Chapitre 20 (Première partie)

PDV Lisa :

L'ivoire des os de mon squelette d'ébène frétilla de ses codes à la rencontre de mon corps contre le sien lorsque mon pied se confronta à une surface dure. Ses mains prirent mes épaules et me recalèrent droite, confuses.

Moi : C'était quoi ? M'enquis-je dans l'espoir de cacher ma vexation quant au cri que j'avais poussé en trébuchant.

Error : Ūn crįståł d'Ēchø. Nę ręgårdē pãs ! S'empressa d'ajouter Error. Øn åvãįt dīt pås dę trīchę !

Moi : Erry, je connais tout les moindres recoins de l'Outerground. Que veux-tu me montrer que je ne connaisse pas déjà ? Soulignai-je en fronçant les sourcils sous mes paupières closes.

Error : Jē sūįs sûr qūę tū n'ęs jåmãįs vęnūe įcī ęn płēįne nūįt. Ålłęz, vįēns, tū pęūx åvãncęr. Assura-t-il en glissant ses phalanges le long de mes bras pour les poser dans mes paumes.

Moi : Sans cristal d'Echo assassins de petits doigts de pieds, cette fois ?

Je n'avais jamais aimé ce genre de jeu, où j'étais contrainte à marcher sans voir devant moi. Quand il m'arrivait quelque chose, que ce fût une roche de verre chanteuse sur le chemin, une crevasse charnelle poissée de sang qui coulait à flot ou une piqûre chez le médecin, c'était inscrit sous ma peau : il fallait d'une absolue nécessité que je sois pleinement consciente du danger. C'était donc hésitante que je balançai ma botte en avant, hôte de mes orteils ayant déjà assez souffert.

Error : Sãns crįståł d'Ēchø åssãssįns dē pētįts døįgts dę pīęd.

Nous progressâmes durant quelque minutes ainsi jusqu'à ce que le marionnettiste me fît signe de m'arrêter. Il se campa dans mon dos et couvrit mon champ de vision (déjà voilé) de ses doigts.

Error : Tū ęs prêtę ? Souffla-t-il, un soupçon d'excitation dans la voix.

Moi : Mmmh... Oui ? J'imagine ?

Il ôta le cache, laissant alors la beauté des lieux me frapper de plein fouet.

Les galets gris, bosses qui moulaient le caoutchouc de mes semelles, faisait objet d'une petite plage s'ouvrant sur un lac ceinturé par les façades pigmées de cristaux d'Echo alentours, luisant leur timide luminescence bleue, au concert d'une enchanteresse mélodie. La large couverture aquatique noire nocturne reflétait les milles et unes lumières scintillantes du firmament, et à notre gauche, une chute d'eau s'y écroulait, donnant au lac un rendu onduleux qui faisait danser les étoiles au rythme de la musique. De la musique, et de mes battements de cœur. Je tombai toute seule sur les fesses, trop envoûtée pour parler. En effet, je ne m'étais jamais rendue à cet endroit à minuit.

Moi : C'est...

Error : Mågnįfiqūę ? Mērvęilłeūx ? Féērįqūe ? Tenta Error.

Moi : Magique. Tout simplement magique.

Error : Ēn ūn møt, très bįēn résūmé.

Error s'assit à mes côtés, m'accompagnant dans la contemplation du paysage. Égarés dans les tréfonds de nos songes, nous ne nous rendîmes point compte qu'un silence s'était installé entre nous. Je tentai de crever l'abcès, plutôt maladroitement.

Moi : C'est... C'est vraiment beau, cet endroit, tu as mis du temps à le trouver...?

Error : Øūį... Rit mon squelette d'ébène. Ję mē sūįs dįs qūę cēt ęndrøit sēråįt pãrfaįt pøūr łå fêtę dēs åurøręs børéåłes, dęmåin søir.

Moi : Oh... Oui, oui, bonne idée ! Approuvai-je joyeusement.

J'imaginais déjà les mouvements des rubans fluorescents sous la réflexion du lac. Un moment unique, à passer à tout prix avec la personne la plus chère à notre cœur.

Je remarquai qu'Error manipulait nerveusement ses mains depuis tout à l'heure. Il hasardait, ses pommettes bifurquant sur le bleu.

Error : Dįs, Lįså... Çå... Çã vå fåįre ūn ån qū'øn ęst ēnsęmbłe, måįntēnãnt. Ęt... Ęt jē mę dįsåis qūę...

Il s'étrangla à poursuivre ses bafouilles.

Error : Qū'øn pøūrråįt cømmēncęr à fåįre... cę qūę łēs ådūłtęs fønt ēntrę ęūx qūånd įłs sønt ęn cøūpłe, tū vøis...? Ję... C'ęst cømmē tū vęūx, hēįn, jē tę førcę pãs ! Måįs... Ję mē pøsåįs łå qūestįøn, qūøį.

Moi : Oh.

Il se tut d'un coup, bleu saphir, et me fixa à s'en percer les orbites en étirant une mimique plutôt comique. Il avait planté ? Non. Il s'était juste figé, écrasé sous le poids d'un stress intense. Je m'esquivai sur les étoiles danseuses, ahurie. Au début, j'avais peur d'avoir compris de travers mais sa réaction m'avait livrée sournoisement à l'évidence. Mon sang chauffa l'entièreté de mon crâne jusqu'à la racine des cheveux. Une vraie bouilloire. Ça devait être un beau tableau, tiens. Deux couillons aussi vifs que des feux de circulation avec des œufs d'autruche en guise d'organes oculaires.

J'amenai mes genoux contre mon menton, recroquevillée sur moi-même avec la certitude de ne plus jamais parvenir à ciller. Faire l'amour avec Error ? C'était une idée qui entrait par une oreille et ressortait par l'autre. Jamais je n'y avais réfléchi sérieusement. Même si mon corps d'enfant ne nous imposait plus l'embarras depuis, qu'il voyait en moi simplement une petite adulte sans forme, qu'il m'assurait que mon visage creusé par la maturité de l'âge n'avait plus rien de juvénile, je ne pouvais m'empêcher de trouver cela politiquement incorrect. Et en même temps... Je ne savais pas. Que pouvons-nous en penser, au fond ? C'était si singulier, comme situation !

Mais aussi... Je n'en ressentais juste pas l'envie. Oh, bien sûr, je me plaisais des gestes sensuels : m'allonger sur lui, passer mes mains sous son pull, le laisser m'embrasser dans le cou... Mais faire l'amour, ce n'était rien de tout cela. C'était normal quand on avait vingt-et-un an, de ne pas en avoir le désir ? Peut-être était-ce encore à cause cette damnée enveloppe corporelle, parce qu'elle n'était pas encore développée. Ou peut-être cela faisait-il parti de moi. Ou bien j'avais peur. Je n'en savais rien.

Moi : Je... Je ne pense pas être prête pour ça... Murmurai-je finalement.

Je levai mes pupilles penaudes vers Error. Il avait l'air déçu.

Moi : Je... Désolée.

Error : Hēįn ? Øh... Nøn, nę łē søįs pãs ! Ję... C'ęst nørmåł, j'ãttęndråį, c'ęst tøūt ! Ēnfįn... Nøn, ję vęūx dįrē... Ję...

Ses barbouillements me firent rigoler. Je me détendis.

Moi : Peut-être quand... Quand je trouverai un moyen de grandir. Proposai-je sans trop y croire.

Error : Øūį, vøįłà, pøūrqūøi pãs ! Répondit-il immédiatement, s'accrochant à la perche que je lui tendais.

Moi : Vraiment ? Fis-je. Est-ce que tu m'aimeras encore quand je serai plus grande que toi et que j'aurai des poils qui pousseront là où il faut pas ?

Bien que j'eus dis ça comme une blague, l'anxiété des changements m'habitait bel et bien. Oui, c'était con. Mais tout le monde était anxieux de choses connes, pas vrai ? Et à cette question conne, le marionnettiste ricana, à coup sûr pour extérioriser sa gêne.

Error : Tørįeł fåįsaīt pręsqūe dęūx têtęs dē płūs qūę møį ēt åvãįt tånt dę pøįls qū'øn ålłãit jūsqū'à åppęlłer çå "føūrrurę", ję tē råppęlłe. Åłørs råssūrę-tøi ję m'ēn cøntrę-føūt.

Moi : Et quand mon magnifique faciès de binoclarde changera, que j'aurai des boutons d'acné partout et que je me mettrai à puer la sueur comme les adolescents, tu m'aimeras encore ? Enchaînai-je avec un malice masquant mon inquiétude.

Le squelette d'ébène prit mes mains.

Error : Lįså. Ēst-cę qūę tøį tū m'åįmēs måłgré møn œįł drøįt tøūjøurs płūs fērmé qūę ł'åūtrę, mēs głįtchs pårtøut sūr łę cørps ēt męs dēnts jåūnęs cømmę qūełqu'ūn qūį sę sēråįt pãs sęrvį d'ūn dēntįfricę dēpuįs dēs cęntåīnes d'ãnnéęs ?

Moi : Hein ? Ben... Évidemment ?

Error : Bãh åłørs dę qūøį t'ãs pęūr ? Gloussa-t-il.

Cela paraissait si facile maintenant qu'il le certifiait... Je me laissai me lover contre lui, un peu rassurée. Il passa un bras autour de ma taille, comme par automatisme, pour m'accueillir contre sa cage thoracique.

Moi : Tu sais... C'est pas tes glitchs qui m'ont interpelé la première fois que je t'ai vu...

Error : Męntēuse.

Moi : Oui, bon, d'accord, c'est pas commun. Admis-je. Mais outre ça... C'est surtout ton regard porté vers les étoiles qui m'a hypnotisé. Je sais pas, ça m'étais commun. Je me reconnaissais en toi, quoi.

Error : Whøūåw, çå dęvåit êtrę łã tøūte, tøūte prēmièrę īmpręssiøn, åłørs ! Railla-t-il, amusé.

Moi : Crétin...! Pestai-je en lui donnant une tape derrière la tête tandis qu'il s'esclaffait. Enfin bref. Tout ça pour dire que même si t'as un œil plus fermé que l'autre... Je m'en fiche. La vraie beauté se trouve dans le regard que l'on renvoie.

Error : Ēt qūęł rēgård fåūt-įł åvøįr pøūr êtrę ūn vråį Bøgøss, åłørs ? Se moqua-t-il.

Moi : Un regard heureux.

Error ferma la bouche, plus du tout taquin. Il se gratta la nuque, puis soupira un petit sourire. Je me défis de son étreinte, m'allongeai sur le dos, bras croisés, et l'invitai à faire de même. Nous commençâmes à nous poser des questions sur nos (futurs) complexes, ridicules comme tout les complexes, sans amertume enfouie en l'occurrence. Seulement de la sérénité. C'était agréable de parler de sujets tabous sans avoir à mesurer nos mots ou nos propos, et sans non plus s'en bidonner comme deux bon potes. En parler normalement, naturellement.

Moi : Est-ce que tu m'aimeras encore quand je tâcherai les draps de notre futur lit en rouge sombre ?

Error : Łę røūge c'ęst jøłį, ęt çå sērã tøį qūį nēttøyęrås dę tøūte månįère. Ēst-cę qūę tū m'åįmēs qūånd ję fåįs ūn søurįre dę tãré psychøpåthę ?

Moi : C'est ce qui fait ton charme. Est-ce que tu m'aimeras encore quand j'aurai un appareil dentaire ?

Error : Tøūt łēs ådøs n'ønt pãs d'åpparęīł dęntãīre ęt sįnøn, øn sērã dęūx à åvøįr dēs dēnts dégēułåssęs. Ēst-cę qūę tū m'åįmēs ãvęc må mįnūscułe pūpįlłe drøitę sūpęr fłįppånte qūį nę vå pãs dū tøut ãvęc ł'åūtrę ?

Moi : Ça ne rend ton regard que plus perçant.

Et nous continuâmes ainsi, jusqu'à ce que l'heure des bâillements et des fatigues ne sonnât, nous amenant à nous endormir l'un contre l'autre afin de lutter face au froid mordant d'un nouvel hiver, déjà sur le pas de la porte, se préparant dans les coulisses à nous déployer en guise de présentation ses plus belles aurores boréales.

★★★

La nuit passée, Error me fit un dernier au revoir, m'embrassa et s'en alla dans une brèche. Je caressais bêtement ma joue, aux anges. Que l'on est con quand on est amoureux. Enfin... Il ne restait plus qu'à rentrer chez moi, moi aussi. À Underswap.

Une sensation de malaise me parcourut soudain d'échine du dos. Ni chaude, ni froide, désagréable chatouillement inconnu. Je pivotai sur moi-même, aux aguets. C'était une présence nouvelle, particulière, mais tout de même commune à ce à quoi j'avais déjà été confrontée : cette impression d'être espionnée.

Une forme opaque se mut au coin de mon champ de vision. J'invoquai mon sabre, par réflexe, et brandit sa lueur dorée en direction de l'objet en question. Je sursautai. Un fantôme ? Non. Ou peut-être que si. C'est vrai que l'on s'offrait aisément le bénéfice du doute.

Il (ou elle ?) restait en retrait, ne dépassant qu'à moitié d'un rocher où fredonnait d'un cristal d'Echo. Elle devait m'arriver à la hanche, pas plus, très petite pour un humain. Ses teintes variaient sur différents gris. Craie pour les plus claires, comme son minois, charbon pour les plus foncées, comme ses cheveux coupés au carré.

Mais ce qui faisait majoritairement mouche à mon idée de fantôme était ses grands yeux noirs et ronds qui me lorgnaient, plus profonds que les orbites de Killer. Plus profonds, certe moins agressifs. Même... Craintifs. Je "rangeai" mon sabre, un peu honteuse. Quand je fis un pas, elle disparut complètement derrière le caillou.

Moi : Non, attends ! L'appelai-je le plus doucement possible. Ne... Ne part pas ! Euh... Core!Frisk, c'est ça ?

Frisk : Juste Frisk. Corrigea-t-elle en réapparaissant.

Son timbre était plat, résonnant et féminin, confirmant son sexe dont j'avais un doute. Dream m'avait déjà rapporté sa personne. Elle dirigeait un refuge pour les naufragés Multiversels, ceux qui n'avaient plus d'univers ou qui ne pouvaient plus y retourner, appelé l'Oméga Timeline. Cet endroit était inaccessible à quiconque ne connaissait pas le chemin. Ce qui se limitait au maître des songes, à Ink peut-être mais je n'en étais pas certaine, et bien sûr à Core!Frisk. (Oui, presque l'entièreté des Frisk et Chara sont des filles, mais au milieu de tout ces Sans garçons j'ai l'impression d'être une Schtroumphette, accord T^T ?
(Remarque je suis une Schtroumphette dans la vraie vie–)

Un blanc pesant s'abattit sur le lac. Je ne remuais point, redoutant de l'effrayer à nouveau.

Frisk : Il m'a envoyé à toi. Il veut te parler. Dit-elle suite à une longue attente.

Je ne réagis pas immédiatement, ébétée. La façon dont elle me sondait, sans pitié, me mettait mal à l'aise.

Moi : Qui ça, "il" ?

Frisk : Je lui ai dit que je ne pouvais pas t'amener là-bas. Reprit-elle, ignorant ma question. Mais il ne veut pas venir. Il a peur.

Cet échange devenait de plus en plus bizarre... J'osai, incertaine :

Moi : Pourquoi...pourquoi tu ne peux pas m'emmener là-bas ?

Frisk : Parce qu'"il" t'aime et que tu l'aimes "lui".

Il me fallut une seconde pour cerner le fait qu'elle ne parlait pas de la même personne, et une deuxième pour cerner que celui dont elle parlait ce coup-ci était Error. Une vague nausée remonta ma trachée. Si les Star Sans avaient pardonné au destructeur ses méfaits, ce n'était malheureusement pas le cas de tout le monde. L'Oméga Timeline regorgeait de monstres et d'humains sans foyer ou traqués. C'était évident que Frisk faisait très attention à qui entrait. Un accident, une trahison, et Error serait capable de les localiser, les réduire en cendre, les exterminer.

Frisk : ...Suis-moi. Décida enfin le fantôme en sortant de sa cachette. Mais je te bande les yeux.

«Encore !» Me lamentai-je.

Elle fouilla dans la poche de son short et en extraya un ruban délavé. Mes avis qu'elle avait l'habitude de masquer aux gens l'entrée de l'Oméga Timeline. Elle me le remit. J'hésitai. Ce n'était pas faire preuve de vigilance que de suivre un fantôme que je connaissais à peine là où je n'étais pas persuadée de pouvoir utiliser mes portails. Mais tout de même... Qui était ce mystérieux personnage qui disait quémander ma présence ? Comme souvent, ma curiosité l'emporta. Je pris le tissu et nouai un noeud autour de mes tempes, non sans méfiance.

Frisk me saisit le poignet et marcha au pas de course. Elle connaissait vraisemblablement ses raccourcis, parce que pas plus tard que vingt secondes, je sentis au niveau de mes racines un plat total. Fini le relief de la plage de galet. Les cristaux s'étaient tus, bouchant mes tympans promptement devenus sourds. J'enlevai le ruban, fermai aussitôt les paupières, flashée par le blanc inopiné. Un instant je me crus dans l'anti-void.

La surprise passée, je distinguai non loin d'ici, à une cinquantaine de mètres au plus, quelque pâtés de maison et des tâches vertes par-ci par-là, le tout placé sur le sol uniforme. Pas terrible, songeai-je. Ce ne fut qu'à la frontière entre le village et le néant que je me rendis compte de la magie qui enchantait cette place. Un pas en avant, m'y voilà, et une succession de sensations me percutèrent, une bouffée de toute choses de la vie quotidienne qui nous était d'ordinaire invisible, quand on ne connaissait pas l'oppression de la dimension blanche. La chaleur sur la peau, le vent qui soufflait, l'odeur de l'herbe coupée, le brouhaha vivifiant des habitants et les couleurs printanières. Seul bémol à ce village incroyablement vrai, l'arrière-plan demeurait vide et le ciel inexistant.

J'en fus subjuguée. Par quelle sorcellerie pouvait-on installer tout cela dans un lieu si désertique ? Était-ce l'œuvre de Ink ? Ou bien du hackage de codes ?

Frisk : Bienvenue dans l'Oméga Timeline ! Commenta Frisk, pas peu fière. Tu visiteras plus tard, "il" doit s'impatienter.

Elle me força à accélérer le pas. Mon attention vagabondit sur monstres et humains qui s'occupaient de leurs jardins, prospères. Hormis, je l'y décelai, un soupçon de déconfit chez eux, une monotonie assidue. Cela me rappela avec tristesse que la plupart de ces personnes, celles qui vivaient ici à plein temps, étaient là à cause d'un douloureux passé.

Frisk : Évite de te faire remarquer. Tu es plutôt célèbre dans le coin. Me conseilla le fantôme.

Moi : Ah...? Fis-je, étonnée. En bon ou en mauvais ?

Frisk : ...Mitigé. Parce que tu es la petite copine de la moitié de la raison quant à leurs présence ici...

Elle fusilla du regard un monstre-chien qui nous toisait stupidement comme pour dire «Tu veux notre photo ?».

Frisk : ...Mais que tu combats vaillamment l'autre moitié.

Moi : Oh...génial... Grimaçai-je, malaisée.

Nous nous campâmes devant un bistrot qui apparentait beaucoup à celui de "chez Grillby's" de Stardin, bien qu'en deux fois plus expensé. L'intérieur comptait le double de table, le comptoir s'étendait et les clients se multipliaient. Il y avait même sur le flan gauche une petite scène où trônait un piano et un pied de micro débranché.

Frisk : Reste là, je vais lui parler. Ordonna Frisk avant de s'éclipser derrière un rideau violet dans le fond de la salle, certainement une pièce privée.

Je me postai donc dans un coin, observant discrètement autour de moi, statique, trop angoissée à l'idée de créer une émeute à cause de ce qu'elle m'avait dit. À bien analyser, l'ambiance n'était pas mauvaise dans le bar... Si on épargnait la présence de quelques trouble-fêtes.

??? : Alors, elle vient, ma bière ? S'impatientait une femme-crocodile à l'allure racaille.

Massive en dépit de sa maigreur, une longue gueule remplie de crocs aiguisés, les écailles vert pâle aux reflets bleutés, elle portait un débardeur blanc et un bracelet or à son poignet mince. Elle ressemblait à Gatty dans Outertale. En plus terne, (c'était difficile de surpasser le "star-desing" de mon... de cet univers) et plus ronchonne. Son amie Catty n'était pas avec elle.

Grillby : Désolé, Gat'. Répliqua un Grillby aux flammes glacier en astiquant un verre. On peut pas tout gérer, vous êtes beaucoup et tu sais qu'on manque de personnel.

Gatty : Tu te moques de moi, là ? S'énerva-t-elle. Tu me dis ça alors que t'es sur le même fichu verre depuis dix minutes ! Ramène-moi ma chope qu'on en finisse !!!

L'homme de feu ne répondit pas. Étant difficile de déchiffrer les émotions de tout Grillby qui se respectait, j'avais pu deviner qu'il était médusé en raison des verres de ses lunettes tournés à mon adresse. Je jetai un naïf coup d'œil en arrière, comme si je priais que je n'étais pas celle qu'il fixait. Mais si. Cela attira Gatty et bientôt, tout les regards des clients et employés furent braqués sur moi, interdits. J'eus subitement du mal à respirer.

Chuchotements et chuchotis couvrirent bientôt tout le bistrot. Mes oreilles captèrent des "C'est pas vrai...", "C'est elle, vous croyez ?", un "Elle a l'air trop mignonne pour aimer un type pareil", "Te fie pas aux apparences, les êtres détestables se connectent entre eux, c'est bien connu" et quelques "Elle est au courant pour son petit copain, au moins ?"

Gatty : Humaine, petite, châtain, yeux verts, lunettes et médaillon celtique. T'es Lisa, pas vrai ? Intervint la crocodile, troublant ainsi les murmures.

J'eus un mouvement de recul lorsqu'elle se leva de sa chaise haute et s'avança à pas lourds vers moi. Ses yeux haineux me soulevaient, me refoulaient, me giflaient telle une tornade.

Gatty : Qu'est-ce que tu fous là ? T'as pas mieux à faire, comme jouer à saute-mouton avec ton chéri ?

Moi : Je euh... C'est...c'est Frisk qui m'a amené ici... Étouffai-je.

Gatty : Ça, je crois qu'on l'avait bien deviné, mais ça réponds pas à ma question.

Je cherchai de l'aide, désemparée. Tous se taisaient. On me zieutait aussi assassin que Gatty, ou on avait la truffe dans ses chaussettes sans trop savoir quoi dire, peinant à se décider. Me défendre, serait-ce faire preuve de trahison ? Et si l'un levait le ton, aurait-il assez d'autorité pour calmer les jeux ? Personne n'en avait ni l'envie ni le courage, ils n'étaient même pas persuadés que je méritais leur soutien. Comment le pourraient-ils, je n'en était pas sûre moi-même.

Gatty : On nous a pourtant rapporté que tu avais de l'honneur, comment peux-tu t'enticher d'un enfoiré dans son genre ?! Reprit Gatty, me surplombant de plus de trente centimètres, gueule ouverte, ses pupilles fines me transperçant. Tu sais que c'est à cause de ton petit ami que ma Catty est morte ?? Qu'il l'a traquée et tuée sans le moindre remord ?!!

La seule réplique que je lui rendis fut muette. C'était facile de riposter devant des salauds de première comme les Bad Guys. Mais contre une pauvre femme qui n'avait rien mérité que de vivre tranquillement avec celle qu'elle aimait ? J'aurais voulu lui faire savoir qu'Error avait changé, qu'il n'était plus celui qu'elle avait connu, mais ça sonnait si faux. Ça n'excusait pas non plus ce qu'il avait fait dans le passé et le mal qu'il avait causé. Et surtout, à voir leur agressivité, à leur peine, une question maudite, une interrogation triviale, viola mon esprit. Error méritait-il d'être heureux après ce qu'il avait fait ?

Gatty : Et ben quoi, tu dis rien ? On vient de t'arracher le voile de la face, nous quoi ? Tu fais honte à notre univers !

Canisse : C'est vrai ! Renchérit un Canisse aux poils presque inexistants et roussis en levant le poing. En plus j'ai entendu dire qu'elle s'était attirée l'œil du maître des cauchemars !

???? : Elle va amener le malheur dans notre village !

?? : On vit en paix, ici, on veut pas de problème !

Le parti fut pris. Tous ou presque se mirent du côté des farouches. Des dizaines de mains et griffes fondirent sur moi telles des créatures jaillissant des lagunes, sauvages, m'agrippant en même temps de me pousser avec brutalité vers l'extérieur.

Moi : Attendez, Je...! Protestai-je en tentant de me dégager sans leur faire de mal.

Canisse : Mettez-la dehors !!!

??? : Mes chers amis, je suis sûr que nous sommes en mesure de nous débusquer un terrain d'entente ! Bondit une voix au timbre suave et snob.

Un tourbillon de couleur apparut soudain autour de moi. Je me retrouvai télétransportée sur une table éloignée, singulièrement intervertie avec un squelette vêtu élégamment aux habits rouges fronçant vers le pourpre et aux iris verrons. Il souriait, désinvolte, à la face ébahie de mes assaillants qui firent un saut en arrière en stupéfaction de l'échange fortuit.

Gatty : Ace ! S'indigna Gatty. Pourquoi tu prends sa défense ?! Tu es là à cause d'Error et de Nightmare, je te signale !

Ace : C'est là la raison pour laquelle j'ai fait la même erreur que vous, oui... Confirma-t-il en s'inclinant très bas, armé de son chapeau. Mais voyez-vous, (il le remit en place) cette jeune personne n'est pas à blâmer pour ce que ces deux squelettes ont commis. Grâce à elle le destructeur maintient désormais l'équilibre dans le Multivers d'une manière bien plus plaisante, et elle se bat courageusement contre celui qui fait sa tête de mule tandis que nous sommes là à nous cacher comme des couards. Vous devriez la remercier au lieu de la diaboliser.

Étrangement, personne ne contesta. Il y avait une autorité, un mystérieux respect qu'ils avaient l'air d'éprouver pour le squelette élégant. Quelques hommes se frottèrent la nuque, d'autres ruminaient avec rage en quittant les lieux. Ace avait réussi à les accoiser. La crocodile, dont une bière l'attendait à présent sur le comptoir, vint me mettre une main sur l'épaule.

Gatty : Ermh... Désolée, j'imagine. Mais ça ne change rien à ce que j'ai dit tout à l'heure sur lui. Juste... Méfie-toi.

Et elle partit boire sa pinte. Je battis des cils, désorientée. Peut-être était-elle moins dure qu'elle en avait l'air, en déduisis-je tandis que Ace m'approchait :

Ace : Je suis enchanté de vous revoir, ma chère amie. Cela doit faire un paquet de carte que nous ne nous étions pas vu, n'est-ce pas ? Me salua-t-il, ôtant son haute-forme en guise de salutations distinguées.

Moi : Ace ! Répondis-je en avec embarras, ne sachant décidément pas si je devais apprécier ou non ce personnage. Merci d'être intervenu, la situation commençait à... "pic-"er un peu.

Mon esprit s'était embrouillé, incapable de juger si cela était juste que je me fîsse balayer de la sorte. Concernant Error... Le doute s'était installé, et rechignait à me laisser en paix. Non, non, ils se trompaient. Error n'était plus comme ça, je le connaissais mieux qu'eux.

Ace : Ne vous fiez pas à ce que vous aviez vu voir. Déplora le showman en désignant les clients qui vaquaient à leurs activités. l'Oméga Timeline est pour nous tous comme une seconde famille mais... Il y a des blessures qui jamais ne cicatrisent. Et... Je dois également m'excuser, c'est de ma faute s'ils savent pour vous et Error.

Moi : Je sais, je... Je ne peux pas leur en voulo... Une minute... Quoi ??

Ace : Ne vous avais-je pas dit que j'étais le meilleur Showman de tout le Multivers ? Répondit-il, un brin malicieux. D'où je vous tiens cette popularité au milieu de mes paires, d'après vous ?

Je n'en crus pas mes oreilles.

Moi : C'est... C'est vous qui...?? Mais vous n'avez pas le droit, c'est ma vie privée ! M'exclamai-je, ulcérée.

Ace : Ne soyez pas en colère contre moi, ma chère amie ! Se justifia-t-il, une goutte de sueur sur le front. Vous devez vous douter à quel point la vie peut être ennuyeuse, ici. Je ne fais que leur offrir du divertissement (à eux et à vous bien sûr, mes chers amis humains, j'ai découvert les parenthèses entre-temps, c'est bien pratique). Vous n'êtes pas la seule concernée, et cela va de soi, je n'ai rien diffusé de ce qui concerne "l'accident" de la dernière fois.

Je croisai les bras sur ma poitrine et fis la moue, blessée. Je passerai outre cette fois car il m'avait extirpée d'un bon gros pétrin mais que je ne l'y reprenne plus ! (Je en vous remercie, ma chère amie, c'est bien aimable. Même si vous ne pouvez m'ouïr.)

Ace : Au fait, Lisa... Reprit-il, étonnement sérieux. Cela fait longtemps que je n'ai pas mis la canne en dehors de l'Oméga Timeline. Puis-je vous demander s'il va bien ?

Moi : Qui ? M'enquis-je, surprise qu'il me nomme par mon prénom.

Ace : Le petit barman.

Moi : Ccino ?

Ace : Oui, c'est bien cela, Ccino.

Je me détournai, ressassant la tenue du squelette pelucheux. Une tenue composée d'un faux sourire incessant, de sa douce voix craintive et de ses nombreuses sévices aux poignets, en plus de son visage fermé, souffrant, chaque fois que Nightmare pointait le bout de ses tentacules.

Moi : Dans le sens... Aussi bien que d'habitude...? Grinçai-je, le cœur gros.

Ace plia les arcades et abaissa le bord de son chapeau qui ombra sa figure. Je mordis ma lèvre en rougissant, prise de culpabilité.

Ace : Je vous remercie pour l'honnêteté de votre réponse, ma chère amie. Si à présent je puis vous laisser...

Le showman s'en fut jusqu'au perron. Il se retourna, me fit un dernier clin d'œil charmant et disparut dans un nuage de fumée. Ce fut à cet instant que Core!Frisk ressurgit de sous les rideaux et me fit signe de la suivre. J'expirai lentement, préparée au pire.

La pièce privée n'était pas très grande. Carrée sur cinq mètres de côté, pas plus. Les étagères pleines de bocaux murant la salle ainsi que la large table ronde centrale, renforçaient la clostrophobie des lieux. De dos, installé sur une chaise, courbé, coudes sur le bois poli, un Sans, comme tout Sans chacun, vêtu d'un blouson bleu, d'un short de sport et de pantoufles roses. Cela dit, il fallait avoir du charbon dans les yeux pour ne pas remarquer sa différence avec ses versions alternatives. Ce fut quand il se leva et se retourna vers moi que la vérité m'explosa réellement au visage.

Sa seule orbite gauche en demi-lune cachait des iris bleues diaprées, virant au vert, virant au jaune, virant à l'orange, passant sur toute les couleurs des âmes humaines. De son crâne crevassé de deux énormes trous nichant jadis sa deuxième orbite, et de la longue lésion qui fendait son buste, émanaient de ces mêmes couleurs des flammes flamboyantes. La photo que j'avais découvert il y a des mois de cela, au manoir des Bad Guys, me revint en mémoire telle une claque.

«L'ami... De Killer ?»

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Bon alors, qui s'y attendait :D ? Tout le monde ?
Ouais je sais, je suis toujours aussi prévisible TwT

Mais je ne regrette rien :p

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