Chapitre 21 (Deuxième partie)
PDV Extérieur :
Killer s'attardait sur la poignée argentée, en rumination et redondance d'engeance. Il haïssait cette teigne, il haïssait secouer son Boss, traduction de risquer sa vie, pour elle, et il haïssait ne pouvoir se soustraire aux ordres de Nightmare quand elles étaient les suivantes : -Il est possible que Lisa nous rende visite au cours de ces prochaines semaines, si je dors, tu la laisses entrer et tu viens me prévenir, entendu ? Ouais, ouais... C'est compris, Killer ? Oui, Boss. Bien.-
Oh, comme le tueur regrettait les temps de jadis, les nostalgies où il avait Color, et où Nightmare le démarquait plus profondément des autres, lui donnait de l'intérêt. Bon vieux temps, hélas aux mémoires bâclées et refoulées par l'image de cette gamine de merde.
Il se glissa furtivement dans l'entrebâillement en puisant de l'agilité insonore d'une fouine. Étendu sur l'immense lit deux places, crâne contre oreiller, épaule dénudée nageant dans son pull ; car le moulage de son corps malléable s'élançait avec ductilité en sommeil ; main auquel elle appartenait levée au niveau de sa pommette, l'autre main agrippant la couette froissée, pied dépassant du matelas, le squelette de négativité dormait à poings fermés. Killer s'accorda une minute pour le contempler, le déshabiller des orbites, avec cette impression d'être nu sous ses vêtements. Quand il voyait Nightmare ainsi, avec son doux ronron régulier, son visage innocent, sa sale face d'ange insouciante, plongée dans un autre monde, il était toujours nu sous ses vêtements. Pour un peu, il le droguerait afin que son repos en fût éternel, se riperait sous la couverture et le cajolerait avec tendresse jusqu'à la fin de ses jours.
Killer : Boss...? Murmura-t-il le plus bas possible. Boss ?
La face ange se contracta soudain, gronda, et brusquement, un tentacule jaillit de la pénombre, ceignit les cervicales du squelette aux larmes de haine et le souleva. Le maître des malheurs s'étira tranquillement, indifférent aux bruits étranglés que croulait son subordonné. Puis il tourna la tête, se rendit compte de l'événement.
Nightmare : Ah, Killer. Bailla-t-il en le relâchant. Toutes mes excuses, c'est un réflexe.
Le tueur ratterrit, pour ne pas dire s'effondra, et expulsa avec sourbesauts saccadés la bile de sa trachée osseuse. C'était une habitude chez le tentaculaire qui n'épargnait personne. Il prenait souvent aux Bad Guys de tirer à la courte paille, lorsque le réveiller se révélait être indispensable, et de railler le condamné perdant, à demander en s'esclaffant quel bouquet de fleur il désirait sur sa tombe. Les ragots ragotaient qu'il avait même tué un de ses sbires par accident. Tous imaginaient en réalité que le mec en question était mort en mission, bien que Blackberry se fascinait de cette légende, et y croyait dur comme fer.
Nightmare : J'espère que tu trimballes une bonne excuse dans ta poche pour m'avoir dérangé. Marmonna Nightmare, empâté par l'appesantissement, en se vêtissant. (ce qui était, dans son cas, bouger sa haine liquide dans le but de former ses quatre tentacules, son gros manteau et ses pantoufles.)
Killer : Vous ne sentez pas ? Grinça son bras droit en caressant sa marque douloureuse.
Nightmare : Oh, tu sais, Killer... Moi, au réveil...
Il tira, en réponse, le collier de Lisa de sa poche et le laissa pendre sous son nez.
Killer : Elle est là, Boss. Au château. Elle vous attend à côté.
★★★
PDV Lisa :
Je feuilletais les quelques livres ci-joint, curieuse, dubitative au contenu qu'ils enfantaient pour que Nightmare les insigne dans sa bibliothèque privée. À première vue, c'était un guêpier, un bête stratagème de business man qui lui enfilait un costume d'érudit cultivé. Mais cette hypothèse fut vite rejetée quand je découvris, entre deux encyclopédies, ce qui me porta à non point douter que cette bibliothèque n'avait pas été triée au hasard.
Un ouvrage aussi gros que les autres, indiscernable aux premiers abords, si l'on ne s'attardait pas sur le titre : Les contes de Hans Christian Andersen. Un bouquin pour marmot, un ramassis d'histoires au support vieux et décrépit. Enchaînant les pages, une écriture intruse attira mon attention. En effet, en haut de la page de garde du "Vilain Petit canard", en crayon gras et maladroit, était marquée une écriture de gosse : "Les contes sont et demeureront des contes."
Le récit de Dreamtale témoigné par le maître des songes m'apparut brutalement. Night. Ce mot était de Night. Si on se basait sur la date d'édition, année 106, ainsi que sur le calendrier sur le bureau, année 649, et en admettant que ce calendrier avait débuté à l'an 0 de Dreamtale, vu qu'il appartenait à Nightmare, on calculait que ce livre datait de plus de cinq-cents ans ! Pourquoi le squelette de pétrole le conservait-il ici, dans ses étagères personnelles et surtout exposées aux yeux des autres ? Ce n'était pas la seule particularité. Des pages avaient été soigneusement déchirées. Au vu de l'épaisseur retranchée, ce devait concerner une histoire entière voire plusieurs. Mais la ou lesquel-?
Le fauteuil grinça tout à coup. J'attaquai la pupille dans la direction qu'indiquait mon ouïe et aperçus le maître des cauchemars, installé sur son siège, les appendices ondulant, bien à l'aise. Je remis le livre à sa place, le fixant avec intensité, sur la défensive.
Nightmare : Bien le bonjour, Justice. Engagea-t-il d'un timbre agréé, presque joyeux, pas le moins du monde gêné de ma trouvaille. Il paraît que tu as quémandé ma présence ?
Mon premier réflexe était de reculer avec un frisson de dégoût, mais je m'évertuai à gagner le bureau pendant qu'il se concentrait sur le calendrier, stylo sur la case d'aujourd'hui.
Nightmare : Nous n'avons pas eu l'occasion de nous voir depuis l'amorce du solstice d'hiver de ton univ... Excuse-moi, d'Outertale, à ce que je vois. Enchaîna-t-il, goguenard. Comment te portes-tu depuis, pas trop mal j'espère.
Savourant le goût amer de mon silence à rebours, il indiqua le fauteuil derrière moi.
Nightmare : Mais je t'en prie, assieds-toi, tu es mon invitée, et c'est toujours plus agréable de parler face à face.
Moi : Je préfère rester debout.
Le sourire de Nightmare s'évanouit en un éclair, plus rude, fripé, me fit tressauter sur le coup, comme si j'avais commis la pire erreur de ma vie. Deux tentacules saisirent les pieds du fauteuil, tirèrent froidement, et la chaise fila dans un crissement inaudible, me cueillit par le creux des genoux, cogna mon abdomen au pourtour de la table. Le squelette de pétrole, satisfait, reprit son sourire.
Nightmare : Apéritif ? Proposa-t-il.
Je déclinai en maugréant. Il prit un petit four, le goba, avant de joindre ses poings sur le plateau de bois.
Nightmare : Bien. Maintenant que nous sommes confortablement installés, puis-je te demander le motif de ta visite ? Lança-t-il en en piochant d'autres à l'aide d'un troisième appendice.
Moi : C'est une question rhétorique ?
Nightmare : Sait-on jamais.
Je pris sur moi pour m'accoiser, infusai mes poumons de tout ce qui était respirable.
Moi : Tu sais où est Error.
Nightmare : Mmmmmh... Peut-être. Et donc ? Fit le squelette de pétrole en pleine mastiquation, la joue gonflée, désintéressé.
J'ouvris la bouche pour la taire aussitôt. Et donc. Merde. Il m'embêtait, à tergiverser, comme ça. On ne pouvait pas entrer dans le vif du sujet, comme d'habitude ?
Moi : Tu sais où il est ou pas ? Répétai-je, sur le point de craquer.
Nightmare : Si je te disais "oui", Justice. Et donc ?
Je butai sur les mots, abruptement bloquée par ce seul obstacle, désorientée de cette réponse ambiguë et fortuite. Et donc... Et donc tu sais très bien, pourquoi tu m'emmerdes avec ton "et donc" ? Jusqu'ici tout avait coulé aussi aisément qu'un fleuve mais là, il y avait eu un choc. Une simple secousse, qui avait permis à la clairvoyance de fonctionner à nouveau.
-il n'allait bien évidemment pas me dire oui-
-merde, qu'est-ce que j'avais cru obtenir, à me pointer jusqu'ici avec autant d'insouciance ?-
...Si, je savais ce que je croyais obtenir. À chaque fois qu'il y avait un problème, mon premier réflexe était d'aller régler un compte à Nightmare ou à un de ses sbires. Parce que ça avait toujours marché ainsi. On bat le méchant, on a gagné, tout est bien qui finit bien. Oui, j'étais convaincue qu'il allait confirmer en se vantant avec orgueil, puis me lancer un défi, ou juste s'amuser de mon acharnement soi-disant inutile. En bref, se contenter comme toujours d'une confrontation, dans laquelle il se complaisait tant et si bien qu'il s'en tenait même bon joueur.
Mais à voir le sourire prédateur du tentaculaire, il était indéniable que cela se passerait différemment cette fois.
J'eus un mauvais pressentiment, un très mauvais. Si je ne partais pas MAINTENANT, j'allais m'en mordre les doigts, je le sentais. Bon, tant pis, c'était une mauvaise idée. De toute manière, Nightmare n'allait jamais me répondre convenablement, mieux valait chercher une solution ailleurs.
Moi : Et donc... rien. Je m'en vais.
Je poussai sur le rebord de la table afin de reculer mon siège, convulsai, en vain. Les tentacules qui retenaient les racines du fauteuil rechignaient à me laisser m'extirper.
Nightmare : Tu es donc venue jusqu'ici uniquement pour ça ? Oh, je dois t'avouer être un peu déçu. Susurra le maître des cauchemars. Je ne te laisserai pas t'enfuir tant que tu ne m'auras pas fourni une réponse franche et adéquate~
Les secondes défilaient. Je mordis ma lèvre inférieure, paniquée, répugnée de l'étau qui se resserrait. Tout cela provoqué par un soupçon d'espoir aveuglé par ma rancœur. Un soupçon si brillant, si extraordinaire, j'avais voulu m'y fier, être certifiée, convaincue, et j'avais agi en dépit de toute stratégie, n'ayant amassé d'un vulgaire "Peut-être" empoisonné d'un "Et donc". L'atmosphère se fit peu à peu nauséeuse, exécrable. Je savais ce que je devais dire, mais c'était impossible ! Ces mots putrides qui encrassaient ma gorge... Pourquoi me forçait-il à les libérer ? Pourquoi tout rendre plus compliqué ?
Moi : ...Et... Et donc j'exige que tu me mènes à lui. Abdiquai-je enfin, bredouillante.
Cet espoir de revoir le squelette d'ébène, j'y avais sauté dedans, pieds et poings liés, et me voilà, dans ce bureau, à cette chaise, piégée comme une mouche collée à la toile, forcée au contact répulsif de son sourire dominant, son regard écrasant, ses genoux que je sentais collés aux miens sans pouvoir les voir, et de la putain d'évidence que j'avais besoin de lui. Je rougis de honte, de hargne, pathétique, les veines en ébullition. Cette fois, Lisa, tu t'es vraiment mise dans la merde, me dis-je.
Nightmare : Tu... Exiges. Commenta le maître des cauchemars, moqueur. Tu as dû te tromper de vocabulaire, peut-être voulais-tu dire prier, ou supplier, non ? Bien que ce ne soit pas une faveur que l'on demande à un ennemi mortel.
En effet ces mots auraient été plus appropriés malheureusement. Mais j'en aurais été tout bonnement incapable. Dans le but de reprendre le contrôle de moi-même, je compressai les tendons, ralentis avec force mon pouls, remémorant ce conseil que mon Sansei m'avait prodigué un jour. Peu importe dans quoi tu t'es fourrée, ma p'tite Bruh. Peu importe la galère, t'écrase pas maintenant. T'auras tout le temps t'écraser après. Alors t'écrase pas maintenant.
Moi : Parfaitement. Repris-je sévèrement, l'œil me picotant, syndrome de la teinte jaune de mes iris. J'exige.
Une longue pause se maintint, où le squelette de pétrole croisait les bras, s'enfonçait dans le dossier, faussement songeur. Il jubilait. Et pour la première fois depuis longtemps cela me glaça le sang.
Nightmare : Que serais-tu prête à tenter pour ça ?
Moi : Beaucoup.
Nightmare : Cette fois ce n'est pas assez.
Il eut un rictus, se frotta le nez, signe d'une idée, l'idée d'un acte que lui, metteur en scène, ferait jouer à ses acteurs, à ses marionnettes. Il se pencha sur moi, coudes sur table, enrichit la résonance caverneuse de sa voix, celle vrillait les âmes, et au fur et à mesure qu'il monologuait, ses jambes s'appuyaient un peu plus sur les miennes, augmentant la tension qui gangrenait la salle.
Nightmare : Tu sais Lisa, je m'amuse beaucoup avec toi. Oh oui, je suis si enchanté de voir à quel point tu ne peux plus te passer de moi, même lorsque ton précieux squelette d'ébène est aux portes de la mort... Cela dit, il y a une chose que je ne te pardonne pas. Ça a commencé avec Error, puis avec Scroundrel et enfin avec Ccino. Je déteste qu'on retire mes jouets, et bien que te laisser gagner de temps en temps ne me dérange pas, tu as cette agaçante manie d'y laisser d'importantes séquelles.
Il se recula soudain, rangea ses appendices, me délivrant de toute prise physique et psychologique, et se détendit sur son fauteuil, un sourire vil, sournois, ciselant sa face.
Nightmare : C'est pour ça que je trouve qu'il serait tout à fait juste, j'imagine que tu le consens ainsi... De m'offrir tes services en compensation, n'est-ce pas ?
Moi : Quoi ?!
Il se leva, sans se presser, et, s'approchant de moi, ce qui me fit bondir du fauteuil, poursuivit, une paume au ciel.
Nightmare : Mettons-nous d'accord une bonne fois pour toute. Tu n'es pas faible. Depuis presque deux ans tu t'es endurcie, à une vitesse ahurissante et à présent, il me faut admettre que ta puissance équivaut bien à celle d'Horror ou de Blackberry. Je pense donc sincèrement que tu as ta place parmi nous. Ceci est ma seule condition pour que je te rende ton Ruru chéri.
Mon esprit embrumé dut multiplier les mouvements de tête pour chasser le brouillard. Brouillard de stupéfaction, d'indignation, d'injure en tout genre à son égard. Pourquoi ? Pourquoi demander ça ? Quel bénéfice pouvait-il tirer de m'avoir dans le même camp que lui ? Ça n'avait aucun sens !
Moi : C'est... C'est hors de question, tu peux toujours aller te fumer tes tentacules en suripliff !!! M'exclamai-je farouchement.
Nightmare : Et bien, comme tu veux, qui suis-je pour t'obliger après tout ? Mais réfléchis, Justice. Error est à l'heure qu'il est au-delà des univers, dans sa propre essence, sa bulle d'émotions négatives. Et bien que je ne sois pas expert, je puis affirmer qu'il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre...
Je tressaillis, effarée. C'était comme si deux forces contraires me percutaient violemment : d'un côté la ferveur, l'empressement de sauver Error, de l'autre la peur, l'envie de fuite ; si puissants que cela me clouait au sol sans que je puisse remuer le moindre membre. Tandis que je balbutiais, livide, le démagogue me prit contre lui par l'épaule en signe d'accolade, et, accompagné des mouvements fluides de sa main libre, me poussa progressivement vers l'extérieur en déballant folâtrement :
Nightmare : Enfin bon, il serait grossier et parfaitement dégeulasse de ma part de t'imposer un tel choix, aussi je te laisse réfléchir autant que tu veux, reviens me voir si tu changes d'avis ! (Il ouvrit la porte, m'expulsa, s'adressa au tueur qui oyait à travers la planche de bois.) Killer, rends lui son médaillon, notre invitée s'en va. (Il se tourna à nouveau vers moi, ricanant.) Néanmoins j'ose espérer que ta réponse n'en sera point négative Justice !
La claque que produisit la porte en s'écrasant contre l'huisserie éjecta telle une bourrasque mes cheveux de ma nuque. Une fois sortie de ma torpeur, je me projetai furieusement sur Killer, lui arrachai le collier qu'il émergeait tout juste, l'enfilai et me retirai au pas de course dans une brèche, écumant ma rage, larmes aux yeux.
PDV Extérieur :
Le squelette aux larmes de haine, arqué en arrière, froissé du comportement peu cordial et surtout inpertinant de la brunette, entra avec consternation dans le cabinet de travail de Nightmare :
Killer : Boss, pourquoi vous l'avez laissée partir ?? Elle n'avait aucune chance de s'échapper, dans la tourbière dans laquelle s'était mise !
Nightmare : Fais-moi donc un peu confiance. Protesta le maître des malheurs, sourire en coin, en retournant à ses petits fours. Si tout se passe comme prévu elle reviendra ici d'elle-même, de toute manière.
Lisa apparut en plein dans le salon, derrière le canapé, où sautèrent subrepticement les Star Sans en l'entendant arriver.
Elle n'a aucune autre alternative.
Blue se précipita sur la jeune fille, sang d'Ink au rendez-vous ainsi qu'un soulagement palpable.
Elle sait qu'elle devra choisir entre fuir ou se laisser dévorer inexorablement par les ténèbres. MES ténèbres.
Blue : Bon sang, on pensait que tu n'allais jamais revenir ! Est-ce que tu as...
Lisa : Nan. Coupa-t-elle en fonçant dans sa chambre, la gorge nouée. Un cul-de-sac.
Vraiment Killer. Je me réjouis de cette situation, j'exulte !
Elle se roula en boule sur le lit, nez dans la couette, se torturant l'esprit, pleurant, crachant des insanités, acculée, piégée, empêtrée dans la boue enlisante.
Le conte de fée est terminé.
★★★
Le squelette au légendaire œil violet, saluait, emballé dans sa longue blouse de travail, les derniers membres de son équipe de choc qui se hâtaient de rentrer chez eux. Tout en haut, à la surface, le soleil embrassait l'horizon, palpitant de ses plus somptueuses couleurs. Seulement, Epic était de garde ce soir. Cavité nasale dans son calepin, main dans une poche, perdu dans ses divagations, il ne remarqua pas la forme humaine assise sur le rebord de la fenêtre ouverte, une botte épousant le mur et l'autre ballant, effleurant le parterre de la salle d'opération. Quand elle passa dans le champ de vision du mème incarné, ce dernier eut un sursaut, puis s'illumina.
Epic : P'tite Bruh ! Ça va ? Ça fait longtemps...
Depuis l'événement, la brunette ne venait plus s'entraîner à Epictale. Et vu qu'il avait beaucoup de boulot dans son univers, se rencontrer n'avait pas lieu d'être. Son sourire, néanmoins, s'égara un peu, éteint de la déteinte de sa petite élève. Épaules basses, yeux creusés, cernés, iris ternes. Son âme manqua un battement, songeant au pire.
Lisa : J'ai... J'ai besoin de tes conseils, Epic. Déclara-t-elle faiblement.
Epic : Euh... Ok, mais s'il te plaît descends de cette fenêtre, Bruh... Répondit-il, anxieux à l'idée qu'elle bascule, volontairement ou non.
Elle soupira, sauta de son perchoir et suscita de l'appui de la table blanche. Paupières mi-closes, regard fuyant, elle se jeta à l'eau.
Lisa : Voilà, j'ai... Je crois avoir trouvé un moyen de ramener Error.
Une part du mème incarné souffla, allégé. Il avait eut peur sur le coup, que la jeune fille lui annonce une nouvelle démoralisante, désespérée, que le squelette glitché était mort, et qu'elle allait se donner la mort elle aussi, d'où le coup de la fenêtre (Les otakus ont décidément des tendances très romanesques). Cependant, sa deuxième part s'assombrit. Il n'était pas tout à fait sûr s'il avait envie qu'Error revienne.
Le coup de folie du destructeur n'avait surpris personne, et en même temps, déçu tout le monde ; les ressentis, suite à cela, étant presque les mêmes pour tous. Amertume, peine, soulagement d'un côté, et en majorité, décontenance. Ink, surtout, dont les émotions avaient été des plus vives et mélangées, s'était abandonné au vide infini, ou bien au déni joyeux lorsque le cas était mentionné. Et ce qui s'abritait dans le kokoro du squelette à l'œil violet, en plus de la colère, se mêlait au sentiment de trahison. Il avait éclaté son poing sur le mur, il avait tonné comme un demeuré, grogné comme un chien. Mais, pour sa p'tite Bruh, il avait gardé le silence, préférant ne rien dire de ce qu'il pensait en vérité.
En revanche, avec les détails et le témoignage de Dream quant aux émotions actuelles d'Error, il se sentait aussi égaré que tous, car cela avait ravivé une flamme, une flamme d'espoir que ce destructeur qu'était son pote avait bel et bien évolué. Il avait donc décidé de se forger un avis concret quand il ressurgirait et SI il ressurgissait. En attendant, il avait repris sa vie d'avant, à demi normalement, et soutenu son élève dans sa quête. Aussi, un grand débat entre lui, Lisa et les Star Sans, avait eu lieu. Les différents avis avaient été mitigés, opposés, débattus, puis il avaient décrété de laisser le Multivers dans l'ignorance, de même pour l'Oméga Timeline en négociant avec Frisk et Ace, pour le temps que cette histoire se termine.
La brunette brouillait ses mots, crissait son visage, élevant les pommettes.
Lisa : Mais... Mais ça implique faire une chose qui... Je ne crois pas que je pourrai. Enfin...
Tandis qu'elle parlait les larmes montaient, elle hésitait, sautait un passage, revenait en arrière, rabâchait. Epic écouta patiemment son récit anarchique et cafouillé, sachant combien il était difficile de décrire quelque chose de flou qui nous avait marqué.
Lisa : Et... Et donc voilà. Finit-elle, pupilles braquées sur ses doigts cassés et joints. Je... Je veux le retrouver mais... Est-ce que ça vaut le coup ? Je ne suis même pas sûre que Nightmare tiendra parole... Et s'il me forçait à...
Elle laissa sa phrase en suspens, lèvres tremblantes, et enfouit son visage dans le col roulé de son Sansei en sanglotant.
Lisa : Epic je ne veux tuer personne...!
Le squelette la prit dans ses ailes, ses grosses ailes de papa poule, de papa ours, en lui chuchotant des mots rassurants, des "Je sais p'tite Bruh" et des "Je suis là". Des "Ça va s'arranger" et des "Ne t'en fais pas". Il lui caressait les cheveux, la consolait autant qu'il le pouvait, compatissait, partageait avec elle toute la force et la droiture dont il faisait preuve, cette magie qui n'était pas celle des animés, mais celle de son affection, fraternelle ou paternelle, il n'avait jamais trop su, sans doute un peu des deux.
Epic : Qu'en penses-tu, toi ? S'enquit-il tout doucement.
Lisa : Je ne sais pas, c'est horrible... Gémit-elle, couverte par l'épaisseur de la laine. En même temps, je suis prête à tout pour le sauver, et en même temps je sais que si j'accepte, je vais me perdre moi-même, tout ce que je me suis fixée, et trahir tout le monde...
Il posa une main sur la joue de sa petite élève, essuya du pouce une goutte salée qui coulait, et lui offrit son sourire le plus tendre et rassurant.
Epic : Écoute, Bruh... Il arrive parfois qu'on se retrouve déchiré entre son cœur et son âme. Ses sentiments, et sa raison... C'est un débat éternel. La raison est sans doute la plus sage, mais les sentiments, c'est ce qui fait de nous ce que nous sommes, et ce qui nous rend humain... Ou monstre.
Lisa : Qui... Qui je dois écouter alors...?
Epic : Je ne sais pas, p'tite Bruh... Il n'y a que toi qui peut le décider. Mais sache que quel que soit ton choix... Je le respecterai, et t'attendrai toujours à l'arrivée. D'accord ?
Lisa sourit, sécha ses larmes et se moucha avec le kleenex que le mème incarné lui légua.
Lisa : Toi oui... Fit-elle, gutturale. Mais les autres ?
Epic : Pour Dream et Blue, il n'y aura pas de problème, Bruh. Assura-t-il. Ink, je ne sais pas... Mais à mon avis, lui aussi, Error lui manque.
Elle baissa la tête, la hocha.
Lisa : Merci Epic...
Epic : À ton service, p'tite Bruh !
Il lui fit son fameux clin d'œil, ce qui lui vola un petit rire. Ils s'enlacèrent alors, Epic protecteur et Lisa lovée. La brunette savait que quel que soit son parti pris, ça allait lui demander du courage. Alors autant se préparer, se remettre de tout, contre quelqu'un qui avait toujours été là pour elle, depuis qu'elle ne se réfugiait plus dans les grands bras de Papyrus, Papyrus qu'elle imagina également avec elle, Papyrus que son Sansei reflétait. Quelqu'un pour l'aider et la guider, même s'il s'y prenait parfois maladroitement, en trouvant, dans un simple câlin, la passion, la compassion, la fidélité, la solidarité et le besoin de l'un l'autre.
On a tendance à sous-estimer le bien que ça peut nous apporter, un câlin.
★★★
La souris grise se faufilait au sortir de sa maison, tapie dans l'ombre. Elle avait flairé une odeur, chaleureuse, ragoûtante, alléchante. Elle crapahutait, ses minuscules pattes grouillant dans la poussière, son museau se tordant à droite à gauche, et zigzaguait, slalomait entre quatre vertigineux piliers de bois. Quand soudain, une secousse vibrante venue du plafond, et les colonnes pivotèrent, deux marquant la moquette et deux suspendues en l'air, tandis qu'une drôle d'incantation, incompréhensible à ses oreilles, grave, pétrolière, rebondissant en écho sur les obstacles aux alentours, eut vite fait de lui causer l'effroi.
??? : J'espérais pourtant récupérer Error après son léger incident...
Le rongeur couina à une fréquence que nul humain pût percevoir, et détala, cœur battant, en direction de son abri.
??? : ...le manipuler à souhait tant son esprit aurait été déréglé, analogique et malléable, le ramener une bonne fois pour toute sous contrat... Mais il s'est montré bien trop têtu, ce déchet... Son isolement était pourtant l'occasion parfaite, mon cadeau idéal, et il n'a pas su l'honorer. Heureusement qu'en dépit de cette perte considérable...
Au moment où le bout de ses moustaches frôlait l'entre convoitée, une étreinte froide et poisseuse pressa le bout de sa queue et la fit décoller du sol. Elle fut comme aspirée par une anti-gravité, les boules de suie et autres particules tourbillonnant en dessous d'elle.
Nightmare : ...Il te reste toi. Compléta le squelette de négativité, joue contre poing.
Il s'amusait à secouer la pauvre bête, monter, descendre, pendant qu'elle poussait des cris suraigus et terrorisés.
Nightmare : Tu savais que tu t'étais condamnée dès le jour où tu es entrée dans mon existence. Jubilait-il, épris dans son monologue, d'une voix presque enivrée. Et en dépit de cela, tu ne t'es pas gênée de revenir, encore et encore... t'enliser de plus en plus dans les ennuis, tout ça pour une passion gourmande qui pourtant te blesse et te consume.
Il la fit tomber dans sa paume, ramollit son liquide. Le rongeur tentait de s'échapper, en vain, s'empêtrait, comme des sables mouvants, piaillant, suppliant. Le ricanement amusé de son tortionnaire sembla l'accompagner dans son désespoir, puis s'éteindre progressivement en soupir d'aise.
Nightmare : J'adore quand les héros ne comprennent leur situation désastreuse qu'au moment où ils accèdent au point de non-retour... Oui, tu veux me fuir, et pour ne point revenir cette fois je le sens. Mais ton cœur est plus que jamais entravé par le Fil symbolique, fragile et si tenace à la fois, c'est pour ça que tu ne m'échapperas pas.
Il la ramena à l'air libre et enroula tous ses doigts excepté le plus grand, devenues griffes, étendues en câbles, autour de ses membres, puis tira légèrement.
Nightmare : Et quelle que soit l'issue des prochains jours je marquerai sur ton âme une trace indélébile, sois-en certaine~
Un hurlement de douleur, plaintif, de la part de sa prisonnière. Il la délivra ensuite, la prit par la queue et l'amena près de son orbite.
Nightmare : Plus sérieusement petite souris, ces appéritifs sont à moi alors pas touche. Grommela-t-il avec une moue lassée.
Il réfléchissit à la sentence qu'il allait faire subir à ce mulot, coupable d'avoir plus d'une fois chipé ses petits fours, et haussa les clavicules.
Nightmare : Je pense que Horror sera content si je lui donne un su-sucre en cadeau bonus pour son salaire mensuel.
Focalisé sur les sentiments négatifs qu'engendrait le rongeur, il se fit surprendre quand on toqua à la porte. L'animal en profita, se dégagea, se réceptionna sur le bureau, puis sur le parquet, et, paniqué, alla se terrer fissa dans son trou. Adieu petite souris... Souhaita à regret le maître des malheurs.
Nightmare : Fais-la entrer, Killer. Ordonna-t-il alors au moment où son second apparut timidement, à moitié caché dans l'entrouverture.
La planche lustrée se fracassa brutalement contre le mur repeint. Lisa s'avança, plus raide, plus solide et plus déterminée que la dernière fois. Le tentaculaire renvoya Killer d'un geste de la main et se plaça devant la jeune fille, rengorgé, sondant ses pupilles rétrécies et défendues par le reflet doré que projetait la lumière sur les verres de ses lunettes.
Nightmare : Lisa, enfin ! Aborda-t-il. Ça devenait ennuyeux de t'attendre. Oserais-je croire que tu viens me donner ta réponse ?
Elle retarda, se renfrogna, poings serrés, lèvres pincées, émotions très très tempétueuses, et en fin de compte, car elle devait bien se lancer un jour, soupira péniblement.
Lisa : J'accepte ta requête.
Nightmare : Vraiment ? S'égaya-t-il, ébaudi. C'est fantastique, dans ce cas allons...
Lisa : MAIS ! Objecta-t-elle.
Elle brandit trois doigts, ceux du milieu, devant lui, foudroyante.
Lisa : J'ai des conditions.
Un peu secoué, il replia les bras sur son pull, la jaugea, interrogé, curieux.
Nightmare : Des conditions, voyez-vous ça ? Persifla-t-il. Mais je t'en prie, quels éléments de mon offre te font donc défaut ?
Lisa : Premièrement, ce ne sera que temporaire. Je me mets à ton service, et j'exécute un nombre défini de missions. Une fois que je les aurai toutes finies, tu me conduiras à Error.
Nightmare : Combien ?
Lisa : Cinq.
Nightmare : Mmh... J'espérai que tu en fasses au moins une vingtaine.
Lisa : J'ai pas tout mon temps, figure-toi.
Nightmare : Dix-neuf ?
Lisa : Six.
Nightmare : Dix-sept.
Lisa : Huit.
Nightmare : Quinze.
Lisa : Dix.
Nightmare : Quatorze.
Lisa : Douze.
Nightmare : Treize ?
Lisa : Douze.
Nightmare : Noté. Ta deuxième condition ?
Lisa : Ma deuxième, c'est que peu importe quel ordre tu me donneras. Peu importe la mission. Tu ne me demanderas pas de tuer. Quiconque.
Nightmare : Oh, ça commence à m'handicaper ton histoire. Grommela-t-il. Et qu'est-ce qui te fait croire que tu es en position de m'imposer quoi que ce soit ?
Sa réaction, où elle se tint les hanches, le considérant, hautaine, prouva bien qu'elle avait prévu cette contre-attaque.
Lisa : Je t'en prie, nous savons tous les deux que j'ai également mon moyen de pression sur cette négociation. Tu crois que je n'ai pas remarqué à quel point tu es excité de la situation ? Dis-moi, que ferais-tu si par malheur je refusais catégoriquement de jouer avec toi ? D'ailleurs, maintenant que j'y pense, étant donné que je serai, tel que tu le dis, une Bad Guy comme les autres, il est tout à fait naturel que les missions que j'accomplirai se feront exactement sur la même intervalle de temps que les autres, pas vrai ? Au cas où il te viendrait à l'idée de m'en donner une tous les six mois.
Il la toisa, testant son assurance, œil supérieur, sourire taquin et autoritaire à la fois, qui voulait dire "tu bluffes", mais elle ne fléchit pas. Elle prolongea l'échange, stoïque, inflexible, plus sérieuse dans ses avances que jamais. Et ses émotions, à cet instant, demeuraient placides, sans doute dues à toutes ces parties de cartes à jouer ensemble. La souris a mangé du lion, se dit Nightmare, captivé.
Nightmare : Ton dernier caprice ? Éluda-t-il.
Lisa : La dernière c'est que ne te fais absolument pas confiance. Alors je veux avoir la certitude que tu respecteras les règles du contrat. Avec un sort, un pacte où une connerie du genre.
Nightmare : Un serment inviolable ? Présuma-t-il.
Lisa : Exactement.
Le squelette de négativité s'éloigna de la brunette, se déplaçant jusqu'à la grande vitre du fond, mains dans le dos. À vrai dire, l'idée du nombre limité de missions lui plaisait. Ce serait comme les "Douze travaux de Lisa". Également, il n'avait jamais au grand jamais prévu que la jeune fille resterait dans leur camp indéfiniment, la durée d'un séjour lui suffirait amplement, mais dans la négociation il fallait toujours pousser le bouchon à un point exagéré pour obtenir un juste milieu proche de nos attentes. Donc douze était parfait.
Il se posa ensuite plus longuement sur la question de ne pas tuer. Ce détail-ci l'importunait beaucoup. Quoique... Peut-être... Qu'il pourrait le transformer en un atout qui rendrait ce jeu plus amusant.
Nightmare : Tu es consciente que bien que tu ne tues pas... Ça n'empêchera pas nos victimes de mourir, n'est-ce pas ? Souligna-il sans se retourner.
Lisa : Bien sûr.
Nightmare : Que c'est juste parce que tu n'as pas le courage de le faire toi-même, et que tu veux rentrer chez papa-maman les mains bien propres, alors que tu les auras quand même laissés périr ?
Tiens, enfin une récession. Il sentit, venant de la brunette, une fugace frustration, fugace culpabilité.
Lisa : ...Certes. Reconnut-elle gravement.
Nightmare : Très bien, dans ce cas j'accepte chacune de tes conditions ! Termina-t-il en faisant volte-face, coudes levés, guilleret. Et si tu veux être sûre de la fiabilité du sort, je sais exactement à qui m'adresser.
PDV Lisa :
Nightmare convoqua ses hommes, de Killer à Blackberry, les informa promptement de la nouvelle, et, les triant pour ne conserver que les pantouflards, nous téléporta dans une large salle qui ressemblait en tout point au laboratoire d'Epic. Néanmoins, le Sans qui défaillit à notre arrivée, recroquevillé sur lui-même, s'en différenciait beaucoup. Petit (mais toujours plus haut que moi, taille de Dream ou Blue), craintif, sueur qui coulait sur son front emportant ses grandes lunettes rondes qu'il remonta illico, os qui peinait à ne pas jouer les castagnettes sous sa blouse blanche trop large pour lui.
Nightmare : Science, quel plaisir de te revoir ! S'exclama Nightmare en l'attirant vers lui à l'aide d'un tentacule. Es-tu occupé ? Car j'ai d'urgence besoin de tes services.
Science, donc. L'évidence me frappa. Bien sûr, le Sans scientifique des Bad Guys, celui qui leur avait fabriqué les quelques gadgets dont ils disposaient. J'avais beaucoup entendu parler de lui, en l'occurrence je n'avais jamais eu l'occasion de le rencontrer.
Science : Mes... Mes services ? Mais certainement, tout de suite...! Bégayait-il, tentant au mieux de conserver ses distances. Que... Que... Que puis-je faire pour vous ?
Nightmare : Étant donné que je sais tes connaissances approfondies dans le domaine de la magie, je me suis toute suite dis que tu serai à même de me concocter un serment inviolable. Expliqua le squelette en se décalant afin de me montrer. Pour moi, et la demoiselle ici présente avec qui je viens de passer un marché.
La face de Science se mortifia. Nous avions chacun entendu parler de l'autre, lui, à priori, bien plus que moi. Qu'il me vît pour la première fois là, entre Killer, Dust et Horror, introvertie, captive d'un certain côté, me faisait durement m'esquiver dans le vague, un peu honteuse bien que je sûs que c'était ridicule.
Science : Lisa...? Qu'est-ce que tu fais là ? Oh non, tu...
Nightmare : Y a-t-il un problème ? Intervint le squelette de pétrole, doucereux, en serrant l'étreinte de l'appendice autour de la taille du petit scientifique.
Science : N...Non ! Se reprit ce dernier en se dégageant avec vélocité. Non, bien sûr que non, euh... Un instant.
Il rechaussa ses lunettes qui tombaient, courut à sa bibliothèque, chercha, farfouilla, sa nervosité me faisant penser à Reaper sur le coup, et finalement, extirpa un gros livre brun, décollé aux rebords, imbibé de poussière, le mit sur la table, tourna les pages en un rythme effréné.
Science : Voi... Voilà ! S'écria-t-il alors que Nightmare glissa un œil attentif par dessus son épaule. Un sortilège de lien. Ça, euh... Cela vous convient-il ?
Nightmare : Mmh... Ça sera parfait ! Approuva le tentaculaire. Tu te sens capable de déchiffrer ces runes ?
Science : N'i... N'ignorez pas que je suis un passionné de magie ancestrale. Contesta le squelette en blouse blanche d'un air pincé, comme si douter de ses compétences l'avait redoré de courage. Je serai apte à les lire les orbites fermées.
Nightmare : Bien, bien, pardon d'avoir douté de tes acquis.
Science : Cela dit... Continua-t-il avec un ton qui trahissait son effervescence. Il va me falloir de l'aide pour rassembler les ingrédients. Vous...Vous trois ! (Il pointa vers les pantouflards) Venez m'aider. Et vous, (son index alla sur Nightmare puis sur moi) commencez par réfléchir aux mots que je devrai réciter.
Nightmare : À vos ordres, chef. Répliqua-t-il, amusé par le réajustement du petit scientifique, qui réhaussa ses lunettes en se mettant au boulot.
Ainsi fut fait. Pendant que le maître des cauchemars écrivait les exigences sur un bout de papier avant de me le faire vérifier, j'observai du coin de l'œil Science diriger les trois squelettes à la baguette, et les trois squelettes suivre cette baguette sans discontinuer. Froussard au début, mais plein d'énergie lorsqu'il s'agissait de son travail, apparemment.
Je ne pense pas qu'il en voulait aux Star Sans ne pas lui venir en aide. Il était au courant qu'il ne risquait rien tant qu'il exécutait les consignes, et que par conséquent, des personnes plus exposées au danger étaient notre...leur... la priorité. Une maigre joie naquit dans mon cœur. Le petit scientifique, malgré sa jeunesse, était quelqu'un d'intelligent, qui avait appris à s'adapter et se faire une place en ce bas monde, même si cette place n'était certes pas la meilleure. Il savait se débrouiller.
Nightmare : N'essaie pas de me le piquer, celui-là, Justice.
Je roulai les globes, exaspérée.
La mixture fut préparée, le texte rédigé, les rôles distribués. Nightmare et moi face à face, sur un flanc, la rangée de Killer qui rouspétait, Dust, et Horror, et sur l'autre, Science, qui humectait un long ruban dans le liquide fluorescent de la marmite. Le maître des cauchemars me donna son bras que j'agrippai par la manche, crispée.
Dust : "Lisa, voulez-vous prendre pour époux le Chef ici présent". Ricana le poussiéreux avec nonchalance tandis que le petit scientifique ceinturait le ruban humide et flasque autour de nos poignets.
Killer : Dust, ta gueule.
Horror : Dust, ta gueule.
Dust : Quoi ? Non mais c'est vrai, ça ressemble trop à un-
Killer : Ta gueule, Dust.
Horror : Ta gueule Dust.
Moi : Dust. Ta. Gueule.
Dust : Bon...
Science se posta alors derrière la table, lut un peu les paroles, les chuchota, puis, une fois qu'il fut prêt, énonça. Magie ancienne, magie antique, il prononçait avec une fluidité époustouflante, mélodique dans sa psalmodie, mots hébreux, latin ou grec, je n'en savais rien, mots qui m'envoûtaient. S'infiltraient à travers mes tympans, coulaient dans mes veines, tanguaient, tantôt à droite, tantôt à gauche. Je n'arrivais pas à ne pas plisser les paupières, bercée, hypnotisée, chancelante. Nightmare, lui, n'avait l'air dérangé pour rien au monde. Il demeurait de marbre, me jaugeait, bravache. Je réprimai un grondement en m'évertuant à me tranquilliser, le regard plaqué sur le ruban qui s'illuminait, clignotait en fondu, éclairait la pièce entière.
Science : Maintenant je vais citer les conditions du pacte. Dit le squelette en blouse blanche, rivé sur le papier brouillon. Nightmare, vous devrez accueillir Lisa dans les Bad Guys, la traiter et lui ordonner comme tel, sur une période de douze missions que vous lui imposerez, sur la même intervalle de temps que vous le feriez avec vos subordonnés. Suite à cela, vous devrez obéir à un ordre qu'elle vous donnera. Adhérez-vous ?
Nightmare : Oui.
Science : Lisa, vous devrez vous mettre au service de Nightmare pour un délai des douze travaux qu'il vous imposera, et obéir à ses ordres, excepté qu'il ne devra pas vous demander de tuer. Suite aux douze travaux effectués, vous ordonnerez à Nightmare une seule et unique chose. Adhérez-vous ?
Moi : ...Oui.
Retour aux paroles antiques. La lueur du ruban se propagea sur moi ainsi que sur le squelette de pétrole, m'entourant d'une chaleur obstruante. J'avais du mal à respirer, par le coincement dans l'estomac, la bouffée de panique, aussi.
Science : À la finition de cette incantation. Ajouta l'enchanteur. Vos âmes respectives seront mêlées le temps que le contrat perdurera. Et si l'un de vous vient, par malheur, à ne pas respecter les règles, son âme se retrouvera brisée. Adhérez-vous ?
Nightmare : Oui. Fit Nightmare sans hésitation.
Je sentais mon âme se faire pomper à l'extérieur de ma poitrine. Les sensations s'accrurent plus, encore plus, insoutenables. Alors, pour que cela cesse, alors pour que ce sortilège se fît une bonne fois pour toute, je lâchai, évasive :
Moi : Oui...
Une vive douleur m'arracha soudain un cri, me fit plier les genoux, comme si le petit cœur jaune s'était fait écorchée, séparée en deux, et qu'on m'avais injecté un sérum pollué avec une seringue. Je portai une main à mes lèvres, l'autre, libérée, le ruban ayant disparu, sur le ventre, et toussai. Je la retirai, découvris avec horreur un filet de liquide noir étalé sur ses lignes. Je levai les iris. Le maître des cauchemars effleurait sa pommette, sous laquelle, dans un œil unique, s'était caché un soleil étincelant. Lorsque la lumière s'affaissa, il gloussa :
Nightmare : Eh bien, on dirait que nos vies sont liées, à présent.
Je pris un sopalin, en retrait sur la table, et me nettoyai l'intérieur de la cavité buccale, écoeurée. Science, rangeant son livre, nous prévint, embarrassé :
Science : En revanche... Je... Je ne serai pas surpris qu'il y ait quelques effets secondaires.
Nightmare : C'est bon, Science, ne t'en fais pas, nous saurons faire avec. Rassura le squelette de pétrole. (Il appela, zieutant que je m'en allai dans un portail) Hep ! Ne t'enfuis pas tout de suite, nous n'en avons pas terminé.
Je me retournai, méfiante. Nightmare prit alors son tristement célèbre sourire narquois, celui des mauvais tours, des mauvais coups, me tourna autour, futé.
Nightmare : Il reste encore une chose à faire avant que tu ne sois des nôtres.
Il s'arrêta, étirant son sourire à son paroxysme.
Nightmare : À genoux.
Un silence d'abord, le temps d'accuser. Puis j'aplatis par réflexe mes paumes sur ma bouche, seul acte réussissant à ne pas lui cracher mes invectives. Mon cœur corrompu par sa haine s'était stoppé subitement. C'était un coup bas, ça. Un coup de pute. Et surtout, j'avais l'intuition que c'était totalement gratuit, en vu des réactions perplexes du trio de squelettes. Je claquai la langue, m'éxecutai au ralenti, décélérée par le "non" qui tapait contre ma tempe.
Très bien. Étape par étape. Telle une horloge mal réglée, un automate détraqué, une marionnette désarticulée, mes gestes étaient secs, hachés, grincillants, comme des écrous rouillés. Genou à terre. Poing au sol. Main sur l'autre genoux. Tête baissée. Maintenir la pause. Négliger le poids terrassant de la domination. Négliger les regards des autres. Maintenir la pause.
Nightmare : T'investies-tu, en plus de tes services, à me jurer fidélité et cautionnement à ma cause ? S'exaltait-il, triomphant.
Tout mon corps tremblait, nauséeux.
Ne pas le trancher en deux. Surtout ne pas le trancher en deux. Maintenir la pose. Ne pas se lever.
Moi : ...Oui.
Il s'abaissa sur moi. Son souffle glacé dans mon cou, son sourire au creux de mon oreille, il insista :
Nightmare : Oui qui ?
Les mots bouchaient ma trachée, coupaient mes vannes d'oxygène, jusqu'à m'asphyxier. La voix harassée, anéantie, je cédai.
Moi : Oui... Boss...
Sans le voir, ma vision troublée par les gouttes qui s'échappaient de mes yeux et par les mèches de cheveux qui tombaient sur mes omoplates, je le sentis se redresser. Et, quitte à pousser l'humiliation un peu plus loin, il leva mon menton de ses doigts crochus, puis me tendit la main, accompli.
Nightmare : Dans ce cas, Lisa, bienvenue chez les Bad Guys.
Jamais la matière noire qui constituait le maître des cauchemars ne m'avait parue plus répugnante, pourrie, et gluante qu'à cet instant où je dus lui saisir la main, où je dus, dans cette action, accepter de le suivre, accepter qu'il m'aide et accepter qu'il me relève. Je me tins les coudes, statique, pétrifiée. Je l'entendis à peine passer devant moi, suivi de Dust qui me donna une tape sur l'épaule, suivi de Horror qui enchaîna sans plus d'esprit, suivi de Killer qui me snoba. Je levai finalement la tête. Science me sondait des orbites, navré.
Nightmare : Et bien, tu viens ? Me pressa le tentaculaire dans mon dos.
Je frottai mes rétines rougies, fis signe d'adieu au squelette en blouse blanche et m'en allai aux côtés de ma nouvelle équipe.
«Désolée Error... Si j'avais accepté d'office je t'aurai probablement déjà ramené.» M'excusai-je quand la vague de haine liquide m'engloba. «Mais c'est la seule solution que j'ai trouvée pour ne pas me perdre complètement de vue. J'ai demandé à Reaper de retarder au plus ta fin. J'espère que tu me pardonneras. S'il te plaît, attends-moi, j'arrive.»
★★★
PDV Extérieur :
Le destructeur, bras ceignant ses jambes repliées, fondu, les glitchs divulgant çà et là, de son crâne à ses tongues, épuisé, capoté, affligé, abattu, reposant autour d'un néant noir et dénué de sens. Un void où rien n'existait. Ni lumière, ni ombre... Ni temps. Il observa sa montre dérobée. Les aiguilles folles tourbillonnaient, dans un sens, dans un autre. À ses pieds, le petit caillou couleur saumon gris du champ de pierre.
Il enfouit son visage délavé dans son écharpe. Foutue montre et saloperie de caillou, ils se payaient bien sa gueule.
____________________________________
Compteur du nombre de fois où je me suis mordu la main, ai dit "fils de shlag" et suis arrêtée parce que j'avais pas envie d'écrire certaines phrases ou certains mots : 29482939
Non, vraiment, sans blague :'D
Bref-
Vous avez peut-être (pas) remarqué mon léger changement de style dans mon écriture ? Raison toute bête, je lis un livre d'un auteur différent de d'habitude :3
Et oui, ma manière d'écrire varie et s'améliore (j'espère) avec les livres que je lis. Je repère des figures qui me plaisent, je les chipe, et ça me fait mon propre style ^^
- J'ai par exemple pris l'idée de préciser le ton des phrases avec les verbes du genre "précisa-t-il", "ajouta-t-il", "souligna-t-il" des "Royaumes de Feu"
- Les parenthèses pour décrire une action au milieu d'un dialogue, par l'auteur Jean-Claude Mourlevat, en particulier dans "Combats d'hier" (livre très très très bien, à lire absolument il m'a fait pleurer QwQ)
- Les dialogues directs, rapides et fluides, avec Dust et Horror par exemple (qui ajoutent à mon goût de l'humour simple et sympatoche, je ne sais pas si vous le ressentez pareil) en comparaison des séries de Fred Vargas (auteure de romans policiers, je la conseille)
- Et maintenant les nombreuses présences de virgule et accumulation, qui me vient de "Corniche Kennedy" écrit par Maylis de Kerangal
Je ne sais pas si ça améliore ou si c'est juste balancer un ingrédient qui ne va pas du tout avec la recette actuelle, enfin bon JE TESTE des trucs-
★ Si vous voulez bien écrire, lisez et analysez les livres, conseil d'une Lisa liseuse -_-✨(*Frisk approbation)
★Ah, et... Le dictionnaire des synonymes est votre meilleur ami x'D (Je plaide coupable)
À la revoyure ^^ !
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