Saison 1 - Épisode 3 : Une soirée chic (partie 1/2)
— Je ne suis pas experte en cuisine, mais je crois qu'une côte de porc, ça se met dans une poile et pas sur un visage.
— Comme tu l'as dit, tu n'es pas experte en cuisine, alors mêle-toi de tes affaires ! répond Kevin d'un ton sec.
Ça faisait deux jours que l'un des poings de Florent avait laissé un hématome sur son œil. Le pauvre garçon permute la poche de glace dans le congélateur avec la dernière côte de porc qui sommeillait au frais.
— Dépose-moi ça dans la poile pour que ma petite abeille puisse me faire à manger, p'tit con ! Ton jeune père a faim !
Sans crier gare, Florent fait irruption dans la pièce. Sa longue sieste de deux heures l'avait requinqué suffisamment pour qu'il s'en prenne de nouveau à son fils.
— Ouais, ouais ! La voilà, ta viande ! Tsss...
« Foutu rastafari en carton » murmure le garçon un peu trop fort, si bien que Florent se retourne presque machinalement pour lui demander de répéter. Maya, afin d'éviter une nouvelle maltraitance infantile sous ses yeux, décide d'attirer l'attention sur elle.
— Dis, Flo. Est-ce que je pourrais inviter des amis à la maison ?
— Ah oui ? Et pourquoi ça ?
Kevin connaissait ce ton désinvolte, celui d'un homme aigri qui a horreur que des inconnus mettent les pieds chez lui. Le garçon, qui garde une rancœur depuis le jour où Maya avait filmé son père en train de lui refaire le portrait, se délecte à l'idée de la voir essuyer son premier refus.
— J'avais dit à mes copines que j'allais les inviter dans ma nouvelle maison. Ça fait un bail que j'ai pas pu les voir, à cause des études et tout.
« MA nouvelle maison ? » avait-elle dit ? Kevin la savait déjà cuite. Son père déteste qu'on s'approprie les choses qui lui appartiennent. Que soit pour un bien immobilier ou encore sa bouffe.
— C'est super grand, ici ! Y a large de quoi faire une petite fête, en plus.
« Elle est finie »
— Hmm...
« AH AH, CHEH ! »
— Ça peut être intéressant. Oui, pourquoi pas.
« Argh, quoi ?! »
Avant que Maya n'ait le temps d'ouvrir la bouche, Kevin la devance avec un élan de rage dans la voix.
— C'est une blague ? C'est une putain de blague ?! Quand je demandais si mes amis pouvait venir fêter mes anniversaires à la maison, tu disais toujours non !
— Ta naissance est une vaste blague, oui. C'est pas pour rien que t'es né le 1er avril et que je refusais à ces trois crétins de venir squatter chez moi.
— Mais qui te dit que les amis de Maya sont pas « crétins », eux aussi ? C'est vraiment pas juste !
— Ce qui se ressemble, s'assemble ! Un théorème très bête à comprendre, Kevin. Je te croyais moins idiot que ça.
— C'est n'importe quoi ! Maya qui est ici depuis seulement deux semaines à plus de droit que moi.
— Puisque tu te plains tant que ça d'avoir si peu de droit dans cette maison, tu sais où tu iras pendant la fête de ma petite abeille ?
Florent lui laisse le temps de réfléchir. Kevin hausse un sourcil et sursaute sans prévenir.
— Ah non, c'est pas juste !
— Oh que si.
— Je n'irais pas là, même pour quelques heures ! C'est mort !
— Tu vas devoir faire avec, il est hors de question que les amis de Maya te voit.
— Mais pourquoi pas ?!
Florent, qui lui avait déjà tourné son dos, fait volte-face. Il donne l'impression à Kevin de s'offusquer de la question.
— J'ai vraiment besoin de donner les raisons, Kevin ?
Le garçon entend Maya s'étouffer derrière lui. Elle tente par tous les moyens de réprimer son rire.
— Tu as la voix tellement aiguë qu'on te prend pour un petit garçon alors que tu as l'âge de voter. Tu es efféminé comme pas possible. Les seuls seins que tu as vu en vrai sont ceux de ta mère, et Dieu sait que ce cadeau empoisonné vient d'en bas. Tu portes encore des salopettes et des casquettes à éolienne alors que tu as dix-neuf ans, je le rappelle. La seule fille que tu as touché, c'est ta main droite et tu es ami avec des crétins de la dernière espèce.
— T'es vraiment un connard !
— Oh, s'exclame Florent en levant une main sur son visage. N'oublie pas que ta mère n'est plus là pour te protéger. Fais attention à ce que tu dis !
Pas réflexe, Kevin se recroqueville et plaque ses mains contre son crâne.
— Cheri, laisse-le, marmonne Maya d'une voix mielleuse. Tu vois bien qu'il est déjà fébrile...
— Je sais ma petite abeille, dit-il avant de lui coller un bisou.
Elle s'enveloppe autour de lui et caresse son torse du bout des doigts pour le calmer. Kevin a beaucoup trop peur pour oser exprimer le dégout qu'il ressent.
— Tu iras à l'étage du bas et fera comme si tu n'existais pas. Si UN SEUL des amis de Maya te voit, fait une remarque désobligeante à ton sujet, je te promets que ça ira très mal pour toi.
— Mais, qu'est-ce que je vais faire ? C'est juste un tas de ciment, en bas. Il y a même pas de prise pour charger mon téléphone.
— Je te conseille de le mettre en charge dès maintenant, parce que ce soir...
Il imite une guillotine et laisse le temps à Kevin de détaler à grande vitesse dans sa chambre.
***
La soirée s'annonçait longue pour Kevin et trop courte pour Maya qui prévoyait déjà une tonne de chose pour la fête.
Depuis l'étage du dessous, qui n'était que le site de ciment d'un appartement en devenir, Kevin faisait rebondir une balle sur le mur en attendant que la page YouTube de son portable finissent de charger. La connexion internet ne passait pas bien depuis en bas et la seule chose d'intéressant qu'il pouvait entendre était le brouhaha des invités depuis le plafond.
Pacha, qui lui tenait compagnie, part en entendant le tintement de couverts et comprends qu'un buffet se dresse à l'intention des invités.
— Tu changeras jamais, espèce de malpoli ! gronde Kevin, vexé qu'il soit parti.
Il se lève pour dégourdir ses jambes et observe le panorama du paysage montagneux habité par la forêt qui se dresse en surplomb d'un coucher de soleil.
Kevin se fait aveugler par le crépuscule qui s'étire jusque dans l'appartement. À défaut d'entamer les travaux qui permettait un circuit électrique jusqu'aux ampoules, Florent n'avait pas daigné lui donner de lampe.
Personne ne pouvait le distinguer, il ne savait plus où il se situait lui-même. C'est alors qu'une idée lui traverse l'esprit : Pornhub.
Le garçon détache sa salopette et glisse son caleçon jusqu'à ses chevilles avant de fermer les yeux pour discerner le souffle du vent contre les arbres avec des potentiels claquements de semelles à l'horizon. Cela fait bientôt dix ans que Kevin se masturbe et il avait appris avec le temps que même ce domaine solitaire était un art.
Il allume son portable et s'apprête à taper « gang bang brutal » dans la barre de rechercher lorsqu'il entend quelque chose de suraigu fondre le silence de la pelouse. Pensant que le son provenait de son iPhone, Kevin sursaute avant de l'éteindre et se couche sur le ventre comme pour se cacher.
La face écrasée contre le ciment, Kevin distingue à nouveau le bruit détonner devant la porte fantôme de l'appartement. Son portable est éteint, il garde le souffle coupé, le garçon comprend que quelque chose cloche.
Il rattache sa salopette et rampe jusqu'au pas de la porte. Et ce qu'il s'apprête à voir le fait presque tourner de l'œil.
Alors qu'il cherchait un porno pour se satisfaire, il y en avait un qui se déroulait juste à quelques mètres de lui. Sur la pelouse du jardin, entre deux silhouettes. Un homme aux grognements sinistres et une femme aux gémissements aigüe qui donnait une trique incontrôlable au petit spectateur, s'écrasaient l'un contre l'autre à l'instar d'un couple de chien en chaleur.
Bien qu'il avait rabattu ses lunettes sur son nez, le brouillard de la nuit l'empêchait de distinguer avec exactitude les détails qui fourmillaient les deux amants. Il entendait simplement des bruits et son imagination s'occupait du reste. Elle lui donnait suffisamment matière à enlever sa salopette et se coller dos au mur avant de reprendre son plaisir solitaire.
Pendant que le couple gémit de plus en plus vite, Kevin glisse sur le sol et laisse ses semelles traîner sur les micros graviers du ciment. Réalisant qu'il a des chances de se faire prendre, le garçon serre les dents et ferme les yeux.
— C'est... c'était quoi, ça ?
— On s'en fiche, s'il y a quelqu'un, cette personne n'a qu'à regarder si ça lui chante. J'ai trop envie de toi... murmure la voix dans le noir. Tu m'as trop manqué.
— Attends ! dit l'autre voix plus grave avant de stopper le bruit de succion. Je ne suis pas venu ici pour ça.
— T'es sérieux, là ?! Tu me fais languir et tu te barres comme si de rien n'était ?!
— Je suis désolé. Mais s'il y a quelqu'un qui nous surveille, je veux pas prendre le risque de me faire prendre avec toi.
— T'es qu'un salaud.
Le porno en réalité virtuelle venait de se transformer en scène de ménage. La claque qui retentit dans le vent annonce la fin de l'expérience pour Kevin, remontant sa salopette d'un air bredouille.
— Tu veux aussi que je parte avant toi, pas vrai ? Ne t'inquiète pas, je ne vais pas me faire prier !
Kevin met un œil au dehors et voit une silhouette élancée monter les marches éclairée par la lumière qui provenait d'en haut, sur le coté droit du bout de la broussaille. La rapidité du claquement de ses escarpins sur les escaliers prononçaient son mécontentement et la robe rouge qui trace ses formes donne un aperçu des tenues que portaient les invités de cette soirée.
Le garçon bascule en avant de la porte pour mieux discerner son visage mais se retrouve vite restreint par l'immense fourrure que lui octroie ses cheveux bouclés.
— J'aurais pu mater un couple en train de baiser et à cause de ces foutues chaussures j'ai tout gâché ?! grogne Kevin. C'est plus possible, je ne peux pas continuer comme ça alors qu'ils s'amusent tous, en haut. J'm'en bas les couilles, je les appelle.
***
— T'avais pas quelque chose de plus viril que la Fiat 500 de ta sœur pour nous emmener ? On va avoir l'air de ploucs si on se gare dans la rangée de toutes ces grosses Mercedes, là !
— Tu parleras quand tes parents te laisseront leur voiture, Régis ! Je te rappelle que tu devrais même pas être dehors, à cette heure-ci. C'est Magali qui l'a dit.
— Ne t'énerves pas, Johan. On sait que tu as fait de ton mieux pour nous emmener jusqu'ici et c'est déjà très bien. N'écoutes pas Régis, tu sais déjà comment il est...
— Voilà ! s'exclame le chauffeur en regardant son rétroviseur intérieur. Ça, c'est un frangin ! Merci, Dylan !
Le bord de route, qui mène jusqu'en haut du Morne Manicou, s'était transformé en une véritable file de stationnement. Johan observe un instant la pente et trouve préférable de se garer en bas de la montagne.
— Hmpf, loser ! T'as peur de faire un démarrage en côte quand on partira ! ricane Régis.
— Continue à me casser les couilles et tu rentres chez toi en BM Double Pieds, mec.
Johan descend de la voiture et laisse Régis sur la plage arrière avant de verrouiller sa portière. Dylan évacue à son tour, pousse un soupir et incline le siège pour l'aider à sortir.
— Kevin a dit « venez soin, les mecs », vous pensez que ça voulait dire quoi ? demande Régis en survolant sa main sur le nœud papillon de son costard.
— Je crois qu'il a dit de venir sur son trente-et-un. Un peu comme dans un gala ou une fête de Nouvel An, rétorque Dylan en lui faisant comprendre qu'il avait plus qu respecté le thème.
— Vous vous croyez où ? Au collège ? Je croyais qu'on laissait les codes vestimentaires pour l'école ! s'exclame Johan.
— Non mais regarde-toi, on dirait que tu vas vendre de la drogue... soupire Régis.
— On appelle ça bicraver. Je sais que ce n'est pas dans le dictionnaire mais tu pourrais faire un effort. Et puis le polo Lacoste et jogging Nike, ça fait mouiller les petites salopes dans leur genre.
— Comment ça « dans leur genre » ? Tu sais qu'il y aura à cette soirée ?
— Et comment ! s'exclame Johan, la voix sinistre avec une pointe d'amertume. Je connais très bien les copines de Maya.
— Une en particulier, ajoute Dylan.
— On taira son nom, je suis trop jeune pour faire un AVC.
Le trio arrive en haut du morne, face à eux, la grande barrière en bois s'ouvre avec un mécanisme automatique pour les laisser entrer. Du moins, c'est ce que Johan interprète en prenant pour filature un couple qui marchait à quelques mètres de lui. Dylan et Régis suivent d'un pas pressé sans discuter pour passer entre les mailles du filet.
— Bonsoir, messieurs, vos comptes Instagram, s'il vous plait.
Un garçon aussi fin qu'un brindille se postait à l'entrée. Ses lunettes empêchaient de lire son expression mais Johan trouvait le moyen de pouffer un rire.
— Désolé, je le réserve pour les minettes qui sont par-là.
— Vous n'irez pas « par-là » si je ne vois pas vos comptes.
— Mais t'es quoi, au juste ? Un videur de Wish ? s'exclame Johan.
— Arrête de t'enflammer et montre-lui, rétorque Dylan. On ne va jamais entrer sinon.
— Tu veux pas ma carte d'identité, plutôt ?
— Je dois savoir si vous avez le nombre d'abonnés nécéssaire pour pouvoir entrer. Jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas inscrit sur vos cartes d'identités...
— Parce qu'il se prend au sérieux, le fils de...
Régis plaque sa main contre la bouche de Johan et le tire vers lui. Il essaye brusquement de se fondre dans la parcelle d'ombre qui limitait le videur et ses amis.
— Régis ?
— Lé... Léa ! Pour une surprise !
— Qu'est-ce que tu fais ici ?!
Une jeune fille au teint mât arrive vers le trio. Une coupe de champagne à la main et un sourire aux lèvres, elle annonçait déjà le tempo qu'avait prit la soirée.
— Laisse-les passer, Judikaël.
— Vous en êtes sûre ?
Le sourire de la fameuse Léa se transforme en poignard qu'elle braque en garde contre le corps frêle du videur intérimaire. Il lèche ses lèvres et essuie la sueur sur son front d'un revers de manche avant de racler de la gorge.
— Allez-y.
Dylan et Régis font un signe de tête avant d'attraper Johan par le col pour l'empêcher de faire des gestes obscènes à Judikaël.
— Tu es vr-vraiment magnifique ! s'exclame Régis en tremblant de la voix.
— Merci, toi aussi, pour le coup. Tu ressembles presque à un majordome.
— Jeeves, c'est mon deuxième prénom.
Léa ricane en lui donnant une légère tape sur le torse qui le fait chanceler sur les chaussures de Johan.
« Connard, fait attention où tu marches ! » entend le garçon tout en continuant sa hâte.
La pelouse, qui servait initialement au jardin florale de Carine, s'était transformé en un lieu de rassemblement externe pour les invités. Des gobelets jonchaient la verdure, souvent accompagnés de traces de vomis, tandis que les canettes de bières faisaient office de guirlandes sur les plantes.
Le brouhaha empêchait à Régis d'entendre Léa et elle le savait pertinemment. C'est pourquoi la jeune fille attrape le garçon par la main et l'entraîne derrière la maison, non-loin des escaliers.
— Pauvre imbécile, crache Johan en l'observant s'éloigner.
— Arrête de rager et soit content pour lui.
— Je l'emmerde ! Il nous lâche à la première occasion dès qu'un vagin se présente ! Surtout celui-ci...
— Tu t'entends parler, par moment ? C'est pas n'importe qui pour Régis...
— Je sais bien, mais elle va rien lui rapporter de bon, cette meuf.
— Ça, c'est pas nos oignons. On ne peut qu'espérer que ça se passe bien pour lui.
— Ouais, si tu veux. Bon, allons rentrer pour voir un peu ce qui se passe. Je suis pas venu ici pour faire nain de jardin.
Johan et Dylan esquivent de peu un type complètement torché et bien décidé à expérimenté son ébriété dans les arts martiaux puis passe la porte d'entrée.
Les yeux de Johan clignent par réflexe face aux néons de lumières qui ne cessent de clignoter dans le salon. Ils traversent les murs et ne laissent qu'une fraction de secondes au duo pour essayer de repérer le visage de Kevin.
Bientôt, l'attention de Johan se porte sur la boule de discothèque suspendue au milieu de la pièce.
— Je me demande comment quelqu'un a pu accrocher un truc pareil aussi ha...
— Aïe, pardon !
Johan tombe à la renverse sur le sol et lèche le carrelage contre son gré. La lumière qui dansait dans toute la pièce et la musique assourdissante empêchaient aux autres de le distinguer pour se moquer. Et ils avaient clairement la tête ailleurs.
Cela n'empêche pas Johan de bondir brusquement avant de lever sa main face à la silhouette qui se penchait sur lui.
— Attends, mais tu es...
— Johan ? Je suis désolée.
— Eh merde. Il a fallu que de toutes les filles ici présente, ce soit toi qui me bourre. Tu l'as faite exprès, avoue-le !
Lydie Roselini, la fille avec un décolleté qui plongeait jusqu'à son nombril, l'observait d'un regard presque inattentif.
— Tu as entendu ce que je t'ai dit, au moins ? s'énerve Johan en l'attrapant par les épaules.
— Ça t'excite, hein ?
— Qu-quoi ?!
— Ça t'excite de me toucher. Tu ne peux pas t'en empêcher, c'est comme ça depuis le collège.
— T'es complètement torchée ?! Si c'est pas le cas, arrête de jouer les idiotes avec moi. Le moment est très mal choisi !
— Pourquoi t'es ici ? continue la fille d'une voix ivre. T'es pas un influenceur et en plus t'es moche. T'as aucun talent. T'es un loser. T'es un... T'es un... Tu te branle sur mes photos... Sale...
Johan se rapproche à cause de la musique pour mieux entendre Lydie tandis que la foule qui s'anime autour d'eux fait de plus en plus de bruit. La fille semble happer la fin de ses mots, comme si quelque chose lui retenait la langue.
— BLURP !
D'un coup, Lydie ferme les yeux et se laisse tomber sur Johan. Le garçon l'attrape dans ses bras par réflexe et tourne la tête pour ne pas se manger un coup de front dans le nez. Sans crier gare, l'avalanche d'un liquide nauséabond lui tombe dessus. La chose cascade le long de son polo et se glisse dans son bermuda avant de dérober sous ses semelles. Il tombe à la renverse avec la fille. La meute fait un cercle autour d'eux avant de pousser des hurlements d'exclamation.
— Je rêve ou la pétasse vient de gerber sur moi ? Ça te suffisait pas de me casser les couilles au collège ?! gronde Johan.
Il se contente d'un simple ronflement en guise de réponse avant que le DJ de la soirée ne prenne le micro pour avertir qu'un « couple venait de se vautrer sur la piste ». Johan s'éprenait d'une virulente rage de dents en entendant des propos aussi saugrenus.
— Qu'est-ce qui se passe, ici ? s'écrie une voix poursuivit de puissants bruits de talons.
Maya, dans une robe verte turquoise qui épousait à la perfection chacune de ses formes, fait irruption dans la pièce. Elle observe Johan d'un regard méfiant et s'approche lentement d'eux pour considérer la situation.
— Tiens, Maya Daussac, siffle Johan. Toujours avec cette sale dégaine. T'as pas changé d'un poil...
— Qui t'as fait entrer, toi ?
— Léa, répond le garçon d'un ton sec. Il faut croire que ta meilleure amie n'est pas un énorme trou du cul, pas comme toi et ton vigile à la con. Tu peux reprendre ta chose, s'il te plait ?
Maya se penche en avant pour faire passer le bras de Lydie autour de son épaule et se dirige avec elle jusqu'à la chambre.
— CE CHIEN A ESSAYÉ D'ABUSER DE MOI, MAYA ! IL VIENT DE LE FAIRE ! IL M'A TOUCHÉ !
— Putain, mais elle est complètement barje ! se défend Johan face à une foule de plus en plus attentive à ses faits et gestes. Enfin... vous savez ce que c'est, les filles torchées. Elles racontent n'importe quoi.
***
— Est-ce que tout va bien entre nous ?
Il relâche la pression après cette phrase mais continue de repasser la base de sa coupe de champagne avec son doigt.
— Je suis désolée, avec tout ce que j'avais à faire... Je n'ai vraiment pas trouvé le temps de te répondre.
Lorsqu'elle pose une main sur la sienne, sa cuisse a comme un virulent sursaut. Régis peine à tourner le regard sur Léa, son cou restait coincé droit devant lui.
— Du coup, tu veux qu'on remette le karting à un autre jour ?
— Pas vraiment, non.
Une brise d'air fraîche lui souffle sur le visage. Elle se répand juste au bas des escaliers où les deux amis s'étaient assis.
— Il faut admettre que les choses ont changé depuis la fin du lycée et je pense que c'est pour une bonne raison.
— Tu ne veux plus être ami avec moi ?
— Ce n'est pas ça. Mais on n'aime clairement plus les mêmes choses et nos fréquentations sont différentes.
— C'est bien ce que je dis, tu me quittes !
— Oh, là, ricane Léa en plaçant une main devant sa bouche. À t'entendre parler, on était en couple.
— Pardon. Je me suis emporté. Mais je pense... je pense que c'était tout comme...
CLING ! Elle focalise son attention sur le message qu'elle venait de recevoir et se lève machinalement.
— Mais qu'est-ce que tu fais ?
— Désolée, j'ai à faire. Lydie a eu un problème.
Sans lui répondre, Léa tourne les talons et monte la marche d'escaliers sur laquelle ils s'étaient assis. Dans sa course, elle s'arrête en voyant Johan marcher d'un pas trainant jusqu'à elle, son polo infesté de vomis.
Le garçon, à la démarche zombifié, rejoint Régis sur les marches de l'escaliers qui donne sur l'étage inférieur.
— Laisse-moi deviner, c'est toi le « problème » de Lydie ?
— Tu rigoles, j'espère ? Regarde l'état de mon Lacoste ! J'ai envie de pleurer.
Il s'assoit à côté de lui et commence à fixer le ciel étoilé.
— C'est toi qui avait raison... prononce Régis dans un soupir.
— Hein ? De quoi tu parles ?
— Cette fille n'en a jamais rien eu à foutre de moi. J'étais juste son bouffon de service.
— T'avais besoin de quatre ans pour le comprendre ! s'exclame Johan en lui donnant une tape sur l'épaule. Vaux mieux tard que jamais, n'empêche ! Essaye de m'écouter plus souvent, espèce d'abruti !
— J'en ai marre de perdre mon temps à chaque fois !
— Ouais, frangin ! C'est ça, l'idée !
— JE VEUX ÊTRE COMME TOI !
— Hein...
— ET ÇA COMMENCE MAINTENANT !
— Comment ça, mon reuf ?
Régis frappe du poing et se lève d'un bond avant de se plonger dans la foule qui discutait sur la pelouse.
— Mais qu'est-ce qu'il va faire, le con ?
***
L'étage inférieur de la maison est rongé par le noir complet, si bien que Dylan ne voit qu'à travers le flash de son téléphone. Il marche à tâtons, ses semelles frottant l'herbe de la pelouse.
— Kevin... Kevin... c'est moi. T'es où ?
— ... bah putain, mon reuf ! C'est pas trop tôt !
— ARGH !
Le halo du flash se projette sur une silhouette que Dylan peine à identifier lorsqu'il sursaute d'un cri strident.
— La vache ! halète Dylan. Tu aurais pu prévenir avant de parler aussi fort ! Pourquoi tu es en bas, tout seul ? Il n'y a même pas de lumière.
— Une idée de mon père. Il ne voulait pas que je foute la honte à Maya.
— Oh, mais pourquoi Maya Daussac est chez toi, aussi ?! C'est trop bizarre ! J'ai raté un épisode ou c'est comment ?
— Pour ça, t'as pas idée... Mais je préfère qu'on en parle plus tard.
— J'ai hâte d'entendre ce que tu as à me dire.
— Où sont les autres ? demande Kevin en regardant par dessus l'épaule de Dylan.
— Régis est en train de parler avec Léa, je crois. Et Johan...
— Putain, mec ! T'as laissé Johan tout seul en haut ?!
— Euh...
— C'est justement de ça que mon père parlait ! s'exclame Kevin en marchant d'un pas pressé vers les escaliers. À tous les coups, il va nous faire une grosse boulette et ça sera fini pour moi !
— On était même pas encore entré qu'il commençait déjà à se fritter avec le vigile.
— Tu vois ? On peut pas lui faire confiance !
— Allons, Kevin, peut-être qu'il n'a rien fait...
— Tu y crois, à ton mensonge ? Arrête de te rassurer, il faut qu'on remonte !
— Mais attends.
— Quoi ?
— Tu ne vas pas monter dans cette tenue ? Si ?
Kevin s'arrête devant les escaliers et prend le temps de s'observer de la tête au buste, la lumière du portable projeté sur lui. La salopette, le t-shirt rayé et l'éolienne sur sa casquette lui donne l'allure d'un gamin de quatre ans.
— T'as raison, on va d'abord passer dans ma chambre pour me changer et après on s'occupe de l'autre !
Dylan hoche de la tête avant de prendre les marches quatre à quatre jusqu'aux portes du salon.
À SUIVRE...
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