Prologue
Ben Raychee était probablement ce genre de voisin que tout le monde aimerait avoir. Il était ce personnage sympathique, toujours souriant et poli, que chaque personne appréciait dans le quartier. Ce type d'homme qui était toujours prêt à rendre service et sur lequel on pouvait toujours compter, sans avoir l'impression de le déranger. Il était ce voisin qui avait constamment une tonne d'amis chez lui, surtout les jours et soirs de week-ends, et même si parfois, installés dans son jardin, ils pouvaient faire un peu trop de bruit, personne n'avait vraiment envie de lui reprocher.
Ce vendredi-ci était l'un de ces soirs. Il avait invité six amis à lui, sa femme passant le week-end chez ses parents. Malgré qu'elle et lui aient tous les deux presque trente-cinq ans, ils n'avaient pas encore d'enfant. Ils n'étaient pas certains d'en vouloir. Ils aimaient leur vie telle qu'elle était. Ils verraient bien, ils se laissaient la possibilité de changer d'avis à n'importe quel instant.
Les sept hommes étaient installés dans le jardin, la guirlande passant au-dessus de la table leur suffisant amplement pour s'éclairer. Ils avaient joué aux cartes en début de soirée, mais à présent, à presque vingt-deux heures, ils se contentaient de parler et de rire un peu fort, un verre de pastis ou de bière à la main, grignotant les pizzas qu'ils avaient commandées et coupées en morceaux afin de pouvoir partager.
Ben était à l'instant même en train d'observer la haie le séparant de ses voisins, se perdant un peu dans ses pensées, décrochant de la conversation en cours, comme ça lui arrivait plutôt régulièrement. On disait souvent de lui qu'il était un rêveur. Et là, il pensait au fait que ses voisins et lui s'étaient mis d'accord pour faire pousser une haie depuis quelques mois, puisque la barrière qui avait été en place jusqu'à lors ne garantissait aucune intimité, ni aux uns, ni aux autres.
Ses voisins et eux s'entendaient bien et se respectaient assez pour ne pas empiéter dans la vie des uns des autres, malgré cette vue dégagée sur leurs propriétés respectives. Néanmoins, Ben avait hâte que la haie pousse un peu plus, typiquement d'ailleurs pour ce genre de soirée. Le salon de ses voisins était éclairé et bien qu'il soit vide, ça l'embêtait que ses amis puissent voir l'intimité du couple d'à côté en jetant un simple coup d'œil.
Surtout que son pote Janis avait tendance à toujours faire des blagues graveleuses sur le fait qu'il s'agissait d'un couple d'hommes, qu'importe le nombre de fois où Ben lui avait dit de se taire à ce sujet. Ben, lui, sincèrement, n'en avait strictement rien à cirer. Ça ne changeait strictement rien pour lui. Ils étaient respectueux et sympas, c'était tout ce qu'il demandait. Il n'avouerait cependant jamais à Janis qu'il trouvait quand même l'un des deux un peu étrange.
Ils avaient un bambin, Enzo, qui allait probablement bientôt avoir un an et qui était un bébé toujours souriant, propre sur lui et qui ne manquait clairement pas d'affection de la part de ses parents. Ben s'était promis d'aider ses voisins à construire la petite nacelle qu'ils lui avaient dit vouloir installer sur une tyrolienne reliant deux arbres de leur jardin.
Les yeux de Ben s'écarquillèrent soudainement quand un mouvement brusque chez ses voisins attira son attention, le sortant immédiatement de ses pensées.
« Bordel, il s'est cassé la gueule dans les escaliers. » S'exclama-t-il en se redressant vivement sur sa chaise, attirant l'attention de ses amis, mais il se détendit ensuite légèrement quand il vit un second homme descendre précipitamment les escaliers. « C'est bon, son mar... »
Il ne put cependant finir sa phrase, ses traits se froncèrent tous alors qu'il vit son voisin, celui qu'il trouvait parfois un peu étrange, relever visiblement violemment l'autre, le tirant vivement vers les escaliers. Louis, le plus jeune des deux, semblait vraiment se débattre comme il le pouvait et Ben fut assez sûr de voir du sang sur son visage.
« Putain, il est en train de lui casser la gueule ! »
Ben se redressa vivement sur ses deux pieds avant même de se laisser une seconde pour y penser. Il ne remarqua pas ses amis qui venaient de se tourner vers là où avait été son regard, voyant disparaître le couple dans les escaliers, et tandis que le bruit des pas sprintant de Ben s'éloignaient, ils crurent entendre des cris dans la maison d'en face et se relevèrent dans la foulée eux aussi.
Ben venait de faire se fracasser la porte du portillon des voisins contre le mur, n'y accordant aucune forme d'importance. Il était animé d'une rage et d'une certaine terreur, n'ayant jamais pu ne serait-ce que tolérer le concept même des violences conjugales. Il sauta littéralement les deux marches qui menaient au perron des voisins et ne tenta même pas de frapper ou de sonner à leur porte, il n'en avait strictement rien à foutre des règles de politesse à cet instant.
Il se précipita à l'intérieur, sa gorge se serrant immédiatement tandis qu'il pouvait entendre une voix effrayée supplier.
« Liam, je t'en prie, regarde-moi. Ce n'est pas réel. »
« Pas réel ? Et ça, c'est quoi ? » Hurla une autre voix, enragée, presque animale.
Ben s'en foutait totalement du pourquoi, du comment, du contenu de leurs propos. Alors qu'il fonçait vers les escaliers, il sut juste qu'il ne ferait pas partie de ces gens qui regardent en silence, sans rien dire, ni agir.
« Qu'est-ce que tu fais ? » Craqua la première voix, emplie d'une terreur qui fila des sueurs froides à Ben lorsqu'il arriva essoufflé en bas des escaliers, remarquant avec horreur les hurlements d'un enfant en bruit de fond. « Arrête ! »
C'était probablement le pire cri que Ben n'avait jamais entendu. Il en cauchemarderait probablement à l'avenir. Il ne savait même pas qu'il était autant possible de ressentir la peur de quelqu'un sans le voir. Il se précipita comme il ne l'avait jamais fait dans des escaliers, sentant que ses jambes commençaient à souffrir du manque d'apport en oxygène, mais il ignora simplement ce fait.
Son cœur rata un battement quand il eut enfin un contact visuel sur eux et qu'il réalisa réellement ce qui était en train de se passer. Liam venait de réussir à raffermir une réelle prise sur Louis et semblait s'apprêter à l'instant à le jeter une seconde fois dans les escaliers.
« Qu'est-ce que tu crois être en train de faire exactement sale fils de pute ? » Rugit Ben.
Le bruit de ses pas sur les marches, ainsi que sa phrase, détourna suffisamment l'attention de Liam pour que Louis réussisse à se débattre et tomber au sol. Ben ne réfléchit pas une seconde avant de plonger sur son connard de voisin, le faisant chuter lui-aussi. Louis se recula le plus loin possible, tandis qu'une quantité d'hommes apparaissaient soudainement dans son escalier pour venir au renfort de son voisin.
L'agitation couvrit les hurlements d'Enzo pendant un instant, qui semblait se trouver dans une pièce adjacente. Des coups furent échangés et Liam semblait fou de rage, presque impossible à maîtriser puisqu'ils ne furent pas moins de quatre pour réussir à vraiment l'immobiliser à terre. Janis s'éloigna de quelques pas alors qu'il sortait son portable de sa poche, composant le numéro de la police et refusant d'admettre qu'il entendait bien ce qui pouvait sortir de la bouche de l'enragé.
Il réalisa qu'il était à présent à seulement quelques pas de la victime, tandis qu'il démarrait la conversation avec l'agent d'accueil au téléphone. Son regard croisa celui de l'homme blessé, dont la moitié du visage était recouverte de sang, les joues souillées par des larmes. Il perdit même le cours de la discussion pendant un instant alors que l'homme à terre lui confiait soudainement quelque chose, le cœur au bord des lèvres et l'âme totalement meurtrie.
« Dites-leur d'envoyer une équipe médicale. Liam est malade. Ils n'arriveront pas à le calmer sans neuroleptique... »
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