Chapitre 2

   C'est la fin de la journée. Il était temps. Tout le monde se précipite vers la sortie, pressés de rentrer chez eux ou de sortir avec leurs amis. Tandis que moi, je ne pense qu'à une seule chose : l'Endroit.

L'Endroit est une maison que tout le monde dit "hantée" à cause de son mauvais état. Elle ressemble aux vieilles maisons dans les films où des événements surnaturels s'y produisent. Ce qui est très arrangeant puisque tout le monde la fuit et la craint alors personne ne vient nous déranger.

L'extérieur est si délabré que l'on pourrait croire qu'elle va s'effondrer d'une minute à l'autre. Et lorsqu'on y entre, la poussière nous envahit le nez tel qu'une quinte de toux me prend à chaque fois que je pénètre dans la maison. Seuls quelques rayons de soleil éclairent la maison grâce aux fenêtres, et le mobilier est en ruine et si poussiéreux que l'on peut faire des dessins sur le bois brut. La décoration est très simple, ancienne et dégradée par le temps.

Personne ne s'y rend par peur que quelque chose leur arrive, contrairement à moi et mes amis qui y allons dès que nous le pouvons.

Je n'attends même pas Mike et Jenny mais fonce les écouteurs dans les oreilles et prend directement le chemin pour rejoindre notre repère. Ils sauront où je suis s'ils me cherchent.

Comme prévu, en entrant dans la maison je n'y trouve personne. La maison est vide. Seul les meubles poussiéreux m'accueillent. Comme à mon habitude, j'envoie valser mon sac de cours par terre et monte à l'étage pour aller m'écrouler sur le vieux canapé en face de la télévision des années soixante-dix. Ce canapé est si confortable que je pourrais y passer ma vie si je le pouvais. J'allume la musique grâce au vinyle qui se trouve dans le coin de la pièce et No One de Alicia Keys retentit dans toute la maison. Je danse, je chante et je crie comme une casserole, à en perdre la voix. J'adore faire ça, je me sens libre et vivante. Mais j'arrête au bout d'une vingtaine de minutes, fatiguée et n'ayant plus de voix. Je choisis un livre dans ma petite bibliothèque que j'ai organisé étant donné que je passe le plus clair de mon temps ici, et m'assois de nouveau sur mon canapé.

Plusieurs minutes passent avant que je ne perçoive du mouvement dans les escaliers. Progressivement une tête apparaît au-dessus de la rampe d'escalier. C'est celle de Mike qui me sourit.

-Je me doutais que tu serais ici. Me dit-il simplement.

Il vient s'assoie à côté de moi sans plus rien dire et je pose ma tête sur son épaule tout en continuant ma lecture. Nous restons dans cette position un moment, sans parler, seul le fredonnement de Mike de la musique qui passe se fait entendre.

-Quelque chose ne va pas ?

Il rompit son fredonnement en me caressant le genoux. Lui et moi avons toujours été très tactiles et câlin, tellement que certains ont même étaient jusqu'à se demander si nous n'étions pas ensemble ou si l'on était amoureux l'un de l'autre sans oser se le dire. Entre nous c'et clair, ce n'est même pas besoin de le dire de vive voix, ce n'est que de l'amitié fusionnel. On s'aime mais pas comme tout le monde le pense. C'est le frère jumeau que je n'ai jamais eu.

-Tout va bien, dis-je simplement.

-Tu peux me le dire si c'est à cause de ce midi. De l'altercation avec Kathy.

-Si tu savais à quel point je n'en ai rien à faire. Ça ne me fait plus rien, c'est une habitude maintenant et puis j'ai encore gagné, c'était plutôt drôle.

-C'est vrai. Dit-il en rigolant. Dis-moi, tu veux une blague ?

Je crains le pire. Mike est peut-être beau, intelligent, charmeur et sympathique mais ses blagues peuvent être drôles mais si nulles. Jenny et moi, nous méfions toujours lorsqu'il tente d'en faire une.

-J'ai peur, mais vas-y.

-Qu'est-ce qu'une personne sans anus ?

Et voilà, j'avais raison d'avoir peur.

-Je sais pas, quelqu'un qui est constipée ?

-Non. C'est une personne qui fait pas chier ! Dit-il hilare.

J'ai beau le connaître depuis toujours, ses blagues jamais je ne saurais laquelle il sortira. Et celle-ci, je ne m'y attendais tellement pas, qu'elle me fit exploser de rire.

-Tu vois que mes blagues ne sont pas si nulles.

-Si, elles le sont et celle-là était au delà de la nullité ! Dis-je toujours à deux doigts de la crise cardiaque.

-Très bien, tu en veux une autre ? Tu vas rire.

-Je t'écoute.

-Un jour, j'ai raconté une blague à un parisien, il a pas ris.

Je mis un temps à comprendre, lorsque la révélation vint à moi, je me lève d'un bond, pris un coussin qui se trouve à côté de moi et le lui balancé dans la face.

-C'était pire que nul ça ! C'est la pire blague que tu m'ai sortit en douze ans d'amitié.

Il riposta en me lançant un autre coussin au visage qui lui était à ses côtés. La bataille de polochon commençait. Plusieurs objets tombèrent par terre, se fracassèrent, mais cela ne nous dérangeait même pas. L'euphorie du moment était bien trop présente pour s'arrêter et s'en préoccuper. La bataille n'avait pas eu lieu seulement dans le salon mais aussi dans les chambres, la cuisine et la salle de bain. Toute la maison avait été retournée. On aurait pu croire qu'elle avait été cambriolée.

Nous étions à présent dans le hall d'entrée quand quelqu'un entra. Nous nous arrêtons quelques secondes le temps de reconnaître Jenny et redémarrons aussitôt.

  -Toute la maison est dans cet état ? Demanda-t-elle en inspectant le premier étage de la maison.

Nous ne l'entendions pas. La bataille continuait même si nous commencions à épuiser.

  -J'ai faim, je vais me faire quelque chose à manger, vous voulez quoi ?

La fatigue nous prit et nous jeta par terre. Nous rions à gorge déployée en se tenant le ventre comme si l'événement le plus drôle du siècle venait de se produire sous nos yeux. Entre deux éclats de rire, je répondis à Jenny.

  -Ça dépend, tu proposes quoi ?

Elle regarda dans les placards du haut et du bas et pour finir dans le frigo.

  -Tu as le choix entre chips et soda ou soda et chips. Tu préfères quoi ?

Nous la rejoignîmes sourire aux lèvres.

  -Je penche plus pour soda et chips. Dit Mile en s'installant à table.

Jenny déposa notre repas et lança la conversation. Nous mangions à en faire exploser le ventre, heureusement que je pratique régulièrement du sport chez moi et à l'extérieur.

La discussion passait du sérieux au rire comme toujours. J'ai mit de la musique cette fois-ci avec mon téléphone et chantions encore à tue-tête sur d'anciennes chansons. Chacun chantait de façon à ce que se soit le plus horrible possible.

  -Faudrait que tu te modernises un peu sur le plan musique, June ! Tu n'as que des vieilles musiques ! Se moqua Mike.

  -Saches que les vieilles musiques, comme tu le dis si bien, sont les meilleures.

Le reste de la journée se finit devant la télévision qui ne fonctionne que toutes les demie-heures. Jenny et Mike se sont tous les deux endormis sur moi sur le canapé tandis que moi je pennais à sombrer dans les bras de Morphée, comme à chaque soir.

Les insomnies me sont tombées dessus depuis l'âge de sept ans, lorsque mon père avait voulu jouer avec moi en me faisait peur. J'étais dans ma petite cabane dans le salon que j'avais construite avec des coussins, avec Jenny et Mike et nous nous racontions des histoires qui nous faisaient peur à l'époque. Je ne savais pas que mon père était dans la pièce et qu'il écoutait nos petites histoires depuis un moment. Alors je continuais de raconter l'histoire d'un monstre qui nous faisait peur et nous dévorait pendant la nuit en arrachant membre après membre, je faisais des gestuelles apeurantes, des bruits effrayants. Pour couronner le tout et les faire vraiment peur, j'avais demandé à JM, avant la soirée, de faire des ombres avec son corps et la lumière mais il ne l'avait pas fait. Ce qui m'avais inquiété. Un lourd silence c'était installé, alors on s'était endormis. Et plus tard dans la nuit, très tard, des bruits venant du salon nous avaient réveillé. Nous étions sur nos aguets et faisions le moins de bruit possible. Puis, d'un coup, la "porte" de la cabane c'était ouverte sur un monstre dans l'ombre. On discernait mal ses traits du visage, sa position donnait l'impression qu'il voulait nous manger, puis il émit un rugissement féroce. Ce qui nous acheva. Jenny et Mike étaient morts de peur, à la limite de la crise cardiaque, tandis que moi je m'étais évanouit. Mon père était sortit de l'ombre pour pénétrer dans notre logement de la nuit par peur et mes amis étaient angoissés. Je m'étais réveillée quelques minutes après, mais cet épisode de ma vie fut si traumatisant que depuis, chaque nuit est un calvaire, même si je sais que les monstres qui dévorent les enfants en arrachant membre après membre le corps de ses victimes pendant la nuit n'existent pas. Mais malgré tout, je dois procédé à plusieurs exercices pour réussir à dormir, parfois c'est peine perdue, je ne m'endors que après plusieurs heures pour seulement  quatre heures. Mes amis connaissant mes problèmes de nuit, ne sont pas étonnés si quand ils se réveillent me voient déjà devant la télévision.

Cette nuit, je n'avais pas envie d'essayer les exercices pour m'aider. Je voulais juste écrire. Alors je pris mon sac de cours qui était toujours dans le coin de pièce, la seule chose épargnée pendant la fameuse bataille. Je me posai sur le fauteuil à côté de celui de mes amis et commençai à écrire. L'inspiration me vint d'une vitesse incroyable. Le silence autour de moi me glaçait le sang. Je n'aime pas le silence, c'est froid et oppressant, j'ai l'impression que quelqu'un m'observe, qu'il se cache là dans l'ombre et qu'il attend le bon moment pour se jeter sur moi tel un monstre. Pour réchauffer cette maison, je pars chercher mon téléphone mais en passant devant la chambre qui était autre fois celle d'un petit garçon, quelque chose m'intrigue. Quelque chose qui n'est pas censé être là. Quelque chose de captivant.

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