Saison 1 - Épisode 23 : Les sirènes du Joyau d'Améthyste (partie 2/3)

« Dans le monde de l'occultisme, les rêves ont une tendance partiellement inconsciente et parfois prémonitoire. Dans la ville d'Améthyste, les sorciers qui régissent ces rêves contrôlent une partie de cet inconscient et s'amusent à leurs guise du sort réservé aux malheureux rêveurs. Et ces rêves font, sans le savoir, parti d'un amas de péripéties décrite sous le nom des Contes de Pécome »

Voici les histoires de leurs victimes :

  Il attendit suffisamment longtemps que son père et Maya dorment pour ouvrir son MacBook Pro et naviguer dans les zones les plus éloignées de PornHub.

  Plongé dans l'obscurité totale, Kevin se muni simplement de la lumière que projetait l'ordinateur, le regard fixé sur l'écran.

  Son pot de vaseline à droite, la boîte à Kleenex attendant patiemment à gauche, il commence à baisser le son pour ne pas que les hurlements orgasmiques de la jeune métisse qui se faisait démonter pour le sombre renoi ne réveille pas Florent et Maya.

  Soudain, une notification provenant de son portable l'empêche de descendre son short Bob l'éponge jusqu'à ses chevilles.

  « Lydie Rosellini ?! » s'étrangle Kevin. « Mais qu'est-ce que la pote de Maya peut bien me vouloir ? »

  Il ouvre le message et pose l'iPhone sur la table. Ses yeux écarquillés se dilatent lorsqu'il commence à lire.

  « Pourquoi tu ne viens pas me rejoindre sur le bateau de Marceau ? Je croyais que les photos que tu avais prises de mes fesses t'avait rendues dingues de moi... »

  « Alors, elle était au courant » s'écrie Kevin se rappellent de cette fameuse soirée que Maya avait organisé, durant laquelle il s'était empressé de prendre des clichés de Lydie pendant qu'elle dormait entièrement nue sur son lit.

  « Mais comment pouvait-elle le savoir ? Est-ce qu'elle faisait semblant de dormir ? Maya le savait aussi ? Non, non, elle m'aurait défoncé avec une nouvelle pareille... »

  Kevin secoue son visage pour reprendre ses esprits et décide de lui envoyer un message.

  « Moi ?! Ah, non, non ! Je ne crois pas que c'était possible. Je ne sais pas de quoi tu parles, désolé »

  Ç'a avait l'air convaincant, se disait-il en posant le portable sur la table. Il était minuit passée, appeler Dylan, Régis et Johan à cette heure ne servirait peut-être à rien. Pourtant, il devait le faire : leurs avis étaient capital.

***

  — Sale fils de pute ! Comment tu as osé faire ça ?!

  — Calme-toi, Johan ! Je comptais vraiment t'envoyer les photos, j'te le jure !

  — Depuis tout ce temps où tu les as ?! Joue pas au con avec moi, Kevin !

  Dylan fait barrage entre les deux garçons pour qu'ils évitent de s'entretuer.

  — Les gars, les gars ! Il y a plus grave, à l'heure actuelle. Si Maya et les autres filles influenceuses d'Instagram apprennent ça, Kevin est foutu ! ajoute Dylan.

  — Ouais, bah c'est tout ce qu'il mérite, cet enfoiré ! crache Johan en s'asseyant sur le lit de Kevin. Bordel... et dire qu'elle était toute nue juste là...

  Il fond en larmes et part essuyer son visage dans la salle de bain.

  — Qu'est-ce qu'elle t'as dit d'autre ?

  — Juste qu'elle voulait me voir sur le bateau de Marceau.

  — Wow, la soirée de Nicolas est si intéressante que ça ? s'étonne Dylan en haussant des sourcils.

  — On dirait bien, je ne comprends pas pourquoi Maya n'y est pas allée.

  — Moi, ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi elle t'as invité. On est pas amis avec ces gens-là et vu les tensions qu'il y a entre Nicolas et Johan, il y avait aucune chance qu'on y soit invités.

  — MA PETITE ABEILLE ?! EHHHEEEHHH !!!

  Kevin et Dylan font volte-face sur la porte. Florent Bonos était en train de hurler le nom de Maya dans toute la maison avec un air désespéré.

  — Papa, qu'est-ce qui se passe ?

  — Vous n'avez pas vu Maya ? demande Florent alors qu'il n'a même pas ses lunettes pour fouiller la maison. Je me suis dirigé dans la salle de bain en pensant qu'elle m'attendait toute nue dans la douche, et voilà que je tombe sur l'autre SDF là ! J'comprends plus rien !

  Dylan lance un regard à Kevin, ce dernier comprend de suite ce qu'il voulait dire. Il répond d'un hochement de tête et s'éclaircit la gorge.

  — Euh, papa... je pense savoir où elle est.

  — Ah bon ? Il faut que j'aille la retrouver, alors...

  — NON ! Je t'assure que si tu viens avec nous, on va juste tous se taper la honte.

  — Rah, grommèle Florent. Encore un de vos trucs de jeunes, là !

  — Tu as tout compris, alors reste ici et nous, on ramène Maya.

  — N'oubliez pas de partir avec le SDF qui dort dans ma salle de bain ! Je vais acheter un fusil de chasse et faire jouer la légitime défense, la prochaine fois qu'il ose mettre les pieds chez moi !

***

  Jamais la plage d'Améthyste n'avait été aussi captivée par la lumière en pleine nuit. Depuis le marché du bourg, on entendait des échos de basses s'étirer. Kevin et ses amis se contentèrent de suivre la musique et de regarder les néons de lumières se croiser dans le ciel pour repérer le bateau dans lequel Nicolas organisait sa fameuse soirée.

  Johan gare la Fiat 500 sur un parking de sable, situé juste en face d'une boulangerie qui donne sur la première partie de la plage d'Améthyste. Kevin s'asperge d'un parfum à l'eau de Cologne dans la bouche et se met à tousser bruyamment.

  — T'étais pas obligé de faire ça, tu sais ? rigole Dylan en le voyait lacérer sa gorge.

  — Qu'est-ce que tu racontes ? Tu ne sais pas qu'il faut souffrir pour être beau ? renchérit Kevin alors qu'il commençait à digérer l'once d'amertume du parfum qui se consumait dans sa gorge.

  — Ce théorème est complètement faux, sinon Régis serait l'homme le plus beau de cette ville, ricane Johan et donnant un coup de poing dans l'épaule du garçon. T'es convaincu que Laurina te verra, pendant la soirée ?

  — Déjà, je sais qu'elle est ici, c'est déjà un bon point, ajoute Kevin en regardant les snaps de la fille sur son portable.

  — Dans ses storys, je la vois surtout très collé-serré à Nicolas, moi, continue Johan en attrapant le portable de Kevin. Elle ne saura même pas que tu es là...

  Les quatre garçons marchent en direction de la plage. Kevin était venu avec sa meilleure paire de Air Force One quand Johan opte pour ses mocassins traditionnels. Dylan, le cul entre deux chaises, avait trouvé préférable de prendre de simples sandales puisque la fête devait se dérouler sur un bateau, non-loin du sable. Et Régis, qui avait essayé de se mettre sur son trente-et-un, ressemblait davantage à un agent des Men In Black, avec son costard coincé et ses lunettes teintés.

  Un escalier, aussi interminable de le front de Régis, s'étend depuis le bateau de croisière de trente-deux mètres de hauteur jusqu'au sable.

  — Désolé, les gars, mais vous avez raté la billetterie. Les invités sont aux complets.

  Judikaël, celui qui servait de garde du corps pendant la soirée de Maya, est encore présent. Son polo blanc mal rafistolé à son nœud papillon manque de l'étouffer à chaque fois qu'il prend la parole. On voit sa peau prendre une teinte blême lorsqu'il se racle la gorge.

  — Joue pas à ça avec nous, la billetterie c'est juste la chatte de toutes ces putes qui sont rentrées avant nous...

  — Johan ! s'écrie Kevin. Écoute, dit-il en se retournant vers le videur. Tu devrais nous laisser entrer, on a reçu l'invitation d'une amie.

  — Il me faut des preuves.

  Kevin fait un pas en arrière, surpris par la réactivité machinale du garçon. Judikaël se tient en position de soldat et continue de bomber le torse avec son regard faussement absent.

  — Attends une petite minute... voilà !

  Il lui montre le message provenant de Lydie. Judikaël saisit le portable et n'ose même pas incliner la tête pour le lire.

  — Lydie n'est pas sur ce bateau.

  — Quoi ?! s'étranglent en chœur les quatre garçons.

  — Je ne sais pas pourquoi elle vous a envoyé ce message, mais c'était probablement une farce...

  — Il doit forcément y avoir une erreur, Maya est dessus ! Laisse-moi passer !

  — Qu'est-ce que vous êtes en train de raconter, Maya non plus n'est pas là.

  — Je commence à en avoir marre de vos conneries ! s'énerve Johan. Où est-ce que ces pétasses avides de soirées peuvent se trouver alors qu'un des mecs les plus populaires de la ville organise une soirée sur un bateau privé, avec dj et mojito à volontés, hein ?! T'es vraiment en train de nous prendre pour des cons, toi !

  — Faites attention au ton que vous employez avec moi, monsieur...

  — D'où tu veux vouvoyer les gens, toi ?! J'te rappelle qu'on a fait classe ensemble et que t'es même pas un vrai agent de sécurité, espèce d'abruti !

  La veine à la tempe de Johan se met à battre sans rompre, il attrape Judikaël par le col de sa veste. Un bruit de déchirure détonne dans ses fesses.

  — On dirait bien que même la couture n'y croit pas trop, à ton petit baratin, ricane Johan avant de tendre son poing serré en direction de son visage.

  Judikaël reste impassible. Il se contente simplement de respirer sans se défendre.

  — Johan, arrête ça, putain !

  Dylan s'interpose une nouvelle fois et force le garçon à relâcher Judikaël.

  — S'il dit qu'elles ne sont pas à bord, on peut le croire.

  — Attendez une minute...

  Alors que les disputes explosent autour de lui, Kevin concentre son attention sur une montagne de vêtements qui jonchent pèle-mêle sur le sable, à quelques mètres d'eux. Cachés par l'ombre des palmiers et les ténèbres du crépuscules, il se met à tâtonner avant de les suspendre à la hauteur du faisceaux lumineux de la lune pour apprécier leurs exactitudes.

  Le reflet de la lune sur la mer l'aide à déchiffrer ce qu'il tenait entre les mains. Dylan lâche Johan sur le sol avant de se diriger vers lui. Régis contourne Kevin et semble remplir ses poches de certains de ces vêtements mystères.

  — C'est de la lingerie...

  — Attends, ça appartient à une fille ? demande Dylan.

  — Et pas n'importe quelle fille.

  Kevin rapproche la chose à hauteur de son nez avant de humer d'un grand coup sec.

  — C'est le string de Maya. Je reconnais son odeur.

  — Attends, comment tu sais tout ça de choses ? s'étonne Johan en fronçant des sourcils.

  — P-parce que c'est moi qui fait ses lessives... c'est pas le sujet !

  Dylan et Johan se lancent le même regard oblique quand Kevin tend le string de Maya vers le ciel.

  — Attends, mais... RÉGIS, JE VAIS TE TUER !

  Johan fonce, quitte à bousculer Kevin et Dylan sur le sable, et balance une balayette qui fait Régis tomber à la renverse.

  — Je reconnaitrais cette chaine de cheville entre milles ! Elle appartient à Lydie ! Qu'est-ce qu'elle fout dans ta poche ?!

  — Lydie ? s'étonne Kevin. Je ne comprends plus rien.

  — Elles se sont données rendez-vous ici, vous pensez ? demande Dylan. Sinon, je ne comprendrais pas pourquoi leurs vêtements traînent jusque sur la plage...

  On entend un raclement de gorge qui surprend, Judikaël s'approche du groupe d'une d'émécher mal assurée, probablement déjà perturbé par le traitement que venait de lui faire subir Johan.

  — Elles sont bien venues, tout à l'heure. Elles étaient trois.

  — Qui, Maya, Lydie et une autre fille ? demande Kevin en fronçant des sourcils.

  — Oui, il commençait déjà à faire nuit et je les ai vu se... déshabiller avant de nager au loin. Au début, je pensais qu'elles allaient revenir, mais ça doit faire deux bonnes heures que leurs vêtements sont ici.

  — Donc toi, tu as vu trois magnifiques jeunes filles se déshabiller et t'as même pas pris de photos ? Lamentable, pire qu'un coming-out, là... soupir Johan.

  — Mais c'était qui la troisième personne ? demande Kevin.

  — Léa Gaury. Je crois même que c'était elle qui avait proposé l'idée aux deux autres. Je trouvais qu'elle était bizarre...

  — « Bizarre » dans quel sens ?

  — On dirait qu'elle voulait piéger les deux autres. Il y a quelque chose dans son regard qui me semblait pas net... elle était pas comme d'habitude.

  — Et merde... songe Kevin en fouillant à la recherche d'une solution dans son esprit. Il faut qu'on prévienne Nicolas ? Si ça se trouve, elles se sont noyées !

  — Compte pas sur lui, regarde ce qu'il a fait de moi, gronde Johan en croisant les bras. Voir les gens crever dans l'eau, c'est son kiffe.

  — Si on lui dit qu'il s'agit de Maya, Lydie et Léa, crois-moi qu'il va rappliquer, assure Kevin. Je te rappelle qu'on parle de la copine de son pote.

  Alors qu'ils se mirent tous d'accord sur le plan à suivre, Judikaël les observe d'une posture tremblante. Ses jambes n'arrivaient plus à tenir sur place. Bientôt, il enlève ses lunettes et les quatre garçons découvrent alors des tous petits yeux arrondis qui ne témoignaient d'aucune agressivité.

  — Étant donnée les circonstances... je pense bien que l'état de nécessité me permet de faire une petite « entorse » au règlement.

  — Fais pas comme si tu avais le choix, Judikaël. C'était soit ça, soit on te démontait ta grand-mère avant de monter dans ce putain de bateau de riche, affirme Johan en craquelant ses phalanges.

***

  Régis avance à tâtons en se servant de ses amis comme un aveugle userait d'un chien pour lui indiquer sa direction. Les lumières qui se croisaient en tournoyant sur le bateau, s'étalant sur les murs, montant au plafond dans une ressemblance avec un arc-en-ciel désabusée lui donnait des soupçons de crise d'épilepsie. Il trébuche sur les fesses d'une fille qui était en train de twerker à sa gauche. Toujours les yeux fermés, il palpe son mini-short avant de se prendre une claque.

  Kevin tente de monter à l'étage supérieur du bateau, embrigadé par une magnifique qualité d'escaliers en bois d'ébène. Une odeur qui ne ressemblait pas du tout à du tabac – ni même à quelque chose de légal – commence à étreindre le garçon.

  En arrivant au sommet des escaliers, l'odeur devient insupportable au point où Kevin en est contraint à cracher ses poumons. La musique dégagée par les basses était trop forte pour qu'il s'entende tousser, et encore plus lorsqu'il s'agissait d'appeler Nicolas.

  Le garçon, dont les boutons de chemise s'étaient malencontreusement « envolés », brandissait une bouteille de Nicolas Feuillate vers le ciel. Deux filles sont en train de danser sur lui à l'instar de serpents qui se lovent sur un corps parfaitement huilé. L'un d'entre elle pose une main sur les tablettes de chocolat du garçon avant de lancer un regard noir à Kevin.

  — Wesh... comment t'es rentré, toi ?! Je vais payer cet abruti de Judikaël avec un paquet de chewing gum.

  Les deux pintades qui fusionnent avec son corps se mettent à ricaner d'une voix suraiguë et insupportable. Kevin grince des dents avant de se rapprocher suffisamment pour que Nicolas l'entende.

  — T'inquiètes pas, on en a rien à foutre de ta soirée de merde. Il y a plus grave, là.

  — De quoi tu parles ? Vous essayez de vous faire les filles qui sont sur ce bateau ? Mais, les loosers, à quel moment vous croyez que vous avez la dégaine pour ce genre de matos ?! ricane Nicolas. Je vous donne deux heures pour en ramener une dans votre lit.

  — Rien à voir, on... on est pas là pour ça, non plus ! disait Kevin en se libérant de l'hypnose d'un corps entièrement recouvert de body painting d'une fille aux formes généreuses. Maya, Léa et Lydie ont disparue !

  — Qu'est-ce que tu racontes, encore ? Eh, où sont les vigiles ?! Faut me virer cette brochette d'imbéciles de mon... du bateau de mon pote !

***

  — On est censé retrouver Maya et toi tu t'empiffres ?

  — Dylan, je n'en ai jamais rien eu à carrer de cette grosse pute qu'on appelle Maya, lui souffle Johan en piochant un macaron au chocolat. Humm... qu'est-ce que c'est bon, ce bordel !

  — Je te rappelle que Lydie aussi a disparu, ça ne te fait rien ?

  — C'est Kevin qui a des photos de ses fesses, alors non. Et puis pourquoi je serais plus embêté que ça ? Je te rappelle qu'elle m'a humilié devant toute la cour de récré...

  — Mec, passe à autre chose, ça date de Jérusalem, cette histoire !

  — Comment ça « passe à autre chose » ? Non, au contraire ! Après ce râteau, j'ai eu comme une sorte d'illumination !

  — Oh non, souffle Dylan en tournant des yeux. C'est reparti pour un tour...

  — J'ai réussi à comprendre la véritable nature de la femme.

  — À quatorze ans ?

  — Vicieuses, hypergames, manipulatrices... La réincarnation du diable descend de Ève et continue de se répandre jusqu'à aujourd'hui comme des mauvaises herbes. Regarde...

  Johan pointe du doigt Régis en train de se faire tabasser par un groupe de fille.

  — Tu penses que si Régis avait une dégaine de gangster comme on en voit sur GTA San Andreas ou qu'il était un peu plus grand et tatoué, les filles l'auraient violenté comme si c'était le dernier des pervers ?

  — Mais c'est le cas ! s'énerve Dylan.

  — Non, non, non, Dylan ! La connotation de pervers est uniquement associés aux moches qui ne plaisent pas. Et il se trouve que Régis en est le parfait exemple, pourtant regarde-le avec sa dégaine de victime. Il est à peine plus fort que Pinocchio. C'est la moche qui lui ferait mal, pas l'inverse. Et pourtant...

  Régis s'écrase à la renverse sur le sol après un coup de pied bien placé dans les roubinioles. Pendant qu'il gémit, le groupe de filles monte à l'étage pour se servir en coupes de champagnes et autres amuses-bouches.

  — Les femmes sont méprisantes avec les hommes frêles et gentils. Douces avec les violents et méchants. Cherche-moi la putain de logique dans ça !

  — Tu sais quoi ? J'en ai marre de discuter avec toi, c'est toujours les mêmes discours à la con ! gronde Dylan le bousculant pour se rendre à l'autre bout du bateau. Contente-toi de trouver Maya et les autres, ou sinon ferme-là ! J'en peux plus de tes conneries.

  — C'est des conneries de dévoiler ce que tous les hommes pensent tout bas ?

  — Si tu parles des hommes frustrés de la bite comme toi, oui, peut-être. On pense pas tous comme ça et les femmes que tu décris ne représentent même pas une généralité.

  — Faudra pas venir pleurer devant ma porte quand ta femme t'aura largué à quarante ans pour un homme plus riche et plus beau que toi sans rien t'avoir laissé dans la maison que tu payes avec ton prêt hypothécaire ! Parce que, Dylan, c'est le destin qui attend tous les hommes qui décident de s'engager avec ses mantes religieuses !

  Il lui tend un bras pour exprimer un doigt d'honneur tout en s'éloignant loin devant lui.

  Johan se racle la gorge. Hurler comme un SDF alcoolique à cause des basses qui masquent sa voix, lui provoque des picotements insupportable dans l'œsophage. Il se dirige vers le bar de son étage pour voir quel type de mojito le serveur avait encore en réserve.

  Il s'assoit sur l'un des tabourets rouges et reconnait deux jeunes filles avec des bikinis qui mettaient leurs formes en valeur. L'une était brune comme un caramel et l'autre aussi blanche qu'un délicieux camembert de haute gamme. Elles avaient cette mimique de tendre le pied alors que leurs jambes croisées laissaient découvrir et apprécier leurs cuisses agréablement lisses.

  — Dites-moi, mesdemoiselles, on ne se serait pas déjà vu quelque part ?

  Les deux filles, qui affichaient des visages angéliques, permutèrent à la seconde où Johan commençait à les accoster. Elles le toisent de la tête aux pieds, au peu comme un vigile harassé par son travail à plein temps, et décide de l'ignorer en commandant deux mojitos.

  — Je voudrais un citron avec mon mojito, s'il vous plait, dit-il au barman qui se dirigeait à présent vers lui.

  — Ça vous fera quinze euros.

  — Quoi ? s'étrangle Johan. Mais vous ne m'avez même pas encore servi.

  — Réglez maintenant ou vous n'aurez pas votre mojito, c'est la règle.

  — Bizarre, je ne crois pas avoir vu ces deux pétasses vous tendre des billets. Est-ce qu'elles payent en nature ?

  — Vous n'avez pas besoin de devenir aussi agressif, monsieur. Donnez-moi les quinze euros et on en parle plus !

  — Vous vous foutez de ma gueule, j'espère ? Les filles qui sont assises juste à côté de moi ne vous ont même pas donné un centime !

  Elles se mettent à soupirer et prennent leurs verres avant de quitter le bar.

  — AH, AH ! Je le savais, vous ne pouvez pas vous empêcher de les regarder...

  — De quoi on parlait, déjà ? demande le barman en reprenant ses esprits.

  — RAAAAHHH ! C'est en train de me les briser menu, là ! Vous le faites exprès ?!

  Il attrape le mojito dans sa main avant de lui mettre un billet de cinq euros suivi d'un de dix dans la bouche. Johan s'exile de l'autre côté du bateau, s'appuie sur le garde-corps et observe les bulles danser dans l'eau sombre de la plage d'Améthyste. Il avale une gorgé en poussant une profonde expiration.

  « Si seulement je pouvais rencontrer une fille bien ».

  Les bulles commencent à se répandre davantage, à s'étirer. Johan écarquille les yeux et manque presque de s'étouffer avec son mojito. Il lâche son verre et se penche suffisamment de près pour admirer ce qu'il se tramait en bas.

  — Attends, c'est quoi ce bordel ? C'est pas...

  — COUCOU ! J't'ai manqué ?

  — Lydie ?! M-mais... qu'est-ce que tu fais aussi loin de la plage ?! balbutie Johan.

  — J'ai perdu mon soutif, du coup j'ai mis des coquillages sur mes tétons, tu veux voir ? Oups... je crois que je les ai perdu. Hi, hi !

  — Bordel mais on doit être à plus de cinq kilomètres de la plage ! A-attends, je vais dire à cet abruti de Nicolas de te faire entrer.

  — Non, viens me faire un bisou !

  Johan, qui donne déjà son dos, coupe sa hâte et observe la jeune fille dans l'eau.

  — Comment tu arrives à nager aussi bien ? T'es pas fatiguée, genre ?

  — Fatiguée ? Je le serai peut-être quand tu vas venir me baiser jusqu'ici !!!! OUIIIII !!!

  — Pourquoi j'ai l'impression que tu es bourrée alors que c'est impossible ? T'as découvert des bouteilles de rhum dans un coffre au trésor enfoui dans les finsfonds de la mer d'Améthyste ou quoi ? ricane Johan.

  — Non, non, je suis sérieuse.

  Soudain, le rire de Johan s'estompe. Une pression lui lacère le cœur lorsqu'il voit que la petite voix angélique de Lydie tend à s'apaiser. Elle se contente de lui faire cet espèce de grand sourire qui avait le dont de le charmer depuis qu'ils étaient au collège. Avec la combinaison des yeux à moitiés fermés, c'en était trop pour Johan. Et il la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle ne plaisantait plus, à ce moment précis.

  — Mais pourquoi maintenant ?

  — J'ai envie de me faire pardonner. Ça t'as blessé, ce que je t'ai dit dans la cour de récré.

  — Tu m'as juste fait croire que tu voulais sortir avec moi alors que tu savais pertinemment que j'avais un crush sur toi, mais sinon t'inquiètes, c'est pas grave ! J'étais pas plus investi que ça, de toute façon...

  — Hi, hi, t'es trop un menteur !

  — Moi, un menteur ? Pas du tout !

  — Tu grattes ta tête à chaque fois que t'es embarrassé, c'est mignon.

  — Ah ouais ? Tu m'avais jamais dit ça avant. Mais non, non, je me gratte la tête parce que...

  — Parce queeee ? dit-elle comme si elle claironnait.

  — Rien, oublie ça.

  Johan balaie le regard de droite à gauche pour savoir si quelqu'un était en train de l'observer.

  — Qu'est-ce que tu fais ? Tu n'as pas envie de me rejoindre dans l'eau ? demande Lydie, qui commençait à s'impatienter.

  — Attends juste une petite minute...

  Il escalade le garde-corps et se retrouve juste au-dessus de la mer noire par l'obscurité. Lydie se mord les lèvres, jamais Johan ne l'avait vu débordant d'une aussi grande excitation à sa vue. Peut-être était-elle tombée amoureuse de lui en buvant la tasse ?

  — Allez, Johan, dépêche-toi !

  Il allait sauter d'une hauteur de quinze mètres quand un bruit étrange, dans la mer, le retient instinctivement sur le garde-corps. C'était comme un bruit de claquement sur l'eau.

  Johan fronce les sourcils et plisse les yeux à la recherche du bruit qui avait grondé aux alentours de Lydie.

  — Lydie... tu n'as rien entendu de bizarre ?

  — Hein, non, rien du tout ! Pourquoi ?

  Le garçon prend un moment avant de répondre puis soudain, le bruit détonna à nouveau. Un petite silhouette noire s'émane juste dans le dos de Lydie avant de claquer sur l'eau et redescendre dans une masse de bulle.

  « Non, ce n'est pas possible... ça ne peut pas être ça »

  — Lydie.

  — Ouiiii, mon sucre d'orge ?

  — Est-ce que tu pourrais me montrer tes pieds ?

  — T'as toujours été excité par mes pieds toi, monsieur Fétichiste.

  Elle sourit et commence à dévoiler quelque chose qui tétanise Johan sur place.

  Lydie se met en planche sur l'eau et la moitié de son corps avait disparu. Ses jambes avaient été remplacés par quelque chose qui ressemblait a un sac noir. Il faut que Johan penche la tête pour qu'il se rende compte qu'il s'agissait là de nageoire. Comme celles qu'on pouvait retrouver sur un dauphin ou un requin.

  — Oups, j'ai pas fait attention, dit-elle en plaquant une main sur sa bouche.

  — Bordel de merde ! Mais, c'est quoi ça ? T'es une sirène !

  Alors qu'elle s'apprêtait à répondre, une voix s'élève un peu plus loin.

  — Lydie, espèce d'idiote ! Tu as tout fait foiré !

  — Désolée, murmure la jeune fille en baissant les yeux à hauteur de ses coquillages aux tétons.

  — On est jamais mieux servi que par soi-même, le dicton est clair !

  Léa, les cheveux complètement mouillés, s'étirent dans son dos. La jeune fille avait les pupilles des yeux aussi fines que celles d'un chat. Johan sentait bien que quelque chose clochait.

  — Bon, je crois que je vais prévenir les autres...

  — Pas moi !

  Soudain, alors que Johan se retourne pour escalader la balustrade, quelque chose bondit hors de l'eau. Léa s'expulse comme une fusée et attrape Johan dans le dos. Lorsqu'il se retourne, une silhouette de queue de poisson géant l'a déjà englouti.

  — ARGH ! AU SECOURS ! hurle le garçon.

  Johan sentait comme des griffes se planter dans son dos. Jamais il n'aurait soupçonné que Léa disposait d'une force aussi impressionnante. Il relâche les barreaux du garde-corps sous l'effet de l'impulsion et voit sa vie défiler sous ses yeux, à mesure qu'il se rapproche de la surface de la mer.

  — Oh, non, Johan ! sursaute Dylan en le voyant piquer une tête dans l'eau depuis l'autre bout du bateau.

  Il bouscule la foule qui s'amuse sans se soucier de ce qu'il se tramait et arrive juste au-dessus de Lydie, Léa et Johan.

  — Ce sont des sirènes, Dylan, fais attention ! s'écrie Johan. Elles vont nous bouffer ! Elles veulent notre peau, ces salopes.

  — Ferme-là ! gronde Léa en donnant une claque derrière la tête de Johan. Maya, à toi !

  « Maya ? » s'étonne Dylan. « Je ne la vois nulle... »

  Quelque chose émane de l'eau, avec la rapidité d'une fusée, et lui lacère le cou. L'action se déroule en une fraction de seconde, si bien que Dylan a à peine le temps de réaliser que la créature qui lui livrait un tête-à-tête n'était autre que Maya Daussac. Ses mains sont moites et son corps frêle dégage étrangement la même odeur que celle qui s'échappait du bateau de Halender, le marin fou. Il baisse la tête et sursaute en voyant cette matière visqueuse qui nimbait l'entièreté de ses écailles vertes.

  — Mais qu'est-ce que tu fais ?! On va tomber là.

  Accrochée à son cou depuis l'autre côté de la balustrade, Maya se contente de lui esquisser un sourire avant de le tirer sur elle. Très vite, Dylan passe de l'autre côté. Malgré tout ce qu'il a essayé de faire pour se détacher de l'emprise de la sirène, il commence à sentir le vent lui souffler aux oreilles pendant que ses vêtements flottent comme une bannière dans les airs, en attendant le plat qu'il allait se manger, une fois englouti par la mer.

  — Mince, on devait attaquer tout le bateau ! grommèle Léa.

  — Qu'est-ce que fait du coup ? On peut les manger sur place, non ? s'excite Lydie en tapant des mains.

  — Ferme-là, espèce d'idiote. Mami Yolande ne sera pas contente si on ne lui ramène pas vite des humains. Tu crois qu'on peut se contenter de lui donner les restes ?

  — Les autres n'ont même pas remarqué notre présence, on peut toujours retourner en capturer d'autres plus tard, affirme Maya en observant les gens qui se saoulaient la gueule sur le bateau et la musique exploser de plus belle.

  — Très bien, en route, direction le Joyau d'Améthyste !

À SUIVRE...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top