& 14 ; Reprendre le contrôle

Le baiser de Hodge est presque brutal. Possessif, à n'en pas douter. Comme s'il était davantage destiné à d'éventuels spectateurs qu'à Magnus. Après avoir senti les dents de son amant mordre douloureusement sa lèvre inférieure, l'indonésien met fin au baiser et s'écarte légèrement. Décontenancé, il esquisse un sourire fébrile en passant sa main sur sa bouche. Il n'est, en principe, pas contre des échanges plus sensuels mais il préfère quand ça reste dans l'intimité, plutôt que sur le parking d'un hôpital.

Alors qu'il relève les yeux vers Hodge, celui-ci est clairement tourné vers le chemin que vient de prendre Alec pour partir vers le bâtiment et aller rejoindre sa sœur, comme le frère surprotecteur qu'il est. Les yeux verts scrutent le chemin désert, son employé a déjà disparu. Inutile de préciser que ce spectacle était pour lui et Hodge sait qu'il l'a vu. Parce qu'Alec se retourne toujours quand il quitte Magnus, pour le regarder une dernière fois. Si le principal concerné n'y a jamais fait attention, ce n'est pas le cas du plus âgé des trois qui voit ça d'un assez mauvais œil compte tenu de leur passé commun.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Demande Magnus, intrigué.

— Tu es très proche d'Alec, remarque simplement Hodge.

Magnus pourrait rire. Proches ? Pas vraiment, en fait. Ils l'étaient, avant de commencer à coucher ensemble il y a huit ans, mais depuis ils n'ont cessé de s'éloigner, jusqu'à ce qu'Alec parte de New Haven. À présent, c'est différent, mais Magnus n'a pas l'impression d'être proche d'Alec. Il a l'impression de devoir garder une distance de sécurité, bien qu'il n'y parvienne pas toujours. Parce que dès qu'il le voit, il sent son cœur partir en vrille et qu'en prime, depuis qu'il sort avec Hodge, il se sent coupable de ressentir ça encore. C'est Hodge qui devrait le mettre dans cet état. Pas Alec.

— Pas vraiment, finit-il par dire en revenant contre son compagnon.

Il glisse sa main sur son torse, remontant jusqu'à son épaule pour descendre et prendre sa main. Le beau blond tourne enfin la tête vers Magnus, ses sourcils sont froncés. Il est encore en colère, oui, et ce n'est pas habituel. Magnus ne sait pas comment gérer ça avec lui.

— Alors pourquoi je t'ai retrouvé dans ses bras ?

Hodge retire sa main et s'écarte de quelques pas. L'indonésien le laisse faire en essayant de comprendre. D'accord, ce n'était sans doute pas une bonne idée de laisser un autre homme l'enlacer, mais ce n'est pas comme s'il y avait quoi que ce soit d'ambigu entre eux. Même s'il n'arrive pas à passer outre ce sentiment, il n'a pas envie de retourner avec Alec. Enfin retourner... Pour ça, il aurait fallu qu'il y ait vraiment eu quelque chose entre eux.

— Si tu veux vraiment savoir, on était en train de se disputer, avoue Magnus en repensant à leur échange.

— Ah vraiment ? Qu'est-ce que ça doit être quand vous couchez ensemble !

Cette fois, c'est à Magnus de reculer. Le venin dans la voix de Hodge le blesse. Mais qu'est-ce qu'ils ont ce soir à vouloir absolument le faire craquer alors qu'il est déjà sur les nerfs ?

— On ne couche pas ensemble, répond-il en détachant bien ses mots. C'est arrivé, mais c'est terminé.

— Mais bien sûr, tu penses que je vais croire ça, alors que quand je tourne le dos deux secondes, vous vous sautez dessus ?

— De quoi tu parles ? C'est compliqué entre lui et moi, je suis d'accord. Mais j'ai été clair avec toi et je pensais que tu me faisais confiance !

Qu'il se pose des questions, Magnus ne pouvait ni l'en empêcher ni lui en vouloir, mais il espérait qu'au moins son petit-ami avait assez confiance pour ne pas douter de lui. Si encore ce genre de situation se produisait souvent, il comprendrait, mais ce n'est même pas le cas. Alors non, il ne comprend pas, et il n'a pas envie d'avoir à nouveau à gérer des crises de jalousie insensées.

— Est-ce que tu as confiance en moi, Hodge ?

— En toi, pas en lui !

— C'est ridicule !

Pourquoi est-ce que, brusquement, Alec est devenu une menace pour leur couple ? S'il ne l'était pas avant, pourquoi maintenant ? Ou bien est-ce que Hodge a toujours attendu le moment où ils se « sauteraient dessus » ?

Avec un soupir, Hodge se rapproche et prend son amant dans ses bras. Il enfouit son visage contre son cou et embrasse sa peau caramel.

— Excuse-moi. C'est juste que je veux pas te perdre, ça me rend dingue.

— C'est pas en m'accusant de te tromper que je vais rester.

— Je sais, je sais.

Hodge redresse la tête et capture une nouvelle fois sa bouche, avec toujours la même rage contenue. Magnus essaie de s'échapper mais Hodge resserre son étreinte pendant quelques instants, avant de rompre lui-même le baiser.

— On devrait rentrer, je vais me faire pardonner.

— Je pense pas que ce soit une bonne idée.

Surpris, Hodge permet enfin à Magnus de reprendre ses distances. L'asiatique détourne aussitôt les yeux, mal à l'aise face au regard furieux qui le fixe. Aucune chance qu'il rentre avec Hodge dans cet état de nerfs, alors que lui-même est à deux doigts de s'effondrer.

— Je vais rentrer chez moi, continue-t-il. J'ai besoin de me reposer. Et de réfléchir.

— D'accord... Tu m'appelles demain ?

— Non, je... je pense qu'on devrait prendre un peu de temps, tous les deux, pour réfléchir.

La jalousie, c'est plus que Magnus peut en supporter. Il n'acceptait déjà pas ce genre de scène venant d'Alec quand il était amoureux de lui, il n'allait pas les accepter venant de Hodge alors qu'il ne l'aimait pas. Il a vraiment besoin de réfléchir à eux, mais pour l'instant, il en a juste assez. Assez de devoir se justifier de tout ce qu'il pense. De ce qu'il fait.

— Tu... tu veux rompre ?

— Non, chéri, ce n'est pas...

— C'est parce qu'Alec est célibataire ? Le coupe Hodge, furieux. Maintenant qu'il est seul, tu veux retenter ta chance avec lui ? J'aurais dû me douter que ça arriverait, ça fait deux semaines qu'il attend que ça !

— Attends, quoi ? Mais...

Hodge l'attrape par le poignet pour le ramener vers lui et l'embrasser encore. Cette fois, Magnus se débat plus fort et se retient, de justesse, de frapper le blond. Il met fin au baiser, mais ne parvient pas à se défaire de sa poigne.

— Je n'étais même pas au courant qu'il avait rompu avec Raj ! Et ça n'a rien à voir avec lui !

En vérité, ça a de moins en moins à voir avec Alec. Hodge commence à réellement lui faire peur, et il ne le lâche toujours pas. Il sent son bracelet lui brûler la peau alors qu'il essaie de tirer sur son bras.

— Chaton, je t'en prie, grogne l'ancien boxeur en reprenant son amant dans ses bras. Je te demande pardon, je veux pas te faire de mal, mais...

— Mais rien ! Lâche-moi ou c'est terminé, maintenant !

Comprenant enfin, Hodge lâche Magnus et s'écarte. Ses yeux verts reflètent à la fois sa colère et sa tristesse. Il est sincère quand il dit qu'il n'a pas envie de le perdre, Magnus le voit, mais ce n'est pas vraiment suffisant s'il ne se rend pas compte que son comportement n'est pas acceptable.

— C'est bon, je m'en vais.

Laissant là son compagnon, le blond tourne les talons et retourne à sa voiture. Magnus va se laisser tomber sur le banc, il a besoin de s'éclaircir un peu les idées avant de rentrer.

C'est décidément toujours la même chose, dès que les choses commencent à bien aller, il faut que ça dégénère sans qu'il ne puisse rien faire. De mauvaises langues diraient qu'à tout ça il y a un dénominateur commun, et c'est Magnus. Heureusement, il ne côtoie personne d'assez méchant pour lui dire ce genre de chose. Encore qu'il n'ait jamais eu besoin d'une personne extérieure pour le dénigrer, il l'a toujours très bien fait tout seul.

Depuis quelques jours, il se demande s'il a vraiment bien fait de ne pas chercher un psychiatre pour s'assurer de son état. Mais les interrogations ne durent jamais longtemps, dès lors qu'il pense aux paroles de Hodge, ou même qu'il s'imagine devoir raconter sa situation à une nouvelle personne, ça l'angoisse. Hodge pense que les médicaments n'aident pas et qu'il faut seulement de la volonté. De là à dire que Magnus a choisi d'être dépressif, il n'y a qu'un pas. Il ne l'a jamais dit, non, mais encore une fois, Magnus n'a pas besoin d'une personne extérieure, les pensées intrusives s'en chargent très bien.

Perdu dans ses pensées, le serveur reste assis sans se rendre compte du froid, ni qu'il a oublié son manteau dans la voiture d'Izzy avec laquelle est parti Simon au moins vingt minutes avant. Il n'entend pas plus les pas d'Alec qui s'approchent. Il est surpris de voir Magnus sur le banc alors qu'il pensait qu'il était avec Hodge, il avait l'air tellement en colère de les voir discuter ensemble. D'accord, Alec n'aurait sans doute pas dû le prendre dans ses bras, mais il ne pensait pas qu'Hodge arriverait. Évidemment, il a fallu qu'Izzy, gentille et attentionnée, envoie un message au petit-ami de son employé pour le prévenir qu'ils se rendaient à l'hôpital pour elle et qu'il risquait d'avoir besoin d'aide pour se calmer. Il adore sa sœur, il adore qu'elle pense tant aux autres, mais cette fois elle aurait préféré qu'elle lui fasse davantage confiance pour s'occuper de Magnus. De quel droit ? Absolument aucun. Il le sait, mais peu importe.

— Tu devrais pas être rentré ?

Magnus sursaute à la voix si proche. Il n'avait pas prévu que son ex le trouve ici. Il voulait juste être certain de ne pas faire une nouvelle crise dans le métro. Rapidement, il se lève, fait quelques pas pour s'éloigner à nouveau de lui.

— Si. J'y vais d'ailleurs...

— Eh attends ! Où est Hodge ? Pourquoi tu n'es pas parti avec lui ?

Il s'arrête et s'empêche de s'écarter quand Alec s'approche, mais il détourne le regard pour ne pas être happé par ses yeux noisette une nouvelle fois. Avec un soupir, il passe une main glacée sur sa nuque.

— On s'est disputés... parce qu'il m'a vu dans tes bras.

— C'est idiot ! Alors t'as le droit d'être proche de personne ?

L'indonésien relève les yeux. Est-ce qu'Alec est sérieux ou est-il complètement hypocrite ? La crise que vient de lui faire Hodge n'est pas différente de celles qu'il lui faisait, elle est même moins terrible que certaines !

— Je ne crois pas que tu aies le droit de critiquer les autres parce qu'ils sont jaloux, lance-t-il, un peu amusé.

— Je ne... Je ne suis pas jaloux.

— Mais oui, c'est ça. Et tu vas me dire que tu n'as pas rompu avec Raj parce que tu en avais assez qu'il couche avec d'autres ?

Une part de Magnus regrette d'avoir posé cette question indiscrète et beaucoup trop franche, une autre est suspendue aux lèvres d'Alec, attendant la réponse. Mais, devant le visage surpris du brun, il décide d'être raisonnable.

— Excuse-moi, j'aurais pas dû...

— En fait, l'interrompt Alec, c'est lui qui a rompu avec moi.

— Oh, désolé. Je suis bête, j'aurais pas dû te demander un truc pareil...

— Non, Mags. C'est rien, c'est pas comme si j'étais amoureux de lui ou quoi que ce soit. Mais comment t'es au courant ?

— Hodge vient de me le dire. Maintenant que tu es célibataire, il est jaloux.

— Je ne vois pas pourquoi.

Bien sûr qu'il ne voit pas. Il n'a jamais rien vu, de toute façon. Même quand Magnus était le plus transparent possible avec ses sentiments pour avoir une réaction, il ne voyait rien. Bien sûr qu'il n'a jamais osé lui avouer ce qu'il ressentait, comment aurait-il pu alors qu'il était persuadé de se heurter à un mur ?

— Bon, je vais y aller, souffle Magnus en essayant de garder pour lui ses pensées.

— Tu veux que je te ramène ?

— Non, c'est pas nécessaire.

Inutile de compliquer encore plus les choses. Il lui fait un signe de main avant de partir mais Alec part après lui et attrape son bras. Comme Magnus s'arrête, il laisse glisser sa main jusqu'aux doigts vernis. Il sursaute légèrement et attrape l'autre main de Magnus. Finalement, il se rend compte que Magnus ne porte pas de manteau.

— Mais tu es gelé !

— Oh euh... j'ai dû laisser mon manteau sur la banquette arrière de ta sœur.

— Sérieusement... T'as quel âge pour pas penser à quelque chose d'aussi basique ?

— Hey ! J'avais d'autres choses en tête. Ne pas m'évanouir en conduisant était en meilleure place que penser à prendre mon manteau.

Alec soupire, se rappelant l'état dans lequel il a trouvé Magnus en arrivant à l'hôpital. Cinq ans, c'est ce qu'a dit Hodge. Il n'avait pas conduit depuis cinq ans parce que la dernière fois il a eu un accident qui a coûté la vie à la personne la plus chère qu'il avait. Alec n'arrive même pas à imaginer ce que ça peut faire de ressentir un tel niveau d'angoisse. Alors il essaie de se mettre à la place de son ancien amant qui a pris sur lui pour s'assurer que son amie était en bonne santé, sans penser à la sienne.

— Écoute. Sois je te ramène, sois je te passe mon manteau pour que tu n'attrapes pas une pneumonie en chemin.

Magnus lève les yeux au ciel et retire doucement ses mains de celles d'Alec, qui semblent le brûler.

— D'accord, je viens avec toi.

Cachant un sourire victorieux, Alec part vers sa voiture, Magnus sur ses talons. Une fois installés à l'intérieur, il met le moteur en marche et allume le chauffage. Mais plutôt que de partir, il reprend les mains de Magnus qui, surpris, le laisse faire. Il les garde entre les siennes et les porte à sa bouche pour souffler dessus et les réchauffer. Un frisson traverse Magnus en sentant le souffle chaud d'Alec sur sa peau glacée.

— Tu devrais faire plus attention à toi, murmure le plus jeune.

— Je fais attention...

Ça fait deux mois qu'il s'exhorte à ne plus rien ressentir pour Alec vu que ça n'a aucune chance d'aboutir à quoi que ce soit de sain, si ça c'est pas faire attention ! Il reprend ses mains en sentant les doigts d'Alec glisser jusqu'au bracelet qui cache son poignet et il le remercie du bout des lèvres.

La voiture part enfin, dans un silence seulement dérangé par le bruit du moteur. Magnus regarde l'extérieur, se laisse hypnotiser par les lumières artificielles pour ne pas se plonger dans ses pensées. Alec, lui, se concentre sur la route pour ne pas observer Magnus, mais les questions se multiplient et il n'y tient plus.

— Tu penses que ça va s'arranger avec Hodge ?

L'indonésien n'est pas vraiment étonné qu'Alec lui pose cette question, après tout il a été le premier à poser des questions sur le couple de l'autre. Il souffle longuement avant de répondre.

— J'en sais rien. Je lui ai dit que j'avais besoin de réfléchir. Mais c'est compliqué.

— Pourquoi ? Tu l'aimes ?

Magnus ne perçoit pas le léger tremblement dans la voix d'Alec, mais celui-ci se racle la gorge en se traitant d'idiot. Seulement, le monstre veut savoir, le monstre a besoin de savoir. Depuis deux mois le monstre enrage, hurle après lui-même en pensant à Hodge en train de toucher à son trésor. Son Magnus.

— Non.

La réponse tombe comme une pierre, Alec se sent assommé, il n'avait même pas osé l'espérer. Et il n'ose pas tourner la tête vers Magnus, pas même une seconde, alors que ce dernier regarde toujours dehors. Il regarde dehors en se demandant comment la réponse a pu être aussi facile à donner. Mais, non, il n'est pas amoureux de Hodge.

— Je l'aime beaucoup, c'est quelqu'un de bien. Je pensais que ça viendrait avec le temps.

Mais s'il commence à se montrer jaloux, Magnus sait qu'il n'y arrivera pas. En fait, il ne fera même pas d'effort si Hodge n'en fait pas. Serait-il capable d'en faire ? Peut-être.

— Il est amoureux de toi, tu sais ?

Cette fois, Magnus regarde enfin Alec, les yeux écarquillés. Hodge ne lui a jamais dit une chose pareille. Qu'ils soient bien ensemble est une chose. Mais si Hodge est amoureux de lui, et que lui, ne l'est pas...

— Comment tu saurais ça ?

— Il me l'a dit. Il y a quelques jours.

Sans doute pour la même raison pour laquelle ils se sont disputés ce soir, mais Alec se garde de le dire. Il n'avait pas réalisé que Hodge le voit comme un rival. Magnus lui a sans doute parlé de leur histoire. Pourquoi ? Et, plus important, qu'a-t-il dit ? Alec est curieux de savoir comment Magnus pourrait décrire leur relation. Parce qu'il n'a pas les mots pour ça. Il n'a jamais réussi, tout ce qui lui vient quand il pense à ce « eux » qui n'a sans doute jamais existé plus loin que dans ses espoirs, c'est « compliqué ».

— Quoi, tu espérais qu'il ne tomberait pas amoureux ? Demande-t-il face au silence de l'indonésien.

— Non... je me demande pourquoi il l'est...

Alors que toi, ça ne t'est jamais arrivé en trois ans. Magnus se cale contre le siège en soupirant de nouveau. Alec ne l'a jamais aimé alors qu'ils se sont connus à une époque où Magnus avait tout à donner. Pourquoi Hodge serait-il amoureux d'une pâle copie ? Il secoue la tête, il n'a pas envie d'y penser, son sentiment de culpabilité ne fait qu'augmenter avec les minutes.

Alec se retient de répondre, pourtant des centaines de raisons lui viennent en tête, peut-être même des milliers. Mais Magnus n'a sans doute pas envie d'entendre ça maintenant, pas venant de lui. Le brun se reconcentre sur la route et le silence revient.

Quand il se gare en bas de l'immeuble, il repense à la dernière fois qu'il l'a ramené, et au baiser qu'ils ont échangé. Ou peut-être le lui a-t-il volé ? Il ne sait plus, Magnus n'était pas vraiment en état de réfléchir correctement. Mais le souvenir parvient encore à calmer le monstre, même s'il le rend affamé. Sa main revient chercher celle de Magnus alors qu'il s'est déjà détaché et s'apprête à sortir de la voiture.

— Alec ?

Non, en deux mois, il n'a plus jamais eu droit à un « Alexander ». Pourtant il en rêve.

— Tu veux bien me passer ton numéro de portable ? Je me suis rendu compte que je ne l'ai pas et... c'est bizarre.

— Oh...

Magnus n'y avait pas encore fait attention. Après tout, ils fréquentent les mêmes endroits, chacun se rendant régulièrement sur le lieu de travail de l'autre. Ils se voient souvent, bien qu'ils ne se parlent pas vraiment. Il hoche finalement la tête et Alec lui passe son portable pour qu'il tape son numéro. Aussitôt, il l'appelle, pour le voir enregistrer le numéro, pour voir le nom qu'il note. Malheureusement, Magnus se contente de rejeter l'appel avant de lui sourire.

— Tu voulais t'assurer que je t'avais pas donné un faux numéro ?

— Non, bien sûr que non ! C'était juste pour que tu... que tu aies le mien aussi.

En entendant le rire de Magnus, Alec se détend un peu mais doit tout de même s'empêcher de soupirer. Magnus ouvre finalement la portière.

— Merci de m'avoir ramené.

— C'est rien. Dépêche-toi de monter avant d'attraper froid.

— Oui, Papa !

Alec lève les yeux au ciel et Magnus s'en va. Il le regarde entrer dans son immeuble sans se retourner, avec un léger pincement au cœur. Bon, il va devoir se faire à l'idée de ne pas savoir sous quel nom est enregistré son numéro. « Alec » ou « Alexander » ? Ou peut-être « Ex n. 17001 »...

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