui me fait le plus rire ? C'est à quel point elle a eu raison de se débarrasser de toi. Tu ne peux pas changer. Tu ne VEUX pas changer. Finir seul est ton destin et ce pour l'éternité.
Et, grelottant de rage, il pesta :
Nightmare : Putain mais quelle perte de temps...!!
Puis il fondit en une masse liquide, s'éclipsant d'ici. J'allai rapidement vers Error qui ahanait à se redresser, criant son nom, voulus le toucher, le lover contre moi. Hélas ma peau ne put sentir qu'une infime chaleur quand elle tenta de caresser les os du squelette d'ébène.
Moi : Error...
Le regret devenait insoutenable. Si j'avais été plus honnête avec lui... Si je lui avais fait part de tout, demandé tout... J'aurais pu trouver les mots justes ce jour-là. Oui, il était secret, ne confiait pas clairement ses émotions, mais en y songeant, avais-je seulement essayé de savoir ? Non. Quand je lui avais demandé à propos de son passé, il m'avait répondu. C'est moi qui n'avais jamais voulu creuser plus loin que ça. Moi qui lui avais pourtant dit que je conserverai ses mémoires... J'aurais dû chercher, parler de lui et parler de moi, j'aurais dû continuer quitte à découvrir quelques noirceurs en cours de route au lieu de me prendre tout d'un coup et de plein fouet l'agressivité farouche de l'Oméga Timeline, j'aurais dû lui confier mes doutes et mes douleurs, même les plus infimes et les plus intimes, c'était mon petit ami... J'avais trop peur de tout gâcher si j'insistais, peur de ressentir du dégoût à son égard, peur d'encaisser ses vices et ses émotions, peur comme si je violais un sanctuaire.
Au final, aucun de nous n'avait été parfaitement sincère avec l'autre.
Ma voix était tremblante, fébrile. Je comprimais mes paupières, attrapant ma lèvre avec les dents.
Moi : ...Je suis désolée...
Mais ce non, ce simple non avait ravivé quelque chose, une étoile, l'espoir dont parlait Cross. Un chemin illuminé s'ouvrait à moi, comme si j'avais jusque là voyagé à l'aveugle et qu'il me faisait découvrir une perspective d'avenir, une perspective positive. Et je le récupérerais... Je le tirerais de là, quoi qu'il m'en coûtait ! Je lui parlerais, que la conclusion finisse en entrelacement ou en rupture, je ne bloquerais plus par crainte de le perdre.
Moi : Ça va être dur... Soupirai-je, de retour dans ma chambre, jambes tapant mollement mon lit, mains écrasées sous la tête, à l'adresse du canidé lui jappait, affalé confortablement, pattes propres et lavées comme par magie. Mais c'est normal pas vrai ? C'est comme ça quand on plonge dans les abysses...
Je compressai mes poings. Un serpent demeurait encore. Je le chassai en secouant les cheveux, levai mes iris jaunies.
Moi : Mais c'est pour ça que je ne dois rien lâcher. Je n'ai pas d'autre choix que d'avancer de toute manière. Tant qu'il y aura un moyen de ramener Error, je ne fléchirai pas !
Je tournai la tête, réussissant un sourire, vers Toby Fox.
Moi : Pas vrai ?
Je clignai subitement des paupières, abasourdie, globes ronds comme des ballons. L'animal avec qui je partageais mes soliloques ne remplissait plus du tout les critères d'un chien.
Moi : Mais... Mais-
À peine eus-je le temps de bégayer que la porte claqua, faisant tressaillir tout le château.
Killer : La teigne, je te demandais si tu n'avais pas vu Chrome, je le cherche partout depuis tout à l'heure et...
Le tueur s'interrompit à la découverte du petit lapin blanc installé à mes côtés.
Killer : Oh putain j'en étais sûr !! Tonna-t-il, furibond, en fonçant sur sa bestiole de compagnie pendant que je bafouillais qu'il y avait une méprise grossière. C'est MON lapin, pigé ?! Tu n'y touches pas !!
Moi : A...A...Attends, mais Chrome c'est...!
Killer : Non mais sérieusement, y'a des claques qui se perdent !!
Il décampa aussi vite qu'il était venu, en trombe et brutalement. Juste avant qu'il ne disparût pour de bon mon champ de vision, Chrome, me fixa de ses yeux de jais, rabattit son oreille vers l'avant comme pour mimer un clin d'œil.
Je demeurai scotchée dans le vide. J'ai dit que ce chien n'avait plus le don de me surprendre ?
★★★
PDV Extérieur :
Gueule dans ses manches, cul contre le tabouret du bistrot fermé au public à cette heure tardive, thorax avachi sur le plateau du comptoir, ramolli par l'ivresse, le squelette exigea de Grillby un autre verre dans un gargouilli rauque.
Grillby : Tu sais, Error, que tu sois un squelette dont je ne sais rien ne t'empêche pas de devoir payer ton addition. Tenta le barman en faisant riper un dixième goblet d'eau de vie que le destructeur réceptionna.
Error : Øūåįs, øūãīs, ūn jøūr pęūt-êtrē... Répliqua Error, bourru, bleu aux pommettes, traînant son Brandy jusqu'à ses dents.
Grillby : Où habites-tu ? Je ne t'ai jamais vu avant. Sur Terre ?
Error : Tss... Jē crøyåįs qūę łēs Grīlłby n'étåįēnt pãs båvãrds pøūr ūn søū. Éluda-t-il, railleur.
Grillby : "Les" Grillby ?
Error : Ję t'ēn pøse, møį, dēs qūęstīøns ?
N'insistant point d'avantage, L'homme aux flammes cyan étoilées reprit son astiquage. Secret confidentiel, donc. Malgré cela, le squelette glitché prouvait un léger relâchement de vigilance quant à son taux d'éthanol dans les os qui grimpait en flèche. Peut-être qu'un jour il en tirerait profit afin de délier sa langue ésotérique. En attendant, il changea de sujet.
Grillby : Quitte à ne pas régler ton pourboire, tu pourrais peut-être me rendre un service.
Error le dévisagea, abruti par la boisson. Grillby caractérisa cela comme un "et kestuveux", quoiqu'il était persuadé que ce fut plutôt un "Vazy fous moi la paix j'ai mal à la caboche".
Grillby : Il y a un arbre, non loin de Stardin. Tu ne peux pas le rater, il est enraciné en haut d'une colline où l'herbe pousse. Tu pourrais aller m'en rapporter une feuille ?
Error : Ūn årbrę sūr łå cãįłłåssę dē ł'Øutęrgrøūnd. Ricassa le squelette glitché qui n'avait jamais foulé la tongue au delà des rochers et du pittoresque village. C'ęst tøį qū'å fūmé dē ł'hęrbē, møn vįēux !
Grillby : C'est le meilleur endroit pour contempler le ciel dans le calme, à ce qu'on m'a dit. Précisa-t-il sans se vexer. Son existence est une énigme pour tous. C'est pour cela qu'il est considéré comme enchanté, aussi magique et mystérieux que le Triangle des Bermudes. Ou les ruines de l'Atlantide.
Error : J'åį cømrpīs, j'åį cømprįs, çã vå... Rabourra le destructeur qui n'avait ni les références de l'un ni de l'autre. Bēn pøūrquøį t'ÿ vãs pås, tøį ?
Grillby : C'est un lieu sacré, très précieux.
Error : Ēt åłørs ?
L'homme aux flammes flamboyantes et incendiaires le jugea de ses lunettes fines et carrées, comme si c'était la chose la plus stupide qu'Error eût jamais déballé. À ton avis ? Une seconde de blanc, deux secondes, et lorsque le limité eut enfin capté, il rota un "autant pour moi", pris d'évidence, puis finit son verre et le frappa à l'envers sur le comptoir.
Grillby : De toute manière il est interdit d'y traîner les pieds.
Error : Ãh bøn ?
Grillby : En... Théorie.
Error : Åh.
Grillby : Bh.
Error : Nån tã gūęułę.
Grillby : Bon. Tu me l'apporteras ?
Error : Qūøį ?
Grillby : La feuille.
Error : Ãh, øūį, øuį, j'ÿ pēnsęråį, øuį.
Le squelette glitché acheva, enfonça ses poings dans sa veste de fortune et tira sa révérence sans que mots ne pointent.
Grillby l'observa partir muettement. Courbé, crasseux, bougon, soûl, sapé de tissus grossièrement cousus entre eux, sans un sou, sans style, seul, le regard vide, il se demanda si ce type n'était pas une sorte de clodo égaré. Égaré, c'est le mot. Confirma-t-il pour lui-même. Ce squelette qui ressemblait extrêmement à Sans aurait bien besoin de quelqu'un. Mais le bon barman ne se souciait pas des affaires des autres. Le bon barman épiait, écoutait, retenait les histoires, les murmures, les rumeurs, mais toujours en faisant la sourde oreille, s'occupant de ses oignons et rien d'autre. Tout entrait et rien ne sortait, à moins qu'on le lui quémande et que c'était important.
La clochette retentit, et voilà Error déambulant dans la rue, guidé par les maigres lumières grésillantes des lampadaires. Il huma la fraîcheur d'une nuit d'été outergroundienne, ventilant au mieux sa boîte crânienne. Aller chez Grillby pour se taper une bonne cuite n'était pas désagréable, quand il ne franchissait pas la ligne jaune. Vu que la tête brûlée le laissait carboniser ses stocks d'eau de vie de framboise, le squelette glitché le pavait d'un certain respect, un respect échangé sur qui personne ne crachait. Un autre verre, garçon ! Tiens, camarade.
Mais pas au point d'aller lui chercher une putain de feuille, fallait pas exagérer. Anomalie respectable mais anomalie quand même, oh ! Et s'il refusait de lui donner gratuitement sa gnôle il le détruirait, parce que de toute manière c'était tout ce qu'ils méritaient, ces pūtåįns dę głīt-t-chs.
Å-r-G-G-h--R-H-
Pause du flux de pensée.
Redémarrage.
«C'est le meilleur endroit pour contempler le ciel au calme, à ce qu'on m'a dit.»
Error massa sa migraine, bugga un peu, soupira, bien loin de la camaraderie. Bon. Si ça se trouve ce chêne, pommier ou bien frêne avait du charme ? Allez, au boulot. Tu vas voir que je suis meilleur que toi, l'anomalie, tu vas voir, ce n'est pas que ça m'intéresse, non, ça ne m'intéresse pas du tout, ni le ciel ni la camaraderie ; tu vas voir, c'est tout.
Entre l'alourdissement due à l'ivresse et les coordonnées hasardeuses léguées par le barman, le destructeur mit une vingtaine de minutes avant d'apercevoir finalement la fameuse colline. Ce fut presque en rampant qu'il monta jusqu'à l'arbre, touffe d'herbe par touffe d'herbe. Grillby, je vais te tuer ! Fulmina-t-il une fois l'occiput contre le tronc. Il leva les orbites. Nope. Rien. Une connerie d'arbre paumé au milieu d'une connerie d'astéroïde. Pfff... Merci du conseil, l'anomalie.
Une odeur s'éfila alors dans sa cavité nasale. Une odeur d'herbe, de terre humide. Puis le vent se faufila entre ses vêtements, et la rudesse protectrice du tronc détendit son dos. Il reprit une profonde inspiration, ravivé. Il y avait ici quelque chose qui manquait aux rochers de l'Outerground et qui manquait à l'Anti-void. La vie. Et pas la vie irrespirable d'une foule bavassante qui vrillait ses pauvres ouïes et glitchs, non, la vie belle, calme, allant à un rythme posé, un rythme ni trop rapide tel que celui de cet abruti de pot de peinture, ni totalement stoppé tel que celui de la dimension blanche. La vie allant au rythme du bruissement des feuilles et de ses battements d'âme. Les branches qui filtraient les étoiles lui dévoilaient des constellations inimaginées, la lune, gibbeuse, coruscante, avalait le ciel. Un petit sourire se dessina sur les dents du squelette glitché, encore timide mais un sourire quand même. Ce lieu était... Apaisant.
Il eut soudain une sensation bizarre, illicite, un caillou qui par sa chute inopinée faisait onduler la Mer de la Tranquilité. Il tourna vivement les pupilles sur sa gauche, et discerna, au loin, une chevelure brunie par le soir s'enfuir dans la direction opposée. Il put encore détailler, malgré sa myopie, un pull (ou tee-shirt aucune idée) rose violacé et un pantalon bleu, puis plus rien, disparue, mangé par le relief de la roche. Une gamine ?
Error abaissa les arcades. L'homme de feu lui avait pourtant clarifié que c'était interdit d'y mettre les pieds. En... Théorie. Il haussa les clavicules, déroula la colonne vertébrale sur le gazon, bras croisés derrière le crâne, et, épuisé, s'endormit.
Le lendemain il oublia la feuille pour Grillby.
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Édit de la réécriture :
Ce chapitre m'a causé beaucoup de soucis à la réécriture parce qu'au moment où je l'ai écrit j'étais dans une grosse passe de doute sur la direction des personnages, le développement de l'histoire, etc. •^•" J'écrivais pas mal pour le remplissage en cherchant quelque chose d'un tant soit peu cohérent, quitte à faire des trucs inutilement compliqués et lourds.
Même maintenant que les personnages poussent droit j'ai écrit avec un esprit de façon assez équivoque, plaçant mes idées çà et là sans trop savoir si ça allait s'emboîter. Il m'embrouille la tête ce chapitre U╭╮U ""
Enfin quoi qu'il arrive je l'aime bien plus qu'avant, et puis qui sait ? Si ça se trouve plus tard j'aurais les idées encore plus claires et je pourrais le rassembler plus correctement !
À la revoyure (づ。◕‿‿◕。)づ
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