Chapitre 4

Coopérer avec un tel personnage...

Une idée farfelue quand il y repense. Sincèrement tirée par les cheveux, et dénuée d'un quelconque sens. Mais a-t-il seulement eu le choix ?

Alors, bien à contre-cœur, le garçon s'est résigné à l'idée de lui faire comprendre sa façon de penser. Ou juste de se battre. Parce qu'une telle occasion ne se présentera plus jamais dans sa vie. Et comme l'a brillamment souligné Katsuki, qui a décidément désespérément raison, il a travaillé bien trop dur durant toute son existence, pour accepter que cette opportunité lui soit retirée.

En plus de perdre toute crédibilité auprès du comité, ainsi que dans le monde artistique tout entier, cette situation le plongerait à coup sûr vers ses propres démons. Ceux dont il essaye à tout prix d'échapper, de toute ses forces, tandis qu'ils tendent les bras vers lui. Prêts à l'attraper avec leurs ongles crochus, afin de le noyer au creux de cet océan de désespoir.

Izuku ne peut accepter un tel échec, ni même envisager que tout ceci prenne cette tournure. Et bien que l'admettre lui donne une envie folle de se cogner la tête contre un mur, la main tendue de Katsuki n'est peut-être que le salut, lui permettant des jours meilleurs.

Il a bien conscience de l'état dans lequel sa pathétique existence glisse un peu plus chaque jour, bien sûr que oui. Mais au départ, lui qui pensait ne faire face qu'à quelques coups de fatigues, et des petits pics de déprime disséminés ici et là, a vu son univers s'écrouler petit à petit. Il s'est inutilement caché derrière ses protections bien futiles, qui ne se sont avérées être au final que les outils de sa propre destruction.

« - Relax, le comité a approuvé notre projet. Je t'avais dit que ça passerait nickel notre idée. On a plus qu'à se lancer.

- C'est maintenant qu'on a plus le droit à l'erreur.

- Te met pas une telle pression. Si ça arrive on avisera. »

Comme depuis tant de matins, les deux collègues passent la porte de leur salle de travail ensemble, après que le blond soit allé le chercher à son domicile, s'assurant ainsi de son état de santé et qu'il se présente au travail. Ça fait parti des arrangements et des conditions imposées par le jeune homme, afin de faciliter les choses. Le garçon a la chevelure ondulante, reconnaît sans peine qu'il a longuement du se retenir d'injurier à tout va son collaborateur. Cette vague sensation d'être surveillé, et traité comme un enfant ne lui plaît guère, même s'il sait que ce sont des agissements effectués juste pour son bien.

Il s'imagine sans peine que Katsuki ne se sent pas plus heureux dans le rôle de la baby-sitter, et qu'il préférerait appréhender leur charge de travail autrement qu'en se coltinant un poids mort. Sans mauvais jeu de mot, bien sûr.

Pratiquement un mois a passé, depuis cette altercation au domicile d'Izuku. Évènement dont ils ne parlent que très peu finalement. Un par honte du spectacle qu'il a pu donner, et par soucis de ne pas s'étendre sur les raisons qui le poussent à agir de la sorte. L'autre par respect, ne souhaitant étrangement pas outrepasser les limites.

« - T'as réfléchis à ce que je t'ai dit.

- C'est toujours non.

- Tu pourrais l'envisager au moins. En plus, si tu veux pas y aller tout seul...

- Quoi ? Tu vas venir avec moi et me tenir par la main ? » Rétorque Izuku, sur un ton sarcastique.

Un peu penaud de réagir aussi durement, alors que tout ceci ne vise qu'à lui venir en aide, il se mord la lèvre en guise de remord. Il pose ses affaires sur l'une des petites tables de travail, juste devant l'immense estrade mise en place devant leur fresque encore vierge, et se retourne vers Katsuki.

Celui-ci n'a pas encore enlevé sa propre veste, et se contente de le regarder d'un air neutre.

« - Désolé, j'aurais pas du répondre comme ça. C'est juste... J'ai du mal à l'envisager.

- En fait, j'allais te dire que si tu veux pas de ma présence, Kirishima pouvait tout aussi bien t'accompagner. Mais ouais, s'il faut j'te tiendrais la main le nerd. »

La réplique cloue le garçon sur place, ne s'attendant pas à une telle phrase de sa part. Izuku reste pantois quelques secondes, comme si le programme de son esprit venait d'être la victime d'un plantage total, quémandant une minute ou deux pour le redémarrage.

Le blond ne s'en formalise pas, et se déleste de ses affaires, finissant encore et toujours en débardeur. C'est à se demander s'il y a autre chose dans ses placards. Il étale les croquis principaux qui constituent leur dossier de présentation au comité, tout en les observant avant qu'ils ne se lancent dans les premiers traçage de l'esquisse de l'œuvre.

En pleine réflexion, il se tient le menton, prenant tout à coup une allure très sérieuse, subitement coupée par un petit sourire en coin. Il jette un petit coup d'œil à son collègue, qui a fini par bouger de là où il se trouve, afin de se replacer à ses côtés.

« - Qu'est-ce qui te fais rire ?

- Oh rien... »

Izuku lève les yeux au ciel, toujours aussi dépité de ses actes puérils, qui ne cesseront donc jamais. Katsuki a beau être attentionné et très serviable quand il l'a décidé, il ne reste qu'un gosse ingérable qui se permet bien des choses.

« - J'étais juste en train de me dire qui avait enfin du progrès. J'veux dire, pour que t'arrives à en venir jusqu'à me présenter tes excuses... »

Le jeune homme ignore cet air de défi qui passe dans les pupilles de son collaborateur. Izuku sait pertinemment ce que le sculpteur tente de faire, et il n'est pas vraiment d'humeur à rentrer dans son jeu. Il préfère de loin travailler dans son coin en silence, et compter tel un prisonnier en cellule, le nombre de jours qui sont encore nécessaire avant qu'il ne soit libéré de son fardeau.

C'est tout de même triste, que le rêve de sa vie ce soit transformé à ce point en cauchemars.

Malgré tout, même s'il ne comprend sincèrement ni la raison ni les motivations qui poussent Katsuki a agir de la sorte, Izuku ne peut nier qu'il sait faire preuve de gentillesse de manière ponctuelle. Le climat entre eux, bien qu'encore très froid à de nombreuses reprises, commence doucement à évoluer vers quelque chose d'un peu différent. Sans pour autant que le jeune homme ne soit en mesure de poser un nom dessus.

Est-ce une forme d'amitié qui voit le jour ? C'est un peu trop fort sans doute, pour qualifier ce qui se limite à un échange des plus cordial, et quelques plaisanteries balancées de temps à autres.

Ils parviennent cependant à rester dans la même pièce plusieurs heures d'affilés, sans se chercher des noises mutuellement. Et cette simple progression relève de l'exploit, lorsque le duo constate d'où ils sont partis.

« - Pourquoi t'as du mal à l'envisager ? »

La question surprend Izuku, le faisant presque sursauter, alors qu'il commençait à préparer ses outils de travail. Ses mouvements sont fluides et instinctifs, tandis qu'il étale des morceaux de fusains, et quelques matériaux prévus dans la réalisation de leur production, juste sur sa table.

Le blond a toujours les yeux rivés sur leurs croquis, les sourcils froncés, le dos à moitié penché sur la surface en bois qui sert de bureau. Soit totalement avachi, et dans une position qui ne doit pas être des plus confortables, semi concentré sur leur projet. Tout ceci en tendant une oreille, afin d'écouter d'éventuelles explications à venir. Le jeune homme à la chevelure ondulante soupire lourdement, en fixant de nouveau son poste de travail. La gestuelle très mécanique, il commence à ouvrir la bouche, très hésitant sur ce qu'il envisage de faire ou pas.

« - Parce que...J'en sais rien. Aller aux alcooliques anonymes ? J'suis pas...

- T'es pas comme eux ? »

La honte submerge progressivement Izuku, l'obligeant à lâcher ses crayons. Il fini par se retourner afin d'avoir son interlocuteur dans son champ de vision, et en profite pour s'asseoir sur le plateau de la table.

« - J'en sais rien. T'as pas idée du bordel que c'est dans ma tête.

- Disons que je le soupçonne un peu.

- Tu connais des gens qui sont comme ça ?

- Tu veux dire, si j'ai vu des gens de mon entourage se détruire la vie a cause de ça ? »

Le garçon hoche la tête doucement, espérant que cela suffise à Bakugo. Il ignore superbement sa conscience, qui lui hurle de se remettre au travail, et se concentre sur cette conversation qui commence à voir le jour entre eux.

« - Ouais. Que ce soit des potes de l'école d'art, qui ont pas été bien loin à cause de ces merdes, ou juste de la famille. Ça commence avec un verre, et puis après...

- Après on perd le contrôle...

- Comment t'en es arrivé là ? »

Un peu perdu, Izuku se mordille la lèvre frénétiquement, en jouant avec ses doigts. Des gestes d'humeur qu'il a commencé à avoir il y a déjà plusieurs années, alors que le stress creusait son petit nid douillet dans son existence. Comme un de ces volatiles un peu envahissants. Ceux qui se moquent de la place qu'ils prennent, des besoins monstrueusement importants qu'ils dégagent en terme de nourriture et de soins. Et qui ne se gênent pas pour en demander toujours plus.

Ainsi, cette vieille camarade l'accompagne absolument partout, sans jamais lui laisser un instant de répit. Le fatiguant continuellement.

Katsuki se rapproche de lui, doucement et se risque à attraper ses mains pour l'obliger à s'arrêter. Il s'assied ensuite sur le siège juste devant son collègue, prêt à l'écouter. Sans pour autant l'inciter à parler, ni même lui forcer la main. L'artiste est le seul décisionnaire de l'instant où il se confiera.

Malgré la froideur de leur relation, Izuku ne relève pas le geste, étrangement rassuré de voir que le blond puisse agir de cette manière avec lui. C'est un simple petit mouvement, porteur d'une grande bienveillance, lui ôtant un certain poids qui commençait à peser sur sa poitrine. Alors, il le laisse agir à sa guise, profitant silencieusement de ceci, tout en se laissant aller à la perspective d'une confession imprévue.

« - Se faire une place dans un monde qui n'est pas le sien, c'est... On a toujours remit en doute ma légitimité à être un artiste reconnu. Beaucoup de gens estiment que je suis un imposteur, et que je n'aurais jamais du être le gagnant du prix Nomura, l'année où je l'ai gagné. Mon plus proche concurrent, vraiment excellent, le méritait tout autant si ce n'est plus. Alors, il a été dit que le jury avait fait preuve de charité au vu de mon statut social. »

Son regard aux nuances turquoises, se pare d'une tristesse d'une étendue sans limite, tandis que quelques gouttes d'eau viennent perler au bord de ses paupières. Il y a comme une boule d'angoisse, qui se forme dans sa trachée, qu'il essaye tant bien que mal d'ignorer malgré son importance.

« - Au final, ça aurait été une pub plutôt sympathique pour les organisateurs. Lancer un garçon qui n'arrivait pas à accéder à tout ça, par faute de moyens financiers.

- Les études étaient trop onéreuses, j'imagine.

- Maman subvenait seule à mes besoins, après la mort de mon père. Elle devait joindre les deux bouts toute seule, en s'assurant de m'offrir un avenir... Elle a fait ce qu'elle était en mesure de faire, toujours. Et je lui en serais éternellement reconnaissant. Mais c'était au-delà de nos moyens, et les bourses ne couvraient pas tous les frais qu'engageaient ce type d'école. »

Dans son esprit, s'imposent progressivement les traits de cette femme forte et incroyable. Celle qui lui a toujours tout donné afin de l'aider à réussir au mieux, même si ce n'était pas autant qu'elle le voulait. Izuku a conscience de tout ce qu'elle aurait pu céder, si cela pouvait permettre à son fils d'avoir accès à cette sphère tant convoitée de sa part. Alors, il garde en tête la totalité de ses sacrifices, sans jamais en oublier un seul. La remerciant en silence chaque jour, sans exception.

« - Tu l'as vois encore ? Ta mère ?

- Elle est décédée. »

Et, parce que tout ça n'était pas déjà assez difficile comme ça, il a fini par se retrouver absolument seul pour gérer son quotidien. Pour gérer cette horde de remise en doute constante, et ces questionnements bien trop personnels à son goûts. Ces critiques continuelles, l'empêchant d'avancer à sa guise.

Il s'en rappelle encore, de cette douleur sourde qui l'a traversé en plein cœur. Sa poitrine irradiait de manière infernale, comme si son être tout entier prenait feu. Brûlant de l'intérieur, d'une flamme porteuse d'un désespoir incommensurable. Atteignant la totalité de sa personne, de sa chaire, de ses pensées. Il ne pourra jamais oublier les larmes qu'il a versé cette nuit-là, dans les couloirs de cet hôpital. L'horloge affichait trois heures quarante-sept du matin, et il n'y avait que les néons pour illuminer à peu près l'endroit. Les machines à boissons et sucreries faisaient un boucan de tous les diables.

Mais à côté de tout ceci, il y avait sa douleur. Il y avait ses hurlements, alors que le seul parent qui lui restait venait tout juste de partir dans un autre monde.

« - Je suis sincèrement désolé.

- T'excuses pas, t'y es pour rien.

- J'suis désolé quand même. Connaître le deuil d'un parent c'est...Personne ne devrait avoir à le traverser. »

L'expression de Katsuki est réellement compatissante. Son regard paraît plus adoucit que d'ordinaire. Ses orbes rouges sont moins perçantes, s'ornant de quelques nuances délicates et brillantes, toujours aussi fascinantes.

Ses traits ne sont plus aussi durs également, et dénués de ses réactions moqueuses dont il aime faire usage quotidiennement. Il n'y a qu'un garçon soucieux devant Izuku. Un jeune homme qui s'inquiète réellement de ce qu'il entend.

« - T'as connu ça ?

- On parlait de toi il me semble. »

Midoriya ignore si c'est parce qu'il vient d'aborder un sujet trop sensible, ou si juste parce que le blond ne veut vraiment pas parler de sa vie. Cela dit, il ne peut pas l'obliger à en discuter ou quoi que ce soit. Alors il se contente d'ignorer la remarque, et de souffler un peu.

« - Perdre maman ça a été pire que tout. Après ça, je me suis mit à douter sur à peu près tout est n'importe quoi. J'avais bien quelques connaissances et amis dans le milieu, mais...

- Jamais vraiment quelqu'un a qui tu as pu confier jusqu'à quel stade allaient tes angoisses, devine le blond sans mal.

- Ouais. »

C'est si difficile. Faire le bilan de son parcours, et de tout ce qu'il a traversé jusqu'à présent. Se rendre compte de l'étendue de ses maux, de cette anxiété omniprésente qui lui a détruit l'existence à petit feu. Il a eu beau se battre de toutes ses forces afin de se construire l'existence à laquelle il aspirait, en s'imaginant que ce résultat seul suffirait à son bonheur, ça n'a jamais été le cas.

Avec le recul, Izuku se dit sans trop de peine qu'il s'est certainement fourvoyé. Que le bonheur n'existe peut-être simplement pas. Ou du moins, qu'il s'y est prit affreusement mal pour le trouver.

« - Au début, c'était juste de temps en temps. Tu vois, une soirée, pour oublier un peu les responsabilités, les avis et tout ce qui pouvait se passer autour de moi. Pour évacuer toute cette pression qui pesait continuellement sur mes épaules, qui me donnait la sensation que j'allais me vautrer. Je buvais un verre ou deux, et je repartais comme si de rien n'était. »

Mais c'est toujours de cette manière que ça débute finalement. Toujours de cette façon que le danger se referme, tel un piège que l'on aurait actionné en s'aventurant un peu trop près.

Izuku le sait, il s'est aventuré au bord du précipice, en se vantant de ne jamais tomber. Et puis, après ça, il s'est ramassé en beauté.

« - Il est venu un stade où j'ai plus réussis à tout contrôler. C'était continue, c'était trop... Comme une spirale infernale dont j'arrivais plus à me sortir. Mon esprit me jouait des tours, et je naviguais entre mes idées noires. J'pensais plus à ça, à mes angoisses, qu'à mon art. Et ironiquement, ça a nourrit mon art également. Je peignais des trucs parfois dans ces moments-là, je faisais des œuvres mais ça plaisait plus au public. C'était pas assez vendeur, et mes expositions se sont cassées la gueule. Mais ça je pense que tu en as conscience, et que tu l'avais bien remarqué toi-même déjà.

- Ouais, j'ai assisté au carnage de loin.

- Le carnage hein...

- Désolé... »

Katsuki se passe une main dans les cheveux, en le fixant maladroitement. Il semble un peu anxieux à l'idée de le braquer, ou d'avoir dit le mot de trop qui aurait pu inciter le jeune homme à se refermer, telle une coquille qui protège sa perle contre vents et marées.

Mais l'artiste n'est pas braqué, au contraire même. Il ricane légèrement, discrètement, en baissant le regard.

« - Pourquoi tu t'excuses ? T'es pas si loin de la réalité que ça. C'était un carnage.

- Pour une fois que j'essaye d'être gentil.

- C'est vrai, c'est vrai. Faudrait pas brimer cet élan de compassion qui naît subitement. »

L'échange allège quelque peu l'ambiance, les faisant tous les deux rire un peu. Ils finissent par se calmer, et reprendre un peu le contrôle, même si leurs épaules sont encore un peu secouées par leur amusement.

« - Mais t'as rencontré Kirishima quand au juste ? J'croyais que c'était un pote moi, pour qu'il accepte de me filer les clés de ta baraque.

- Comme si c'était portes ouvertes chez moi tiens... Murmure Izuku. Eijiro c'est un bon ami. On s'entend plutôt bien, et on s'est connu à l'une de mes expositions. Je tenais pas spécialement à me rapprocher de quelqu'un, mais il est assez tenace quand il s'y met...

- Ouais, ça me rappelle vaguement quelque chose. »

Katsuki marmonne à moitié, tout en se remémorant cette époque du lycée. Celle où ce fameux garçon, qui avait les cheveux noirs à l'époque, s'était fait un point d'honneur à devenir absolument ami avec le blond. À croire que c'est sa manière d'agir, et que cette méthode fonctionne mine de rien.

« - Au final, on a fini par devenir de très bons amis. Je lui ai confié pas mal de choses. Y compris ce moment où j'ai totalement perdu pied, et que je me noyais dans ma dépression. Je lui ai dis que je prenais des médocs pour ça, et que ça m'aidait à avoir des périodes moins... Compliquées ? Dans ces instants là, j'arrivais à peu près à produire ce que je faisais avant. Comme si ça remettait la machine en marche. Mais plus ça allait, et plus ces moments étaient minimes.

- Il est au courant pour tes... débordements ?

- Débordements ? Merde, si on m'avait dit que Katsuki Bakugo pouvait être aussi poli.

- J'suis littéraire, tu l'oublie tout le temps.

- Ah ouais, c'est vrai... »

S'ils font abstraction du contexte, ça pourrait être une simple conversation entre de vieux camarades, qui se donnent des nouvelles. Parlant de tout leur parcours, et de ce qu'ils ont mutuellement manqué durant leur absence. Une ambiance bien éloignée de leurs échanges habituels.

« - Il sait pas. Du moins...il sait que j'y ai été confronté un jour. Je pense qu'il est pas complètement idiot, et qu'il doit se douter de quelque chose. Mais il a jamais fait de forcing.

- Sérieux ?

- Ouais. Il m'a juste aidé à partir en clinique l'an dernier, pour que je prenne soin de moi quelques temps.

- Alors, c'est pour ça que t'as pas assuré ta participation pour la vente aux enchères du musée ? »

Izuku hoche la tête tristement, éprouvé par tout ceci. Lui qui s'était imaginé parler seulement d'une chose ou deux, vient littéralement de déballer tout son parcours à ce mec qu'il ne peut toujours pas supporter.

« - J'ai pas prit de pause, du moins...pas de la manière dont tout le monde se l'imaginait. Ça m'a énormément décrédibilisé aux yeux du comité, mais Eijiro m'a soutenu du mieux qu'il a pu. C'est entre autre grâce à lui que j'ai pu y prétendre de nouveau cette année, même s'il était pas vraiment d'accord.

- Comment ça ?

- Trop de pression, tout ça, tout ça... »

Il balaye la phrase d'un revers de main, comme s'il remettait sincèrement en doute les dires à son sujet. Pourtant, au fond de lui, le jeune homme à la chevelure ondulante sait que tout ceci n'est pas que billevesées, malgré sa ferme intention de continuer à se persuader du contraire.

Peut-être qu'à force de faire abstraction de tout ça, ses démons un peu trop envahissants prendront la poudre d'escampettes, et iront vers d'autres horizons. Qu'il pourra enfin aspirer à une paix durement méritée.

Katsuki hoche la tête, comprenant que cela s'arrête là. Il se lève de la chaise, et retourne à son propre poste de travail. Cependant, après quelques secondes, il se retourne et observe Izuku un petit instant, avant de prendre la parole.

« - Tu te rends compte ?

- Quoi ?

- C'est la première fois qu'on partage une conversation comme ça. Ou du moins qu'on parle assez longtemps, sans se balancer des conneries à la gueule.

- C'est clair que ça change de d'habitude. »

Prit d'une toute nouvelle motivation, le garçon empoigne ses outils et se dirige vers l'estrade, devançant le blond. Celui-ci fini par le suivre, et se place à sa droite devant la toile encore vierge, qui attend de voir leur production prendre vie sur cette blancheur prédominante.

« - T'sais Izuku, après tout ça, on deviendra peut-être potes.

- Quoi ? Le grand et incroyable Katsuki a besoin d'amis autour de lui ? T'as déjà ton harem à gérer, te rajoutes pas trop de responsabilités.

- J'suis multitâche. C'est ça quand on est un génie.

- Ouais ouais, ben rêve pas trop hein. »

Ils ne peuvent pas s'en empêcher. Venir se taquiner et piquer un ou deux points de leur personnalité. Mais Izuku se sent plus à l'aise, même s'il a encore un peu de mal à se l'admettre. Parce qu'il ne comprend pas réellement ce qui a changé, ni même comment ils en sont tous les deux arrivés là.

« - Alors ? Amis ?

- Non, à peine des connaissances.

- Tu dis ça, mais y a encore un mois tu m'aurais envoyé ta palette de peinture dans la gueule si t'avais pu, et là on dessine l'un à côté de l'autre. Et j'suis encore vivant.

- C'est qu'une question de temps.

- Je vois. »

Ils se mettent à sourire à l'unisson, avant de se mettre au travail.

Devant ce grand morceau encore d'une blancheur éclatante, qui attend patiemment de revêtir sa toute nouvelle robe, le jeune homme se sent respirer différemment.

Est-ce cette conversation qui lui a délesté d'un poids ? Il l'ignore. Mais c'est vrai que partager ce fardeau lui offre un souffle nouveau, quand bien même il ne comprend pas pourquoi c'est Katsuki que sa tête à choisit comme receveur de toute cette histoire.

Ce personnage semble lui aussi creuser son chemin pour s'imposer dans son esprit.

Mais est-ce que ce serait si terrible finalement ? D'avoir quelqu'un sur qui se reposer de temps à autres ? Qui comprendrait l'étendu de ses difficultés. Tout en soupirant, Izuku jette une œillade discrète à son collègue, qui est trop concentré dans ses traits.

Ce ne serait peut-être pas si farfelue à envisager.

Puis, reprenant ses esprits, il reporte son attention sur leur travail. Il ne peut décemment plus se laisser déconcentrer, et prendre le risque de les mettre en retard. Tout ça pour quelques idées qui tournent en boucle dans sa tête. Il peut bien laisser ça de côté pour le moment.

Après tout, ce n'est qu'une éventualité.

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