Saison 1 - Épisode 4 : Une soirée chic (partie 2/2)

  Le lightjockey ne tenait plus en place. Les lumières qui se croisaient au salon sous le feu des projecteurs clignotaient de plus en plus vite, et ce avec les couleurs d'un arc-en-ciel. Le Dj commence lui aussi, à accélérer la cadence.

  — SESSION DANCEHALL ! LÂCHE TA SHATTA ATTITUDE ! s'écrit-il dans le micro pendant une transition orgasmique entre deux remix.

  Les personnes du salon jusqu'à la pelouse lèvent leurs verres en chœurs et l'acclame à l'instar d'un empereur. Tous, sauf deux personnes qui cherchent un moyen de s'immiscer dans la foule pour parvenir jusqu'à la chambre de Kevin.

  — Génial ! gronde Dylan. Le couloir est bloqué, les gens veulent danser ! On a choisi le mauvais moment pour aller dans ta chambre.

  — Ça va pas se passer comme ça, mon reuf ! C'est chez moi, ici ! Et c'est pas cette bande d'enfoirés qui va décider à ma place ic...

  — Kevin ?!

  Il se retourne et malgré les hurlements des basses qui le rendait sourd, Maya parvient à parler suffisamment fort pour qu'il l'entende. Elle est en compagnie de Léa.

  — Eh merde...

  — Qu'est-ce que tu fiches, ici ?! Tu étais censé rester en bas !

  — J'en pouvais plus, moi. C'est trop nul !

  — En plus de ça, tu as appelé tes amis ! À cause d'eux, Lydie est mal en point !

  — Oh merde, qu'est-ce que Johan a encore fait ?

  — Trouve-le et dit-lui de dégager.

  — Laisse-moi le temps d'aller dans ma chambre, au moins.

  — Tu ne peux pas, l'interrompt Maya. Lydie se repose dans ta chambre et j'ai du lui enlever ses vêtements. Elle avait plein de vomis partout.

  — Une minute... s'immisce Dylan. Mais si Léa est avec toi, où est Régis ?

  La foule qui danse en rythme autour d'eux se met brusquement à hurler.

  — Qu'est-ce qui se passe encore ? demande Maya.

  — Il y a un truc devant nous mais je n'arrive pas à voir... répond Dylan en se tenant sur la pointe des pieds.

  — Fais-moi monter sur tes épaules, alors...

  — Non, non ! coupe Kevin. Je suis plus grand que Dylan, je peux très bien le faire à sa place.

  — Ah ouais ? s'étonne la fille en observant les deux garçons de la tête aux pieds.

  — Mais si, mais si ! Dis-lui, Dylan, murmure Kevin et lui pinçant le bras.

  — Euh... o-ouais, c'est la stricte vérité.

  — Eh bah on dirait pas du tout.

  Kevin ne se laisse pas décourager par les paroles de Maya et courbe l'échine devant elle.

  — Tu sais quoi ? Je vais quand même grimper sur Dylan.

  — C'est une blague ?! Mais pourquoi ?

  — Disons que mon corps se rapproche un peu du BBL et le tiens est aussi solide qu'un Mikado. T'as clairement pas le permis pour porter ça et j'ai pas envie de conduire jusqu'au CHU, ce soir.

  Dylan contracte sa respiration pour soutenir son ami et lutte contre le fou rire. Kevin se redresse et tape dans son dos.

  — Qu'est-ce qui te fait rire, imbécile ?! Allez, porte-moi sur ton dos !

  Avant que Maya n'ait le temps de poser une main sur l'épaule de Dylan, Kevin saute sur lui, manquant de le renverser sur la foule qui s'agitait devant eux.

  — Argh, mais tu fous quoi ?! marmonne Dylan.

  — Si je ne peux pas sentir le corps de Maya sur le mien, personne ne l'aura ! murmure Kevin pendant qu'elle se tourne pour discuter avec Léa.

  Dylan essaye de reprendre l'équilibre.

  — On... on peut pas inverser les rôles ?

  — C'est bien toi le sportif de la bande, monsieur STAPS ! Alors sois utile...

  — Maya te rend vraiment désagréable, tu le sais ?

  Après que Dylan ait reprit sa respiration ainsi qu'une position confortable, Kevin se pencha et observa.

  — Il y a un groupe de bâtard autour de quelqu'un.

  — Ah ouais ? C'est qui ?

  — Rapproche-toi un peu ! L'éclairage est vraiment pas bon, pour ne rien arranger.

  — Pourquoi il a fallu que tu portes des lunettes, toi aussi ? soupire Dylan. Tu pouvais pas avoir une vue normale, comme tout le monde ?

  — Mais ta gueule et avance !

  Dylan s'exécute et manque de fourrer son nez dans les fesses d'une fille qui faisait la danse du ventre en bout de foule.

  — OH SHIT ! s'écrie Kevin.

  — Alors, qu'est-ce que tu vois ?!

  — Il faut qu'on avance, et vite !

  Dylan ne réfléchit pas. À l'instar d'un taureau, il force le passage avec son crâne pointé droit devant la foule. Kevin, qui sert de contre-poids, hurle de sa voix stridente pour frayer un chemin. Maya et Léa dépêchent de s'immiscer avant qu'il ne soit trop tard et tracent les garçons dans leurs sillage.

  — Bordel de merde... mais c'est une blague ?!

  « TOUT MOUN, MÉTÉ LA BÈT EN I ! TOUT MOUN, TOUT MOUN, MÉTÉ LA BÈT EN I ! » hurlait le DJ dont la voix faisait vibrer les basses accrochées aux quatre coins du salon.

  Kevin, choqué de ce qu'il voit, tombe à la renverse sur le sol et entraîne Dylan dans sa chute. Léa n'arrive pas à réaliser. Elle abandonne Maya et s'approche comme pour se rassurer qu'elle n'y voyait pas clair. Pourtant, malgré les flashs intempestif des néons qui jonglaient avec l'obscurité, il était facilement reconnaissable.

  Régis est complètement ivre, sa cravate faisant office de bandeau sur son front, la chemise entièrement déboutonné. Il cale une fille aussi pâle que ivre sur son entrejambe.

  — Préparez-vous ! PLACE À LA MOTO ! hoquète le garçon d'une voix enrouée par l'alcool.

  « ET LA MOTO, AN ! ET LA MOTO ! TOUT MOUN, TOUT MOUN ! »

  Les hurlement déferlent en Régis une force suffisamment importante pour qu'il agrippe la pauvre fille par les épaules et monte sur son dos. Kevin remarque que les brindilles de la fille, qui lui servent de jambes, commencent à trembler.

  — Oh, merde ! Ilona ! s'écrie Maya.

  La sueur, qui reluit sa face, colle quelques mèches aux bords de ses lèvres et l'empêche de respirer. Son visage pâle tourne au bleu et elle tombe face contre terre. L'impact de son front sur le carrelage couplé à son état d'ivresse la plonge dans un coma. Régis se relève comme si de rien n'était et hurle en réponse à la foule d'applaudissement qui se délectait autour de lui.

  — Régis !

  Les yeux du garçons n'arrivaient pas à cesser de tourner sur eux-mêmes. Il se contente seulement de pencher son visage vers Léa pour tenter de garder le fil.

  — Mais qu'est-ce qui t'arrives, à la fin ? Ça ne va pas ?!

  — KESTU RACONTES, TOI ?! J'ME SUIS ZAMAIS SENTI AUSSI BIEEENNN !!! hurle le garçon.

  Léa ne savait pas pourquoi il haussait le ton ni même la raison qui le pousse à déchirer sa chemise devant elle avant de la balancer à la foule en extase, mais elle était convaincue d'une chose : Régis n'est pas dans son état normal.

  Il cogne plusieurs de coups de poings contre son torse comme le ferait un gorille et lève les mains au ciel en faisant un tour sur lui-même.

  — « GUIK GUIK GUIK... OH NON RÉGIS, À T'ENTENDRE PARLER, ON ÉTAIT EN COUPLE » singe le garçon en faisant des gestes de mains ballants. Mais, tu sais quoi, bébé...

  Il pose un doigt sur les lèvres de Léa et le cascade lentement jusqu'à son menton.

  — Euh, tu es bourré ?

  — J'te pardonne ! Un jour, tu comprendras tout ce que t'as raté ! Et tu t'en mangeras les doigts ! C'est moi qui te le dit.

  Léa lui attrape le bras et tente de le secouer par les épaules pour lui faire reprendre conscience. Régis se laisse faire sans rien dire jusqu'à ce que les néons qui clignotaient sur toute la surface des murs s'éteignent.

  La foule, plongée dans le noir, s'écrie en chœur et reste figé sur place pour la première fois de la soirée.

  Quelque chose lui tiraille la poitrine, Léa sent son cœur lui impulser des palpitations aussi franches que des coups de couteaux. En se demandant ce qui pouvait bien arriver, les lumières de base se rallument. Elle plisse les yeux et se protège le visage avec ses mains avant de s'assimiler à la nouvelle luminosité.

  Rien n'avait changé, hormis la musique enchevêtré dans un mutisme complet. Les basses ne servant plus qu'à décorer la pièce dans ce qu'il y avait de plus grossiers.

  Cet écart du DJ permet aux bribes de conversations, qui pullulait le cercle de Léa, de se mélanger entre elles et de former un énorme hématome de colère dans son cortex préfrontal.

  Soudain, un tintement vint rompre le silence des basses. Les bourdonnements des invités s'estompèrent et leurs regards se penchèrent vers le balcon qui donnait sur le panorama de la montagne. Une jeune fille aux cheveux bouclés, qui formaient une crinière sur autour de son visage, monte sur une table pour attirer l'attention de tout le monde.

  Elle tire légèrement sur le décolleté de sa robe moulante et dépose la coupe de campagne à même ses escarpins. Dylan observe d'un regard suspicieux le mascara de la fille qui commençait à couler juste sous ses paupières.

  — Je pensais que cette soirée serait bien mieux que ça vu qu'elle est organisée par la Grande Maya Daussac, siffle-t-elle d'un ton sec. Mais il faut croire que tu n'es pas doué dans tout, si ce n'est qu'à montrer ta vieille viande sur Onlyfans.

  Maya, s'attendant à des éloges, se prend d'un rictus nerveux et avance vers la fille en fronçant des sourcils.

  — Mais t'es qui, toi ? On se connaît ?

  — Tu n'as pas besoin de me connaître...

  — C'est Mathilde ! s'exclame Kevin en l'observant plus attentivement. Elle était dans ma classe en terminale ! Mais cette voix, je l'ai...

  — On t'as rien demandé, à toi ! Je me demande comment des vieux gars comme vous on fait pour être invités ! Ça reflète bien le niveau de cette soirée, d'ailleurs.

  — On est chez lui ! défend Dylan en brandissant le poing face à Mathilde. Si t'es pas contente, t'as qu'à te barrer !

  — Toi, non plus, je ne t'ai pas oublié. Comment va Camille ?

  Dylan sent quelque chose bouillir en lui mais préfère se taire. Il en avait déjà trop dit. Mathilde n'attendait qu'une chose : foutre la merde. Il ne lui laisserait pas ce plaisir.

  — Une belle brochette de loser... soupire Mathilde en balayant la salle d'un regard agacé. Sauf toi, là.

  Dylan tente de suivre la direction de son doigt sans comprendre qui elle désignait. Il tourne plusieurs fois autour de Régis mais ne trouve personne.

  — Devine quoi, Régis. C'est ton jour de chance.

  Le garçon, abruti par l'alcool, réagissait à peine aux propos de Mathilde. Mais la jeune fille savait comment y remédier.

  Elle s'assoie sur la table et écarte les jambes avant de ranger une culotte dans sa coupe de champagne.

  — Qu-quoi ?! s'exclame brusquement Régis.

  Il secoue sa tête pour se réveiller d'un rêve mais rien n'opère : Mathilde venait vraiment d'écarter les jambes pour lui ?

  Il ne réalise pas ce qui vient de se passe jusqu'à ce que les garçons de la foule s'excitent autour de lui. « Va-y frangin ! », « Fais la passe si tu sais que tu vas pas pouvoir assumer ça ! », « Attaque ! T'es un dogs ou un perlin ?! »... Des paroles qui fusent dans sa tête sans jamais s'arrêter jusqu'à ce que le gaillard se décide à avancer vers la table.

  Il titube mais qu'importe, Régis se noie à l'ambiance de la soirée.

  — Ne fais pas ça, Régis ! explose une voix, sortie de nulle part. Pense à Yumiko !

  Johan, buste nue, se courbe en appuis sur ses genoux pour reprendre son souffle. Il suinte de tout le corps et parle d'un air haletant.

  — J'en ai fini avec elle. Cette salope sait bien que c'est fini entre nous !

  Il ne laisse pas le temps à Johan de répondre et ordonne à la foule de faire un blocus pour ne pas qu'il arrive jusqu'à lui.

  — Ça te dirais de continuer notre petite discussion dans une chambre ?

  — Attendez ! Vous allez pas faire ça dans ma chambre, quand même ?! s'écrie Kevin en agitant ses bras dans tous les sens.

  — ... Volontier ! s'exclame Mathilde et mettant un pied au sol. Toi, au moins, tu sais que ce genre d'occasions n'arrive pas deux fois. J'adore ça.

  — Ma-mais... où est-ce que vous allez ? Qu'est-ce que vous faites ?

  Mathilde, qui entraîne Régis dans les couloirs, se tourne vers Kevin avant de le toiser.

  — Ce que tu regardes sur ton ordi quand tes parents on le dos tournés. Et on va faire ça dans ta chambre, histoire de la baptiser, la pauvre.

  — VOUS N'ALLEZ RIEN FAIRE DANS SA CHAMBRE, TOUT LES DEUX ! hurle Maya en poussant quelques personnes qui lui faisaient front aux abords de la foule.

  « Wow, alors Maya prend ma défense ? Elle n'est peut-être pas aussi insensible à mon charme que je ne le pensais ».

  — Ah oui ? Et pourquoi ça ? rétorque Mathilde avec un ton faussement surpris.

  — Premièrement, parce que ma copine dort dans cette chambre et deuxièmement, parce que je l'ai déjà baptiser avec mon mec. Voilà !

  « Putain, les bâtards ! »

  — Ton quoi ?! détonne une nouvelle voix.

  Elle sonne grave et fait froid dans le dos. Kevin sursaute et n'a pas le temps de faire volte-face qu'une main lui attrape une bretelle avant de le projeter sur le foule.

  Un garçon, d'à peu près la même taille que lui et un gabarit nettement plus imposant, s'avance jusqu'à Maya. Sa colère semble comparable à la foule enragé qui achèvent Kevin par des coups de semelles sur son visage.

  — Je reconnais cette voix, souffle Kevin, toujours en boule sur le sol. C'est le type de tout à l'heure.

***

  — Oh, je t'en supplie, Florent ! Montre-la nous une dernière fois !

  — Arrête de faire comme un adolescent prépubère en rut ! Et lâche mon bras !

  Pendant qu'il nettoie la dizaine de verres qu'ils avaient déjà écoulés, le barman les observent du coin de l'œil avec un air suspicieux. C'est qu'à chaque vendredi soir, il avait prit l'habitude voir cette bande d'abrutis picoler dans son bar. Tout client régulier de Caramel savait que les quatre tabouret reposant sur l'aile gauche du comptoir les attendaient sagement.

  — Bizarre, Léo, tu n'as rien dit depuis que je t'ai montré ma petite abeille, ricane Florent. Ça t'en bouche un coin, pas vrai ?

  L'homme observe Lucien s'exciter et ne semble pas comprendre pourquoi il s'enflamme autant. Il redresse ses lunettes et fronce les sourcils en regardant la photo de Maya d'un peu plus près.

  — Tu me connais, Florent. Je préfère quand elles viennent tout juste du sortir du four...

  — Mais qu'est-ce que tu racontes ! hurle Lucien de sa voix enrouée. Elle a dix-huit ans, c'est tout frais.

  — Petite rectification, idiot : elle va bientôt sur ses dix-neuf ans. Je ne dis pas qu'elle a déjà prit le mur, mais la Maya Daussac a fait son temps.

  Florent attrape un verre de rhum entre les deux hommes et l'avale cul sec.

  — Allons, Lucien ! On sait bien qu'il n'attend pas qu'elles sortent du four pour les toucher même s'il sait que la prison va lui brûler les doigts. N'est-ce pas, Léo ?

  — Les meilleurs fruits ne sont pas les murs, seul un fou prétendrait l'inverse.

  — Je tuerais pour avoir une femme comme la tienne, Florent ! Comment tu as fait ? Est-ce que tu pourrais me donner un tutoriel ?

  — Eh bien, je pourrais te dire d'attendre une heure ou deux pour t'entraîner avec une fille qui serait complètement torchée dans le coin mais on sait très bien que ça ne marcherait pas.

  — Ouais, c'est pas faute d'avoir essayé, marmonne Lucien en plongeant son regard dans la base de son verre.

  — Florent, ça ne te gène pas que Lucien et Léo parlent de ta copine, comme ça ? Je ne trouve pas très correcte, glisse un autre homme plus reclus que les trois autres.

  — Roh, Arthur ! C'est la famille, y a pas de malaise entre nous. Regarde, je te répète sans cesse que ta femme est une mante religieuse et qu'elle n'arrête pas de te tromper.

  — Eh-euh, en parlant de...

  — Tu vois ? Zéro malaise !

  — Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

  — Une semaine, pourquoi ?

  — Et tu n'as pas peur qu'elle saccage toute ta maison ? Tu sais comment les fêtes dérapent très vite avec les jeunes...

  — Arrête de stresser ! J'ai mis mes statuettes de Bouddha dans ma voiture et Pacha est très sociable avec les inconnus. Je n'ai aucune raison de m'en faire.

  — Mais ton fils dans tout ça ? Il s'entend bien avec Maya ? Ça doit être pour lui, tout ça ?

  — Qu'est-ce qui est dur ?

  — Toutes les choses qui se sont passées, cette dernière semaine ! Enfin, Florent ! Ton fils ne t'as rien dit à propos de sa mère ?

  — Tu cherches à plomber notre soirée ou quoi ?

  — Ce n'est pas bon de laisser le garçon seul dans un moment pareil. Tu m'as souvent dit qu'il était un peu fragile. Imagine si les invités sont méchants avec lui.

  — Je lui ai sagement dit d'attendre dans l'appartement d'en bas. S'il m'a écouté, y aura aucun soucis à se faire.

  — Ah, tu l'as terminé de le rénover ?

  — Non. C'est quoi le rapport ?

  — Rien. Laisse tomber.

  Pour ne pas participer à la conversation gênante, Lucien et Léo se dirigent vers le jeu de fléchette encastré dans le mur d'à côté. La soirée s'annonçait plus longue que prévu.

***

  — Alors tu es là ?

  Elle sent comme un gêne dans sa gorge. Dès qu'il commençait à contracter ses narines en respirant comme un buffle, c'était le début des ennuis.

  — Comment tu as su pour la soirée ?

  — Je sais pas, peut-être parce que tu as l'as gueulé au moins dix fois sur ton Insta.

  — Ça veut dire que tu regardes encore mes storys !

  — Je l'aurais su dans tous les cas. Les nouvelles vont vite en Martinique.

  — Et elles repartent aussi vite qu'arrivées.

  Maya effleure l'un de ses pectoraux alors qu'elle tente de le faire prendre la porte. Un frisson lui parcours le bras et il ferme les yeux pour le considérer.

  — Tu vois, je t'ai encore dans la peau.

  — Arrête tes conneries !

  — Je pensais que c'était la maison de tes parents...

  — Sors d'ici !

  — D'ailleurs, tu ne me les a jamais présentés, pourquoi ?

  — Tu ne m'auras pas en faisant ce truc avec tes yeux. C'est fini !

  — Oh j'ai compris. C'est la maison de ses parents. Ce mec, c'est un pansement ? Tu ne peux pas être passé à autre chose aussi vite ! Il est où ?

  — Tsss... pouffe Maya, tu te ridiculises devant tout le monde. Il n'est pas là.

  — Tu veux me faire croire qu'il t'as laissé la maison de ses parents pour faire ta petite soirée et qu'il s'est barré ? Pas à moi, Maya. Pas à moi.

  Le jeune homme fait un pas de côté pour esquiver la porte de sortie. Il se retourne au milieu de la foule et l'observe avec la plus minutieuse attention. Les gens autour ne cessaient de fuser des murmures :

  « Wow, si seulement tous les mecs pouvaient faire comme lui », « Il se plie en quatre pour récupérer sa copine ! », « Non mais c'est un couple goal ! Ils passent juste une mauvaise période pour mieux se retrouver, c'est sur ! », « J'suis deg qu'ils aient rompu, les deux formaient un beau couple... ». Kevin ne parvient qu'à grincer des dents pour alléger la charge qu'il ressentait dans ses poumons.

  — On a assez tourné autour du pot ! s'écrie la voix de l'homme. Comme je te l'ai dit, Maya, les nouvelles vont vites en Martinique et je n'ai pas besoin de passer par toi pour les connaître.

  Toute la foule se mur dans un silence. Les yeux scrutent ses faits et gestes comme des caméras de surveillance.

  — KEVIN BONOS, ESPÈCE DE PETIT ENCULÉ ! MONTRE-TOI, SI T'ES UN HOMME !

  Une brise froide vient rompre la température de son corps. Il entend ses oreilles siffler et tout lui paraît se ralentir : les gens qui s'exclamaient, Maya qui prenait des plombes à décrocher sa mâchoire, Johan qui allongeait ses lèvres pour signifier le début d'un sourire, Dylan lui lançant un froncement de sourcils...

  « Wesh, c'est quoi ce bordel ? P-pourquoi il m'appelle ? » se disait Kevin. Une chose était sûre : vu l'état dans lequel se trouve le type, il vaux mieux rester discret et ne pas répondre.

  « Kevin Bonos ? Jamais entendu parler », « Attends, on est chez lui, là ? », « Watcha, je trouve pas le boug sur insta ». Ils semblaient tous perdu dans leurs réflexions, ce qui était une bonne chose pour Kevin.

  Le garçon en profite pour rester accroupi et tente de ramper jusqu'à la terrasse.

  « Oh, regarde ! » Kevin se bloque en entendant la voix tonitruante, « C'est pas missié ? » Il reste allongé et regarde dans son dos. Son cœur manque un battement lorsqu'il remarque une paire d'yeux braqués sur lui. « MAIS SI, LE GARS QUI VENAIT AU LYCÉE AVEC UN JACKO TI-PIRATE TOUS LES JOURS ! ».

  Le garçon laisse son menton s'écraser contre le carrelage et retient sa respiration instable. Son corps ne cesse de trembler. Il sent la sueur froide coller ses vêtements sur sa peau et une montée de diarrhée lui torture le bide. Il sait que tout est fini. Fait comme un rat, il attend simplement que l'ombre qui s'approche au-dessus de lui vienne l'attraper pour lui mettre la raclée de sa vie.

  — T'es vraiment la pire des merdes, Sayan !

  Ses yeux se posent sur des petites fesses galbés qui lui font face. Le tout moulé dans une robe rouge qui dessinait une taille de guêpe. Mathilde regardait l'autre monstre, les mains sur les hanches. Kevin ne pouvait pas percevoir son visage, mais il savait à sa posture qu'elle n'était pas là pour plaisanter.

  — On a fait tout le trajet ensemble...

  — Roh, s'te plaît...

  — Tu m'as prise dans ta voiture !

  — Arrête ça !

  — T'étais là à me dire que Maya te traitait comme une merde et maintenant tu viens lui lécher les pieds comme un p'tit chien-chien !

  — Ferme-là, espèce de conne !

  L'attention, autrefois braqué sur la recherche de Kevin, venait de pivoter en la faveur de Mathilde.

  — Tu as raison. Je suis une conne mais au moins, je sais que tout le monde voit le vrai visage de Sayan Faucon.

  « Sayan Faucon ! » s'exclame intérieurement Kevin. « Mais oui, c'est le type dont Laurina m'avait parlé, au Pallo. L'ex de Maya ». « C'est bizarre, j'ai l'impression que quelque chose m'échappe du bout de la langue ».

  Les talons de Mathilde claque d'une démarche pressée sur le sol. Elle tourne autour de Sayan avant d'attraper Régis par dessus l'épaule. Il manqua de trébucher, déconnecté sur l'instant.

  — Tout à l'heure, t'as pas voulu me baiser parce que tu savais très bien que t'avais pas le permis pour gérer ÇA ! Mais ne t'inquiètes pas, Régis va me donner encore mieux. C'est un étalon ! Un pur sang !

  — Ou-ouais ! J'suis une machine ! Un vrai Terminator !

  « Mais oui, putain ! C'étaient sur eux que j'étais en train de me... argh » frissonne Kevin, en réalisant. « Comment il a fait pour ne pas baiser une bombe pareille ? ».

  — Déshabilles-toi ! On va lui monter, à ce perlin, ce que c'est que d'baiser pour de vrai !

  Sayan fait deux pas en arrière et commence à poser son regard sur une foule surexcitée. Tous brandirent les poings en l'air pour encourager Régis à réagir.

  — Attendez, vous voulez que j'me foute à poil devant vous ?

  « OH BAISE LA FEMME COMME IL SE DOIT, FRANGIN ! » hurle l'un de ses supporters. « FAIS LA MOUILLER COMME UNE FONTAINE DEVANT MISSIÉ, IL VA GLISSER PAR TERRE ! ».

  — Bon, eh bien... j-je crois que je n'ai pas le choix, annonce Régis d'une octave plus sinueuse. Je vais devoir sortir le Susanô.

  Sayan ne dit pas un mot. Il regarde Régis de haut en bas avant de laisser échapper un ricanement suivit d'un sourire en coin.

  — Et dis-moi, Régis, qu'est-ce que tu comptes lui faire ?

  La mâchoire qui se met à claquer contre sa volonté et l'incapacité à tenir le regard dans le sien, Régis se contente d'observer les Air Force blanche de Sayan pour répondre.

  — Ce que je vais lui faire ?! répète le garçon, comme une mauvaise blague.

  Sayan acquiesce d'un hochement de tête.

  — Eh-eh bien, c'est très très simple. Je vais lui faire le... le...

  Il s'avance et tend son bras face à Sayan. Kevin ne savait pas si son poignet incliné indiquait le début d'un AVC ou s'il essayait de manier une technique de kung-fu.

  — La prise de l'anaconda, comme ça. RAH, RAH !

  Il imite la gueule d'un serpent en action à quelques centimètre de la face de Sayan. Bras croisé, l'autre ne bouge pas d'un cil et commence presque à bailler.

  — VLA VLA VLA ET LÀ, BAM ! (Mathilde sursaute). Je lui enfonce l'Anaconda dans la chatte !

  « Qu'est-ce que missié raconte ? », « Il a vraiment trop bu ».

  Sayan ferme les yeux et coupe sa respiration pour essuyer les postillons que Régis avait lâché sur son visage. Il tourne son attention sur Mathilde en poussant un soupir.

  — Ce que tu fais avec ce zigoto, je m'en fiche. Je t'ai emmené ici juste parce que tu m'avais dit que tu connaissais Kevin Bonos.

  — Pardon ?! Mais qu'est-ce que Kevin a avoir dans ça ?! s'écrie Maya en poussant Mathilde sur le côté.

  — C'est pas lui qui devrait essayer de te couvrir ? Comme c'est mignon.

  — T'inquiète pas que si mon mec était là, il t'aurait...

  — ... MAIS QU'EST-CE QUI SE PASSE, ICI ?!

  Le Dj rembobine son disque et enlève sur casque lorsqu'il observe une grande silhouette sur le pas de la porte.

  Un homme d'au moins un mètre quatre-vingt quinze avançait dans la foule. Il regardait chaque détail avec précision. Et contrairement à la majorité des gens ici présent, il devait avoir le double de leur âge, pour ne pas dire plus. Ses dreadlocks qui masquaient son visage lui donnaient un air menaçant.

  — Mais il est à qui, ce papi ? s'avance Sayan en essayant de trouver ses yeux derrière les locks.

  — Ma petite abeille, qu'est-ce qui se passe ?

  — Flo ! Enfin, tu es là...

  — Quand tu m'avais dit que tu organisais une soirée, je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde.

  — Bébé, j'te jure que je pensais à un petit comité mais il y en a pas mal qui se sont tapés l'incruste, ronronne Maya d'une voix suave.

  Sayan, qui ne comprend pas tout de suite ce qui est en train de se passer, sent brusquement une main se poser sur son épaule.

  — T'es qui, toi ? On entend ta gueule depuis le pied du morne !

  — Moi ? J'suis le mec de Maya Daussac et toi t'es qui ? Son grand-père ?

  — Excuse-moi, j'ai pas très bien entendu. Ça doit à cause de mes problèmes d'auditions. Tu peux répéter ?

  Les supporters de Sayan se mirent à rire en éclat, si bien qu'il avança avant de poser une main sur son épaule, à son tour.

  — J't'ai dit que j'étais le mec de...

  Florent se poste au centre de Sayan et effectue un mouvement de coupe sabre en direction de sa tête. Il passe devant lui pour l'amener au sol avec un arc de cercle autour de son cou. Le garçon pousse un beuglement étranglé avant de s'écraser contre le carrelage.

  — Tu lui dis quoi, au papi, maintenant ?! Hein ?!

  — Argh... lâ-lâchez...

  — Pendant que ton père se branlait sur les magazines x d'une station d'essence, j'étais le champion d'aïkido de ma ville ! Ça t'en bouche un coin, p'tit merdeux !

  — P-par pitié... je vous en supplie... lâchez-moi. Je suis juste venu parler à Kevin...

  — KEVIN ? Le p'tit con qui me sert de fils ?

  Pendant que Sayan était obligé de lécher le sol pour respirer, les gens autour de lui commençaient à filmer la scène.

  — Je voulais lui demander de me laisser une nouvelle chance avec Maya ! Pitié, pitié, monsieur ! Je ne voulais pas foutre la merde chez vous...

  — Attends une seconde, toi, disait Florent en s'essayant littéralement sur son dos. Pourquoi tu vas voir Kevin ?

  — Je sais qu'il sort avec Maya depuis une semaine mais, mais...

  — Quoi ?! Qui t'as raconté ça ? QUI ?!

  — ARGH ! étouffait Sayan. C'est les gens qui me l'ont dit. Que... qu'il sortait avec Maya, alors je voulais m'assurer que...

  — C'est une blague, j'espère ?! Ma petite abeille, t'étais au courant ?

  Maya, qui regarde le corps de Sayan complètement ratatiné sur le sol, dégage un sourire de satisfaction. Elle s'approche de Florent en secoue la tête.

  — Je ne comprends pas. Tout le monde voit bien comment il est moche et maigrichon. Quelle fille du calibre de Maya voudrait sortir avec une merde pareille ? Les gens ne réfléchissent pas.

  — C'est Kevin qui l'a dit à quelqu'un, monsieur ! continue Sayan d'un ton suppliant. Après, on est venu me le dire mais je n'en savais rien ! Par pitié, je vous jure que si vous me laissez partir, je ne remettrai plus jamais les pieds chez vous !

  — Ma petite abeille, trouve-moi ce petit con.

  Sans qu'elle n'ait besoin de se déplacer, un petit groupe dans la foule, qui avait déjà repéré le garçonnet, s'était empressé de le jeter au beau milieu de la foule.

  — AAAAHHHHH, ricane nerveusement Kevin. Salut, papa ! Co-comment ça va ?

  — C'est quoi ces conneries, Kevin ?! Tu fais croire à tout le monde que tu sors avec ma petite abeille ?

  — Je peux tout t'expliquer.

  — Tu n'étais pas censé être en bas ?

  — Si, si... mais...

  — MAIS QUOI ?! ESPÈCE DE SALE PETIT MENTEUR ! TU VOULAIS SALIR LA RÉPUTATION DE MAYA AVEC TOI, C'EST ÇA, HEIN ?!

  La foule commence à pousser des exclamations de paniques. Les filles vidaient le salon en se précipitant sur la terrasse. Les garçons, qui tenaient à garder bonne figure, se contentaient de chanceler en arrière avec un poing serré contre le cœur.

  — Monsieur Bonos, je vous jure que Kevin n'a rien fait de tout ça. Certaines personnes en avaient après lui.

  — PARCE QUE TU AS INVITÉ LES TROIS SDF EN PLUS ?!

  Dylan suit le mouvement de la foule pendant que Johan fouille quelque chose dans le frigo.

  — SORS D'ICI, SALE RAT D'ÉGOUT !

  — Mais attendez, m'sieur ! J'ai soif !

  — Vide mon Canada Dry et je te promets que je viendrais te vider de ton sang, moi aussi !

  Johan grossit ses pupilles et dépose la bouteille à l'endroit où il l'avait trouvé.

  — Okay, okay ! Relax, monsieur Bonos. On est cool !

  — VOUS ÊTES TOUT SAUF COOL, JUSTEMENT ! MAINTENANT QUE JE PEUX ENFIN MENER MA VIE COMME JE L'ENTENDS, JE REFUSE DE VOIR VOS VIEILLES TÊTES CHEZ MOI !

  — Pourquoi on s'attaque à nous ? demande Johan à Dylan. Il était pas censé détruire Kevin, à la base ?

  — Super, tu m'aides pas, toi non pl...

  Un coup de pied arrive sur le visage de Kevin et le projette contre le mur. Sous le joug de la secousse, l'une des basses accrochées au plafond se détache et...

  — ARRGHH !!!

  — Ça t'apprendra à me manquer de respect, petit con !

  Alors que le salon demeurait entièrement vide, seule une personne persistait sa présence sur le canapé du salon.

  — Eh, debout-toi ! s'écrie Florent en donnant au coup de pied sur le cadavre endormi.

  — Hmmm !!! Hmmm !!!

  Régis se réveille d'un sursaut et observe autour de lui.

  — Bon sang ! Où est Mathilde ?

  — Partie depuis longtemps, répond Maya d'un ton sec. Et tu devrais faire comme elle.

  — Quoi ?! Ah non ! Non, non, non, nooooonnn ! Putain ! C'était ma seule chance de faire quelque chose avec elle ! J'en ai marre ! Pourquoi je me suis endormi ?! Kevin, tu pouvais pas me réveiller ?!

  Il jette son regard sur le garçon qui hurlait en sanglot sous un fracas de pièce détachés appartenant à la grosse basse.

  — On ferait mieux de s'arracher, les gars, affirme Dylan en prenant le pas de la porte.

  — Elle est passée où la fiote de Sayan Faucon ? ricane Johan en traversant la porte. Il fait les gros durs sur les réseaux mais regarde comment il a eu peur, le con.

  Kevin observait le portail d'entrée se renfermer sur lui-même après que les trois comparses aient traversé la route. Il essaye de tendre sa main vers la porte en pleurant à chaudes larmes.

  — Non, les copains !

  — Ferme-là ou j't'en mets une autre !

  — AAAAHHHH !!!

  — Viens, chéri, on va se coucher, susurre Maya à son oreille en l'entraînant dans la chambre.

  — J'arrive tout de suite, ma petite abeille.

  Il attend qu'elle soit suffisamment loin pour s'accroupir au niveau de son fils. Sa respiration saccadée ne tenait plus en place.

  — Si tu crois que j'ai fini avec toi, tu te mets le doigt dans l'œil. Demain, je veux voir la maison nickel ! Tu as intérêt à aller dormir dès maintenant pour te réveiller tôt. Si j'ai le malheur de retrouver la maison dans cet état quand j'ouvrirais les yeux, tu auras de sérieux ennuis.

  Il préfère observer son père s'éloigner en faisant le mort, croulant sous les décombres. Et commence à agiter ses membres une fois le claquement porte annonçant qu'il était bel et bien parti.

  En se donnant quinze minutes supplémentaires pour s'assurer que son père avait bien fermé l'œil, Kevin traverse le couloir avec les pas d'un contorsionniste et abaisse la poignée de sa chambre.

  Un sursaut le fouette en plein cœur. La bouche sèche, les yeux dilatés, il observe une silhouette généreuse et entièrement nue allongée dans son lit. Elle s'étire comme un chat dans son sommeille et murmure des mots comme « myrtilles, sperme et confettis ».

  C'est Lydie Roselini. Sa peau quasiment parfaite cachait un grain de beauté sur sa fesse gauche depuis tout ce temps. Un détail que Kevin ne put s'empêcher de capturer, dans sa tête mais aussi sur son portable.

  Il s'approche en abordant des angles suffisamment différents pour remplir sa galerie de détails croustillants. En passant des tétons roses de ses seins jusqu'à sa bouche pulpeuse qui laissait imaginer autre chose que le filet de bave qui s'y écoulait à l'instant t.

  C'est avec autant de précaution que Kevin fait marche arrière jusqu'au salon et cours dans les toilettes.

  « Au moins, je l'aurai eu, ma branlette spéciale » se disait-il en repensant à la scène entre Sayan et Mathilde.

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