Chapitre 3
Roulant silencieusement, le véhicule avança à bonne allure sur la départementale. Sur le siège passager, Hugo était tout aussi silencieux.
Il regarda défiler les arbres, songeur. Sa mission lui apparaissait sous des auspices décidément bien surprenants. Non content d'être envoyé dans la société même de son idole de jeunesse, il allait également être l'hôte de son propre bureau et de sa propre maison. Lui qui, adolescent, avait passé des heures devant les studios télé ou à la sortie des concerts pour obtenir le précieux Graal d'une photo ou d'un simple autographe, voilà que, des années plus tard, il se retrouvait parachuté dans son univers dans autre forme de procès, guidé en prime par celui qui était autrefois considéré comme l'un des meilleurs attachés de presse de la profession.
Il tourna la tête vers Mr Josselin, regarda son profil avec attention. Il détailla les traits un peu fatigués, quoique toujours séduisants. Combien de groupies avaient tenté, sans succès, de lui faire du charme dans le but d'obtenir une entrevue avec leur idole ? Il essaya d'imaginer tout ce que ses yeux avaient vu, tout ce que ses oreilles avaient entendu, les fans hystériques, les tapis rouges, les scènes partout sur le globe... Comment pouvait-on quitter ainsi, sur un coup de tête, l'une des meilleures positions ? Comment pouvait-on, après avoir parcouru les plus grandes villes, logé dans les meilleurs hôtels, côtoyé les plus grands de ce monde, quitter ainsi une vie aussi trépidante pour une banale existence de chargé de pub dans un quelconque studio de province ?
Hugo posa le coude sur le rebord de la portière et le menton dans sa paume.
– Je peux vous poser une question ?
– Je vous en prie.
– Pourquoi est-ce que...
Le jeune homme marqua une fraction de seconde d'hésitation, cherchant les mots les plus neutres.
– Qu'est-ce qui a poussé Aaron à choisir un endroit aussi éloigné de tout ? Je veux dire, pourquoi la Bretagne ? C'est loin de faire très... showbiz.
– Justement parce que ça ne faisait pas showbiz. C'était pas son truc, la Côte-d'Azur, Ibiza, Los Angeles... Il y en a qui partent en week-end à Marrakech, lui, il allait en Bretagne. Ironiquement, ça avait contribué à renforcer son image de « doux poète ». Il aurait pu s'installer en bord de mer, mais il craignait les touristes. Non pas qu'ils étaient incapables de venir jusqu'ici, mais il y en avait déjà moins.
Hugo fit la moue.
– Moins... pas sûr. Je parie que des hordes de fans devaient affluer toute l'année.
– Oui, ça faisait marcher le commerce, à l'époque, mais Adam ne se montrait jamais en ville.
Son ton était devenu amer.
– Adam n'a jamais aimé jouer les m'a-tu-vus. Il était toujours mal à l'aise en public. On mettait ça sur le dos de sa timidité. Je ne saurais pas vous dire combien de fois je l'ai vu vomir d'angoisse avant de monter sur scène. Le fric, les baraques au soleil, les filles, les bagnoles, ça lui passait au-dessus de la tête, tout ça.
– Mais alors, je ne comprends pas. S'il n'aimait ni les bains de foule, ni les avantages de sa notoriété, pourquoi il a fait ce métier ?
Pour toute réponse, Mr Josselin freina brusquement, et le jeune homme fut brutalement projeté en avant. La première seconde, il bénit à la fois l'inventeur de la ceinture de sécurité et celui du code de la route. La seconde suivante, il se demanda ce qui prenait à Mr Josselin, et pourquoi il réagissait ainsi à une question aussi simple. Mais, exactement en même temps, alors que la voiture s'arrêtait en dérapant, s'éleva un furieux klaxon et un flot d'imprécations qui le firent relever la tête.
– Connard ! Putain, tu l'as eu où, ton permis ?! Tu peux pas faire attention ?
Tournant la tête, Hugo aperçut alors l'objet de sa colère : un petit papi tout taché et tout plissé, ratatiné derrière son volant, qui venait de leur refuser la priorité.
Mr Josselin n'attendit ni les excuses, ni les explications, il démarra en trombe, plantant là le fautif petit véhicule.
– Quand je vous disais qu'il fallait vous méfier des vieux d'ici, ragea-t-il. Regardez-moi ça, le nez pas plus haut que le tableau de bord, et ça conduit comme des malades ! C'est pareil quand ils passent en caisse : toujours à faire chier à payer par chèque.
Tenant nerveusement le volant, Mr Josselin roula vivement le long de la départementale. Les arbres défilaient de chaque côté à rythme soutenu.
– On est bientôt arrivés, lâcha-t-il au bout d'un moment.
Décidé à ne pas le froisser davantage, Hugo se contenta de hocher la tête, mettant sous silence leur conversation interrompue.
– Tenez, c'est là-bas. On y est dans une minute.
Le jeune homme se redressa alors, suivant la direction indiquée par Mr Josselin. Il aperçut, au loin, le toit d'une maison en L à un étage.
Il mit bientôt son clignotant et tourna à une bifurcation, passant devant un panneau indiquant « PROPRIÉTÉ PRIVÉE ». Ils avancèrent sur un chemin de terre, longeant un ruisseau, puis arrivèrent devant un portail ouvert. Puis ils franchirent le portail sans plus de cérémonie, pénétrant une cour tapissée de cailloux ronds. Une moto y était déjà garée. Mr Josselin vint se ranger à côté et coupa le moteur.
– Et voilà !
Il sortit prestement du véhicule. Hugo regarda le paysage autour de lui, puis sortit à son tour.
La maison était typique, en petites pierres et toit d'ardoise, fenêtres blanches et lichens dans les interstices. La cour était cernée de pelouse, et l'on pouvait deviner le grand jardin de l'autre côté du bâtiment. Hugo se souvint alors des photos qui avaient circulé sur internet à l'époque où Aaron avait acquis la maison. Il avisa le mur d'enceinte, il fut un temps abondamment sollicité par des fans acharnés.
– Je suppose que ça doit vous rappeler des souvenirs, sourit Mr Josselin en déchargeant sa valise du coffre.
Mais le jeune homme secoua la tête.
– Je n'ai jamais vu sa maison en vrai, affirma-t-il, je n'ai jamais eu la chance de venir ici. Je suppose que le mur est toujours couvert de tags.
– Un de ces jours, je vous emmènerai faire le tour. Les gravures se sont un peu effacées, mais il en existe encore. Ça fait drôle de les voir. Plus le temps passe, et plus elles me paraissent incongrues, comme si elles étaient destinées à quelqu'un d'autre. Mais je suppose que le temps fait ça.
Hugo laissa échapper un sourire nostalgique, puis regarda les alentours.
– C'est très mignon, comme endroit, n'empêche, jugea-t-il spontanément.
– C'est vrai qu'on critique beaucoup la météo, on a souvent tendance à dire qu'il pleut tout le temps, mais on n'a vraiment pas à se plaindre.
Il marcha vers la porte d'entrée, invitant le jeune homme à le suivre.
– Et encore, poursuivit-il, vous avez de la chance, vous arrivez à la bonne période.
Il ouvrit la porte et entra, posant la valise dans l'entrée.
– Adam, je suis rentré ! annonça-t-il d'une voix forte.
Hugo entra à son tour, levant les yeux sur l'intérieur de la maison. Très sobre, dans les tons beige et blanc, avec des poutres au plafond. Un décrochement menait à un salon occupé d'un canapé, d'une table basse, d'une télévision et d'une cheminée. Il ne manqua cependant pas de remarquer les vides laissés par des cadres ou des meubles manquants. Des revers de fortune, sans doute.
– Aaron est ici, actuellement ? s'enquit-il.
– Oui, il arrive de suite.
Une exclamation soudaine s'éleva alors, suivie par un fracas qui fit sursauter Hugo de surprise. Mr Josselin, qui ôtait son manteau, se contenta de laisser ses épaules retomber et de soupirer de lassitude.
– C'était trop lui demander, désespéra-t-il.
Il accrocha son manteau à la patère, tourna les talons et s'enfonça dans la maison. Quelques diables le poussant, Hugo le suivit.
La maison partait en coude sur la droite, donnant sur la salle à manger et la cuisine américaine. La table de bois massif avait été repoussée contre le mur, et sa place était désormais occupée par une échelle renversée et le contenu éparpillé d'une boîte à outils. Au plafond, accroché à une poutre qui devait initialement supporter une suspension, un jeune homme battait vainement des jambes, tentant de ne pas tomber deux mètres cinquante plus bas.
– Adam, soupira Mr Josselin, qu'est-ce que tu fous là-haut ?
– Qu'est-ce qui se passe ? voulut savoir Hugo en constatant la scène.
Mr Josselin le regarda avec découragement.
– Ce crétin a développé une manie, c'est de vouloir faire les travaux lui-même au lieu de faire appel à un professionnel. Des fois, ça lui prend comme une envie de pisser, de faire des travaux dans la maison. Vous me direz, tant que ça l'empêche de tomber en ruines, pourquoi pas ? Mais cet imbécile est autant doué pour les travaux manuels que je ne le suis pour prendre des gants.
– Euh... Ok, hésita Hugo.
– C'est formidable, intervint le malheureux suspendu dans le vide, mais est-ce qu'on peut m'aider à descendre ?
Hugo tendit un doigt en direction du pauvre jeune homme.
– On ne devrait pas lui redresser l'échelle ? proposa-t-il.
– Je trouve qu'il est très bien comme ça, moi, jugea Mr Josselin en croisant les bras avec un air de finalité.
– Très bien, se vengea l'apprenti bricoleur. Franck, si tu ne me fais pas descendre, je vais chanter Rigoletto sans m'arrêter jusqu'à ce que tu te décides.
Mr Josselin capitula aussitôt.
– Ok, j'arrive, se soumit-il. Tout ce que tu veux, mais pas Rigoletto.
Et, alors qu'il se précipitait pour redresser l'échelle, une voix forte s'éleva :
Libiamo,
Libiamo ne'lieti calici
Che la belleza infiora...
– Euh..., hésita Hugo. Ce n'est pas Rigoletto, ça.
Mr Josselin, qui remettait l'échelle debout en grimaçant, s'interrompit.
– Qu'est-ce que vous dites ?
– Ce n'est pas Rigoletto, c'est la Traviata. Je crois qu'il confond avec La donna e mobile.
Les épaules de Mr Josselin retombèrent et il regarda avec désespoir le ténor amateur toujours accroché à sa poutre.
– Et ça a la prétention d'avoir une culture musicale, râla-t-il.
Et il remit l'échelle debout, permettant enfin à l'inculte lyrique de se rétablir. Celui-ci redescendit prestement, retrouvant avec soulagement la terre ferme.
– Merci quand même, souffla-t-il.
– Pas de quoi. C'était quoi, le problème ?
– Je voulais changer la douille du plafonnier.
Mr Josselin fut magnanime, il n'insista pas. Il se tourna néanmoins vers Hugo et tendit le bras vers lui, l'invitant à approcher.
– Mr Loiret, je vous présente Adam Béart-Lacroix, dit Aaron Davis, le patron de Product'Ive.
Hugo tendit la main pour la lui serrer mais Aaron refusa, montrant ses doigts noircis par la poussière.
– Adam, je te présente Hugo Loiret, le comptable envoyé par la banque...
Il avait prononcé la fin de sa phrase d'une voix soudainement hésitante. Il regarda le jeune homme, l'attrapa par le bras et se détourna d'Aaron, l'obligeant à en faire autant.
– Euh... dites-moi, hésita-t-il. Le banquier s'appelle bien Bernard Loiret, non ?
– Et c'est seulement maintenant que vous vous en apercevez ?
Il soupira, roulant des yeux.
– Un fils à papa... Super, on avait besoin de ça.
Il pinça les lèvres, un peu contrarié, et revint vers Aaron.
– Donc, Adam, reprit-il, je te présente Hugo Loiret, le comptable envoyé par la banque pour faire le bilan.
– Les bilans, c'est tout ce qui intéresse les banques, affirma Aaron avec ce qui semblait être à Hugo une pointe de mépris.
Celui-ci tenta de rester stoïque, avisant son interlocuteur d'un œil qu'il voulut neuf. Aaron avait beaucoup changé, par rapport au souvenir qu'il en avait. Huit ans auparavant, c'était encore un adolescent, jeune et fragile, avec le doux visage de l'innocence. Aujourd'hui, il avait mûri. C'était un jeune homme incisif, aux traits plus marqués, le regard chargé des heurts et déboires qu'avait été son expérience. Sa silhouette, jadis élancée, avait forci avec l'âge et, de toute évidence, quelques exercices.
Aaron observa le jeune homme, dubitatif, le jaugeant de la tête aux pieds.
– Ça ne va pas ? voulut savoir Mr Josselin.
– Trois jours, répondit alors mystérieusement Aaron. Non, quatre. Ou peut-être trois. Trois ou quatre jours, je sais pas.
Hugo regarda Mr Josselin d'un air surpris.
– Trois ou quatre jours ? demanda-t-il, alors que Mr Josselin se pinçait la voûte du nez entre le pouce et l'index avec résignation.
– Laissez tomber, lui conseilla ce dernier.
Interloqué, Hugo regarda Aaron, qui n'avait pas bougé, quêtant peut-être dans son visage un début de réponse. Mais celui-ci se contenta de rester muet.
– Je vais me laver les mains, finit-il néanmoins par dire.
Il se détourna sans plus de cérémonie et alla vers la cuisine, laissant le jeune homme et Mr Josselin seuls.
– Ce n'est pas la peine de l'attendre, annonça alors celui-ci. Prenez votre valise, je vais vous monter à votre chambre.
Hugo approuva et lui emboîta le pas.
L'étage comportait quatre chambres et une salle de bain. Mr Josselin avança dans le couloir.
– Je vous ai donné la chambre du fond, vous y serez tranquille. La salle de bain est juste à côté, n'hésitez pas à me le demander s'il vous manque du savon ou une serviette. Si vous avez un ordinateur portable, vous avez une prise de courant, et je vous donnerai les identifiants pour vous connecter au wifi de la maison.
Il sortit une clef et ouvrit la porte, dévoilant à Hugo une pièce dans les tons azurin. Le lit était fait, et la fenêtre s'ouvrait sur la campagne.
Mr Josselin posa la valise sur le lit.
– Vous pourrez mettre vos affaires dans l'armoire qui est là. Je vous laisse les clefs de la chambre, vous serez le seul à part moi à la posséder. Non pas que vos affaires risquent de disparaître, mais je préfère éviter qu'Adam ne vienne y fourrer son nez. Il a la curiosité d'un gamin, c'est horrible, alors fermez votre porte.
Il posa le trousseau sur la table de chevet.
– Sinon, les repas, petit déjeuner et dîner, se feront ici, sauf si vous en décidez autrement, auquel cas il faudra m'en avertir. Même si, je ne vais pas vous mentir, vous ne risquez pas d'aller très loin d'ici sans véhicule. C'est le problème de vivre en rase campagne.
Hugo l'écoutait, en hochant pensivement la tête.
– De toute façon, ce n'est pas comme si j'étais là pour sortir au resto tous les soirs, le rassura-t-il. Mais je risque d'avoir à vous demander de m'emmener au studio et de m'en ramener, dans ce cas.
Mr Josselin ne sembla pas se formaliser de cette perspective.
– Vous en faites pas pour ça, on s'organisera. Installez-vous, pour l'instant, prenez vos marques, et au dîner, on verra comment on fait.
Il ouvrit les bras, embrassant la pièce.
– Voilà. Faites comme chez vous.
Et il s'en alla, laissant Hugo seul dans la chambre. Son pas mourut dans le couloir, et Hugo entendit vaguement des voix discuter au rez-de-chaussée. Il distingua le timbre grave de Mr Josselin, un autre qu'il devina être celui d'Aaron, puis le bruit de l'échelle repliée et le tintement des outils remis dans leur boîte. Au son de la table tirée au centre de la salle à manger, Hugo se désintéressa de ce qui se passait au rez-de-chaussée, et s'assit sur le lit, évaluant la chambre du regard. Sa valise reposait à ses pieds, complètement oubliée.
Aaron Davis... Hugo avait du mal à en revenir. On lui aurait dit, à l'adolescence, qu'il deviendrait comptable et irait faire le bilan du studio d'Aaron Davis en personne, il aurait eu du mal à le croire. Et depuis qu'il avait appris son ordre de mission, les souvenirs lui étaient revenus les uns après les autres, comme autant de madeleines de Proust. Ça remontait à loin, il n'était alors qu'un adolescent, la chambre couverte de posters, la radio branchée sur le dernier son FM et la télévision allumée sur les derniers clips.
Aaron Davis, Adam Béart-Lacroix sur l'état-civil. Hugo se rappelait bien son ancienne passion pour ses chansons. Il n'en avait pas fait grand étalage auprès de ses camarades d'école, anticipant les moqueries liées à l'écoute d'une « musique de nanas ». Mais pendant quatre ans, il avait bercé ses premiers flirts de ses ballades qui tournaient les têtes de millions d'adolescentes dans le monde. Un contrat chez EMI, trois albums, trois tournées, des dizaines de récompenses, et même un biopic, voilà qui avait jalonné la carrière fulgurante du petit frenchie révélé à quatorze ans, gérée de près par des parents qui savaient y faire avec les contrats juteux.
Rétrospectivement, Hugo n'était pas vraiment surpris par la suite. Le show-business avait toujours eu cette incroyable habileté à faire perdre la tête à ses plus jeunes recrues. Le passage à l'âge adulte avait été chaotique, et les mauvaises surprises s'étaient ensuite succédées les unes après les autres. Un mariage éclair suivi du décès de ses parents, tués par un camion, avait envoyé par le fond son parcours jusqu'à présent sans taches. Refusant, à la stupeur générale, de renouveler son contrat avec EMI, et inaugurant sans succès la création de son propre label, il avait eu à subir un divorce coûteux qui avait fait planer le doute quant à ses qualités d'époux. Hugo se rappelait les interviews de l'ex-épouse, dans lesquels elle s'épanchait longuement sur sa vie de couple malheureuse, le visage d'Aaron aminci et hagard sur les photos de paparazzi. Le coup de grâce était survenu deux semaines plus tard, après que Franck l'eut retrouvé dans sa chambre d'hôtel, gavé de barbituriques. Perturbé par son déclin, encore bouleversé par la mort de ses parents, il s'était résolu à cette extrémité qui l'avait conduit en clinique pendant plusieurs mois. Mais, ce faisant, il avait signé son arrêt de mort. À sa sortie, il n'avait plus rien. Plus de famille, plus de maison de disque, plus de public. Ne lui restait plus que son label inutile qu'il prit sous le bras avant de disparaître. Aaron Davis ne devint qu'un artiste ruiné de plus, que l'on évoquait plus que dans de rares rétrospectives télévisées.
Hugo avait fait quelques recherches sur internet afin de savoir ce qu'il devenait actuellement, mais le personnage avait complètement disparu des radars. Il ne l'avait pas admis, mais sa page Wikipédia s'arrêtait effectivement à son départ en cure de désintoxication. Et aujourd'hui, il rencontrait enfin, en chair et en os, le reliquat de celui qui était autrefois surnommé le « petit-ami de l'internet ». Et étrangement, il trouvait que la réalité était bien différente que ce qu'il aurait pu imaginer.
Il se laissa retomber sur le lit, pensif. Ce qu'il avait vu d'Aaron le rendait perplexe. Il savait que la perte de notoriété pouvait être perturbante pour certains artistes, il se rappelait cette star de télé-réalité qui s'était suicidé pour cette raison même. Il savait également que d'autres se reconvertissaient très bien à la vie normale. Mais le cas d'Aaron semblait un peu particulier. Hugo se rappelait l'artiste si doux et si ouvert, d'une émouvante timidité. Aujourd'hui, en faisant face à lui, Aaron avait paru animé par une sorte d'arrogance qui ne lui ressemblait pas. Certes, il ne pouvait pas prétendre le connaître comme Mr Josselin le connaissait. D'Aaron Davis, il ne connaissait que le visage public, la vie sur scène, il ne savait rien de l'homme derrière l'artiste, et ce qu'il avait vu et entendu jusqu'à présent était aux antipodes de ce portrait.
Qui était donc Aaron Davis ?
Son portable sonna alors, le tirant de ses réflexions. C'était son père.
– Allô, papa ?
– Bonsoir, Hugo, fit la voix joviale de son géniteur. Alors, ton arrivée s'est bien passée ?
Hugo jeta rapidement un regard autour de lui.
– Très bien, j'allais justement m'installer.
– Tu as pu voir la société ?
– Mr Josselin m'a fait faire une première visite, oui.
– Et alors ? Quelle est la situation ?
Le jeune homme marqua un court silence, repassant dans sa tête les événements de la journée.
– Eh bien... Ce n'est pas vraiment ce que je croyais...
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