& 09 ; La rancœur est mauvaise conseillère
De tous les bars de toutes les villes du monde... Alec soupire. En se levant si brusquement, il a attiré l'attention de ses amis mais tant pis. C'est trop, il n'en peut plus. Il essaie tout de même d'avoir l'air serein quand il leur dit qu'il retourne chercher des verres au comptoir.
— Tu sais que tu n'as pas besoin de te justifier si tu as envie d'aller voir ton petit-ami, lance Jace en insistant bien sur le dernier mot, un sourire moqueur sur les lèvres.
C'est vrai qu'il a peut-être été brutal quand, il y a trois jours, il a annoncé à Jace et Izzy qu'il est en couple et comptait leur présenter son partenaire lors de leur soirée au Hunter's Moon. Ils ne s'y attendaient pas, parce qu'Alec ne leur parle jamais de sa vie amoureuse. Mais l'aîné a lui-même été surpris qu'Izzy n'ait pas déjà été prévenue par Magnus. Non, il n'en avait rien dit.
Après deux heures passées au bar, ils ont été cinq à accompagner Raj au Pandemonium, où il assure le service. Jace, Clary, Simon, Isabelle et Alec, évidemment. Il aurait préféré qu'ils ne viennent pas, parce qu'il a été obligé de leur dire qu'ils ne sont pas exclusifs, en le voyant draguer ouvertement les clients. Mais ce n'est pas ça qui énerve Alec, non. Il se fiche de ce que peut faire Raj, ils sont honnêtes l'un envers l'autre et savent qu'ils vont chacun voir ailleurs. Ce qui l'a mis à cran, il y a environ une demi-heure, c'est d'avoir vu Magnus danser et embrasser une jeune femme avant de partir au bar pour ensuite y draguer Raj. Rien de tel pour réveiller le monstre qu'il s'évertue à garder endormi depuis deux semaines.
Il secoue la tête avec un soupir las et s'éloigne de la table pour redescendre vers le bar. C'est lui qui avait choisi de s'installer à l'étage, pour éviter qu'Izzy se retrouve au milieu de la foule, mais il le regrette. S'il n'avait pas eu une vue plongeante sur la piste et le comptoir, il aurait plus facilement ignoré son ex. Maintenant il se retrouve obligé de s'approcher de lui pour... il ne sait même pas pourquoi, c'est le monstre qui le pousse, et il serre les mâchoires pour ne pas laisser éclater sa colère devant sa famille.
Quand il s'accoude au comptoir, accueilli par le sourire de son copain, celui-ci le présente à l'homme avec qui il flirtait deux minutes avant. Il pourrait se demander si ce n'est pas complètement abusé de présenter à son mec un de ses potentiels amants, mais ça ne l'effleure même pas. Le monstre est déjà concentré sur le corps à sa droite, tendu par le stress de s'être fait surprendre en train de fauter. Leurs regards se croisent et il le sent se crisper un peu plus quand il le salue.
— Vous vous connaissez ? S'étonne Raj.
— C'est le nouveau serveur de ma sœur et Clary, répond simplement Alec sans quitter Magnus du regard. On s'est rencontrés, il y a deux semaines.
— Ah vraiment ?
On peut entendre dans la voix de Raj qu'il ne croit pas Alec, surtout quand il voit Magnus lever les yeux au ciel en soupirant. Sans compter qu'il n'a pas oublié qu'Alec a couché avec un mec, il y a deux semaines alors qu'il devait seulement passer la soirée avec ses amis. Il doute que Magnus soit une simple connaissance, mais à vrai dire ça l'amuse un peu. Il n'a jamais rencontré d'autres amants d'Alec et il ignorait qu'ils pouvaient avoir les mêmes goûts.
Appelé par des clients, Raj laisse les deux hommes au comptoir. Alec baisse les yeux sur ses mains, mais rapidement ils glissent sur celles de Magnus, recueillant sensuellement le sucre de son verre.
— Alors c'est lui, souffle l'indonésien avant de lécher son doigt. Je pensais pourtant que New York était une ville immense et que je n'aurais pas à te croiser dès ma première sortie.
— J'imagine que tu aurais préféré t'amuser tranquillement avec tes partenaires.
Magnus retient un soupir agacé et regarde à nouveau Alec qui fixe les bouteilles contre le mur. De quoi est-ce qu'il parle encore ?
— Je ne vois pas bien en quoi ça te regarde, répond-il simplement. Ou alors tu es jaloux parce que c'est à ton copain que je parlais ?
— Je ne suis pas jaloux, il fait ce qu'il veut.
En tournant la tête, Alec observe Raj qui regarde avec intérêt les bagues sur les doigts fins et manucurés d'une quarantenaire. Magnus suit son regard et boit une gorgée de jus de fruits.
— Pas jaloux, mon œil, marmonne-t-il.
— Arrête, j'ai jamais été jaloux.
— Toi ? Tu...
L'indonésien s'interrompt pour ne pas révéler le fond de sa pensée. Il n'a pas envie de se disputer avec Alec. En fait, il n'a pas envie de parler avec Alec, et c'est exactement pour cela qu'il est ici, pour se le sortir de la tête.
— Laisse tomber. Passe une bonne soirée.
Il laisse sur le comptoir son verre à moitié vide et tourne les talons. Mais il ne fait pas deux pas qu'Alec l'attrape par la main pour le retenir. Il se retourne et lui lance un regard noir, mais il reste silencieux. Après quelques secondes, Alec le lâche et il part. Il n'a même pas fait exprès de retenir Magnus, c'était un réflexe malheureux.
Magnus monte à l'étage pour fuir la foule, et Alec. Il a envie de prendre l'air, et il a vu qu'il y avait une terrasse. Il aurait pu sortir à l'extérieur, mais il sait que s'il sort, il sera tenté de partir, simplement. Et il ne veut pas partir. Il ne veut pas partir à cause d'Alec.
— Oh Magnus !
Arrivé en haut, une voix qu'il connaît bien l'interpelle. Il n'avait peut-être pas rêvé alors, Clary est bien là. Il s'approche de leur table, cherchant une excuse pour s'éloigner avant qu'Alec ne revienne.
— Décidément, je vais avoir l'impression que vous me suivez, lance-t-il à l'intention de ses patronnes.
— C'est peut-être le destin ? Répond Izzy, avec un gentil sourire. Tu as vu Alec ? Il vient de descendre.
— Non, je ne l'ai pas vu. Je vous laisse, on m'attend !
Heureusement, elles ne le connaissent pas assez pour déceler le mensonge. Il leur fait un signe de la main avant de repartir vers la terrasse. Quand la porte se referme derrière lui, il a l'impression d'être devenu sourd. Presque, parce qu'un groupe de personnes discutent vivement et rit beaucoup. L'indonésien s'isole dans un coin, appuyé sur la balustrade et, enfin, il soupire. Encore, longuement, à la limite du grondement. Il n'a pas besoin de ça ce soir. Merde ! Pourquoi faut-il qu'Alec soit partout ? Comment peut-il réussir à réorganiser sa vie s'il voit Alec partout où il va ? Il commence à penser qu'il n'aurait pas dû venir à New York. A-t-il été négligent de venir malgré la présence possible d'Alec ou s'est-il menti à lui-même en pensant que ça ne poserait pas de problème ? Les deux peut-être, il n'en sait plus rien. Il voulait une vie calme. Il voulait pouvoir être heureux à nouveau. Il ne peut même pas partir, il n'en a pas les moyens. Il n'a plus d'économies, il a tout utilisé pour partir et payer à l'avance l'espace de stockage à Boston. Tout ce qui restait de... Il soupire, il n'a pas le choix de toute façon. Il doit rester à New York et espérer que la situation s'arrange.
— T'as oublié ça, au bar.
Magnus sursaute en entendant la voix d'Alec. Il tourne la tête et voit son ex lui tendre son verre. Il le prend en le remerciant du bout des lèvres, le peu d'enthousiasme devrait le faire partir. Mais non, Alec reste. Passant son poids d'un pied sur l'autre, mal à l'aise.
— Tu veux autre chose ? Demande finalement l'indonésien, la voix lasse.
— J'ai croisé ma sœur et elle m'a dit que tu n'avais pas l'air bien.
Ah oui vraiment ? Magnus lève les yeux au ciel en regardant à nouveau la vue sur New York. Parce qu'en plus il a eu besoin que quelqu'un lui fasse remarquer ? Il est pourtant loin d'être idiot.
— Tout va bien, ment l'indonésien, peu enclin à entamer ce genre de discussion avec Alec. Et j'ai pas besoin qu'on me surveille.
— C'est certain. T'avais l'air de bien t'amuser tout à l'heure.
— Pardon ?
Cette fois, il se retourne complètement vers Alec, sourcils froncés, ne sachant pas trop comment prendre cette remarque. C'est la deuxième fois qu'il lui reproche de s'amuser. Parce que c'est bien ce que c'est : un reproche. Mais Magnus ne sait pas tout à fait à quoi Alec fait allusion, puisqu'il a dansé seul, puis bu seul en discutant avec un barman, certes, aguicheur. Le petit-ami de son ex, de surcroît. Tout agréable qu'était Raj, l'amusement n'était, non, pas à son maximum.
— Je peux savoir ce que tu insinues ?
— Je n'insinue rien. Je dis seulement que si tu continues à flirter aussi ouvertement avec tout le monde, ça va être compliqué de faire croire à qui que ce soit que tu es gay.
— Même si c'était vrai, en quoi est-ce que ça te regarde ? Je te rappelle que t'as un mec ! T'as pas le droit de te montrer possessif comme tu le faisais avant !
Alec sursaute presque, surpris que Magnus ose lui dire qu'il est possessif. Comme si le problème venait de là ! Comme si le problème venait d'Alec ! Son regard s'obscurcit de colère et il toise Magnus du haut de la dizaine de centimètres qui les séparent.
— Je me fous de qui tu baises ! Ce qui m'énerve c'est que tu joues les offusqués quand on te fait remarquer que tu couches avec tout ce qui bouge ! Tu faisais déjà ça à New Haven, et je vois que ça n'a pas du tout changé en cinq ans !
— Je savais pas que tu avais une aussi mauvaise opinion de moi ! Rétorque Magnus, insulté. Il me semble, pourtant, que ça te dérangeait pas quand c'est toi qui me baisais ! Mais maintenant que je ne veux plus, je suis un putain d'obsédé sexuel !?
— Tu dis ça comme si on avait rompu...
— Ah non, parce que pour rompre, il aurait fallu qu'on soit un couple ! Ce qu'on a jamais été ! Je savais déjà à cause de qui, maintenant je sais aussi pourquoi !
Non seulement, Alec est jaloux mais s'il pense vraiment que Magnus est un dépravé, pas étonnant que les choses en soient restées là, ou qu'il n'ait jamais ressenti les mêmes sentiments que Magnus. Et ça brise le cœur de l'indonésien. Oui, encore une fois. Les débris n'étaient sans doute pas assez épars.
— Mais j'en ai plus rien à faire, continue-t-il, la voix tremblant de colère. Penses ce que tu veux. Je serais jamais suffisant à tes yeux, de toute façon.
— Mags...
Les doigts de Magnus se resserrent sur son verre, et même Alec se rend compte qu'il se retient de le lui lancer au visage, il cesse de parler. Mais ce soir, Magnus n'a pas envie d'être mélodramatique, alors il l'abandonne simplement sur le bord de la terrasse.
Au milieu de la foule, il se dirige vers le bar. Il espère ne pas tomber sur Raj. Il ne veut plus avoir affaire à quoi que ce soit relié de près ou de loin à Alec. C'est avec soulagement, donc, qu'il voit arriver la barmaid à qui il demande une vodka. Tant pis pour la raison. Il est à deux doigts de se mettre à hurler. Alec l'a vraiment blessé, et il ne le saura sans doute jamais. Il n'est même pas sûr qu'Alec serait désolé.
Une fois servi, il ne prend même pas la peine de savourer son verre. Il avale l'alcool en deux gorgées. Il s'en veut de se sentir si bien en sentant la brûlure dans sa gorge. Mais il se sent presque instantanément mieux, ce qui n'est pas une bonne chose, mais il a décidé de ne plus être raisonnable. Il commande un second verre et s'éloigne vers une table. Il espère réfléchir, il espère ne pas le faire. Il n'est pas certain de réussir à se vider la tête avec la dispute qui tourne encore dans son esprit. Les mots odieux d'Alec. Les siens. Merde, c'est n'importe quoi...
— Ah, un amateur de vodka. Voilà mon erreur.
Magnus tourne légèrement la tête pour apercevoir un homme, à moins d'un mètre de lui. Il ne lui faut qu'une seconde pour réaliser que c'est celui qui lui a offert un verre tout à l'heure. De près, il est plutôt beau. Les yeux bleus, les cheveux châtains, un visage doux et un sourire à tomber. Un léger sourire se glisse sur les lèvres de l'indonésien.
— Je n'aime pas trop le whisky, répond-il pour ne pas dire que le problème ne venait pas de là.
L'homme se rapproche et, alors qu'il pense à garder ses distances, Magnus ne peut s'empêcher de penser aux paroles d'Alec. Et l'alcool lui donne la mauvaise idée de faire exactement ce que lui reproche son ex. Lui montrer ce que c'est quand il cherche vraiment à allumer quelqu'un. Il termine son verre rapidement et propose à l'homme de venir danser. Un peu surpris, il accepte et attrape la main de Magnus pour l'emmener avec lui.
Les mains l'un sur l'autre, les deux hommes se déhanchent sur la musique. Encore une fois, Magnus essaie de se vider la tête, il essaie de se perdre dans les gestes de cet inconnu. Peut-être arrivera-t-il à s'apaiser ? À calmer cette envie de faire n'importe quoi ? Peu à peu, ils trouvent leur propre rythme. L'homme enserre la taille de Magnus dans ses grandes mains, suivant le mouvement langoureux de ses hanches, et se rapprochant petit à petit.
Après quelques chansons, ils sont l'un contre l'autre et s'embrassent fougueusement. Le cœur de Magnus s'affole, mais il n'y prête pas attention. Il enfonce ses doigts dans les cheveux de l'inconnu qui lui dévore la bouche, et lui arrache des soupirs de bien-être. Dans sa tête, c'est le brouillard, enfin. L'alcool lui fait enfin oublier la douleur qu'Alec lui cause. Enfin, il oublie Alec. Il oublie ses yeux noisettes qui le transpercent, ses mains brûlantes et douces.
L'inconnu glisse sa main de sa taille à ses fesses et le presse contre son bassin. Magnus sent clairement son excitation, il rompt le baiser pour reprendre son air. Une seconde plus tard, il est entraîné en dehors de la piste de danse par l'inconnu qui les mène à l'écart. Sur le chemin, sa poitrine commence à lui faire mal et il voit trouble. Il manque de trébucher deux fois mais il n'y pense plus en se retrouvant plaqué à un mur, des lèvres reprenant vivement les siennes. L'homme se frotte contre lui, ses mains parcourant son corps mais Magnus commence à le repousser.
— Attends, je me sens mal.
— T'inquiète, je vais te faire te sentir bien.
Son corps commence à trembler, mais pas à cause des caresses insistantes de l'inconnu. Il repousse à nouveau ses mains qui s'attellent à se glisser sous son t-shirt pour toucher sa peau frissonnante alors que l'homme reprend sa bouche. Magnus essaie de le repousser à nouveau et, comme il n'y arrive pas, il rompt le baiser.
— Si tu n'arrêtes pas, je te vomis dessus, dit-il froidement.
L'inconnu s'écarte, dégoûté, et s'en va en pestant. Magnus se laisse glisser jusqu'au sol sans plus faire attention à lui, trop concentré sur son état qui le préoccupe. Qu'est-ce qui m'arrive ? Il n'aurait sans doute pas dû boire d'alcool. Il devrait rentrer. Mais son cœur bat tellement vite, il n'est pas certain de réussir à se lever.
— Oh. Hey ! Est-ce que ça va ?
L'indonésien relève légèrement la tête et se fige en même temps que le blond qui, dans la pénombre, ne l'avait pas reconnu.
— Jace... Ça va, je vais bien.
Jace hoche la tête avec un mine sarcastique et attrape son téléphone. Magnus n'a pas le temps de lui demander ce qu'il fait qu'il l'entend prononcer le nom de son ex. Difficilement, il se relève et s'éloigne en direction des toilettes. Il ignore Jace dont la voix disparaît quand il referme la porte derrière lui. Il s'approche d'un lavabo et l'ouvre pour s'asperger le visage. Il s'appuie sur la céramique et relève les yeux. Un mauvais flashback l'oblige à reculer de quelques pas pour s'éclaircir les idées. Dos contre le mur, il prend de grandes inspirations. Est-ce qu'il va s'évanouir ici ?
Le bruit de la porte lui fait ouvrir les yeux et il souffle, exaspéré, en voyant Alec entrer. Le brun s'approche d'un pas hâtif et pose sa main sur la joue de Magnus qui le repousse.
— Je vais te ramener chez toi, ok ?
— Je peux me débrouiller. Ton copain doit espérer que vous rentrerez ensemble.
— J'ai dit à Jace de le prévenir que je le rejoindrai plus tard.
Le cœur de l'indonésien se serre un peu plus et une plainte s'échappe de sa bouche. J'aurais mieux fait de me taire. Alec attrape son bras et Magnus se laisse emmener jusqu'à l'extérieur sans protester. Il n'est pas certain qu'il pourrait rentrer chez lui seul de toute manière. Il suit donc Alec jusqu'à sa voiture et, une fois installé, Alec se tourne vers lui.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Jace m'a dit qu'un mec l'a bousculé et qu'il venait de là où tu étais. Est-ce qu'il t'a...
— Oh, sérieux ! S'exclame Magnus, un peu fort. Non, il n'a rien fait ! Et s'il avait, même, essayé, j'aurais pu me défendre ! On s'embrassait et j'ai fini par le repousser, c'est tout !
Alec sent le monstre dans ses tripes enrager en entendant Magnus dire aussi facilement qu'il a embrassé un autre homme. Pas qu'il ait besoin de l'entendre pour le savoir, puisqu'il les a vus, sur la piste, après que Raj les ait pointés du doigt. Beaucoup trop amusé par la situation, d'ailleurs.
Magnus s'écarte légèrement, et il tend la main vers la poignée.
— Si tu continues à me regarder comme ça, je descends et je me débrouille pour rentrer.
Le plus jeune hausse les sourcils. Il ne s'est pas rendu compte que ses pensées se lisaient aussi sur son visage. Mais il sent ses mâchoires serrées pour empêcher de laisser la parole au monstre. Il soupire et attrape la main de Magnus pour l'empêcher de sortir.
— Excuse-moi, j'arrête. Mais t'en va pas.
Magnus retire sa main en soupirant et regarde par la vitre, attendant qu'Alec démarre. Il ne faut pas qu'ils parlent, ou ils vont encore se disputer. Ils n'arrivent plus à communiquer autrement. Magnus ne veut pas se disputer, il veut juste profiter de la présence d'Alec. Il ne se sent pas bien, mais avec Alec, c'est moins pire.
Le trajet ne dure que quelques minutes. Une fois arrivé, Magnus sort de la voiture mais doit se retenir à la portière pour ne pas s'écrouler. Il jure. Puis jure à nouveau quand il voit Alec à son côté quelques instants plus tard.
— Tu as bu beaucoup de verres ?
— Non, seulement deux !
— Depuis quand ça te met dans cet état de boire deux verres d'alcool ?
Magnus secoue la tête. Il ne peut pas lui dire que c'est sûrement à cause de ses antidépresseurs. Il veut s'écarter mais Alec le retient, pour la troisième fois de la soirée. Sauf que cette fois, il ne parvient pas à retirer sa main. Le brun ferme la porte et pousse Magnus contre la voiture pour l'empêcher d'essayer de s'enfuir à nouveau.
— Laisse-moi, lance l'indonésien d'une voix faible et tremblante. Je vais aller m'allonger et ça ira mieux.
— Non, c'est pas vrai. Je veux que tu me parles. Dis-moi ce qui ne va pas !
— Tu veux pas plutôt me demander ce qui va ? Ça irait plus vite.
— Magnus, je t'en prie...
Remarquant les larmes de lassitude qui commencent à border les yeux chocolat de son ex, Alec se rapproche jusqu'à sentir son corps contre le sien, et il l'embrasse doucement. C'est plus fort que lui, voir Magnus aussi malheureux est une torture. Ils ont passé tant de temps ensemble, et il ne l'a jamais vu comme ça. Magnus a toujours été quelqu'un de fort et de fier. Jamais il ne l'avait vu pleurer, avant. En colère, oui, souvent. Dégoûté, hors de lui, euphorique, heureux, extatique. Il l'a vu dans tous les états possibles sauf celui dans lequel il se trouve ce soir et ça lui fait mal au cœur. Que s'est-il passé ?
Magnus répond aussitôt au baiser, ses mains s'agrippant mollement à la veste de cuir d'Alec. Le brouillard de ses pensées se dissipe quelque peu, mais pas la douleur de sa poitrine qu'il s'efforce d'ignorer. Alec savoure l'instant, et le fait que le monstre ait enfin cessé de le tourmenter. Il appuie davantage son baiser, pressant son corps contre celui de Magnus. Il voudrait s'excuser pour les paroles qu'il a dit plus tôt, pour l'avoir blessé encore. Il pense ce qu'il a dit, mais il n'aurait pas dû le dire de cette manière. Ce n'est pas comme s'il pensait du mal de Magnus. Ça n'a jamais été le cas, et c'est là tout le problème.
Un gémissement lui échappe et, presqu'immédiatement, Magnus met fin au baiser et détourne la tête.
— On peut pas faire ça.
— Si, on peut. Ce n'est rien.
Il plonge dans les yeux de Magnus, le suppliant du regard. Il a tellement envie de lui. Envie d'effacer la tristesse dans ces yeux merveilleux. Envie de le faire se sentir mieux.
— Alexander, je t'en prie...
Déglutissant difficilement, Alec se redresse un peu. Il est surpris que Magnus l'appelle par son prénom entier, alors qu'il ne l'a pas fait une seule fois depuis qu'ils se sont revus. Pourtant il l'appelait toujours comme ça, sauf quand il était en colère après lui. Il est surpris que ça soit arrivé. Et surpris de se rendre compte à quel point ça lui avait manqué. Il aimait entendre la voix veloutée de Magnus prononcer son prénom, qu'il soit le seul à le faire. Il aime ça.
Il soupire longuement en passant une main sur son visage, parce que Magnus lui demande de se calmer mais qu'il n'est pas certain d'y arriver.
— D'accord. Je t'aide à monter chez toi et je te laisse tranquille.
Il ferme sa voiture et suit Magnus jusqu'à l'intérieur de l'immeuble. Arrivés dans l'escalier avant son étage, l'indonésien trébuche, sentant son cœur s'accélérer encore et sa tête tourner. Alec le retient puis passe un bras autour de ses épaules et l'autre derrière ses genoux pour le soulever.
— Hey, qu'est-ce que tu fais !? S'exclame Magnus en s'accrochant à lui.
— Je m'assure que tu ne tombes pas avant d'arriver à ton lit.
Un rire lui échappe devant le soupir agacé de Magnus. Il termine le chemin jusqu'à sa porte et le laisse poser les pieds au sol pour la déverrouiller. Il l'aide à aller jusqu'à sa chambre, allumant la lumière du salon au passage, puis le regarde se laisser tomber sur le matelas en se retenant de lui sauter dessus.
— C'est bon, je suis sain et sauf.
— Tu devrais boire un verre d'eau.
— Non, je veux juste... m'allonger et dormir.
L'indonésien ferme les yeux. Ses sourcils légèrement froncés trahissent le malaise qui ne l'a pas quitté. Alec soupire et s'approche finalement. Il lui enlève ses chaussures et rabat la couverture sur lui pour qu'il n'attrape pas froid. Il part ensuite dans la salle de bain, à la recherche d'aspirines que Magnus sera certainement heureux de trouver sur sa table de nuit en se réveillant. Mais en ouvrant l'unique meuble de la petite pièce, son regard se pose sur une boîte orange. Intrigué, il la prend et regarde de quoi il s'agit. Son cœur rate un battement quand il comprend. Depuis quand Magnus prend des antidépresseurs !?
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