Saison 1 - Épisode 14 : L'Habitation Cerfcromby

  — Ça sonne ! s'écrie Kevin qui en avait marre d'entendre le tintamarre du portail.

  — J'ai rendu cette famille riche et c'est encore à moi d'aller ouvrir ? On marche sur la tête ? demande Florent.

  — Moi je peux pas, souffle Maya, je fini mes baby hairs. À part si la personne à la foi d'attendre.

  — C'est dans ce genre de situation que le maillon faible doit se plier au reste du groupe. Kevin, va ouvrir !

  — Mais je suis en plein PVP, là ! Si je reste AFK, mon adversaire va me...

  — J'en ai rien à foutre, tu sors pas ton cul de ta chaise depuis le début de la matinée, ça va te faire une promenade de santé ! Commence pas à me les briser, toi aussi !

  — Comment ça « toi aussi » ? J'espère que tu sais te sucer tout seul, rétorque Maya.

  — Mais non, mais non ! Tu-tu m'connais, ma petite abeille, je suis très roque quand je parle... faut-faut pas faire attention à tout ce que je dis.

  — Hmpf, j'espère pour toi.

  Pris par la rage, Kevin est à deux doigts de balancer sa manette contre le mur mais sa conscience lui rappelle le prix qu'elle lui a coûté et que même si son père était riche, il ne dépenserait pas le moindre centime pour la remplacer. Il se contente de marcher d'un pas furtif et enragé jusqu'aux portails et appuie successivement sur la télécommande.

  — Ouvre-toi, portail de merde ! Raaahhh !!!

  Il balance la télécommande dans la pelouse, enfouie dans les hautes herbes, là où il était difficile de la repérer sans avoir au préalable passer un coup de débroussailleuse.

  — Il est complètement fou, déclare une voix de l'autre côté du portail.

  — Est-ce que ça t'étonnes encore ? Pauvre Maya, obligée de se coltiner ce genre de perlin...

  Ces voix lui paraissent familières. Kevin, d'abord vautré à quatre pattes, jette un œil au portail qui venait de s'ouvrir. Tamira et Sadia l'observent, bras croisés, avec une légère odeur de vanille qui vient contraster la sueur nauséabonde qui s'échappe de ses aisselles.

  — Ah, s-salut. V-vous avez kiffé la soirée ?

  — Un fiasco et justement pour ça qu'on est venu en discuter ! rétorque Tamira. Bouge de là, c'est pas pour toi qu'on est ici. On cherche Maya !

  — Ouais ! affirme Sadia, juste derrière elle. Toi et ta bande de potes, vous nous avez fait perdre des abonnés !

  — Déjà que Marceau et les autres cons sont pas faciles à gérer, vous en avez rajouté une couche, la dernière fois !

  Si seulement Johan était là il dirait « mais pourtant ça n'a pas empêché Sadia de danser un zouk avec lui » et pour une fois, Kevin aurait soutenue sa diatribe machiste.

  — Mignon, ton caleçon Bob l'Éponge, sourit faussement Tamira en marchant par-dessus son corps ratatiné sur la pelouse.

  — T'as une coccinelle sur le nez, ajoute Sadia. Ah... autant pour moi, c'est un bébé cafard.

  Pendant que Kevin hurle à l'extérieur, les filles s'allongent sur le canapé comme si elles étaient chez elles. Maya les entendaient depuis l'extérieur et s'empresse de les rejoindre au salon.

  — Il faut que tu parles à ton abruti d'ex ! s'énerve Tamira.

  — Ne crie pas ! Je veux pas que mon mec soit au courant qu'on parle de lui.

  — Pourquoi pas ? S'il veut lui faire la peau, je suis partante, avoue Sadia. Surtout avec les menaces que Marceau m'a faites, hier soir.

  Maya fronce les sourcils.

  — Des menaces ? Comment ça ?

  Tamira et Sadia se regardent avant d'expirer un soupir.

  — Quand Marceau a vu que je suis arrivée à l'Oasis avec cet abruti, il a peté un câble. Et même s'il s'est défoulé sur Johan, ça lui a pas suffit.

  — C'est pas possible, il va s'arrêter quand, ce fétichiste refoulé ?! s'énerve Maya. Si son père était au courant qu'il dansait collé-serré avec toi, ça fait un moment qu'il l'aurait déjà déshérité. Il faut qu'il arrête de faire le malin, lui !

  — J'en sais rien. En tout cas il m'a envoyé un DM quand je suis rentrée chez moi.

  — Et qu'est-ce qu'il disait dedans ?

  Tamira baisse la tête et navigue faussement sur Snapchat pendant que Sadia prend une inspiration hachée.

  — Il a dit que si jamais je ressortais avec Kevin, il allait balancer toutes mes sextapes sur PornHub.

  — P-pardon ?!

  — Maya... ton bail me fout vraiment dans la merde. J'ai voulu chaperonner ces abrutis comme tu me l'avais demandé mais ça m'a attiré que des emmerdes !

  Son visage se distord et ses lèvres pulpeuses commencent à s'écraser l'une contre l'autre – on aurait dit un pneu mal gonflé.

  — Non, ma bichette. Pleure pas, je vais tout arranger. J'te le promets.

  — J'espère bien, hoquète Sadia. J'ai perdu 1k hier soir et même mes cousins m'ont bloqués alors qu'avant ils se branlaient sur mes photos. Et ils sont super jeunes, hein, ils me voyaient comme une bête de meuf ! Alors imagine le reste de ma communauté...

  Tamira fait des cercles avec sa paume sur son dos et braque l'objectif de son portable sur sa copine.

  — Bouge pas, ma belle. T'es super sur cette pause.

  Elle essaye de garder sa grimace pendant qu'un flash vient capturer son visage meurtri.

  — Merci, ma best. Heureusement que t'es là.

  — Hop, ça part en post dès ce soir. T'en dis quoi ?

  — Si les gens voient que je suis triste peut-être qu'ils seront plus gentils avec moi et m'enverront des DM.

  — Obligé, tu récupères au moins cinq cents abos avec cette publication. Quand tu pleures ça te fait des gros yeux comme dans les mangas, là. J'te jure, t'es trop kawaï.

  — Et puis dans le pire des cas, même si Marceau partage mes nudes sur PornHub, je fais comme Kim Kardashian et je tourne ça en mon avantage pendant que ça buzz.

  — T'as tout compris, ma belle. T'as trop de potentiel ! On va le niquer, ce petit enfoiré.

  — Arrêtez, rétorque Maya. Sadia, je te promets que tu n'auras pas à faire tout ça. Je vais tout arranger.

  — Ah ouais ? J'en suis pas si sûre, hein !

  — Comment tu peux dire ça ? Sois optimiste !

  — Tu parles, tu parles, mais toi, t'as jamais perdu d'abonnés depuis la soirée. Tu crois je scroll pas ton compte ? Je vais devoir payer pour récupérer les milles qui sont partis, peut-être ?!

  — Je ferais une story pour expliquer toute la situation. Tu vas les récupérer, tes milles abonnés, t'en fais pas.

  — Bon, c'est tout ce qu'on avait à te dire, sur ce : bye !

  — Attendez, vous me faites la gueule ?

  — Non, enfin, ça dépend de comment tu gères la situation, dit Tamira en enrôlant son sac à main.

  Elles traversent la pelouse en arrivant au niveau de Kevin.

  — Alors comme ça tu connais les mangas ? demande-t-il à Tamira. C'est quoi ton animé préféré ?

  Elle le toise de haut en bas avant d'appuyer sur le déverrouillage de sa Audi.

  — Viens, Sadia. Je crois que l'impopularité c'est contagieux.

  — Ça, tu l'as dis !

***

  Il faisait fort longtemps que Maya abandonna l'idée de juger ce site en mètre carré. Ce grand parc verdoyant devait mesurer deux hectares. Un champ de canne à sucre se dressait devant elle. La nuit empêchait de voir si des bêtes si étaient logées mais l'odeur de sucre qui s'en dégageait l'assurait que le site s'en trouvait protégé avec le plus grand des soins.

  Elle laisse sa voiture devant le champ. Le chemin étroit qui s'y dresse entre les champs de canne ne lui permettent pas d'aller plus loin avec, de toute façon. Ni le portail dont deux statuts de renards surveillaient l'entrée. Elles étaient polies en bronze, Maya met le flash de son appareil sur les œuvres d'arts pour s'en convaincre.

  Seule la lune éclairait ce chemin étroit. Elle avance avec la boule au ventre, motivée par la seule idée tout ce qui devait arriver était de sa faute.

  — Tiens...

  Maya s'arrête brusquement. Le bruit qui sifflait sur le champ ne pouvait pas provenir de la canne à sucre, le vent ne soufflait pas et il n'y avait aucune bête dans le domaine. Quelque chose se coordonnait avec ses pas. On la prenait en filature.

  En temps normal, elle aurait prit ses jambes à son cou et aurait supplié aux Cerf de lui ouvrir le portail, mais le stress lui faisait parler une autre langue. Celle de la perspicacité.

  Elle penche vers une branche de canne à sucre et l'attrape d'une poignée ferme. Au moment où elle arrive à casser la canne et s'en munir comme un contendant, Maya fait volte-face et bondit sur la silhouette qui la traque, alors immobile.

  — ARGH !

  Ce couinement aigu lui est familier.

  — Kevin ? s'étrangle Maya. Mais qu'est-ce que tu fous là ?! J'ai failli te tuer !

  Le garçon prend le réflexe de plaquer ses avant-bras devant son visage pour faire office de bouclier naturel.

  — J'ai tout entendu de ta discussion avec tes copines.

  — Et ? Ça répond pas à ma question.

  — Je... je me sentais coupable.

  — Oui, t'en as déjà assez fait comme ça.

  — J'avais des remords. Je ne pouvais pas te laisser y aller seule.

  — Mais t'es vraiment stupide, ma parole ! Si Marceau te voit débarquer devant chez lui, tu penses qu'il va réagir comment ?

  — J'avoue que c'était pas très malin de ma part. Après, ce type est pas très net, j'ai vu comment il s'en est prit à Johan et il a l'air dangereux.

  — C'est un petit con de première mais jamais il oserait lever la main sur moi, si c'est ce que t'imagines. On n'est pas dans un de tes animés pour gamins, là. C'est la vraie vie, Kevin.

  Il l'observe s'éloigner, son mini-short en premier plan.

  — Attends, Maya !

  — Quoi, encore ? Retourne dans la voiture !

  — Si ça se passe mal, tu m'enverras un message ?

  Elle esquisse un sourire en coin et rabat une mèche de cheveux derrière son oreille.

  — Oui, Kevin. Si ça peut te faire te sentir utile. Comme ça, tu pourras appeler les gendarmes s'il y a un problème.

  Au bout de l'allée, une grande maison qui faisait penser à un manoir se dessine dans l'obscurité. Des éclats de lumière se reflètent au rez-de-chaussée dans les carreaux des fenêtres à croisillons. Quelque part dans le parc, au delà du site à cannes à sucres, on entendait le chant d'une fontaine. Il faut que Maya se rapproche pour constater avec effroi qu'elle était uniquement composée de Coca-Cola.

  Deux silhouettes apparaissent derrière les statues de renards. Les agents de sécurités ne bougent pas d'un cil – même s'il était difficile d'en juger à cause de leurs lunettes noires – comme s'ils savaient sa venue.

  — Les Cerf ont prévu de la visite ? demande l'un d'entre eux.

  — L'entretient avec les Harnais est déjà terminé depuis quatre heures. Personne ne m'a fait mention d'une autre réunion, surtout à cette heure...

  — Je ne suis pas une « Harnais » ou je ne sais quoi, balbutie Maya devant l'imposante carrure des deux hommes qui lui faisait face. En fait, je viens parler à Marceau. Est-ce qu'il est là ?

  — Pourquoi vous ne lui envoyez pas un message de vous-même ? demande l'un des agent de sécurité.

  — C'est une pompe à essence que je vois là ? Bordel, les Cerf ont leur propre station service ? fait Maya avant de secouer son visage. Allez, Maya, concentre-toi ! T'es pas venue ici pour ça.

  — On a affaire à une malade. Je vais tout de suite appeler la gendarmerie.

  — Je ne ferais pas ça, si j'étais vous. On voit bien que vous n'avez jamais utilisé de réseaux sociaux de votre vie pour oser remettre en cause mon intégrité.

  Elle déteste parler avec ce type de langage soutenue, mais face à ces types, elle n'avait pas vraiment le choix.

  — Je suis Maya Daussac, l'une des influenceuses les plus suivies de la Martinique. Vérifez par vous-même. Je connais Marceau depuis longtemps. On faisait partis des élèves les plus populaires du lycée.

  L'un des hommes se racle la gorge, l'autre ajuste sa cravate autour de son cou.

  — Vous avez tout autant que moi qu'il n'aime pas trop les gens de notre type, si vous voyez ce que je veux dire... qui sait ce qu'il pourrait vous faire s'il apprenait que je suis passée lui rendre visite et que vous ne m'avez pas laissé entrer ?

  Un bruit de crissement s'étire tandis que les deux renards tournent sur eux-mêmes. Le portail se déploie pour laisser place à un tapis de gravas.

  — C'est bon, maugrée l'un des agents. Vous pouvez y aller.

  — Mais n'oubliez pas qu'au moindre message de la part de Monsieur Cerf, on vous fait la peau. Est-ce que c'est bien clair ?

  — La prochaine fois que vous me faites ce genre de menaces, je vous promets que vous le paierez très cher. Je connais suffisamment de monde pour ruiner vos carrières avec une seule story sur mon compte Instagram.

  Ils se raclent la gorge. Même s'ils ne veulent pas l'admettre Maya sentait bien qu'ils étaient embarrassés.

  — Eh ouais, les gars. J'ai pas besoin d'avoir une grande taille et des muscles pour me montrer menaçante. Mon iPhone est une arme plus puissante que les petits joujoux qui vous servent de pistolets.

***

  Le hall d'entrée, faiblement éclairé, était vaste et sa décoration somptueuse, avec un magnifique tapis qui recouvrait en grande partie le sol de pierre. Les portraits au teint pâle accrochés aux murs suivirent des yeux la fille qui marchait à grands pas. Bientôt, une voix s'émane depuis une pièce voisine. En suivant le son, Maya arrive dans un grand salon. Un salon devant faire la maison entière de Florent, avec ce tapis en peau de manicou qui ne cessait de la scruter avec ses yeux vitreux et sans âme. Le tout éclairé par un feu de cheminé, faisant danser l'ombre des flammes sur les murs et dont la silhouette s'étirait jusqu'à elle.

  Une longue table baroque rafraîchit par ses motifs dorés qui scintillaient à l'appel des flammes voyait un garçon se tenir à son autre bout. Il ne devait pas avoir moins de quinze ans et à la différence des autres objets de cette pièce, son visage était éclairé par la lumière d'un smartphone – le dernier iPhone 12 Pro Max, inutile de se demander s'il possédait la plus grande capacité de stockage qui allait avec, c'était le cas.

  — Où est ton frère ?

  Maya se surprend en entendant sa voix parfaitement lisse, sans écho dans une pièce aussi grande.

  L'adolescent jette un œil discret devant lui et replonge dans son portable sans faire attention à elle.

  — Tu veux voir mes seins ?

  Sa tête adopte la réactivité d'un détecteur de mouvement. Bien qu'il soit de loin, Maya arrive à discerner les grands yeux ronds qu'il lui fait.

  — T'es une escorte ? demande sèchement le petit.

  — Oui, c'est Marceau qui m'a demandé de venir jusqu'ici, dit Maya sans balbutier. Il n'est pas très poli avec les travailleuses du sexe, lui. Je suis à deux doigts de faire une réclamation à ma maison close.

  — A-attends, t'es une pute ? Genre vraiment ?

  Maya hoche de la tête et lui esquisse un grand sourire. En réalité, elle se retenait de toutes ses forces d'exploser de rire. Le garçon paraissait réellement émerveillé.

  — J'en avais jamais vu en vrai. Je peux te sentir ?

  — Si tu veux. Mais d'abord, appelle ton frère.

  L'adolescent d'une traite, il tape ses pouces sur son écran avec une dextérité déconcertante. Maya elle-même n'arrivait pas à écrire aussi vite.

  — Il arrive.

  — Super, il faisait quoi ?

  — Du tennis avec Sushi sur le parc.

  — Y a un terrain de tennis, ici ? Mais qu'est-ce que vous n'avez pas ?

  Le petit se lève et commence à courir vers Maya. Elle essaye de détourner le regard en se focalisant sur le trompe l'œil du plafond qui donnait la sensation de voir une série d'étoile dans un ciel crépusculaire.

  — Bouge de là, Tom ! s'écrie une nouvelle voix.

  Elle fait volte-face. Marceau, habillé d'un polo Lacoste et d'un bas uniforme, les observent avec une raquette à la main et son bob de l'autre. Sushi arrive dans son ombre et se lèche les babines en voyant Maya dans le salon.

  — Tiens, tiens, regarde ce que nous avons là...

  — C'est pas juste ! grommèle Tom. Si tu me laisses pas toucher ses tétés, j'vais dire à papa que t'as laissé une noire rentrer dans la maison !

  — Continue comme ça et regarde si je te fous pas suffisamment de coup de raquette dans la gueule pour que papa et maman ne puissent pas te reconnaître !

  Le petit se met à hurler d'une voix stridente et contourne la table pour s'enfuir dans les escaliers.

  — Wow ! Il court drôlement vite, ton frère. Sinon, sympa ton tapis, c'est un manicou ?

  — C'est pas très beau mais il a couté cher et ça fait peur aux voleurs. Mais toi... qu'est-ce que tu fous ici ? Pourquoi les gardes t'ont laissés entrer ?

  — Tu poses trop de question, comme si tu étais un pauvre innocent... c'est drôle.

  — C'est pour Sadia que t'es là ?

  — Tu vois que t'es pas con...

  — T'as gaspillé ton essence pour rien, ma vieille. Les histoires entre Sadia et moi ça te regarde pas.

  — T'es mal placé pour parler. C'est qui qui a foutu la merde quand il a vu Kevin en soirée ? Toi ou moi ? Et je sais très bien pourquoi tu as fait ça, les filles m'ont tout raconté.

  — Je connais pas le petit gigolo avec qui tu sors mais Sayan va le balayer tôt ou tard.

  — T'as pas besoin de le connaître, t'inquiète pas...

  — Ah ouais ? Pourtant...

  — Quoi ?!

  — Non, non, fait Marceau pendant qu'il prend une pause durant laquelle il ne cesse de ricaner. C'est juste que... t'affiches pas vraiment ton mec sur les réseaux, quoi.

  — T'as honte de t'afficher avec lui, hein ? renchérit Sushi. Tu sais que si les gens apprennent qui c'est, ils vont te lâcher comme ils ont fait avec Sadia.

  — Allez vous faire foutre ! rétorque Maya. Ça n'a rien avoir ! Il n'aime pas trop les réseaux, c'est tout.

  — Il sait ce qu'est, les réseaux sociaux, au moins ? continue Marceau. D'après Sayan, c'est un vieux croulant.

  — Ouais, bah Sayan s'est pris la dérouillée de sa vie par le « vieux croulant », comme tu dis.

  — T'inquiète pas. Maintenant qu'il m'a mis au courant, ça n'arrivera pas deux fois.

  — Je comprends pas pourquoi t'es autant sur mon dos ? T'es amoureux de Sayan pour faire des dingueries comme ça ou c'est comment ?!

  — Je fais juste mon taff de frangin. Il veut pas te voir avec, j'vais tout faire pour l'aider. C'est simple. Après, c'est peut-être des valeurs que tu connais pas...

  — Justement, si je suis ici c'est bien parce que tes petites conneries ont mis Sadia dans la merde, alors me parle pas de valeur !

  Sushi fait un bruit de hyène qui ressemblait à un rire pendant que Marceau dépose sa raquette à ses pieds.

  — Si tu balances tout ce qu'elle t'as envoyé, tu vas juste montrer à tout le monde que t'es un mec sans couilles ! T'étais bien content de te branler sur les vidéos et toutes les nudes, hein ?! T'étais bien content de la baiser quand t'arrivais même pas à bander avec ta putain de Pauline de merde, là ! Ton père, il est au courant ?

  — Parle moins fort...

  — La vérité, c'est que t'es encore en kiffe sur Sadia et que tu supportes pas de la voir profiter avec d'autres mecs. Pourtant c'est toi qui lui disait qu'elle était pas assez bien pour toi et que tu voulais juste t'amuser avec elle. Et quand je dis « pas assez bien », je veux dire qu'elle avait peut-être un peu trop de mélanine...

  Le rire de Sushi se transforme en rictus et Marceau commence à respirer bruyamment. Maya s'arrête brusquement quand le garçon lui saute à la gorge et la plaque contre la table qui dormait juste derrière elle. Le point brandi, il tremble et commence à rougir.

  — Ferme ta putain de gueule ! T'es pas toute seule, ici ! Mon père risque de t'entendre !

  — Ça te la foutrait mal qu'il voit une négresse dans son salon qui ne travaille même pas pour lui.

  — Pourquoi on discute encore avec cette gonzesse ? demande Sushi en s'avançant vers eux. Fout lui une droite et met la dehors, mec.

  — Je fais encore ce que je veux chez moi, à ce que je sache.

  Le garçon ravale sa salive et se terre sur l'une des chaises de la table pour assumer la honte qu'il ressent. Marceau continue de tenir Maya par le cou et devient quant à lui de plus en plus rouge.

  — Relax, Marceau... je suis pas venu ici pour t'énerver. Si tu fais tout correctement, y aura aucun problème.

  Il lâche Maya et s'essuie la main sur le pan de son polo.

  — De toute façon, j'ai déjà posté les vidéos de Sadia. T'es arrivée trop tard.

  — Tu... tu as fait quoi ?

  — Regarde par toi-même, ajoute Sushi en glissant son portable jusqu'à elle.

  Le sol se dérobe sous ses pieds et le trompe l'œil lui donne la sensation de se faire engloutir. Maya n'arrive à réaliser. Son amie est dans une posture à quatre pattes, des chaines lovent ses chevilles et ses poignets tandis qu'elle se mute à l'aide d'une muselière. Dépourvue de vêtements, on voit sa poitrine pendre et briller par la sueur. La vidéo se targue d'une excellente résolution, si bien qu'on arrive à y percevoir les gouttelettes de sueurs qui perlent chacun de ses tétons.

  — « Esclave en chaleur qui exécute les désirs de son maître », lisait Maya d'une voix tremblante. Mais... c'est vraiment...

  Sushi explose de rire en fracassant ses mains contre la table. Marceau baisse la tête et se gratte le menton pour dissimuler son rire.

  — Ta copine adorait ce genre de petits jeux. Je suis sûr que t'étais pas au courant.

  Voir cette vidéo encadré par les fameuses bandes oranges et noires de PornHub lui donnait la chair de poule. Un vertige qui lui faisait abstraction des paroles de Marceau.

  — Supprime ça !

  — Même si je le fais, y a déjà trois milles personnes qui l'ont vu. Ils ont déjà enregistré la vidéo.

  — Internet n'oublie jamais ! s'écrie Sushi. Vois le bon côté des choses, ta frangine pourrait se faire un nom dans le porno.

  — Ah ! s'étonne Marceau en regardant une notification sur son iPhone. Je viens de me faire certifier par PornHub. T'as raison, Sushi, cette fille dans du porno, c'est vraiment de la qualité. Même les modérateurs du site apprécient.

  — BANDES D'ENFOIRÉS ! VOUS ALLEZ ME LE...

  Elle n'arrive plus à hurler, les muscles de son cou coincent, épris par la colère et les sanglots. La seule chose qui lui reste à faire est de s'effondrer au sol pour déverser toute la rage qu'elle ressentait.

  — Oula, oula ! Évite de taper le manicou, par contre. Il a coûté cher...

  — J'en ai rien à foutre de savoir combien il a couté ! Tu n'as même pas idée de ce que tu viens de faire !

  — Que ça vous serve d'avertissement.

  — Marceau... tu es sérieux, là ?

  — La prochaine fois que je vous vois traîner avec Kevin Bonos, ça sera ton tour.

  — Je ne vois pas de quoi tu parles. Les gens payent pour me voir à poil ! rétorque Maya avec un sourire nerveux. Tu pouvais pas tomber sur pire que moi, coco.

  — Est-ce qu'ils ont tes sextapes ? Hmm... j'en doute.

  — Sayan ne te laisserait jamais faire quelque chose comme ça !

  — Tu as raison, je suis peut-être allé trop vite dans mes menaces. J'demanderai à Thomas de me filer des petits snaps violet de Tamira.

  — Thomas ? Il-il a des trucs sur Tamira ?

  — Thomas a des dossiers sur toutes les filles de Martinique. Rien ne lui échappe, affirme Sushi.

  Marceau tend sa main à Maya pour la relever. Elle lui pince la paume avant de le mordre.

  — Aïe, aïe, aïe ! marmonne Marceau avant de souffler sur sa blessure. Mais ça va pas ? T'es devenue agressive toi, depuis le lycée.

  — Je ne t'ai jamais laissé me marcher dessus quand on y était, ce n'est pas prêt d'arriver maintenant.

  — Écoute, si tu en as marre de voir tes copines se faire afficher, tu sais ce qu'il te reste à faire.

  — Je ne vais pas me remettre avec Sayan pour vos beaux yeux. Vous me donnez juste raison d'avoir quitté ce malade en faisant ce genre de trucs de lâches.

  — Eh bien... si tu n'as rien d'autre à ajouter, la sortie c'est par là.

  Il s'approche de la cheminé et appuie sur deux interrupteurs. Le hall par lequel Maya est passé la première fois s'illumine.

  — La prochaine fois, évite de passer comme une voleuse et préviens.

  — Il n'y aura pas de prochaine fois, Marceau. Tu vas me le payer très cher.

  Elle marche d'un pas précipité tandis qu'elle tord son cou pour toiser Marceau dans son dos. Lorsqu'elle décide de regarder devant elle, quelque chose la fige sur place.

  Parmi les tableaux qui ornaient le mur, l'un d'eux lui fit l'effet d'un court-circuit. Elle le fixe, les yeux exorbités.

  — Ils appartiennent à ma mère, dit Marceau d'un ton sarcastique. Il y a un problème ?

  — Va... te faire foutre. J'ai rien du tout... je vais juste me servir dans ta... pompe à essence ! Après tout ce trajet inutile, tu me dois bien ça.

  Après avoir fait le plein et adressé le plus sincère des doigts d'honneur aux vigiles qui la scrutaient comme si elle était une voleuse, Maya reprit le chemin de la maison. Kevin s'était endormi dans le coffre de la voiture et elle aurait oublié sa présence si seulement il ne ronflait pas à chaque fois qu'elle voulait lancer le poste radio.

  « Bordel de merde... c'était bien Out Opus que j'avais vu ? Mais qu'est-ce qu'il fout chez lui ? »

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