ᴄʜᴀᴘɪᴛʀᴇ {𝟐𝟎}

20.

« Loving her seems tiring »
~Pacify Her~MELANIE MARTINEZ

—{  F L A S H B A C K }—

{ P O V    E X T É R I E U R }

- Résidence de la famille Bahng,
Corée, 20 ans en arrière -

« Qui est cette magnifique petite fille ? À qui est cette princesse ? »

Les mots doux prononcés par Sara Bahng, la mère de la petite Rose, étaient accompagnés de rires enfantins tandis qu’elle chatouillait délicatement son unique fille.

« C’est la fille à maman ! » souriait la mère avant de parsemer Rose de bisous tendres sur son visage.

Assise sur son lit conjugal, elle finit par prendre sa fille d’un an sur ses genoux et l’envelopper de son étreinte maternelle.

Rose venait de se réveiller de sa sieste, les joues roses et les yeux encore à demi-clos. Cependant, son sourire ne fanait pas, illuminé par les cajolieries de sa mère.

Sara Bahng était une femme douce, aimante et pleine de vie. Bien qu'elle ait vécu dans la violence au sein du gang de son père, elle n'en était pas moins humaine. Elle fut contrainte d'épouser Bahng Hwa-Pyung, vendue par son géniteur. Cependant, Rose était la plus belle chose qui lui soit offerte par le ciel, alors elle ne regrettait rien. Elle aimait sa fille plus que tout au monde, elle était prête à donner sa vie pour cette dernière.

Elle lava Rose, l'habilla et était sur le point de la coiffer avant que trois coups timides ne l'interrompent.

- Vous pouvez entrer, intima-t-elle sagement.

Sa femme de chambre entra alors, ce qui fit naître un sourire compatissant sur le visage de la mère Bahng.

- Madame, je m'excuse de vous importuner, mais votre mari souhaite vous voir dans son bureau, s'inclina-t-elle respectueusement.

Sara embrassa le front de sa fille avant de se lever.

- Merci, Soo-min, je te confie Rose.

S’approchant peu à peu du bureau de l’homme qu’elle avait épousé deux ans auparavant, elle entendit la voix menaçante du parrain. Elle craignait qu’il ne s’en prenne encore à son fils, Christopher. Alors, elle pressa le pas et frappa à la porte, puis pénétra l'entre du diable.

- Sors de mon bureau ! Hurlait Hwa-Pyung, debout derrière son bureau et la main pointée vers la sortie.

Il s’adressait effectivement à son jeune fils de 3 ans. Christopher pleurait silencieusement, un dessin à la main. Il s’exécuta et quitta le bureau de son paternel sous le regard horrifié de sa belle-mère.

- Hwa-Pyung ! C’est un enfant, tu ne peux pas lui hurler dessus comme ça, ce n’est pas l’un de tes hommes de main, se prononçait-elle une fois le garçon parti.

Le parrain lança un regard froid et cruel à sa compagne avant de se rasseoir.

- Tu ne vas certainement pas m’apprendre à éduquer mon fils, Sara, dit-il en insistant sur le « mon ». Je travaillais, et il est venu m’embêter. Je l’ai seulement réprimandé pour qu'il ne recommence pas.

- Il voulait te montrer son dessin.

- Je n'en ai rien à foutre, d'accord ? Ce petit va devenir un grand mafieux à l'avenir, il doit apprendre à s'endurcir !

- A trois ans ? rétorqua-t-elle, les sourcils froncés.

- Bon, ça suffit ! Prépare-toi, ce soir nous sommes invités chez les Lee. Va-t’en, maintenant.

Sara était peinée, elle se sentait si impuissante et vulnérable face à son mari. Ce n'était pas la première fois qu'elle constatait le comportement violent du mafieux envers son fils et elle savait également qu'il refusait qu'elle ne s'occupe de Chris. Mais ça, elle s'en moquait.

Sara aimait Chris comme son propre fils. Bien qu'il soit d'une autre mère, son affection pour lui était incommensurable. Cependant, elle avait remarqué qu'il était réticent, qu'il évitait tout contact avec elle, toute preuve d'amour. Cela la brisait.

Elle abandonna son époux et partit à la recherche de Christopher. Elle scrutait chaque recoin de la demeure, inquiète pour le garçon qui semblait avoir disparu. Elle appela son nom à plusieurs reprises, mais il n'en était rien.

Après une heure de recherche, elle finit par le retrouver caché dans l’un des placards de la résidence, recroquevillé sur lui-même et les mains en position de défense devant son visage.

« Chris... »

L’Australo-Coréen abaissa ses bras, ne laissant apparaître que ses yeux brillants de larmes. Sara s’accroupit à sa hauteur et prit ses mains entre les siennes afin d’apercevoir l’intégralité de son visage. Ce qu’elle vit lui déchira le cœur : ses joues étaient marquées et ses lèvres formaient une moue blessée. Ce qui restait de son dessin reposait contre son petit torse : il l’avait déchiré.

- Chris, pourquoi te caches-tu ? Je voulais voir ton dessin, moi, lui disait-elle tendrement.

Il baissa les yeux.

- Non...

- Comment ça, non ?

Il secoua la tête de gauche à droite, frustré.

- Rose a besoin de toi... c'est un bébé, finit-il par répondre.

Étonnée, Sara haussa les sourcils : elle venait de comprendre pourquoi il prenait une telle distance avec elle.

- Mais toi aussi, tu as besoin de moi, tu ne penses pas ?

Il secoua de nouveau la tête. Elle ne voulait pas qu’il pense de cette manière, qu’il ressente les choses comme cela, comme s’il ne méritait pas son amour parce qu’elle était avant tout la mère biologique de Rose et non la sienne.

- Je suis aussi ta maman, Chris. Moi, je t'aime comme mon fils. Et toi, tu ne m'aimes pas ? Lui sourit-elle.

Le garçon fondit en larmes avant de se blottir contre la jeune femme.

- Si...

Sara sourit davantage en entendant la première confidence de l’enfant. Elle le serra d’autant plus contre elle et lui promit chaleur et amour. Ce garçon méritait toute sa dévotion, autant que Rose.

—{ F I N   D U    F L A S H B A C K }





















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{ P O V    D E   J Y I H A }

- México City , Mexique. -

Je garais ma voiture dans un créneau parfait — sans prétention aucune — étant arrivée près du commissariat où était retenu Namjoon. Cet homme ne m'accordait aucun répit. Néanmoins, sa présence pour le moment était supportable, mais ça ne risquait pas de perdurer.

En ce jour nuageux à Mexico, je m’étais vêtue d’une élégante robe noire m’arrivant aux cuisses. Je portais une paire d’escarpins et sur mes épaules reposait un blazer en tweed assorti à ma robe. En somme, j’incarnais la parfaite épouse fortunée coréenne venue à la rescousse de son très cher et tendre mari.

Je m’emparai de mes lunettes de soleil que je posai instinctivement sur mon nez avant de faire claquer mes talons sur le bitume en direction du poste de police. Je roulai des hanches, toujours plus imprégnée dans mon rôle, jusque dans l’édifice.

Le commissariat était bondé ; mes sens étaient désormais en alerte. Le son insupportable des téléphones de bureau sonnant chaque seconde, les agents qui s’activaient, les Mexicains en garde à vue qui patientaient, les familles qui hurlaient en déposant leur plainte : c’était officiel, je détestais les bureaux de police.

Malgré mes nombreuses tentatives au cours desquelles je cherchais désespérément l'aide d'un des policiers présents, on ne semblait m'accorder aucune attention. Ma patience avait des limites, et celle-ci atteignit son paroxysme lorsqu'un ivrogne me bouscula sans une once de gêne avant de m'éructer à la figure.

Je me tournai, indignée vers le vieillard, ricanant hypocritement de son geste déplacé et terriblement salace. L'idiot se mit à rire, son cerveau peu développé d'alcoolique lui suggérant que j'avais apprécié son rot et que j'en riais, amusée. C'en était de trop : ma main retrouva rapidement sa joue chaude et fripée.

L’homme soul perdit tout appui, puis ses fesses s’écrasèrent contre le carrelage usé du bâtiment, provoquant les hoquets surpris des personnes qui nous entouraient. Il se releva difficilement, le regard désormais haineux. Je le fixais intensément tandis qu’il accourut avec rage vers moi. Et Dieu seul sait à quel point la boisson alcoolisée qui pulsait dans ses veines pouvait transformer un homme en un véritable démon.

Des policiers intervinrent finalement, interceptant l’homme dans sa quête de vengeance et le plaquèrent au sol. Il ne fallut pas plus de dix secondes pour que l’ivrogne ne quitte notre dimension, assommé par l’un des défenseurs de la paix. Honnêtement, cette petite scène fut bien ridicule, mais je réussis au moins à attirer l’attention des agents.

- Vous allez bien ? Me demanda l'un des hommes.

Il était temps pour moi d’user de mes talents d’actrice.

- Moi ? Je retirai hautainement mes lunettes. Vous vous moquez de moi ? Cet homme est censé être sous votre responsabilité ! Il était complètement ivre, il aurait pu me blesser !

- Navré Mademoiselle, il nous a échappé car nous sommes en sous effectif.

Le pauvre policier devait avoir la trentaine. Cependant, malgré ses politesses, il n’inspirait aucune confiance.

- Est-ce réellement mon problème ? Et puis c'est Madame, Madame Kim !

- Navré Madame Kim.

- Arrêtez de vous excuser, bon sang ! Je devrai signaler votre commissariat !

Son regard se durcit.

- Excusez-moi ?

- Vous avez très bien entendu ! Vous avez arrêté mon mari alors qu’il est innocent. Aviez-vous au moins un mandat d’arrêt ? J’exige de voir le mandat d’arrêt ! Criais-je un peu plus fort afin d’attirer l’attention des civils présents.

- Calmez-vous, Madame Kim, je vous prie, et baissez d'un ton. Nous sommes dans un commissariat, me suppliait-il sévèrement.

- Que se passe-t-il ?

Un autre homme, semblant un peu plus âgé et de grade supérieur, fit son apparition. Les mains derrière le dos, le brun aux yeux verts me fixait avec supériorité, comme s’il avait percé à jour ma couverture.

- Eh bien, c'est que, monsieur... Bafouait l'autre énergumène, traduisant le profond respect qu'il éprouvait pour ce dernier.

- Bonjour, Madame, je suis le lieutenant Rodríguez. Il prit ma main pour me saluer. (Rappelez-moi de me la désinfecter en rentrant.) Je vais vous prendre en charge, suivez-moi.

Son bras m’indiquant la route à emprunter, il m’invita à le suivre, ce que je fis sans broncher, agacée par ces pertes de temps. Namjoon devait m’attendre depuis des lustres maintenant.

Le lieutenant Rodríguez m'accueilla dans son bureau, à l'abri des regards, des oreilles mais surtout du boucan. Il s'asseya derrière son bureau, en face de ma personne, son aura lourde et imposante me surplombant toujours. C'était officiel, je haïssais cet homme.

- Voulez-vous qu'on vous apporte une tasse de thé ?

Il caressait dans le sens du poil.

- Empoisonnée ? haussai-je un sourcil.

Il me toisa avec intérêt, il semblait m'étudier. Il rit ensuite, très fort.

- Vous êtes amusante, madame Kim. Vous l'a-t-on déjà fait remarquer ?

- Énormément. Cependant, excusez mon manque de tact, mais il ne me semble pas vous avoir confié mon nom.

- Je vous ai entendu discuter avec l'agent García.

Mais bien sûr.

- Alors, quel bon vent vous amène par ici ?

Ses prunelles vertes étaient semblables à un tunnel sans fin dans lequel on pouvait s’y perdre sans jamais y retrouver la raison. Elles vous perçaient avec une telle ardeur qu’il en était difficile de s’en sortir indemne.

- Vos hommes ont injustement arrêté mon mari. Je suis là pour chercher des réponses.

Mais je savais contrôler ces profils, car j'étais aussi complexe qu'eux.

- Son nom ?

- Kim, Kim Namjoon.

Une lueur traversa ses iris. Il venait de comprendre quelque chose. Après un certain temps à m’observer, son attention se retrouva focalisée sur son ordinateur dans lequel il entra le nom du mafieux.

- Votre mari est un criminel, madame Kim. Il a enlevé une jeune innocente, l'a séquestrée et Dieu sait ce qu'il a pu lui faire. Il me détailla avec froideur. Il mérite d'être enfermé ici. Yong Jyi-ha n'a pas demandé à être enlevé par cette erreur de la société.

Oh mon Dieu.

C'était de loin le discours le plus hilarant que j'aie pu entendre en 24 ans de vie. Kim Namjoon ne me faisait pas vivre un enfer, car j'étais le démon de son existence.

J’observai longuement le lieutenant aux pupilles vertes avant d’être prise d’un fou rire incontrôlable sous les yeux ébahis du Mexicain. Lorsque je daignai enfin reprendre mes esprits, je mis ma main devant mes lèvres puis déclarai :

- Veuillez m'excuser, lieutenant Rodríguez, mais ce que vous venez de dire est hors de propos. Namjoon n'a ni enlevé cette femme, ni séquestré.

- Nous avons des preuves à l'appui, madame. Écoutez, nous savons que les familles des criminels ont souvent du mal à-

- Monsieur Rodríguez, le coupais-je. Vos preuves sont soit erronées, soit inexistantes. Mais je suis navrée de vous annoncer que vous me prenez pour une idiote puisque je suis Yong Jyi-ha. Namjoon est mon époux, il ne m'a pas enlevé ou je ne sais quelle autre sottise incongrue.

Le brun qui adoptait jusque-là une posture condescendante vit son regard se transformer en une myriade mi-surprise, mi-amusée. Rusé, il se rhabilla presque instantanément d’un regard à la fois confus, troublé et sévère.

- Vous êtes Yong Jyi-ha ?

- En chaire et en os, souriais-je sarcastiquement. Alors maintenant, dites-moi, où est le mandat d'arrêt ?

- Je ne suis pas chargé de l'affaire, Madame.

- Bien, alors ramenez-moi le responsable de cette erreur pitoyable, rétorquai-je dramatiquement, les yeux au ciel, toujours aussi fausse.

Nous étions deux acteurs, assis l'un en face de l'autre.

- J'aimerais vérifier vos papiers d'identité.

Un rictus hornant mes lèvres roses, je lui tendis ma pièce d'identité. Il cherchait à gagner du temps.

- C'est cadeau. Murmurais-je en lui confiant notre acte de mariage en prime.

Il examina les documents, la mâchoire contractée.

- Je veux voir Namjoon, dis-je.

- C'est impossible, il n'a le droit qu'à son avocat, répondit-il du tac au tac, ses yeux toujours rivés sur ma carte d'identité.

- Faites-le ou je vous dénonce à l'ambassade de Corée pour votre incompétence. Et j'ai de très bons amis qui travaillent à l'agence gouvernementale Nowhere.

- Vous n'oserez pas.

- Vous pensez ?

Ses pupilles rencontrèrent les miennes, débutant une bataille de regards effrénée. Il était clair qu’il recherchait une faille tandis que je le menaçai à travers cette simple œillade.

Néanmoins, ce lieutenant était bien intelligent et considéra mes paroles. Il finit ainsi par hocher la tête et me rendit mes papiers.

- Très bien, Madame, je vous emmène voir votre mari. Mais en ce qui concerne sa sortie, il faudra m'accorder un peu plus de temps.

- Débrouillez-vous pour qu'il soit dehors avant 18 heures, et je suis généreuse.


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{ P O V    D E    N A M J O O N }

- Commissariat, México City -

On m’amena en salle de détention provisoire, en attente d’un interrogatoire qui ne fit d’ailleurs jamais son apparition.

J’en étais certain, ces agents n’avaient fait qu’exécuter les ordres sans avoir protégé leurs arrières. Ils n’avaient aucune stratégie. J’espérais seulement que Jyi-ha ne s’était pas attiré d’ennuis.

Assis, les jambes croisées et un bras déposé sur la table devant moi, j’arborai une mine calme et détendue.

J'aurai enlevé Jyi-ha ? Quelle bonne blague lorsqu’on sait que cette dernière s’était imposée à moi en me menaçant avec cette stupide clé USB. Cette femme était unique, et dangereuse.

Soudain, la porte s’ouvrit, laissant une pointe de lumière pénétrer l’antre de la pièce grise et sombre dans laquelle je me trouvais. Un jeune agent, auquel je ne donnerais pas plus de 22 ans, aux airs de tombeur né, se tenait là, un talkie-walkie à la main.

Je l’observai s’approcher de moi, tirant une chaise qu’il installa auprès de ma personne, un sourire dessiné au coin de mes lèvres. Durant de longues secondes, seul le bruit métallique des bagues glissées sur mes doigts martelant la table à un rythme régulier accompagnait le silence de mort dans lequel nous baignions.

- On dit que vous auriez enlevé et agressé une jeune femme.

Je fus étonné de constater qu’il parlait coréen.

- Ai-je la carrure adéquate ?

- Pas vraiment, j’aurais plutôt dit un homme d’affaires ou un truc dans ce genre.

Je souris amusé.

- Vous pensez que j'ai enlevé cette femme ?

- J'en sais rien, moi. Je fais mon taf et puis c'est tout.

- Vous êtes bien jeune.

- Ah, vous trouvez ?

- Moi, je pense qu'on vous a donné un petit coup de pouce, je me trompe ?

Les jeunes étaient bien expressifs de nos jours : son visage se décomposa, il semblait que je venais de percer à jour son petit secret. Quelle honte pour un jeune policier de son acabit d’avoir eu recours à des pots-de-vin, c’était la raison de sa stupeur.

- Vous êtes pathétique. C'est vous le criminel, c'est à moi de vous interroger.

- Si ça te fait plaisir.

- Vous me tutoyer maintenant ? Ricanait-il nerveusement.

« le lieutenant Rodríguez arrive », le prévenait une voix à travers son talkie-walkie.

Le jeune homme me lança un regard noir avant de se lever. Prêt à quitter la pièce, je l’arrêtai et lui confiai :

« Dis-moi combien t'a payé mon père et je ne dirai rien sur tes magouilles. »









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{ P O V    D E     J Y I H A }

Le lieutenant Rodríguez s’arrêta non loin d’un jeune policier qui lui ouvrit la porte de la salle d’interrogatoire à la seconde où il nous aperçut. Lui aussi n’était pas commode.

L’homme aux yeux verts souhaitait absolument ouvrir la marche, au point qu’il se précipita à l’intérieur de la pièce d’un pas pressé. Était-ce lui ou moi, l’épouse aimante qui cherchait désespérément l’homme de sa vie au commissariat ?

Je jetais un vif coup d’œil vers le jeune agent qui paraissait agité. Namjoon l’aurait-il menacé ? Lorsqu’il sentit mon regard sur sa personne, il me sourit vivement, gêné. Je haussai les sourcils pour toute réponse avant de rabattre mes bras croisés contre ma poitrine. Je daignais enfin pénétrer dans la salle, interceptée par la silhouette du lieutenant.

Un duel opposant les pupilles sombres de Namjoon à celles colorées dudit Rodríguez empêcha les deux hommes de remarquer ma présence. Se connaissaient-ils ou bien le courant ne passait-il pas entre eux ? En tout cas, je n’étais pas là pour jouer les arbitres ou, pire, les plantes vertes.

Je me raclai la gorge.

- Monsieur Rodríguez, vous comptez draguer mon mari encore longtemps ?

Étant interrompu par le son de ma voix, il coupa court à cette bataille et se tourna vers moi, le sourire aux lèvres.

- Veuillez m'excuser.

Mon regard croisa finalement celui de Namjoon. Je lui souris en écarquillant légèrement les yeux afin de lui faire comprendre qu’il était temps pour lui de nous sortir son meilleur jeu d’acteur. Pour mon plus grand bonheur, je n’avais pas épousé un idiot. Ainsi, Namjoon comprit instantanément mon message.

Il se leva calmement, empoignant tout le charisme qu’il possédait, avant que ses pas ne le guident vers moi. Mon esprit en alerte me fit un schéma rapide de la situation et plus Namjoon se rapprochait de moi, plus je prenais conscience de ce qu’il allait faire. Sans plus tarder, il brisa rapidement la distance qui nous séparait l’un de l’autre.

Sans que je puisse contrôler quoi que ce soit, mon corps se retrouva entre les bras du mafieux qui me serrait contre lui comme si sa vie en dépendait. Sa tête se nicha sur mon épaule tandis que la mienne reposait contre son torse d’où émanait une odeur de cologne boisée. Jouait-il réellement la comédie ? Quoi qu’il en fût, heureusement pour nous que mon visage était dissimulé, car le regard noir que je lui portai aurait clairement mis notre taux de crédibilité à zéro.

- Tu peux me lâcher maintenant, soufflais-je discrètement.

- Tu voulais que je joue la comédie, non ? Alors laisse-moi faire.

- Oui mais là, tu m'étouffes. Avoue-le, t'en avais envie de ce câlin.

Mes mots le firent se relâcher. Les mains posées sur mes épaules, ce fut d’abord un regard irrité qu’il me lança, mais il se rattrapa et se vêtit à nouveau d’une expression douce et pleine d’amour.

- Je ne voudrais pas déranger vos retrouvailles, mais il faut que nous discutions de l’affaire à présent, proclama le lieutenant Rodríguez.

Il faisait de plus en plus froid à Mexico. Accueillis par le vent, nous quittâmes le commissariat ainsi que cet insupportable de Rodríguez.

Il ne fallut pas plus d’un coup de fil pour que le lieutenant relâche Namjoon et l’innocente, le responsable de cette mascarade lui ayant semblé autoriser la libération du Coréen. Je ne comprenais d’ailleurs pas pourquoi on l’avait relâché aussi facilement. Néanmoins, j’avais ma petite idée quant à l’auteur de ce manège.

« Quel connard, ce Rodríguez. » siffla Namjoon.

Oui, car j’avais omis de préciser que cela faisait bien cinq bonnes et longues minutes que le parrain insultait le lieutenant mexicain. D’ailleurs, il tenait toujours ma main dans la sienne, car Monsieur jugea bon de jouer les romantiques devant les policiers. Mais je voulais récupérer ma main.

- « J’espère vous revoir dans de meilleures circonstances, Madame Kim. », ricana-t-il sarcastiquement, relatant les dernières paroles que m’avait adressées l’homme aux yeux verts.

- Nam.

- Un autre pantin ridicule.

- Nam, l'interpellai-je un peu plus fort en tirant sur sa main.

Le leader s'arrêta, son visage orienté vers le mien.

- Nam ? C'est nouveau ça.

- Peu importe. Arrête de radoter les mêmes choses, on dirait un vieux disque rayé.

- Je disais seulement que cet homme était terriblement effronté de draguer la femme d'un autre.

- On n'est pas vraiment mariés, tu n'as donc rien à redire. Il fait ce qu'il veut avec moi, c'est à moi de poser des limites.

- Tu te fous de ma gueule ? Il haussa son sourcil gauche.

Je roulais des yeux, amusée.

- Tu es jaloux ?

- Jaloux ? De quoi exactement ? De ce connard ? Répliqua-t-il dans un rire moqueur.

- Bah pas de ma grand-mère. Tu en fais vraiment tout un plat, sachant que je ne vais plus jamais le recroiser.

- Certes, mais cela ne me retire pas le droit de le critiquer. Tu es vraiment aveugle pour ne pas remarquer la façon dont il te regardait, continua-t-il son baratin en reprenant son chemin, me tirant avec lui par la même occasion car il n'avait toujours pas daigné lâcher ma main.

- Je t'en pose des questions quand une femme s'approche de toi, moi ?

- Quand est-ce que j'ai laissé une femme s'approcher de moi, Jyi-ha ?

- Je ne sais pas, moi. Isabella, ça ne te dit rien ? le provoquais-je, un sourire au coin des lèvres.

Il se tourna brusquement vers moi, manquant de peu de me percuter. Il me fixa, le regard enjoué, les traits de son visage demeurant sévères.

- La blonde de la boîte ? Je hochai la tête. Tu as encore les vidéos ?

J'avais toujours les vidéos.

- Peut-être. Bon, lâche-moi la main.

Il venait seulement de se rendre compte de notre position. Il se retira aussitôt.

Je lui lançai un dernier sourire, satisfaite, puis montai dans ma voiture. J’attachai ma ceinture de sécurité et mis le contact. Soudain, on toqua à ma vitre. Je la baissai.

- Quoi ?

- Laisse-moi conduire, Jyi-ha.

- Non. C'est ma voiture, donc c'est moi qui conduis.

Je fis remonter la vitre. Mais le chef de Mystery Ace n’était pas du même avis, continuant à martyriser le pauvre carreau. Je soupirai, divertie par les agissements du mafieux avant d’abaisser légèrement la vitre aux trois quarts.

- S'il-te-plait, lâchait-il froidement. Il était à bout.

- Dépêche-toi de monter, ou je démarre sans toi.







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{ P O V    D E   M I N H O }

- Bureau des parrains, hôtel.
  México City, Mexique -

J’étais dans le bureau des patrons avec Chris. Namjoon étant absent, j’avais raconté à mon ami l’arrivée de Minhwan parmi nous. Je me demandais d’ailleurs comment se sentait Hana après cette arrivée surprise.

- Toc toc ! C’est moi ! Hana venait d’entrer sans même avoir pris la peine de frapper.

Elle ferma la porte derrière elle avant de s’asseoir sur le fauteuil en face de Christopher. Ce dernier n’avait même pas daigné lever la tête, étant trop absorbé par je ne savais quel marché sur lequel il travaillait. Bon sang, Chris, réagis ! Il finit par lever la tête et la vit, mais aucun mot ne sortit de sa bouche.

- Je ne savais pas que tu portais des lunettes. Elles te vont super bien, commençai-je.

Un petit sourire tout honteux se dessina sur son visage.

- Et toi, boss ? Comment tu me trouves ? Lui demanda-t-elle, un doigt posé sur sa lèvre inférieure.

Il ne la regardait pas, ses yeux étaient posés sur son bureau.

- N’hésite pas à porter un masque la prochaine fois. Moins on voit ton visage, mieux c’est.

Mais quel boulet ! Elle t’a tendu une perche et toi, tu-

Ni une ni deux, Hana se rapprocha de Bangchan et releva sa tête à l’aide de son pouce et de son index. Je savais qu’Hana était très tactile et qu’elle ne craignait pas le contact physique, mais là…

- Regarde-moi dans les yeux la prochaine fois. Et puis avoue, c’est un mensonge.

- C’est vrai, je mens. Tu es incroyablement belle, dit Christopher avec un sourire séducteur.

Je savais ce que Chris ressentait. Il avait sûrement envie de devenir tout rouge, puis de fondre et de disparaître, mais il avait un contrôle de lui-même impressionnant.

J’ai osé croire que c’était un boulet en séduction ? Chris ? Il a juste une manière différente de faire.

Hana se rassit sur son fauteuil avant de continuer.

- Si tu me trouves si belle, tu me rends un service.

- Dis-moi.

Eh bien, elle savait comment arriver à ses fins. Au même moment, je reçus un appel de Jeongin. C’était le moment parfait pour m’éclipser.

















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{ P O V    D E   C H R I S T O P H E R }

- Je suppose que tu sais que Minhwan est là. Est-ce qu’il peut rester un peu ?

- Non.

- Juste un peu. Allez ! En échange, je fais tout ce que tu veux.

Je me levai de mon siège et elle fit de même. Elle se rapprocha de moi et s’agrippa à mon bras.

- S’il te plaît, s’il te plaît, s’il te plaît.

Elle me fixait avec un regard de chien battu, ses yeux me suppliaient presque. Je savais que c’était du simple cinéma, mais il m’était impossible d’y résister.

- Okay, c’est bon, il peut rester. Il ne te manque plus qu’à convaincre Namjoon lorsque Jyi-ha l'aura ramené.

- Tu peux le faire à ma place ? Après tout, c’est ton coéquipier. Et puis, tu n’as qu’à lui dire que Minhwan sait déjà tout sur la mafia.

- Il sait ?

Elle acquiesça. Je soupirais. Cette femme allait me rendre malade, mais c’est sûrement pour ça que je l’aimais. Convaincre Namjoon, c’était plutôt simple, mais je voulais tirer profit de cette situation.

- Tu sais que convaincre Namjoon, c’est compliqué, disais-je avec un air fatigué.

Le regard d’Hana s’attendrissait.

- Je vais faire ce que je peux, mais qu’est-ce que j’ai en échange ? demandai-je.

- Je t’invite à dîner dans un magnifique rest-

- Deal.

- Je ne savais pas que je pouvais t’acheter avec un simple repas.

Sur ce, elle s’en alla en me lançant un clin d’œil.

En vérité, j’aurais accepté une simple balade à pied ou un café dans le jardin. Le plus intéressant dans son offre n’était pas le repas, mais le moment que j’allais passer en tête-à-tête avec elle.

Quelques minutes plus tard, on frappa à la porte. C’était Minhwan.

- Hana m'a dit que tu avais accepté que je reste, je te remercie.

- Elle ne m'a pas laissé le choix, figure-toi.

- Je suppose qu'elle t'a fait le coup du « s'il te plaît » trois fois en s'accrochant à ton bras et en te faisant les yeux de biche.

- Ouais, répondis-je en soupirant.

- Elle me l’a fait un million de fois, je n’ai jamais réussi à résister. Bon, je te laisse, tu as l’air occupé. On se voit plus tard.















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- Suite de Namjoon, hôtel. -

« Tu es sûr que tu n'en veux pas ? »

Cette question me parvenait en boucle depuis un quart d’heure.

Vêtu d’un pyjama léger, je me séchais les cheveux à l’aide d’une serviette propre. Le tissu microfibré frottait consciencieusement ma tête tandis que je soupirais une énième fois.

- C'est la dixième fois que je te dis non, Jyi-ha.

La brune aux bouclettes ne se gêna pas pour me regarder de travers, sa main trifouillant le paquet de chips saveur paprika.

- T'es vraiment coincé comme type. Si même grignoter est impossible pour toi, qu'est-ce qui est capable de rendre ta vie moins accablante ?

- Travailler, rétorquai-je, un rictus au coin des lèvres.

Jyi-ha soupira d’exaspération et s’affala sur le lit où elle était assise en attendant que je termine ma douche.

- C’est ce que je disais : tu es vraiment coincé.

- Je plaisantais, Jyi-ha.

Sa tête suivit le mouvement de ma silhouette qui s'estompait dans la salle de bain.

- Parce que tu sais plaisanter, toi ? S'exclamait-elle assez fort pour que je puisse l'entendre de là où j'étais.

J’étendis la serviette humide sans jamais lui répondre. Ses paroles, si anodines, me plongèrent malgré moi dans une réflexion grandissante.

Était-ce ainsi qu'elle me percevait ? Comme un connard coincé et fermé d'esprit ?

Était-ce pour cela qu’elle riait autant avec Hyunjin, qu’elle se confiait à Seokjin, mais qu’elle privilégiait le sarcasme et les moqueries avec moi ?

- Qu'est-ce qui t'arrive ?

Je sursautai presque – et je dis bien presque – lorsque la voix de l’ex-agente derrière moi me sortit de ma transe.

Je plongeais mon regard dans le sien, troublé. Je vis ses sourcils se lever comme s’ils traduisaient les points d’interrogation qui flottaient dans son esprit.

- Alors ? Pourquoi t’es-tu arrêté de parler si soudainement en fixant ce pauvre porte-serviette qui n’a rien de bien exceptionnel ?

- Je réfléchissais, répondis-je du tac au tac.

- Sur ?

Je laissais sa question en suspens, contournant le corps de la jeune femme, nos torses se frôlant presque lorsque je quittai la salle d’eau pour regagner la chambre à coucher.

- Sur la somme astronomique que mon père a versée à ce petit merdeux pour m'envoyer en taule, en vain.

Ma capacité à mentir sans préméditation étonnait toujours Jin à ce jour, même après toutes ces années ensemble.

Je savais également que Jyi-ha possédait ce même don. Nous pouvions donc, elle et moi, nous mentir en nous regardant dans le blanc des yeux en toute connaissance de cause.

Néanmoins, il y avait une part de vérité dans ce mensonge : le petit coup monté de mon géniteur me travaillait depuis notre retour du commissariat.

- Oh, le jeune agent qui avait accueilli Rodríguez devant la salle d’interrogatoire, dit-elle après avoir fait craquer une chips entre ses dents.

- Ne prononce pas le nom de cet homme, l’arrêtai-je immédiatement en me retournant vers elle, l’index devant ses lèvres.

Elle s'arrêta également, ses pupilles attirées par mon doigts. Elle devait probablement se délecter de ma réaction.

Je ne m’étais déjà pas contrôlé devant le poste de police en lui demandant des comptes qu’elle n’avait absolument pas à me rendre. Et qu’est-ce qui m’avait pris de lui tenir la main bon sang ? Je n’étais pas jaloux, je ne pouvais pas l’être.

Le regard de Jyi-ha remonta jusqu’à mes yeux, après quoi elle haussa exagérément les épaules. Elle me tendit ensuite son paquet de chips.

- C'est pour toi monsieur le Cyborg, ça devrait te détendre.

Je ne réfléchis plus et piochai dans ses chips épicées que je portai ensuite à ma bouche. Je la vis légèrement sourire, son maximum sans aucun doute.

- Tu vois quand tu veux, chantonnait-elle. Bon, il se fait tard, je vais me brosser les dents.

Ses mots font resurgir en moi l’épisode du cauchemar dans le salon.

Elle comptait me céder le lit, comme si un petit garçon effrayé par le changement s’était présenté à elle ce soir-là, comme s’il était de son devoir de rendre la peluche à son propriétaire.

Lorsqu’elle eut terminé ses affaires dans la salle de bain, elle se dirigea vers la sortie de la chambre, mais je l’interpellai avant :

- Jyi-ha.

- Oui ? Se retourna-t-elle.

Je l’observai longuement, ne sachant pas si je devais réellement lui poser cette question.

Je ne doutais que très rarement dans ma vie, et il était étonnant de constater que cette femme m’avait fait flancher à de nombreuses reprises.

Putain de fierté de merde.

Je n’allais quand même pas lui demander de dormir ici pour qu’elle puisse passer outre ce qui s’était passé la veille, tout de même ?

- Tu n'es pas obligée d'aller dormir sur le canapé. Tu peux prendre le lit.

Eh bien si, je l'avais fait.

Sa tête pencha légèrement sur le côté, ses grands yeux se plissant en une moue interrogative. Ses bras retrouvèrent sa poitrine devant laquelle elle les croisa en un geste désintéressé. Seuls les sons coordonnés de ses pas se faisaient entendre dans la pièce.

Elle s’arrêta à quelques centimètres de moi alors que je la scrutais durement, sévèrement.

- Je te l'ai dit hier soir, je te rends ton lit et la lampe de chevet qui te maintient éveillé.

Elle savait tout, ou du moins presque tout.

- Oui, mais c’est insensé, Jyi-ha. Je ne vais pas te laisser dormir sur le canapé tout ce temps pendant que je serai confortablement allongé dans ce lit.

La conseillère ricana avec sarcasme, comme toujours.

- Parce que tu as décidé d'adopter le comportement d'un gentleman ?

Je levai les yeux au ciel en poussant un bruyant soupir.

- Tu m'as peut-être connu à une période compliquée, mais sache que je ne suis pas l'homme que tu penses que je suis.

- Ah oui ? Et puisque tu sembles être dans ma tête, dis-le-moi.

- Pardon ?

- Dis-moi comment je semble te percevoir. 

Nos conversations finissaient mal la plupart du temps. Mais là, je n’étais pas d’humeur. Quelle naïveté, Namjoon.

- Là n'est pas la question. Prends le lit.

Ce fut à mon tour de me diriger vers la porte de la chambre, prêt à abandonner Jyi-ha sans même lui jeter un regard ou lui adresser une parole.

- Attends.

Elle venait de mettre fin à tous mes mouvements.

- Je ne vais pas non plus te regarder dormir sur le canapé pendant plusieurs mois, commença-t-elle. Tu peux dormir ici.

Ni elle ni moi ne voulions partager le même espace et, au fond, je savais que nos raisons respectives étaient probablement similaires. Cependant, une morale soudaine nous poussait à nous soucier et à respecter les besoins de l’autre.

Je la fixais, impassible.

- Jyi-ha, si c'est par rapport à ce qui s'est passé hier-

- Non. Il serait préférable d'apprendre à réellement cohabiter ensemble, Nam. Cessons de nous voiler la face et agissons avec maturité.

Je hochai lentement la tête.

- D'accord. Faisons ça. Je vais rapidement me débarbouiller, je reviens.

De retour, je préparais le lit sur lequel nous allions passer la nuit, retirant les coussins en trop et ajustant la couverture, penché au-dessus de ce dernier.

Je jetais un regard discret vers Jyi-ha. Elle semblait pensive, elle planait, dans une autre dimension. Je ne savais d’ailleurs pas comment elle s’était retrouvée dans un coin de la pièce, isolée.

Avait-elle peur ? Ou était-elle inquiète ?

Je n’aimais pas la voir dans cet état second. Je me redressai.

- Jyi-ha.

Elle ne répondit pas, se contentant seulement de lever ses yeux dénués de vie vers les miens.

- Dis-le moi si je te mets mal à l'aise. Je ne te forcerai à rien, et encore moins à dormir avec moi.

Même si mon discours semblait au moins avoir détendu ses muscles, son visage demeurait neutre et froid.

À la manière d'une poupée de porcelaine, Jyi-ha se tenait droite, stoïque et le visage fermé. Ses poings étaient resserrés le long de sa silhouette féminine.

Je décidai de m’approcher d’elle et, dans un réflexe soudain, je lui touchai le bras afin de la faire réagir. Dieu seul sait à quel point elle n’aimait pas être touchée. Pourtant, elle n’en fit rien.

Elle ne m’avait pas fixée de la sorte depuis le jour où elle m’avait avoué avoir été violée. Le regard vide, le visage livide, le souffle court et léger, on ne l’entendait ni ne la voyait respirer.

- Je ne veux pas te voir dans cet état, surtout si c'est de ma faute, lui lançai-je.

Ses pupilles se dilatèrent. Elle venait à peine de reprendre conscience de la situation. Elle venait à peine d’assimiler mes mots, car pour une raison que j’ignorais, elle prit bien cinq longues minutes avant de secouer négativement la tête, de gauche à droite.

- Non, ça va, ne t'inquiète pas pour moi.

Son ton était froid, dissocié du monde réel.

Analysant chaque détail inscrit sur son visage, j’opinai silencieusement du chef, alarmé par la moindre agitation de son sourcil, la moindre vague qui faisait mouvoir ses lèvres ou encore le moindre battement de ses cils.

Je lui tournai le dos lorsque je me mis en tête d’aller fermer la porte de la chambre.

Mais alors que ma main se posait sur la poignée de la porte, la voix soudaine et paniquée de Jyi-ha me surprit : cette fois-ci, mes épaules adoptèrent un léger mouvement crispé par la stupéfaction.

Mes sourcils se froncèrent et mes yeux s'écarquillèrent en observant l'ex-agente accourir presque jusqu'à moi.

Ses pupilles agrandies par la précipitation, je la vis déglutir à plusieurs reprises tandis qu'elle gardait contenance en tirant sur la racine de ses cheveux. C’était une habitude singulièrement curieuse chez elle, et qui lui était bien propre.

- Ne ferme pas la porte, s'il te plaît, souffla-t-elle finalement, d'une voix calme et autoritaire.

Il ne m’en fallait pas plus pour comprendre le sous-entendu de ses actions : voilà l’une des séquelles dont elle m’avait parlé sans jamais m’énoncer clairement de quoi il s’agissait.

- Tu es claustrophobe ?

Non, elle ne l’était pas, mais j’avais besoin de réponses concrètes si je voulais la rassurer.

- Non, elle hésita un court instant. Je ne supporte pas le son des serrures qui se ferment.

- Et tu ne peux pas rester dans la même pièce qu’une autre personne lorsque la porte est fermée à clé.

- Oui, me confirma-t-elle après plusieurs secondes de silence.

- Je ne comptais pas fermer la porte à clé, Jyi-ha.

- Je sais.

- Je ne te toucherais pas ou quoi que ce soit.

Je lui arrachai un rire jaune.

- Évidemment. Ce n'est pas contre toi, c'est ce qu'on appelle une phobie, Nam, répliqua la brune en se détournant de moi.

Contre toute attente, je la retrouvai allongée du côté droit du lit, sous les draps blancs. Je m’empressai alors d’entrouvrir la porte de la chambre et de rejoindre Jyi-ha sans plus attendre.

Me glissant à ses côtés, je pris garde de laisser une large distance entre nos deux corps afin de respecter ses limites et de ne pas la mettre mal à l’aise si je venais à la toucher malencontreusement.

J'éteignis par la suite les lumières de la suite grâce à la télécommande qui reposait sur la table de chevet.

J'allumai ensuite ma lampe de chevet qui émit une légère lueur jaunâtre qui ne devait, en théorie, pas déranger Jyi-ha durant son sommeil, mais qui allait, au contraire, me permettre de rester éveillé.

Je m’équipai ensuite de ma paire de lunettes que je posai sur mon nez, puis de mon livre que j’ouvris à la page 287 sur laquelle trônait un marque-page jauni par l’âge que j’avais acheté dans un vieux kiosque en Thaïlande.

Jyi-ha me tournait le dos, je la sentais s’assoupir doucement. Sa respiration ralentissait, ses épaules se soulevant à un rythme lent. Elle n’était plus aussi tendue que tout à l’heure.

Ce fut la conscience tranquille que je repris ma lecture.

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