Chapitre 1 : Du rêve au cauchemar

L'histoire de Louis était de celles qui commencent comme un conte de fée et qui se terminent en cauchemar. Il était ce jeune homme surdoué, qui avait sauté une classe dès l'école primaire et qui était si timide qu'il avait eu quelques difficultés à se faire des amis parmi ses camarades d'un an plus vieux que lui. Il savait qu'il n'était pas très grand pour un homme et l'avait surtout ressenti quand il était arrivé au lycée. Tous ces gamins semblaient démesurément grands comparés à lui.

Le lycée... c'était à cette époque-là qu'on aurait pu penser que son conte de fée avait débuté. Comme toutes les filles, il avait un peu craqué pour Liam, le capitaine de l'équipe de football américain. C'était putain de cliché. Louis aurait pu se moquer de lui-même pour ça. Il avait compris très jeune qu'il était gay, mais ça ne changeait pas grand-chose pour lui, qui n'était pratiquement ami qu'avec ses livres scolaires.

Quand il avait posé ses yeux pour la première fois sur Liam, qui entamait sa seconde année au lycée et dont il avait déjà entendu parler plusieurs fois au détour d'un couloir, Louis n'avait cependant pu que rougir légèrement en admettant que le jeune homme avait quelque chose. Toujours entouré par une multitude d'amis semblait-il, Liam était toujours en train de sourire ou même de rire. On disait de lui qu'il était jovial et amical, en plus d'être un super sportif et chanteur.

Oh ouais, parce que ce type chantait en plus. Louis en avait presque levé les yeux au ciel quand il l'avait appris, mais ça c'était avant d'entendre sa voix pour la première fois lors d'un évènement lycéen. Soudainement, c'était ok qu'ils soient tous dans un mauvais remake d'une comédie musicale pour ados, Louis avait juste admis encore une fois que oui, toute l'euphorie féminine tournant autour de Liam était justifiée.

Principalement focalisé sur ses études, Louis n'avait pas remarqué lors de sa première année que Liam le regardait également très régulièrement. Louis ne pourrait jamais comprendre pourquoi parmi tous, c'était lui qui avait retenu l'attention du gars que tout le monde voulait. Surtout que ça lui était arrivé une seconde fois dans sa vie, un peu plus tard. Apparemment, c'était par qu'il était un magnifique twink.

Sa petite taille, ses courbes douces, sa peau agréablement bronzée, son visage impeccablement rasé, ses cheveux soyeux et ses immenses yeux d'un bleu déroutant semblaient être la panoplie parfaite pour attirer l'attention des garçons populaires qui étaient un tantinet attirés par les personnes du même sexe. De plus, une fois qu'il se sentait à l'aise avec une personne, Louis était apparemment fascinant, si intelligent et possédant un vrai sens de l'humour.

Louis était au début de sa deuxième année quand Liam était venu s'asseoir à ses côtés un midi. Assis sur un banc dehors, un livre sur l'astronomie entre les mains, le cœur du plus jeune avait loupé un battement lorsqu'il avait relevé les yeux sur la star du lycée qui le regardait avec un doux sourire.

« Nos deux prénoms commencent par un L. »

Louis n'avait pas su quoi répondre. Liam avait simplement voulu que l'autre sache qu'il savait déjà comment il s'appelait, parce qu'il s'était intéressé à lui bien avant de le rejoindre sur ce banc. La timidité de Louis l'avait empêché de sortir plus de trois mots à la suite, mais le capitaine de l'équipe avait fait la conversation pour deux. Ils étaient restés ensemble pratiquement une heure et Liam était souvent revenu après ça, naturellement, comme s'ils étaient simplement amis.

Louis n'avait jamais connu de relations ambiguës avant ça, mais il s'était assez rapidement questionné sur le comportement de Liam. Il avait eu l'impression que le jeune homme essayait de le séduire, mais se disait souvent qu'il se faisait probablement des films. Cependant il n'y avait plus eu beaucoup de doutes quand un mois après leur première discussion, Liam lui demanda naturellement si Louis lui ferait l'honneur à la fin de l'année de l'accompagner au bal.

Les choses s'étaient faites très naturellement ensuite, malgré leurs deux ans d'écart. Ils avaient commencé à traîner parfois ensemble en dehors du lycée. Le premier baiser avait eu lieu si spontanément un jour, dans un parc, que Louis avait complètement paniqué, restant statique, les yeux ouverts, faisant rire Liam qui s'était contenté de l'embrasser encore plus doucement. Ils étaient devenus un couple, sans vraiment en parler, juste parce que ça semblait évident.

Liam était beau et sa personnalité plaisait beaucoup à Louis. Il n'était pas sûr d'en être fou amoureux, mais il se savait heureux à ses côtés. Personne au lycée n'avait vraiment osé faire de remarques désagréables, malgré qu'ils soient deux hommes, probablement parce que Liam était totalement populaire et avait simplement assumé leur couple. Louis l'avait alors réellement accompagné au bal, le jour où Liam avait eu son diplôme.

Ce soir-là, ils avaient fait l'amour pour la première fois. Ça n'avait pas été exactement comme le plus jeune l'avait imaginé, mais il avait tout de même apprécié. Ils étaient bien ensemble, en confiance. Après l'été, Liam avait déménagé quasiment à l'autre bout des États-Unis, pour intégrer l'université dans laquelle il avait facilement été pris puisqu'ils avaient besoin d'un nouveau capitaine.

Il restait une année de lycée à Louis et leur couple avait tenu malgré la distance. Liam avait fauté une seule fois, lors d'une soirée, où il s'était laissé embrasser par un garçon. Il l'avait immédiatement avoué à Louis, pleurant de remords, avouant qu'il avait trop bu ce soir-là et qu'il se sentait vraiment seul depuis qu'ils étaient aussi loin l'un de l'autre. Louis pouvait pardonner beaucoup de choses et ceci en faisait partie.

Ça leur avait seulement ouvert les yeux sur le fait que la distance n'était pas une bonne chose pour eux. C'est pourquoi ils avaient cherché un compromis ensemble. Une université où Louis pourrait étudier l'astrophysique et où Liam pourrait faire partie de l'équipe de football américain, même s'il n'était pas capitaine. Ils en avaient trouvé une, même si ça avait été difficile pour Louis de partir une fois son diplôme en poche à plus de douze heures de route de chez ses parents, lui qui était extrêmement proche de sa mère.

Le couple s'était d'abord installé dans un appartement, découvrant la vie à deux. Quand ils avaient vu qu'ils fonctionnaient bien ensemble, après seulement trois mois, Liam avait acheté une petite maison de quartier. Ses parents avaient beaucoup d'argent et n'avaient cessé de lui dire encore et encore à quel point l'investissement immobilier était important. C'est pourquoi le jeune homme n'avait pas hésité à piocher dans son compte largement rempli par sa famille pour acheter cette maison car même s'ils ne faisaient pas toute leur vie ici, il pourrait toujours la mettre en location.

Une semaine après avoir vidé le dernier carton dans la maison, Louis était rentré d'une longue journée à l'université. Il était devenu le chouchou d'un de ses professeurs qui adorait partager avec lui sa passion sur l'espace après les cours, le faisant parfois rentrer un peu tard. Ses yeux fatigués s'étaient cependant mis à pétiller quand il avait découvert une allée de pétales de roses à l'intérieur de chez eux.

Il avait suivi les jolis pétales colorés disposés au sol jusqu'à leur salon où il avait découvert le plus merveilleux des décors. Liam avait fermé les rideaux, empêchant aux voisins de voir les dizaines de bougies, les ballons en forme de cœur, les trois énormes bouquets et le champagne qu'il avait placé ici. Le cerveau surdoué de Louis s'était mis à carburer, essayant de trouver pour quelle occasion Liam avait préparé ceci.

Ça faisait deux ans qu'ils étaient ensemble, mais ce n'était pas la date anniversaire de leur premier baiser. Ce n'était pas non plus leurs propres anniversaires respectifs. Ce n'était pas encore la Saint-Valentin. Il n'y avait pas d'évènement astronomique particulier à sa connaissance, ni de fête nationale. C'est sur ces réflexions qu'il avait sursauté alors que deux mains avaient attrapé tendrement ses hanches. Il avait souri en penchant la tête sur le côté tandis que son petit ami avait embrassé tendrement sa nuque.

Puis, pendant la soirée la plus romantique de leur vie, Liam avait fait ce qui était digne des plus grandes déclarations d'amour, demandant à Louis s'il accepterait de l'épouser un jour. Il ne l'avait pas demandé en mariage ce soir-là, mais ils avaient abordé les sujets de l'avenir pour la première fois avec un sérieux qui les avait tous les deux grandement étonné. Ils s'étaient surtout rendus compte qu'au-delà d'un mariage, ce dont ils avaient le plus envie en réalité, était d'avoir un enfant.

C'était presque sorti de nulle part, ils ne s'y étaient pas du tout attendus. Ils n'en avaient jamais parlé avant et n'avaient pas pensé avoir une envie de paternité partagée et si forte. S'étant tous les deux sus homosexuels très jeunes, ils ne s'étaient jamais vraiment laissés envisager avoir un jour une maison emplie de cris joyeux d'enfants. Pourtant, ils avaient découvert ce soir-là que c'était le rêve caché de l'autre.

C'était la toute première fois que Louis s'était totalement senti en phase avec Liam. Il avait toujours été bien avec lui, il avait une réelle affection bien qu'il doutait toujours parfois qu'il s'agisse du grand amour, mais ce soir-là, il avait su qu'ils pouvaient commencer quelque chose de vraiment beau ensemble. Si vous demandiez à Louis, c'était là que son vrai conte de fée avait commencé.

Ils s'étaient doucement renseignés, avaient même embauché une avocate pour qu'elle leur explique en détails les meilleures démarches. Ils s'étaient liés l'un à l'autre dès les dix-huit ans du plus jeune par un contrat, presque l'équivalent d'un contrat de mariage, sans en être un, parce que Liam souhaitait pouvoir réellement demander Louis en mariage un jour, dans une démarche romantique et non administrative. Cependant, là, ils voulaient être sûrs de pouvoir facilement être tous les deux le parent légal de leur enfant et ça passait par ce papier.

Louis était entré en seconde année à l'université et le professeur avec lequel il s'entendait très bien lui avait demandé s'il souhaitait devenir son assistant, mais également s'il était d'accord pour encadrer les entraînements aux partiels des premières années, deux après-midi par semaine. L'université le payait bien pour ça, l'équivalent d'un petit salaire normal, pour faire deux choses qu'il découvrit adorer : la recherche et l'enseignement.

Il était bon dans les deux domaines et s'épanouissait totalement. C'est aussi dans ce cadre-là qu'à nouveau, sans pouvoir se l'expliquer, il fit craquer le mec populaire que tout le monde voulait.

Harry.

Harry était aussi beau et charismatique qu'une rock-star. C'était sa première année en tant qu'enseignant à l'université. Il était originaire d'Angleterre, avait un accent beaucoup trop sexy et enseignait la littérature. Il avait presque trente ans, était grand, avait de beaux cheveux longs et ondulés, des yeux verts incroyables et un visage très viril, accentué par ses expressions souvent fermées, bien qu'il soit tout aussi magnifique quand il souriait et faisait ressortir ses fossettes.

Il portait régulièrement des vestes en cuir qui lui donnaient un air de leader de groupe pop-rock et bien que comparé à Liam il ne chantait pas réellement, Louis pouvait frissonner plus d'une fois par jour à l'écoute de sa voix grave et lente. Harry était totalement le fantasme secret de Louis, malgré qu'il ne l'avouerait jamais à personne. Ils s'étaient rencontrés dans la salle de repos des enseignants et chercheurs de l'université, où Harry avait regardé Louis avec une intensité qui avait rendu faibles les jambes du plus jeune.

Rapidement, Harry fut l'un des sujets de conversation les plus en vogue de l'université. Que ce soit chez les élèves ou les employés, presque tout le monde avait parlé au moins une fois de lui. Louis avait surpris plus d'une fois, lors des cours qu'il donnait aux premières années, un groupe de jeunes filles parler du professeur de littérature. Il n'avait bien évidement jamais réagi, bien qu'il aurait aimé pouvoir leur avouer qu'il ne pensait pas que l'homme s'intéressait aux femmes.

Parce que s'il y avait bien quelque chose qui avait vite été compris dans la salle des enseignants, c'était que Harry n'avait d'yeux que pour Louis. Très vite, le plus jeune s'était même senti obligé de glisser dans une conversation où participait Harry qu'il était engagé et qu'il essayait de devenir papa. Néanmoins, bien que Harry lui colle constamment aux basques dès qu'ils étaient dans la même pièce et que quatre-vingt dix pourcent de ses sourires ne lui soient réservés qu'à lui, Louis appréciait réellement la compagnie de l'homme.

Harry n'avait jamais eu la moindre parole déplacée, il avait toujours été respectueux et charmant, ne montrant aucun signe d'agacement même quand il entendait parler de Liam. Louis trouvait Harry passionnant, il y avait une part sombre chez l'homme et c'était réellement intriguant, mais elle disparaissait très vite dès qu'il parlait simplement et ouvertement de littérature. Louis s'était même déjà rendu à l'un de ses cours, pour découvrir quel genre de professeur était son nouvel ami et il était épatant.

Il arrivait à accaparer l'attention de toute l'assistance et ce n'était pas simplement parce qu'il était beau. Il rendait intéressant même ce qui ne semblait pas l'être à l'origine. Louis avait découvert avec lui qu'il trouvait l'intelligence vraiment attirante. Il savait qu'il était lui-même un surdoué, personne n'assistait un professeur de renom dans ses recherches dès sa deuxième année d'université s'il n'était pas doté de certaines facultés, cependant il n'avait pas su que l'intelligence chez les autres pourrait aussi le faire vibrer.

En parallèle, Liam entendit parler via une amie de ses parents d'une mère porteuse qui correspondait totalement à ce que Louis et lui recherchaient. Ils n'avaient pas pensé se lancer forcément aussi tôt dans tout ça, mais depuis qu'ils avaient parlé de paternité il y a de ça presque un an, ils n'avaient pas vraiment trouvé de raison de repousser le projet. Ils avaient déjà peaufiné pratiquement toutes les démarches administratives et cette jeune femme était maintenant pratiquement mise sur leur route, bien qu'elle vive dans la même ville que leurs parents à douze heures de là où eux habitaient à présent.

Elle avait déjà offert à enfant à un couple qui n'en voulait pas d'autres, mais qui n'était pas contre que leur enfant rencontre un jour ses demi-frères et/ou sœurs. Elle était elle-même encore d'accord pour avoir deux autres grossesses et Liam et Louis voulaient deux enfants. Louis pensait que ce serait une bonne chose pour ses enfants d'avoir un lien du sang, via la maman. Liam et lui pourraient être chacun donneur sur l'une des deux grossesses. Leurs enfants pourraient rencontrer leur autre demi-frère s'ils le souhaitaient plus tard.

Alors qu'il avait à peine dix-neuf ans, un des spermatozoïdes de Louis féconda l'ovule de leur mère porteuse et un nouveau chapitre de son conte de fée débuta. C'était aussi à partir de là que le cauchemar commença à montrer le bout de son nez. La grossesse avait débuté depuis un mois lorsque Liam se blessa très sévèrement lors d'un match. Le diagnostic fut terrible à encaisser. Le jeune homme allait mettre des mois à se remettre de sa blessure et il ne pourrait jamais rejouer à haut niveau.

Liam perdit évidemment sa place dans l'équipe et ses notes universitaires n'étaient largement pas suffisantes pour qu'il puisse sérieusement envisager de continuer ses études. Ça n'allait pas vraiment avoir d'impact sur leur qualité de vie puisque Liam avait beaucoup d'argent de côté et que Louis gagnait aussi un salaire, mais l'impact moral fut conséquent. Liam passa plusieurs semaines à tourner en rond chez eux avant de se dire qu'il pourrait peut-être faire agent immobilier, d'autant plus qu'il présentait bien et avait la tchatche.

Cependant, pour occuper les nombreuses heures qu'il passait avant pour ses entraînements, Liam se mit de plus en plus à traîner avec un type que Louis n'appréciait pas plus que ça. Ce genre de type qui fichait sa vie en l'air en prenant toutes les mauvaises décisions. Il entraîna Liam dans l'une d'entre elles en le faisant commencer à fumer du cannabis.

Louis savait à présent. Il savait que beaucoup de gens étaient porteurs de cette maladie. Qu'elle pouvait ne jamais se déclencher, qu'on pouvait vivre avec sans que ça ne se réveille jamais, restant silencieusement endormie dans nos gènes. Il savait aussi que malheureusement, le cannabis était un super déclencheur, qu'énormément de personnes ne le savaient pas, mais fumer cette merde en ayant vingt ans était un risque considérable de réveiller cette saloperie qui aurait pu rester endormie.

S'ils étaient honnêtes, Liam avait déjà eu quelques bizarreries avant ça, par le passé, mais rien d'aussi poussé que tout ce qui était arrivé par la suite. Louis ne pourrait même plus faire une liste exhaustive de toutes les choses étranges qu'avaient faites ou dites Liam. Ça lui avait souvent fait froncer les sourcils. La plupart du temps, il avait juste fait semblant que ça ne venait pas d'arriver. Il n'arriva plus à le faire cependant une fois que leur fils fut là.

La grossesse s'était extrêmement bien passée et Enzo déboula dans leur vie comme la plus belle des merveilles. Ils l'aimèrent immédiatement d'un amour sans limite. Il était leur rayon de soleil, leur trésor, leur raison de vivre. Il était leur rêve et bien plus. Il était un bébé parfait, avec les beaux yeux de Louis, un sourire constant sur ses lèvres, des gazouillements adorables. Louis découvrit qu'il pouvait aimer quelque chose plus qu'il n'aimait l'astrophysique.

Et ce fut là que Louis ne put plus faire semblant d'ignorer les bizarreries de Liam. Pas quand ça impactait potentiellement la prunelle de ses yeux, pas quand ça pouvait toucher son fils. Une nuit, il avait retrouvé Liam dans la chambre d'Enzo, frappant le mur violemment avec une chaussure, réveillant forcément le bambin. Quand Louis avait voulu savoir ce qu'il se passait, Liam lui avait désigné le mur, lui parlant d'une énorme araignée marron que le plus jeune ne vit jamais.

Un autre matin, Louis écarquilla les yeux quand il réalisa que Liam était en train de mettre du café dans le biberon de leur fils. Quand il l'avait engueulé, Liam n'avait jamais voulu reconnaître qu'il s'agissait de café et non de lait pour bébé, qu'importe à quel point Louis lui avait agité le paquet sous les yeux.

Le problème était qu'il y avait bien trop d'exemples comme ceux-là. La fois qui avait définitivement fait réagir Louis fut celle où ils étaient en voiture, roulant pour rejoindre leurs familles pour les fêtes, les premières d'Enzo qui allait bientôt avoir quatre mois. Louis venait d'enchaîner cinq heures de conduite et s'était assoupi rapidement lorsque Liam avait repris le volant. Son sommeil avait été de courte durée cependant quand soudainement son conjoint s'était mis à hurler dans la voiture.

« Tais-toi ! »

Louis avait sursauté, se réveillant d'un coup et regardant Liam qui semblait tellement en colère. Enzo s'était mis à pleurer, probablement abruptement réveillé lui aussi. Louis n'avait même pas été capable de demander ce qu'il s'était passé, ayant probablement trop peur de la réponse. Il y avait eu un silence de mort dans la voiture où Liam venait apparemment de crier sans raison. Au fond de lui, Louis avait tout de suite su, trop de voyants s'étaient déjà allumés avant celui-ci.

« On devrait peut-être prendre rendez-vous avec un psychiatre... » Avait-il dit tristement.

Liam avait des hallucinations visuelles depuis quelques temps déjà et Louis venait seulement de réaliser qu'il en avait également des auditives, sûrement un peu mieux dissimulées jusqu'à présent. Ils n'en avaient pas reparlé au cours du trajet, ni pendant les fêtes. Quand Louis avait annoncé une date de rendez-vous à Liam lorsqu'ils étaient revenus chez eux, l'homme de vingt-deux ans n'avait pas bronché.

Un mois plus tard, Liam avait donc eu sa première consultation, qui avait duré presque une heure et demie. Louis était resté dans la salle d'attente, ayant laissé Enzo avec sa nounou, ne voulant pas le mêler à ça. L'étudiant en astrophysique avait compris que son conjoint était réellement malade quand le psychiatre leur avait demandé de revenir ensemble trois jours plus tard, le lendemain d'une réunion interdisciplinaire hebdomadaire.

Ils avaient alors été reçus et l'homme d'une cinquantaine d'années leur avait expliqué calmement, mais sans tabou, la maladie de Liam. Il avait mis un mot dessus, un diagnostic. Il n'avait fait aucune remarque lorsque des larmes silencieuses avaient coulé sur les joues de Louis, ni quand la même chose était arrivée sur celles de Liam plus tard au cours de l'entretien. Il leur avait expliqué l'origine, le lien possible avec le cannabis, le fait que Liam était pile dans la tranche d'âge où ça se déclenchait souvent.

Avec l'accord du patient, un traitement avait vu le jour. Un traitement lourd. Qui avait changé leur vie. Des neuroleptiques. Le psychiatre avait expliqué que ça prendrait longtemps pour qu'ils trouvent le dosage parfait pour Liam. Il faudrait le réévaluer pratiquement tous les dix jours. Il y avait des prises de sang aussi, et Liam détestait ça. Le psychiatre avait expliqué que ça ne pouvait fonctionner que si Liam adhérait vraiment à la démarche.

Louis avait été averti qu'il y avait de grandes chances pour que Liam préfère parfois sa vie pleine d'hallucinations, plutôt que celle sous traitement, surtout tant que celui-ci ne serait pas parfaitement adapté. Avec le traitement, Liam était souvent à côté de ses pompes, comme s'il était anesthésié, son cerveau et son corps au ralenti. Même s'il ne le disait pas, Louis n'était pas sûr non plus de préférer ce Liam-là à celui qui frappait contre des araignées qui n'existaient pas.

Ils n'avaient plus aucun moment de partage. Liam était souvent morose, amorphe. Louis espérait qu'ils trouveraient rapidement le dosage parfait, celui qui permettrait à la réalité erronée de Liam d'être mise sous silence, tout en le laissant quand même avoir une chance d'interagir correctement avec son entourage et son environnement. Louis et lui n'avaient plus aucun échange intellectuel et ce n'était même pas la peine de parler de leur vie intime.

Ils annoncèrent la maladie à leurs parents et uniquement à leurs parents. Les quelques amis qu'ils s'étaient fait ici n'en furent pas informés. Leurs voisins non plus. Personne. Pas même Harry, qui était celui que Louis estimait être le plus proche d'un meilleur ami qu'il n'avait jamais eu. Bon, il n'était pas sûr qu'on soit sensé être attiré par son meilleur ami, mais Louis s'en fichait. Son amitié avec Harry lui était vraiment précieuse.

Ils ne s'étaient jamais vus en dehors de la salle de repos des professeurs de l'université, même alors qu'ils se connaissaient depuis plus d'un an et demi maintenant, mais ils y mangeaient ensemble deux fois par semaine, avant les cours que donnait Louis l'après-midi. Ils parlaient d'absolument tout et c'était tellement agréable, surtout maintenant que Louis n'avait plus vraiment personne avec qui parler chez lui. Harry était toujours attentif à lui et Louis aimait la façon dont l'homme le regardait.

Le regard de Liam était vide la plupart du temps.

C'est pourquoi Louis aurait vraiment dû le voir venir. Il s'en voulait tellement à présent. Il aurait dû remarquer que Liam semblait moins éteint. Il avait naïvement voulu croire qu'après plus de quatre mois de mise en place du traitement, ils avaient enfin trouvé un bon dosage. Liam et lui avaient même réussi à faire l'amour deux jours avant. Louis n'avait simplement pas voulu envisager le pire.

Il avait tellement eu besoin de retrouver Liam, cet homme confiant avec qui il s'était mis en couple il y a presque cinq ans. Peut-être que Louis avait eu un plus gros crush pour Harry que celui qu'il n'avait jamais eu pour Liam, mais ça ne voulait pas dire qu'il n'avait pas énormément d'affection pour son conjoint. Il laissait même les gens parler de Liam en le considérant comme son mari, quand bien même ils n'étaient pas vraiment mariés, parce que c'était avec cet homme-là que Louis avait décidé de vivre.

Vivre. C'était tout ce qu'il avait voulu faire, tandis qu'ils s'étaient abandonnés dans leurs caresses deux nuits auparavant. Refusant d'admettre que Liam avait en réalité probablement arrêté de prendre son traitement.

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