Saison 1 - Épisode 22 : Les sirènes du Joyau d'Améthyste (partie 1/3)
« Dans le monde de l'occultisme, les rêves ont une tendance partiellement inconsciente et parfois prémonitoire. Dans la ville d'Améthyste, les sorciers qui régissent ces rêves contrôlent une partie de cet inconscient et s'amusent à leurs guise du sort réservé aux malheureux rêveurs. Et ces rêves font, sans le savoir, parti d'un amas de péripéties décrite sous le nom des Contes de Pécome »
Voici les histoires de leurs victimes :
— Pourquoi tu veux jamais faire ta merde tout seul comme un grand ? Est-ce qu'à la fin du compte, on partage le corps de Laurina ?
— Vous êtes mes potes, du coup vous avez pas le choix ! C'est comme ça !
— Je prends ça comme un « oui » sur le fait qu'on peut faire un plan à trois aussi sur elle...
— Ferme-là, Johan ! Elle va nous entendre ! s'écrie Kevin en plaquant sa main contre sa bouche.
Le soleil surplombe la plage d'Améthyste sans merci. Régis peut voir une couche blanchâtre se former autour de son poignet, ressemblant fortement à de l'eczéma.
— Hors de question que tu mettes de la crème solaire ! Faut pas qu'elle nous prenne pour des tapettes, et puis quoi encore ?! continue Kevin.
— Mais ma mère m'a dit que si j'en mettais pas, j'allais faire de l'eczéma et c'est justement ce qui est en train de se produire. En plus, on vient de manger, à coup sûr on risque l'hydrocution si on rentre dans l'eau trop tôt.
— Tu vois, c'est pour ça que tu n'auras jamais de meuf, Régis, ajoute Johan. Je suis obligé de rejoindre le bigleux sur ce point. Tu es noir, nous sommes tous les quatre noirs ! Commence pas à me dire que même à ce niveau-là le Seigneur ne t'as pas gâté niveau mélanine.
— Eh ouais, j'ai tous les inconvénients de la couleurs sans les bénéfices... rien ne change, finalement.
— Arrête de te plaindre, tu vois bien que ces deux idiots font tout pour se mettre en valeur devant Laurina. Ne sois pas ce faire-valoir, achève Dylan en posant une main sur son épaule.
Le sable ronge leurs orteils, Johan grince des dents pour réprimer la douleur et commence à regretter de ne pas avoir gardé ses sandales. Il pose une main au-dessus de ses yeux pour masquer les rayons du soleil et commence à plonger l'attention sur le panorama qui se découvrait à lui.
— La vache, regardez-moi tous ces beaux pieds en liberté...
— Oh non, c'est reparti... soupire Dylan. Je te préviens, si quelqu'un te surprend en train de mater des pieds, je ne te connais pas.
— Ah bah, ça n'a pas tardé, on dirait ! rigole Johan en pointant une silhouette qui se rapprochait au loin.
Dylan aurait voulu courir, mais l'attitude paraitrait trop suspecte. Kevin fronce les yeux et essuie les verres de ses lunettes sur le pan de sa combinaison de plongée. Régis essaye de prendre des photos en rafale du corps de la jeune fille qui se trémoussait devant eux en calant son portable contre son torse.
— Salut, Kevin ! Je savais pas que tu venais ici.
— Laurina ! Ça alors, quelle surprise ! Je-je suis venu avec des potes... p-présentez-vous, les gars !
Dylan, qui commençait à leur donner le dos, s'immobilise quand il comprend qu'il s'agit de la fameuse Laurina, et que sa venue n'avait rien à avoir avec les penchants farfelus de Johan.
— Ils sont timides ? ricane nerveusement Laurina en attendant un geste de la part d'un d'entre eux.
— Ah, ah, suffoque Kevin. Régis a toujours été un peu réservé...
— Bonjour, Régis ! fit-elle en lui adressant sa joue.
Le garçon est pris comme d'un arrêt cardiaque. Cette odeur de fruit rouge qui s'émanait de sa peau. Il ressentait un besoin de manger cette joue. Les yeux révulsés, Régis se cantonne simplement à lécher ses lèvres avant de les coller contre la joue de Laurina.
— Saluuutt ! glisse-t-elle en se postant face à Johan. Tu peux lever la tête, pas besoin d'être aussi timide avec moi, tu sais ?
— Ah, je ne suis pas timide, j'étais justement en train de me dire que tu avais une magnifique voûte plan...
Avant qu'il ne finisse sa phrase, Dylan saute dans son dos et le plaque au sol jusqu'à ce qu'il finisse par s'étouffer avec du sable.
— Et lui, c'est ?
— Dylan ! Il-il est très sportif ! balbutie Kevin en priant pour que ses deux amis arrêtent de se battre devant Laurina.
Pendant que Johan cours se rincer la bouche au bord de la mer, Dylan enlève le sable sur ses genoux et ses coudes avant de serrer la main de Laurina.
— Woaw, quelle poigne ! rigole Laurina. Toi, tu pourrais faire coach dans les salles de sports, ça se voit !
— Merci, excuse notre pote. Le soleil le fait pas mal disjoncter, ajoute Dylan en hochant de la tête.
— D'ailleurs, pourquoi vous êtes venus ici dans ces tenues ? Vous avez pas chaud avec ça ?
— On s'est inscrit pour un stage de surf et on avait besoin de cette tenue pour notre première semaine, sourit Kevin en essayant de bomber le torse sans bloquer sa respiration dans ses poumons.
— Wow, c'est super, ça ! Et vous en avez déjà fait ?
— No...
— BIEN SÛR ! interrompt Kevin. On s'est inscrit dans le cours des débutants juste pour voir comment les petits s'en sortent. Un peu comme des moniteurs, quoi.
— Oui, je vois ça... sourit Laurina en voyant Régis s'écrouler sous une pile de planche à quelques mètres d'eux.
Un cabanon mobile se creuse au bord de la plage. À sa porte, un homme avec un tatouage hawaïen au biceps balance ses longs blonds et ondulés dans les airs pour refaire sa queue de cheval. Il a les yeux aussi bleus que la mer, c'était sans doute pour ça que les filles en combinaison qui se rapprochaient donnaient l'impression de se noyer dans son regard.
Monsieur Swarans doit être le seul à exposer son corps d'athlète dans cette foule d'apprenti surfeurs. Et puis, mis à part lui, aucun garçon ne se sentait l'étoffe de les montrer à toutes ces filles.
— Bonjour à tous, les plus curieux et ceux qui ont déjà lu mes brochures qui se vendent dans toutes les boutiques de souvenirs de la villa savent que je suis Steve Swarans, l'un des surfeurs les plus réputés du département d'outre-mer. Et même si je n'aime pas trop me jeter des fleurs, j'estime offrir un enseignement digne des plus grands maîtres de la planche qui vivent à Hawäi, là où j'ai d'ailleurs remporté plus de quatre fois le titre de meilleur surfeur de ma catégorie. Et j'ai notamment fini troisième du Play-Off de 2011, mais bon, ce n'est pas le sujet même si je sais que vous raffolez d'en savoir plus sur mon incroyable carrière... assez de bavardage ! J'espère que vous allez garder cet enthousiasme pour réussir votre premier Take Off.
Kevin et les autres commencent à somnoler jusqu'à ce que Monsieur Swarans déclare la fin de son autobiographie.
— Et pour ce premier exercice, j'ai décidé de faire appel à l'un de mes anciens élèves pour vous montrer que malgré tous les obstacles que vous pourrez rencontrer lors de votre cursus d'apprenti surfer, il ne faudra en aucun cas abandonner. Si vous abandonnez, vous finirez comme les petites sardines qui nagent aux abords du ponton d'Améthyste. Faites un tonnerre d'applaudissement pour Nicolas !!!
Soudain, les yeux de Kevin s'écarquillent. Il donne un coup de coude à Dylan pour savoir s'il avait bien entendu.
— Eh, oui... je crois que c'est lui qui est en train de s'approcher de nous.
De loin, on voyait simplement la silhouette d'un corps athlétique avec une planche encore plus imposante que sa taille d'un mètre quatre-vingt quinze. Ses longs cheveux ondulés que lui avait offert son métissage planaient dans l'air et rebondissaient sur ses épaules. Johan reste persuadé, en voyant les filles se mettre à le dévorer du regard, au loin, qu'elles n'étaient pas venues pour apprendre à faire du surf.
— Bah alors, les loosers ! Qu'est-ce qu'une bande minable comme vous fiche jusqu'ici ?!
Il attrape les quatre garçons par-dessus les épaules et vient les plaquer contre son torse. Kevin n'arrive plus à respirer et les coups qu'il essaye de lui asséner ne sont d'aucune utilité.
— Maintenant que je sais que vous êtes là, je sens qu'on va bien s'amuser...
— Pitié, nous fait pas de mal, couine Kevin en essayant de reprendre sa respiration.
— Je sais que t'es homosexuel, mais c'est pas une raison pour nous coller autant la grappe ! s'écrie Johan en sortant de son emprise.
— Tu vas voir, toi... Ça va être ta fête, pendant ce stage.
Nicolas permute son visage menaçant par un grand sourire lorsqu'il contourne le groupe et se présente aux jeunes filles qui n'attendaient que son arrivée.
— On peut se faire rembourser le stage ? J'aimerais abandonner.
— Non, Régis ! On lâche pas ! Qu'est-ce qu'on va dire à Laurina, alors ?!
— J'en sais rien et je m'en fiche, c'est pas moi qu'elle va baiser, au final ! Ni toi, d'ailleurs. Je vois même pas pourquoi tu t'entêtes. C'est peine perdue.
Alors qu'ils étaient en train de parler, Monsieur Swarans commence à hausser de la voix pour réclamer un silence complet de la part des nouvelles recrues.
— Vous allez suivre exactement toutes les directives de Nicolas ! Je veux que vous restiez concentré ! Le Take Off est exercice très compliqué pour les novices...
— Putain, je crois que mes tétons pointent sous la combinaison, marmonne Johan. Ça me gratte.
— Eh, toi ! Le mariole !
Johan, qui commençait à pincer le bout de ses seins, relève la tête vers l'australien exilé.
— Qui, moi ?
— Ouais, toi ! Vu que veux jouer les cancres de la classe, tu vas passer en premier avec Nicolas.
Le garçon commence à esquisser un grand sourire d'approbation, au grand dam de Johan.
Il grince ses dents et se cache derrière sa planche.
— Oh, ne vous donnez pas cette peine. Kevin ferait un meilleur apprenti que moi. Il est très vif, pour ce genre de choses.
— Assez de blabla, plus d'action, le puceau ! gronde Nicolas en extirpant sa planche du sable.
Il plaque la planche de Johan sous une aisselle et la sienne sous l'autre tandis qu'il se dirige droit vers la mer. Jamais Nicolas ne faillit d'un pas alors que les filles sont en train de pousser des gémissements suspects aux côtés de Kevin, Dylan et Régis.
— Ça commence à faire loin, non ?
— T'es venu ici pour te branler ou chercher des vagues ? Il faut faire minimum quinze mètres après le sable pour trouver de quoi surfer. Et on a de la chance, la plage d'Améthyste est toujours généreuse lorsqu'il s'agit de vagues.
Nicolas balance la planche dans son dos sans prévenir Johan. Il se prend le bout de la planche dans le ventre et s'écrase le milieu contre la face.
— ARGH ! L'enfoiré !
— Faut avoir plus de réflexe.
Alors qu'il a les yeux fermés après l'impact, Johan entend quelque chose gronder vers lui à toute vitesse. En ouvrant un œil, il se rend compte qu'une vague de cinq mètres est déjà en train de le surmonter. Nicolas, en étoile sur sa planche, ne peut s'empêcher d'effacer cet effroyable sourire indélébile.
Il était trop tard pour fuir, Johan allait la prendre de plein fouet.
La seconde d'après, il se retrouve comme aspiré dans la vague. Il tourne sur lui-même, sans savoir où est-ce qu'il allait atterrir. Tout est sourd à cause l'eau. On entend seules les bruits de bulles qui s'évaporent à la surface.
Nicolas revient sur le sable, sa planche avait largement réussi à dompter les surfeurs de sa vague, tandis que les filles s'amassaient tout autour de lui. Des hurlements aussi perceptibles que des « tu pourras m'apprendre à faire ça ! » ou encore « j'ai un peu peur, il faut que tu te tiennes sur ma planche, sinon je vais tomber » se dégageait de la foule.
— Mais les gars, il est passé où, Johan ?! s'écrie Kevin tandis qu'il attrape Régis par le col.
— Oh putain, c'est vrai ça ! Il est passé où ? s'exclame Dylan en fronçant des sourcils.
— Il aurait déjà dû retourner sur le sable. Je ne le vois nulle part, ajoute Régis.
Kevin commence à sentir son cœur cogner dans sa poitrine : et si Johan s'était fait engloutir par la mer ? Des touristes mourraient en masse chaque année sur cette plage dangereuse par la force des vagues sans retenues, il espérait ne pas faire parti de ces énièmes faits divers.
Le garçon marche quelques mètres dans l'eau, jusqu'à y tremper ses genoux et tente de plisser le plus que possible ses yeux.
« Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? »
Il entendait quelque chose. Ça ressemblait à un moteur. Un moteur en rade qui poussait un rugissement aussi sourd qu'une moto. De plus, une silhouette étrange se dessine à l'horizon. Elle approche dans sa direction.
— C'est un bateau ! Venez voir ça, les gars !
Un navire de pêche, aussi petit qu'un scooter, fait jaillir une montée d'eau dans son sillage, tandis qu'il fonce à toute vitesse sur la terre ferme. Derrière la cabine en verre, un homme, dont les dents jaunies et nimbés de tartres, appuie sur les commandes comme un forcené.
— BOUGE DE LÀ, PETIT !
Monsieur Swarans, Nicolas et le reste de la troupe s'arrêtent de discuter pour observer la scène. Le surfeur australien met ses mains sur ses hanches et commence à pousser un profond soupir. Il contourne ses élèves et se dirige vers le bateau d'un pas précipité.
L'homme qui venait d'arriver s'accompagnait d'une couronne de mouches au-dessus de la tête. Dylan et Régis arrivaient à sentir l'odeur de poisson émaner de son bateau depuis le sable. Un poisson pourri depuis des lustres qui n'était absolument pas possible de marchander sur la place du bourg d'Améthyste.
— Dégagez de là, le psychopathe ! Il y a des jeunes filles, ici ! s'énerve Monsieur Swarans en agitant ses bras dans les airs. Allez, du balai !
— Elles sont là... elles sont de retour !
La voix du vieillard sonne chevrotante, son cou aride se tord en direction de Kevin. Le garçon avale difficilement sa salive et observe le jeune homme se départager dans l'eau pour revenir sur le sable.
— Si tu ne prends pas gare à sortir de l'eau, mon garçon, tu seras le premier à mourir !
— Et voilà que ça recommence, soupire Monsieur Swarans en haussant les sourcils. Nicolas, appelle la gendarmerie et signale que le vieux fou d'Améthyste fait encore des siennes.
— Je me demande à qui il a volé le bateau, cette fois-ci.
— Il suffit d'attendre que la personne porte plainte et on aura la réponse.
— La vache, mais pourquoi ils ne gardent pas ce malade plus longtemps en prison. Quelques mois, c'est jamais assez pour des énergumènes comme lui...
— LES SIRÈNES DU JOYAU ! Elles arrivent en masse ! hurle le vieux fou.
Nicolas compose le numéro pendant Monsieur Swarans fait une sorte de barrage avec ses bras ordonner aux élèves de prendre leurs distances avec le marin.
— De quelles sirènes il parle ? demande Régis en murmurant aux oreilles de Dylan.
— Les sirènes ne plaisantent pas... le Joyau, ce petit îlet en forme biseauté qui plane sur la mer d'Améthyste à quelques mètres d'ici, réclame sa créance !
Avant de sortir de son bateau, l'homme traine quelque chose qui ressemble à un sac à patate par l'arrière de la cabine. Il balance le corps de Johan sur le sable et le pointe du doigt.
— Il n'en aurait fallu qu'une bouchée, de celui-là !
— Nicolas... sale fils de...
Johan expire ses dernières forces avant de plonger la tête dans le sable, évanoui. Kevin se rue sur lui pendant que Monsieur Swarans serre les poings.
— Vous avez enlevé le pauvre garçon pendant qu'il faisait le cours de surf avec Nicolas... espèce de monstre !
— Que nenni ! Je viens de le ramener, il allait se faire manger par les sirènes !
— Nicolas, signale ça aux gendarmes pour qu'il reste plus longtemps en taule, cette fois-ci !
Le garçon hoche de la tête en lance une grimace vers Kevin lorsqu'il s'aperçoit qu'il est observé.
— Je ne pense pas que ça soit le vieux qui ait enlevé Johan... Nicolas l'a volontairement laissé se noyer.
— Tu penses ? Avoue qu'il est quand même bizarre, le bougre, ajoute Régis. C'est qui son histoire de sirènes, là ?
— Moi, tout ce que je vois, c'est qu'il a sauvé Johan.
Kevin jette un regard un vieillard en lui hochant de la tête, comme un signe de remerciement. L'homme lui rend la pareille avant de mettre ses mains en évidence.
Les gendarmes sortent des bois qui donnent sur la plage d'Améthyste. Leurs fusils braqués sur lui. L'officier Sauterelle ouvre une paire de menottes.
— Halender, tu n'apprendra jamais de tes bêtises, hein ?
— Vous devez me croire ! Interdisez l'accès aux plages dans un arrêté municipal ! Sinon, ça sera la fin pour tous les habitants d'Améthyste !
Il a à peine le temps de parler que ses mains sont déjà condamnées dans son dos. Aurélien Sauterelle le maintient par la nuque et pousse jusqu'à la Dacia Duster de fonction.
— Comment allez-vous, Monsieur Swarans ? Vu votre belle mine, je me demande pourquoi je vous pose la question, d'ailleurs !
— Un seul être nous manque et tout est dépeuplé, vous connaissez le diction. Il aura fallu que cet être, ce soit vous, sinon je ne sais pas ce que ce genre de malade aurait fait à mes élèves...
— Quoi qu'il en soit, pas besoin de faire des cheveux blancs même s'ils vous iraient à ravir. Vous voilà hors de danger, maintenant. Ce fut un plaisir !
— Il est partagé.
— J'espère que ça me vaudra un cours particulier de surf, un de ces jours.
— Oh, ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, Monsieur Sauterelle.
Après lui avoir décoché un clin d'œil, l'officier pousse le marin à l'intérieur de la voiture et désactive le bruit des sirènes dont le hurlement s'étendait sur toute la plage d'Améthyste.
Alors que Monsieur Swarans est en train de noter quelque chose dans l'application Notes de son iPhone, Kevin lui tapote dans le dos. Le professeur australien sursaute et rattrape de justesse son téléphone avant de montrer ses dents au gamin.
— Quoi, encore ?! s'écrie-t-il.
— Je voulais savoir qui était ce malade, exactement ? Pourquoi il a débarqué de nulle part en parlant de sirènes ?
— Ce type que tu as vu s'appelle Halender. On raconte que c'est le pire pêcheur que la ville n'ait jamais connu. Il revenait toujours bredouille de ses expéditions maritimes. Jamais une petite sardine dans un seau. La seule chose qu'il pouvait revendre, c'était les appâts qu'il n'avait pas encore utilisé et les nasses qu'il fabriquait avec des fils dentaires. Pour autant, tu vois, Halender a commencé à perdre la tête, après échecs sur échecs.
Kevin écarquille ses yeux tout en se rapprochant de Monsieur Swarans.
— Lorsqu'il commençait à faire nuit, Halender partait en navigation, bien à l'abri des regards. Et un jour, il revint de son expédition avec quelque chose qui nous avait tous marqué... et c'est là qu'on a réalisé qu'il avait réellement perdu la tête.
— Qu'est-ce que c'était ?
— Ce malade avait découpé le corps d'une jeune fille pour le greffer à un bas de requin. Il y avait du sang partout dans son bateau. Lorsque les autres pêcheurs l'ont pris en flagrant délit, il a nié en prétendant qu'il s'agissait d'une sirène qui vivait aux alentours du Joyau d'Améthyste et qu'elle comptait venir aux abords de la plage pour tous nous dévorer. Bien sûr, personne ne l'a cru et tous les pêcheurs qui étaient sur places on bien reconnu que la fille morte sur son bateau n'était autre qu'une lycéenne portée disparue du nom de Anna Helswek.
— Mais... vous ne l'avez pas donné à la police, après ça ?
— Pas tout de suite. Il s'est d'abord fait roué de coups pas la communauté entière des pêcheurs. Je me souviens même que des pêcheurs venaient de la ville du Hareng pour participer au bizutage. Personnellement, je ne suis pas un adepte de la violence, alors j'attendais simplement que la police vienne l'embarquer pour enfin continuer à exercer mes cours de surf en sécurité.
— C'est quand même bizarre que je n'ai jamais vu ce type dans la ville.
— Il était en prison, ça remonte maintenant à pas mal de temps. Mais on dirait bien qu'il a réussi à obtenir une libération conditionnelle, autrement, je ne sais pas ce qu'il fait là.
L'homme range le portable dans la poche de son maillot de bain jaune mayonnaise avec des motifs de bonhommes de neiges. Il fixe le panorama de l'océan qui donne sur l'îlet en forme biseauté qui flotte à des kilomètres de la plage puis expire.
— Et le pire dans tout ça, c'est qu'on n'a jamais retrouvé l'autre partie du corps de Anna.
Kevin ressent comme un frisson lui tapisser le dos. Il se retourne en direction de ses amis en grinçant des dents.
— On ne le surnomme pas « le marin fou » pour rien. Certains penseraient que Halender aurait violé la jeune femme avant de manger ses jambes. Vu l'énergumène qui c'est, ça serait totalement possible. Un acte aussi gros pourrait directement l'envoye devant une cour d'assises pour crime contre l'humanité mais le manque de preuve nous empêche ne serait-ce que d'imaginer un moment aussi satisfaisant pour les habitants de la ville d'Améthyste.
Kevin baisse la tête et observe ses pieds s'enfoncer dans le sable. Avant qu'il ne puisse réfléchir à ce que Monsieur Swarans était en train de lui dire, il sentait les ombres danser autour de lui. Les filles du stage de surf étaient toutes plus effrayées les unes que les autres. Nicolas avait beau agiter ses bras dans tous les sens pour les ramener au calme, rien n'opérait. Il se dirige vers la grande chaise des maitres nageurs et attrape un haut-parleur posé en contrebas.
— GROSSE FIESTA SUR LE BATEAU DE MONSIEUR CERF !!! RAMENEZ VOS MAILLOTS LES PLUS SEXY !
Soudain, le brouhaha se dissipe. Toutes les têtes s'orientent dans sa direction. Les filles esquissent un sourire, alors que la seconde d'avant n'était lié qu'à la peur qu'elles ressentaient de devoir affronter à nouveau le marin fou.
— CE SOIR À VINGT HEURES, JE VEUX TOUTES VOUS VOIR SUR LE YATCH !
Les filles se mettent à hurler de joie.
— Tu entends ça, Kevin ! s'écrie Laurina en se dirigeant vers le bateau.
Kevin abandonne sa discussion avec le professeur quand il aperçoit que la jeune fille s'approchait un peu trop de Nicolas.
— Ça te dirais qu'on y aille tous les deux ? demande-t-elle.
Kevin observe Dylan et Régis au loin en haussant des épaules. Les deux garçons écrasent leurs mains contre leurs visages avant de pousser un profond soupir.
— Mais vous avez tous perdu la tête ou quoi ?!
Une voix gronde à travers les éclats de joie et vient ternir l'ambiance joyeuse que Nicolas s'était donné tant de mal à instaurer.
Johan se relève du sable, comme la masse d'un monstre spectrale. Il pointe son doigt vers Nicolas et commence à se rapprocher d'une hâte suffisamment douteuse pour que Dylan et Régis viennent lui attraper les bras.
— C'est cet espèce d'enfoiré qui m'a abandonné dans l'eau. Il a fait exprès de me noyer et c'est le vieil homme qu'on embarque ?! Mais on marche sur la tête ou c'est comment ?!
— Johan, ta gueule, putain ! s'écrie Kevin en remarquant que tous les regards étaient désormais braqués sur eux.
— Non, je dis la vérité ! C'est pas parce que Nicolas ressemble aux tismés sucrés sur lesquelles vous passez vos nuits à mouiller que je raconte des conneries ! Ce bâtard à vraiment essayé de me noyer. Sans le vieux monsieur, je serais mort à l'heure qu'il est !
— Retourne dormir, je crois que l'eau de mer est restée coincée dans ta cervelle. C'est le vieux qui t'as capturé pendant qu'on était en train de faire le Take Off.
— Le Take Off ? Mais quel Take Off ?! Je n'arrivais même pas à monter sur la planche. Les vagues étaient en train de m'engloutir, la vie de ma mère ! Nicolas, arrête de jouer les mythos, là !
— Eh, eh, eh ! Qu'est-ce que tu sous-entends ? demande Monsieur Swarans en se rapprochant de Johan. Nicolas n'est pas un lâche !
— On a compris que tu te masturbais en pensant à lui, sinon comment un incompétent comme lui aurait pu devenir ton second ? Allez, retourne faire trempette dans l'eau, sale pédé.
Après avoir entendu un mouvement d'exclamation s'éveiller dans la foule, Kevin saute sur le garçon avant que quelqu'un d'autre ne le fasse à sa place. Assis à califourchon sur lui, dans le sable, il plaque sa main contre sa bouche.
— C'est bon, Johan ! Ferme-là, maintenant !
Dylan se poste devant Nicolas avant qu'il ne puisse se ruer sur Johan. Les filles autour en profite pour le coller comme des sangsues et palper ses abdos tout en prenant son rythme cardiaque en collant des oreilles attentives sur ses pectoraux saillants.
— T'en fais pas, mec, il y a rien, affirme Dylan en lui lançant un regard froid. Tu vas pas mettre une tarte à Johan devant toutes ces gazelles ? Où sont passées tes manières de gentleman ?
— Il a de la chance, ce petit indien de merde, gronde Nicolas en faisant demi-tour.
Sa pulsion venait de faire sens inverse. Il range ses dents et semble reprendre ses esprits, sa conscience humaine le retrouve quand l'une des filles qui le palpait lui mis brutalement une main au paquet.
— Maintenant que le grand malade va retourner derrière les barreaux, vous êtes prêtes à reprendre la séance ?
— OUIII !!! ET CE SOIR, C'EST TOUT LE MONDE SUR LE YATCH DE MONSIEUR CERF !
À SUIVRE...
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