Les dés sont jetés !


INT. - SALON - JOUR

Lorsqu'elle franchit le seuil, Karen fut étonnée de trouver Peter assis dans un des fauteuils du salon, tranquillement en train de déguster un limonade tout juste sortie du frigo.

Les jambes croisées, il jetait deçà-delà quelques œillades à Neyla, laquelle semblait se prendre au jeu en multipliant les rictus enjôleurs. 

"Et bien, sourit la femme. Je vois que vous n'avez pas besoin de ma présence pour vous amuser.

- Vous n'avez encore rien vu...", murmura Paul d'une voix lugubre qui fit se hérisser les poils de la nuque de son hôte.

Se délectant du breuvage acidulé, Peter passa en revue chaque recoin du salon, puis, se levant, il demanda d'une voix timide :

" Excusez-moi, Monsieur Davidson, pouvez-vous m'indiquer où sont les toilettes ?

- Deuxième porte à gauche, juste en haut des escaliers."

Personne ne fit de commentaire sur le fait que c'était Karen qui avait répondu pour son mari. Au fond, cela reflétait bien le quotidien de la famille.


*****


INT. - SALON - JOUR (CONT'D)

Lorsqu'il revint, Peter adressa un clin d'œil à son camarade (qui, par la suite de l'histoire, s'avérera être son frère aîné), lequel le lui rendit sans plus attendre. 

[PAUL: Alors ? L'histoire se déroule t-elle tel que vous l'espériez ? Je parie qu'elle manque de rebondissements. Soyez sans crainte, vous n'allez pas être déçus~]

Neyla, que l'atmosphère commençait à étouffer, se racla la gorge. Grosse erreur, car c'eut pour toute réaction deux paires d'yeux rivées sur elle. Cet instant parut une éternité et, bien qu'habituée à être au centre de l'attention, la jeune femme fut contrainte à baisser la tête. Elle qui d'ordinaire ne montrait aucun signe de faiblesse se sentait extrêmement mal-à-l'aise ; c'était tout juste si elle ne sentait pas le poids de ses vêtements s'évanouir. Un frisson glacial lui parcourut l'échine. Elle se sentait nue, sans défense, ainsi déshabillée par ces iris azur.

Ils ne l'observaient pas seulement. Ils la dévoraient du regard.

"Tenez, chantonna Karen en tendant à une boîte d'œufs frais à Paul. Il y en a pile six.

- Merci", rétorqua le blond sans détourner les yeux de sa proie.

Karl, loin d'être dupe, se rendait compte du manège. Il plaça une main protectrice sur l'épaule de sa fille avec un rictus forcé.

La situation commençait vraiment à prendre une tournure malsaine que la mère de famille semblait résolue à ignorer.

" Que penseriez-vous de déjeuner avec nous tout à l'heure ? Nous avons du rosbif, et je suis certaine qu'il nous reste quelques bouteilles de Chardonnay. Oh, mais rassurez-moi, vous êtes majeurs, n'est-ce pas ?"

Les yeux ronds comme des soucoupes, Peter laissa échapper un "Quoi ?" surpris. Jamais, au cours de leur "carrière", les deux compères ne s'étaient retrouvés face à tel revirement. 

"C'est très aimable à vous, madame Davidson, s'avança Paul, seulement nous ne pouvons pas...

- Avec joie !!!"

L'aîné adressa à Peter un regard appuyé, auquel l'intéressé fit exprès de ne prêter aucune attention.

"Génial ! s'exclama la quadragénaire. Alors, on dit midi et demie ? Nous vous attendrons avec impatience !"

Les deux garçons saluèrent le ménage avant de tourner les talons. 

La porte se referma sur une Karen conquise, dédaignant la figure grave et désapprobatrice de son mari.


*****

INT. - CHAMBRE- JOUR

Lorsque la voix de Zoé résonna enfin à l'autre bout du fil -4 tonalités, tout de même !-, Neyla n'éprouva même pas une once de satisfaction. Encéphalogramme plat.

" Et tu penses venir me voir cet été ?

- Peut-être", répliqua seulement la fille aux cheveux ombrés. 

Elle regrettait déjà de l'avoir appelé, cette soi-disant "amie". Mais bon, qui d'autre accepterait sans broncher d'écouter ses jérémiades ? Elle n'avait pas vraiment le choix.

" Et voilà que ma mère, -cette connasse, pensa-t-elle, se gardant bien de faire part de sa réflexion à sa copine- a invité les premiers mecs du coin a manger chez nous ce midi. Quelle salope, celle-là, j'vous jure...

- Oulàlà Ney ! Tu te rends compte ! Deux mecs pour le prix d'un ! Et ils sont beaux au moins ?"

J'aurais dû m'en douter : avec elle, toujours le même discours...

Malgré son air blasé, notre héroïne ne laissa rien paraître.

"L'un deux a les cheveux châtain et la coupe de ton frère à l'époque du collège. L'autre est blond. Ils ont tous les deux les yeux bleus. Je crois qu'ils sont de la même famille. Deux frères, sûrement.

- Voyez-vous ça, fit l'autre de sa voix de crécelle qui arracha une grimace de dégoût à Neyla. Ils ont quel âge ?

- Tu crois vraiment que je leur ai demandé ? soupira la jeune Davidson. je sais pas moi, peut-être dans les vingt-et-un, vingt-deux...

- Mhhh, mais c'est parfait, ça ! Deux beaux jeunes hommes pour toi toute seule ! T'imagines pas à quel point je suis jalouse !"

Zoé-la-Pouffiasse partit dans un fou-rire qui donna envie à sa dénommée amie de raccrocher sans plus attendre.

"Bon, je te laisse, j'ai plus de batterie. Je verrai si je peux te rappeler plus tard.

- Ouiiiii tu me raconteras comment s'est passé ton plan à trois ! Et je veux TOUS les détails croustillants ! 

- C'est ça..., fit-elle en leva les yeux au ciel. Bye."

Appuyant sur la touche d'arrêt de son portable, Neyla se laissa rouler sur le dos. Elle demeura dans cette position durant de longues minutes, à contempler le vide. Quelle conne ! 

Soupirant, elle se redressa et fouilla dans son sac à la recherche de son chargeur, mais elle eut beau tourner et retourner sa main à l'intérieur, l'objet s'était volatilisé.

Bon week-end, Neyla Davidson ! 

Et ça ne venait que de commencer.

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