Saison 1 - Épisode 10 : Bienvenue à DPNR (partie 1/2)

  — Allez, p'tit con ! Donne-moi mes sous, maintenant !

  Florent rigole grassement pendant qu'il entend un tintamarre dans les poches de son fils. Kevin soupir en regardant le panneau qui annonçait la sortie de l'agglomération d'un trait barré sur les « Trois-Cités ».

  — La vache, j'ai tellement crié que j'ai mal à la gorge. Roule plus vite, Kevin, j'ai hâte de rentrer à la maison pour prendre du jus de citron.

  — J'espère que le jus fera vite son effet parce que tu auras une nouvelle raison de crier, ce soir, ma petite abeille.

  Envahi par les frissons, Kevin respire d'un rythme haché pendant qu'il tente de garder son attention sur la ligne droite.

  — Merde, la route est bloqué par une opération molokoy.

  — À cette heure-là ?! Les indépendantistes n'ont rien d'autre à faire de leurs week-ends ou quoi ?!

  — Heureusement que j'ai téléchargé un podcast sur l'éveil de l'instinct de flow, sourit Kevin.

  — Hors de question que j'écoute ton audio de fragile avec toi sur MA radio, dans MA voiture ! tonne Florent en balançant le portable de Kevin d'une claque. Sers-plutôt de tes technologies pour nous mettre un GPS ! Il faut qu'on trouve un chimin-chyen.

  — On dit « application », d'abord. Et ensuite, je ne peux pas conduire et chercher le GPS en même temps. C'est formellement interdit par le code de la route.

  — Arrête de me baratiner avec tes bons sentiments. Si tu respectes autant les règles, c'est juste parce que t'es faible et que tu ne sais pas conduire et utiliser ton portable à la fois.

  — C'est le mec qui sait pas ce que c'est qu'une prise jack qui dit ça ?

  — Regarde si je nous fais pas buter un terre-plein central, espèce de petit...

  — ARRÊTEZ, TOUS LES DEUX ! Florent, je te jure que si tu enfonces la voiture quelque part, tu n'auras pas de pipe ce soir !

  Les deux hommes se morfondent dans le silence pendant que Maya active le GPS sur son téléphone.

  Si on peut à la deuxième sortie sur le giratoire d'en face, il y a bien un endroit qui nous emmène à l'entrée d'Améthyste en moins de cinq minutes.

  — Putain, j'le savais ! s'exclame Florent. Qu'est-ce que je ferais si je ne t'avais pas dans ma vie, ma petite abeille ?

  — Tu irais butiner d'autres femmes ? Enfin, si tu ne le fais pas déjà en douce...

  — C'est pas parce que je le faisais à ta mère que toutes les femmes méritent de se faire tromper, Kevin ! Quand on va rentrer à la maison tu vas voir si je vais pas tu butiner la face, puisque tu as l'air de t'y connaître sur le sujet.

  L'essaim redémarra de plus belle. Cette fois, Maya enfonce les AirPods dans ses oreilles et démarre une playlist d'Ariana Grande en fermant les yeux, avec l'espoir que tout s'arrête et qu'ils arrivent suffisamment vite à la maison pour ne pas qu'elle ait à s'endormir.

  — ARRRGHHH !

  — Putain de merde, c'est quoi ça ?!

  — On ne joue plus, Bonos ! Descend de la voiture !

  Sauf qu'en ouvrant les yeux, Maya remarque que les sièges de devant étaient vides et les portières entrouvertes. D'un sursaut au cœur, elle se redresse sur son siège et tourne le regard vers la vitre.

  La voiture, perdue au beau milieu de nulle part, étaient cernés par des bâtiments aussi rêche que le ciment qui les façonnent. D'ailleurs, seuls les tags, qui ornaient ces façades, servaient de peinture. Sur l'un d'eux, Maya se penche et arrive à lire très distinctement « FUCK LES POUCAVES ! » ou encore le fameux « DPNR KA FÈ YO TONBÉ KON DES CHYENS ».

  Sans le savoir, Florent, Kevin et Maya venaient de mettre les pieds dans la cité la plus hostile que la ville d'Améthyste n'ait jamais connue. Le District Préjudiciable Néfaste et Reclus, aussi appelé DPNR par ses fins connaisseur, était le pire endroit où un martiniquais pouvait se trouver.

  — Ça alors ! Allan Marou, quelle surprise !

  Maya est saisi par la panique. Elle ne sait pas quoi faire alors reste allongée sur la banquette arrière. À quelques mètres, Florent rampe sur le sol, les genoux violentés par le ciment qui les ronge. Il avait forcément été traîné par le type bizarre qui riait aux éclats face à lui. Il avait un crâne rasé, des narines aussi large qu'un pot d'échappement et des yeux aussi fins qu'un cure-dent.

  Visiblement, Florent le connaissait puisqu'il l'avait appelé par son prénom. Maya garde son calme et lâche un profond soupir. Il allait forcément pouvoir gérer la situation. S'il connaissait ce type qui ne cessait d'agiter son gun dans les airs comme si c'était un jouet, peut-être qu'ils auraient une chance de repartir d'ici en un seul morceau. Elle allait probablement y laisser son dernier iPhone 12 Pro Max, mais que faire d'autre, et puis ce n'était pas cher payé quand on savait les revenus qu'elle se faisait sur OnlyFans et Instagram. Problème résolu.

  — Missié Bonos ! s'exclaffe le voyou en le regardant ramper à ses pieds. Oh, les gars ! On en tient un bon, là !

  Au vu de la façon dont les types qui commençaient à se rapprocher de la voiture, digne d'une organisation de charognes, Maya n'était plus tout à fait convaincue pouvoir sortir d'ici saine et sauve.

  — Attends... c'est ton ancien prof d'arts ?! renchérit un autre, dont la barbichette noire et le teint mate lui faisait ressembler à un mexicain.

  — Mais si, Salomon ! C'est ti missié qui est là ! Oh, oh, oh ! Si c'est pas le bon dieu qui l'envoie jusqu'ici, fow, alors là je comprends plus rien !

  Florent observe Kevin se faire torturer par deux frères dont les tailles étaient proportionnellement différentes. L'un ressemblait à une armoire à glace et devait faire deux mètres, tandis que l'autre touchait à peine les un mètre soixante cinq et s'ornait d'une crinière de locks bien plus fourni que la sienne. David et Goliath, aka les Frères Jean-Ernest, avaient une réputation corsée dans la ville d'Améthyste.

  Ils s'amusent, avec leurs rires gras et encombrant, à tirer juste à côté des pieds de son fils pour le forcer à chanter et danser toutes sortes de musique de voyou dont les titres ne lui revenaient pas.

  Il fallait négocier et vite.

  — Allan, je vois que tu as beaucoup changé. C'est vrai, tu as l'air d'être devenu plus... plus...

  Allan le regarde, un sourcil arqué, attendant la fin de sa phrase.

  — Plus vif ! C'est le mot que je cherchais.

  Est-ce qu'il allait se rendre compte que Florent hésitait à le qualifier comme tel parce que c'était flagrant qu'il ne collait à ce trait de caractère ? Bien sur que non.

  — Vous trouvez ? bave Allan, tout sourire.

  — Tu vois pas que missié te dis ça juste pour que tu le laisses passer ?! s'énerve Salomon. Ressaisit-toi, fow ! Pose-lui les bonnes questions !

  Florent frappe son poing contre le sol avant de se rappeler qu'il avait affaire à du ciment et souffle sur ses phalanges.

  — Écoute, on est pas venu ici pour chercher des ennuis. Tout ce qu'on veut, c'est retourner à Améthyste.

  — Regardez-moi ça, Bonos qui me supplie de le laisser tranquille !

  Les autres gangsters qui les encerclent se mettent à rire. Kevin sursaute en entendant un coup de feu se glisser derrière le brouhaha des jeunes du quartier.

  — On va voir qui se moque de qui maintenant ! Ma vengeance a sonné ! Isalop !

  Maya, qui entend les hurlements d'Allan malgré la musique qui gronde dans ses oreilles, se met à soupirer. Qu'est-ce que Florent a bien pu faire pour que ce type le déteste à ce point ? Il était clair, qu'au vu de ses menaces, il n'était pas question d'un simple pillage et Florent le savait aussi bien qu'elle.

***

  Deux ans plus tôt, à la fraîche rentrée du mois de septembre à l'université de Martinique, Allan est décidé à suivre le cours de manière assidu. Avec un peu d'abnégation, il s'était résigné à écouter sa mère en stoppant les trafics de drogues qu'il avait l'habitude de faire avec son groupe d'amis.

  Les portes de l'université s'ouvraient à lui. Cette chance de sortir de la rue et envisager un potentiel avenir sonnait possible. Allan était plein d'enthousiasme.

  Pour sa première année, il savait que le niveau exigé en droit, en science politique ou encore en économie dépassaient de loin ses capacités. Cependant, l'art appliqué se rapprochait assez de son âme de rêveur et il avait l'intention de suivre ce cursus qui lui semblait tout à fait abordable (si l'on prend en compte les rattrapages).

  — Bonjour, mesdames et messieurs ! détonne une voix dans les quatre haut parleurs qui condamnent l'amphithéâtre.

  Il y avait une odeur de poussière et des araignées qui se logeaient sous les tables de l'amphi. L'université de Martinique se réputait pour sa très mauvaise organisation et son entretient à remettre au goût du jour. Allan s'assoit sur une chaise qui menace de craquer sous son poids – alors qu'il est déjà maigre – tandis qu'un long grincement vient lui harceler les tympans.

  — J'ai pas besoin de vous réstituez le topo, j'imagine ? continue l'homme à l'autre bout de la salle.

  Allan avait choisi les places du fond, jusqu'en haut de l'amphithéâtre. Alors que le professeur lui paraissait si minuscule, si insignifiant depuis l'endroit où il se trouvait. Cela lui donnait l'impression d'être le roi du monde et il ne céderait rien pour laisser sa placer à quiconque.

  Il éclate le chewing-gum qu'il était en train de gonfler en pleine face lorsqu'il comprend que le professeur prenait un ton sérieux. « Merde ! Je dois noter tout le cours » se disait-il en ouvrant tant bien que mal le cahier qu'il avait acheté à la papeterie, ce matin. Pire encore, Allan venait de constater qu'il lui manquait un stylo.

  — Vous écoutez bêtement ce que je dis, vous prenez des notes sans même vous posez des questions et vous quittez la salle. Voilà ce que vous passez votre temps à faire et après ça s'étonne de décrocher au beau milieu du semestre...

  Heureusement qu'Allan n'avait oublié d'acheter un stylo : il l'aurait noté, celui-là.

  — À partir de cette année, je vais dire des conneries dans mes cours.

  Une vague de huée se soulève contre le professeur qu'Allan n'arrivait pas bien à distinguer. Qui pouvait être le monstre qui venait de proposer un tel concept ? Il n'en savait rien et le pire, c'est que ce cher monsieur avait bien l'air de s'en foutre.

  — Certaines parties du cours que je vous donnerais seront truffés de fautes. Un peu comme des champs de mines, ricane-t-il avant de reprendre. Ce sera à vous et personne d'autre de corriger cette prise de notes tout en cherchant les bonnes informations à la bibliothèque ou sur internet. Et si j'étais à votre place, je choisirais la première option. Il y a beaucoup trop de charlatan et des faux professeurs qui tentent de se construire un palmarès en carton sur internet. Vous ne savez pas sur quel énergumène vous allez tomber.

  « Tchip, trop facile ! » se disait Allan avec un sourire en coin. Les autres camarades qui étaient assis à côté de lui commencèrent à l'observer d'un air inquiet.

  — Tu dis ça parce que tu ne le connais pas, répond l'un d'entre eux.

  — Ce prof est un monstre. Je suis obligé de retaper une année en art à cause de ses contrôles de merde ! pleure son autre comparse.

  — Il veut tous nous voir échouer et là, ça l'amuse !

  Allan ne se laisse pas intimider par l'expérience douteuse de ces deux nigauds. Ils étaient simplement trop stupides pour comprendre la logique du professeur. Discerner le vrai du faux allait être un jeu d'enfant pour lui.

  — Dites-moi, Allan...

  Une semaine plus tard, toujours assis à la même place, seule la bave servait d'encre pour remplir les pages de son cahier. Allan se réveille d'un sommeil où il accomplissait le plus gros hold-up du siècle. Florent Bonos, les bras croisés, sa main dépassant légèrement l'un de ses avant-bras pour soutenir le micro au-dessous de son menton, l'observe d'un regard franc et glacial.

  — E-euh, oui, professeur Bonos ?!

  — Pouvez-vous me donner la définition du sabotage ?

  — Le... le sabotage ?

  Son cœur envoie les pulsations suffisantes pour qu'il se réveille à demander les notes d'un de ses camarades. Faute d'entraide, la binoclarde lui fronce les sourcils et plaque son classeur contre sa poitrine comme le ferait une maman avec son nouveau-né.

  — JE SAIS ! JE SAIS ! MOI, MONSIEUR ! MOI ! s'exclame la même binoclarde.

  — Allan, je vous ai posé une question.

  Elle étire suffisamment sa main pour prendre un morceau de plafond mais le prof n'en a que faire. Allan ne pouvait pas compter sur cette petite coincée pour le sauver. Il fouille dans son cahier et parvient à trouver un fragment de cours qu'il avait noté par chance. Il esquisse un sourire et reprend la ligne qui traitait sur le sujet du « sabotage ».

  Il déploie une gorge sèche, et comme un animateur de conférence, hausse la voix d'un élan assuré et dit :

  « Le sabotage, c'est lorsque l'on met des ferrailles en cercles sous les sabots d'un cheval ». Oups ! Une vague de rire éclate, ils fusent de partout pendant que les tables se font fracasser par des mains hilares. Allan ne voulait pas y croire. Une sensation de froid et de chaud permutait à l'intérieur de lui. La honte le tourmente : la seule chose qu'il avait écrit du cours était une ânerie ? Une mine explosive ?

  — Je savais très bien que tu ne connaissais pas la réponse, ricane Florent à son tour. Je voulais simplement faire rire la classe.

***

  — Et c'est exactement depuis ce maudit jour que je suis devenu la risée de la classe et que j'ai été obligé de quitter la fac ! s'énerve Allan, le fusil tendu entre ses doigts.

  — Écoute, petit... je suis désolé. Je... je ne pensais pas que...

  — Ma maman était fier de moi pour une fois et il a fallu que tu viennes tout gâcher, Bonos !

  Maya l'entend désactiver la sécurité d'un simple cliquetis. Elle s'enfonce dans les sièges et crispe son visage aussi raide qu'elle le peut.

  — Épi kissa, y a aucune justice divine ?! T'es là, tu t'es bien foutu de ma gueule et puis derrière ça tu gagnes pleins d'argent avec ton fucking Octopus... octavius...

  — C'est pas Octopus mais Out Opus ! Espèce de crétin !

  — Kissa ou di a, mafia ?!

  Alors que Florent reste à genoux, Allan pointe l'arme sur sa tête. Il a le doigt qui caresse la gâchette tandis que son ancien professeur arrive à sentir le froid du canon lui glacer la tempe. Kevin, en voyant son père fermer les yeux, se mit à hurler.

  — Euh... hésite l'homme en se reprenant. Je... j'ai dis « crétin » ? Je voulais dire « gratin », voilà !

  — Ahhh... soupire Allan en baissant son arme. Le gratin... ça me rappelle ceux de ma maman... elle aimait les faire en dauphinois.

  — Oui, moi aussi, ça me rappelle ta mère.

  — OH, GADÉ FOW !

  — Allons, allons, messieurs, interrompt Salomon avec un sourire narquois. Vous n'allez quand même pas vous entretuer maintenant ? Les paris n'ont pas encore été faits !

  Il s'interpose entre les deux hommes tandis qu'il lance un signe de tête à Goliath. Le géant se déplace jusqu'à la Nissan Juke.

  Maya n'arrête pas de sursauter devant tant de rebondissement. Si bien qu'elle finit par attraper ce foutu hoquet qui ne veut pas partir. Pire encore, elle respire trop fort. Une ombre se dessine par delà les fenêtres de la banquette arrière.

  — Voyons, voyons, Bonos... tu ne nous avais pas dit qu'il y avait un cadeau pour nous, rigole Salomon. C'est parfait tu as déjà de quoi miser.

  Encastré entre les coudes de Goliath, Maya respire par la bouche et tente de se débattre jusqu'à ce qu'il finisse par la traîner au sol.

  — C'est la petite taspé d'Insta ? demande Allan.

  — Mais si ! Ou pa rikonet manzel ?! continue Goliath. Y a moyen de négocier un marché, là !

  — Personne ne touche à ma petite abeille !

  Contre toute attente, Florent se relève et profite du moment d'inattention de Allan pour lui coller une droite. Ce dernier tombe sur Salomon et tire une balle perdue sous le coup de la panique.

  — Aïe, aïe, aïe ! marmonne Kevin.

  Il donne l'impression de faire une danse indigène pendant que les gouttelettes s'échappent de ses fesses. Un filet rouge.

  Florent, bien que la tension soit à son comble, ne peut s'empêcher de rire.

  — Alors ça y est ? Tu es enfin fini par avoir tes règles ?

  — Tu devrais pas être aussi amusé de la situation, lui rappelle Salomon. D'ici quelques minutes, c'est les fesses de ta copine qu'on va péter comme celles de ton fils.

  — Pardon ?! réagit l'homme. Répète un peu pour voir ?

  — Tu es sûr ? Regarde bien autour de toi, tu me diras si tu veux encore jouer les malins...

  Florent se relève et tourne sur ses talons.

  Perchés par delà les bâtiments érigés, une poignée d'hommes – peut-être par centaine – l'on dans le collimateur. Ils ont tous cette accoutumance patibulaire et ses armes pointées sur lui. Certains rigolent en filmant la scène avec leurs mains de libre tandis que d'autres maintiennent leurs molosses assoiffées de sang qui ne demandaient qu'à être séparés de leurs laisses.

  La motivation de Florent redescend peu à peu. Il regarde Salomon d'un air désolé et pose un genou au sol, suivi de l'autre. Kevin n'arrive pas à croire qu'un homme aussi hautain de son père finisse par se plier aux ordres de quelqu'un d'autre, surtout quand il s'agissait des crapules de DPNR.

  — Qu'est-ce que tu veux ?

  Salomon devait être le pire de tous. Bien qu'il n'affichait pas un physique aussi démesuré et imposant que celui de Goliath, son rire narquois avait de quoi faire frissonner Kevin et Maya.

  — Un combat d'équipe, comme dans une arène de gladiateur.

  Les hurlements se déferlent dans les HLM. Les gangsters tapent contre les murs, ouvrent les fenêtres et tirent dans les airs pour exprimer l'exaltation qui les consument à cet instant précis. Dans un autre univers, Salomon aurait fait un excellent animateur télé.

  — Attendez, on va devoir se battre ? demande Kevin, la voix tremblante.

  — C'est pas le moment de flancher, p'tit con ! Je te rappelle qu'ils veulent violer Maya.

  — Qui a dit qu'elle se ferait violer ? Si ça se trouve elle va dire que c'est toi qui la violait en voyant comment mes soldats vont bien la baiser !

  C'est qu'il avait de la répartie, en plus. Les membres de DPNR se mettent tous à rire en chœur devant tant de show. Kevin détestait ce genre d'ambiance, surtout quand il était le principal sujet de moquerie de toute une bande de gens.

  — Comme dans Qui Veut Gagner Des Millions, je te laisse un joker.

  — De quoi est-ce que tu parles ?

  — Vous n'êtes que trois, ça serait complètement de la triche de se battre contre une équipe aussi faible.

  — Ah, parce qu'il fait vraiment comme si on était dans une arène ? s'étrangle Kevin.

  — Il faudrait commencer à percuter, petit, répond Salomon. Vu la frivole que tu traîne, tes amis ne doivent pas être plus robuste que toi. Il y aura aucun suspens, ça risque d'être un peu nul.

  Florent, lui, ne se laisse pas désirer et saisit son portable. Bien qu'il détestait demander de l'aide, la situation était très loin de tourner en sa faveur. Il n'avait pas le choix.

***

  — Alors, où est la tombola ? demande Lucien en entrant dans la cité.

  — Merde... regardez plus loin ! s'écrie Léo. Est-ce que ce sont les membres du gang DPNR ?!

  — Et Florent, aussi ! I-il y a son fils ! Et sa compagne ! hurle Lucien.

  — Laisse-moi deviner, soupire Arthur. Il est trop tard pour faire marche arrière ?

  Lucien jette un œil dans son rétroviseur intérieur et voit une jeune femme avec un tatouage de papillon sous la paupière pointer une sorte de canon scié sur l'arrière de la voiture.

  — Effectivement, on s'est fait cerné.

  — Florent, espèce d'enculé ! s'énerve Léo. Est-ce qu'il pense une seule seconde à ma femme et mes enfants ?

  — S'il y a bien quelqu'un qui pourrait dire ça, c'est moi. Tu n'as pas de femme, ni d'enfant, rétorque Arthur.

  — Et c'est justement pour ça que j'allais la trouver à la chorale que j'organise tous mes après-midi au collège !

  — Bon, du coup... est-ce qu'on fait semblant d'avoir choppé un arrêt cardiaque pour pas assumer d'être entré dans un guet-apens ?

  — Florent a besoin de nous plus que jamais. On ne peut pas se permettre de l'abandonner.

  — Et puis, c'est pas non plus comme si on avait le choix. Un peu comme les dessins animés chinois sur lesquels se branle Lucien.

  — Répète ça, pour voir !

  Alors que les deux hommes se sautent aux cous, la jeune fille de tout à l'heure tape le canon de son arme contre la vitre du côté chauffeur. Elle mâche son chewing-gum d'un rythme traînant pendant que ses deux scrutent les trois comparses.

  Lorsque Lucien descend la vitre, Arthur commence à paniquer en voyant son phare à paupière criard se plisser.

  — Qu'est-ce que vous branlez ?! Descendez de la voiture ! Les équipes sont presque prêtes ?

  — Est-ce qu'on va jouer au foot ? tremble Lucien. C'est... c'est bien le foot !

  Elle ricane d'une toux grasse et passe sa tête à travers la portière. Son haleine dégage une odeur de souffre qui menace les trois hommes de tomber dans le coma.

  — Hmm... je dirais plus qu'on va faire une petite simulation de Call of Duty.

  En sortant de la voiture, les trois hommes se dirigent vers un autre groupe. Ils semblaient aussi apeurés qu'eux. Johan, Dylan et Régis observent l'armée de gangster qui gravitent dans les tours.

  — On aurait pu se passer de tes abrutis de potes, tu sais ?!

  — On devait être neuf pour jouer ! Tu voulais prendre qui d'autre ?! s'énerve Kevin.

  — Je n'arrive toujours pas à saisir, Kevin nous a vraiment condamné à mort ? demande Dylan pour la énième fois.

  — Droit dans la gueule du loup. Ce sale bâtard m'avait juré qu'il y aurait des jolies filles ! grommèle Johan. La dernière vision que j'aurai avant de mourir sera une bande de macaques s'exciter dans tous les sens après m'avoir collé une balle dans la tête.

  La jeune fille de tout à l'heure se rapproche de lui et vient coller ses lèvres contre le lobe de son oreille. Johan tente de réguler sa respiration en regardant loin devant lui.

  — Qu'est-ce que tu insinue, la pédale ? Je suis moche ? murmure-t-elle en le regardant se figer de terreur.

  — M-mais... pas du tout... pas du tout !

  — Ah oui ? Prend au moins la peine de me regarder quand tu mens.

  Impossible, son cou reste coincé mais il imagine très bien le visage ovale de la racaille scruter le moindre de ses pores. Elle sourit, il l'entend aux légères vagues de souffres qui arrivent dans son nez et parcourent ses tympans dans un sursaut.

  Elle colle ses deux doigts contre la tempe de Johan et approche un peu plus ses lèvres de son oreille.

  — Paw, paw !

  Elle ricane en observant Johan transpirer.

  — Ça suffit, Anaëlle. Tu auras tout le temps de t'amuser avec eux.

  — T'occupe, Salomon ! Celui-là, il est pour moi, dit-elle avant de s'éloigner.

  Johan la regarde marcher devant lui. Ses yeux se perdent sur le mini short un peu trop serré qui laisse à peu près tout se voir. Soudain, il se reprend en voyant que son regard était tombé dans le sien. Elle rigole et tourne une mèche châtaine autour de son index avant de rejoindre les frères Jean-Ernest.

  Bientôt, une chose gigantesque se démarque du reste de la foule. Johan fronce des sourcils en le regardant s'approcher à grand pas. Il est en train de baver, comme si son esprit avait échappé à son corps. Un strabisme l'empêchait de savoir si son attention s'était focalisée sur lui ou ses amis tandis que son ventre rond et ses gros bras lui faisait songer à un ours patraque.

  — Je... suis... pas... arrivé... trop... tard...

  Il parle d'une lenteur incroyable. On aurait l'impression que le sang qui alimente son cerveau a du mal à circuler. Sa voix grave fait cependant froid dans le dos et il fallait être fou pour oser se moquer de son apparence. Qui sait ce qu'il peut faire ?

  — Juste à temps, Ronel. Il ne manquait que toi pour compléter l'équipe de DPNR. Va te mettre à côté d'Anaëlle et les autres.

  Florent prend le temps d'observer le groupe de criminel qui s'aligne devant lui. Il était clair qu'il y avait un déséquilibre. Sa troupe se composait de neuf joueurs tandis qu'ils étaient cinq, en face, avant que Salomon ne vienne s'y ajouter.

  Allan, les frères Jean-Ernest, Anaëlle, Ronel et Salomon lui-même observent la bande, leurs sourires confiants auraient de quoi donner des cauchemars à Kevin.

  — Au moins, on va mourir ensemble, c'est ça le principal.

  — Va te faire foutre, Kevin, grommèle Johan.

À SUIVRE...

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