5. Naufragés
Regardez le navire partir à la dérive
Regardez les naufragés
Tenter en vain de gagner
L'autre rive
Ils sont nombreux à lutter contre les flots
Mais personne ne gagne contre leurs terribles assauts
Regardez les sombrer dans l'eau
Regardez les rejoindre l'éternel repos
Ils ont vécu
Et combattu
Contre les affres de la vie
A présent que leur sort en est finis
Il lutte encore
Contre la mort
Car les humains sont trop attachés à la terre
Peu importe à quel point elle peut leur être amère
Et si je n'ai encore rejoint le commun des mortels
C'est parce que j'espère encore en un repos éternel
De préférence sur terre qu'au ciel
Mais je me rends compte qu'une existence parfaite
Ne saurais être vécu dans un monde aussi infecte
*-*-*-*-*-*-*-*-*
May Robin
Elle avait honte de ce qu'elle était devenue. Et part elle j'entends la chose qui si roulait en boule dans son lit le soir pour se noyer dans ses larmes. Un être faible et méprisable. Je me dégoûtais tellement que parfois il me devenait quasiment impossible de m'associer à ma propre personne.
Certes je n'avais jamais eu une once de courage une fois dans ma vie mais je n'avais jamais été vulnérable à ce point là. Je ne pouvais même plus faire semblant de rester la même qu'avant, cela devenait de plus en plus difficle. Mais peu importe à quel point le courant pouvait menacer de m'emporter, je tâchais toujours de rester à la suface de l'extérieur. Car les autres n'avaient pas à savoir ce qu'était ma vie. Ils n'arriveraient pas à la comprendre de toute façon, ou pour mieux dire, à "me" comprendre.
Alors je continuais de revêtir mon masque et d'être le soleil qui brille derrière les nuages parce ce que c'est ce que les autres attendaient de moi. Les gens préfèrent demeurer aveugle quand il s'agit des problèmes d'autruis c'est bien connu. Chacun en a déjà assez de ses propres soucis pour en plus devoir se coltiner ceux des autres. Et moi, je ne voulais être une charge pour personne. Je ne voulais obliger personne à me prendre en "considération". Les fois où moi même je réussissais à me convaincre que j'allais bien, cela marchait sur les autres également alors tant mieux. Mes sentiments devaient rester cacher car ma noirceur était trop profonde pour être étaler sous le soleil. Je n'étais pas quelqu'un qui pouvait prétendre à la normalité mais au moins je pouvais essayer, et apparemment les autres n'y voyait que du feu.
C'est fou à quel point les gens ont une capacité énorme à se foutre de tout à part de leur petite personne. J'aurais aimé pouvoir être aussi détachée. Cela m'aurait éviter de devoir saigné du cœur à chaque insulte qu'elle me balançait à la figure comme la plus naturelle des remarques anodines. Mais je pouvais bien prétendre ne pas être atteinte par ses mots, le feu qui me démengeait la poitrine me donnant envie de m'arracher les tripes, était une preuve flagrante de mes émotions.
Et ce sentiment n'a pas arrêter de m'étouffer jusqu'à m'en rendre malade tout au cours de la semaine. J'en avais des nausées et des migraines atroces. A chaque fois que je passais le seuil de la maison au retour, j'avais l'impression de basculer en enfer. Et peu importe le nombre de temps que je pouvais passer barricader dans ma chambre il fallait tout de même que je finisse par en sortir pour dîner. Il fallait que je supporte l'indifférence de mon beau-père et le mépris silenceux de ma mère.
Ce soir-là, le repas se déroula dans une ambiance funèbre car Johanne ma demi-sœur semblait encore plus déprimée que d'habitude ce qui tirait quasiment de l'impossible. Ses gestes étaient nerveux et fébriles et elle avait gardé la tête baissé tout le long du repas, le visage barricadé par les longs cheuveux châtains qu'elle tenait de son père. Ceux de Johanne semblaient en très mauvais état : ils étaient emmêlés et avaient un air blasé, comme un terrain laissé à l'abandon. Et cela décrivait parfaitement bien Johanne. Elle ne prenait plus soin d'elle - cela se voyait à sa perte de poids hallucinante- et refusait que quiconque le fasse pour elle. Ce comportement autodestructeur tuait ma mère à petit feu et ne l'en rendait que plus insupportable à vivre.
Je voulu me pencher pour lui demander si ça allait mais ça aurait été hyppocrite de ma part. Plus rien n'allait dans cette famille depuis déjà un bon moment. De plus, je n'avais pas envie de lui parler, tout comme elle avait reufuser systématiquement tout contact avec moi durant l'année écoulée. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle lorsque nous avons emménager au début de l'été ma mère avait tenu spécifiquement à nous placer dans des écoles différentes.
Je ne savais pas comment j'arrivais à survivre dans une famille qui se rendait à peine compte de mon existence sauf lorsqu'il s'agissait de me mettre tous leurs problèmes sur le dos. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, je survivais, jour après jour.
Le dîner finis je tentai de regagner ma chambre mais ma mère m'ordonna de rester pour l'aider à faire la vaisselle. Ça aurait dû être le tour de Johanne vu que je l'avais déjà remplacé deux fois au cours de cette semaine mais évidemment vu son petit "malaise" elle était tout à fait excusé.
On fit la vaisselle dans ce silence glacial qui caractérisait si bien les rapports chaleureux que j'entretenais avec ma mère et comme la chance se trouvait toujours de mon côté, une assiette m'échappa accidentellement ce qui lui donna le prétexte parfait pour déballer tout ce qu'elle retenait depuis le début de la soirée, à savoir l'inutilité de mon existence et le fait que je détruisais tout ce que j'approchais de près ou de loin.
Elle continua ainsi pendant longtemps. L'atmosphère devenait insupportable et je sentais mes tympans prêt à éclater. Je voulais juste disparaître mais je ne pouvais tout bonnement pas quitter la cuisine, ç'aurait été pire. Beaucoup pire. Alors je suis rester planté dans ma bulle tandis qu'elle crachait son venin qui arrivait tout de même à m'atteindre en dépit de mon apparence impassible.
J'encaissais du mieux que je pouvais, la bile dans la gorge mais je sentais que ma poitrine allait finir par s'ejecter à travers mes voies respiratoires si je ne disais pas quelque chose. Mon indifférence apparente sembla la mettre d'avantage en rogne et son ton haussa en volume tandis que ses yeux d'acier semblait vouloir me couper en deux. Ma mère en colère était de loin la chose la plus terrifiante que j'avais jamais vu. Je ne pouvais la laisser parler d'avantage. La rage me nouait la gorge et j'avais envie de hurler mais je tentai tout de même de contrôler le ton de ma voix lorsque j'essayai de lui faire comprendre que je n'avais tout de même pas fais exprès de casser cette putain d'assiette.
Mais elle n'en avait cure et le fait que j'ose me justifier sembla l'amener au bord de l'explosion. Selon elle je devais arrêter de chercher une piètre excuse à tous les actes que je commettais et les assumer au lieu de me dérober lâchement. A partir de là j'étais sûr qu'elle ne parlait plus du tout "d'assiette" et je sentis mon cœur arriver au bord de mes lèvres. Je n'avais aucune envie de m'aventurer avec elle sur ce terrain-là. Ça risquait de très mal finir.
Elle parlait toujours, avec une telle véhémence et un tel venin dans la voix que j'avais l'impression qu'elle se trouvait en face de l'être le plus abjecte au monde. Son mépris était palpable et sa fureur crépitait dans l'air. Je me mis à trembler. Elle ne me frappait pas souvent mais lorsqu'elle le faisait, elle semblait s'y mettre pour tous les jours durant lesquels elle m'avait rater.
Je n'en pouvais plus, mes lèvres menaçaient de se desceller et je sentais la brûlure familière me chatouiller les yeux, mais je refusais de me mettre à pleurer devant elle comme une gamine. Puis tout à coup je me suis dit qu'à ce stade puisque la seule chose dans laquelle j'excellais apperement était de lui "pourir la vie" j'allais donc m'évertuer à accomplir ma tâche à la perfection.
Le fracas causé par l'impact d'une autre assiette qui touchait le carrelage coupa cours à sa transe de folie et elle n'eût pas le temps de se remettre de sa stupeur qu'une symphonie de crystal se brisant sur le mur d'en face envahit l'atmosphère avant de s'éparpiller dans la pièce, retombant comme des pétales arraché férocement de leur tige par une épouse trahis.
Je n'avais pas vu mes mains saisir la pile d'assiette et l'envoyer valdinguer mais à la minute ou j'entendis l'impact violent de leur particules entrain de se briser, je me sentis étrangement satisfaite. Comme quoi je n'étais pas la seule à pouvoir gésir au sol complètement détruite et délaissée. Je suis sortis de la cuisine sans qu'un mot de plus ne soit prononcer et j'ai gravis les marches menant à ma chambre. En passant devant celle de Johanne le bruit de ses sanglots me sont parvenus et je n'ai même pas réussi à éprouver ne serait-ce qu'un peu de pitié pour elle. Chacun ses problèmes.
J'ai fermé la porte à double tour et j'ai tout de suite mis la main sur mon casque avant de monter le volume à fond. Le cahier qui ne me lâchait jamais était sous mon oreiller et j'ai plongé sur mon lit, crayon à la main, commençant à noircir l'une de ses pages blanches. Mais je n'écrivais pas. Le crayon partait en tout sens comme si j'étais possédée. Je sentais la pointe de la lime peser furieusement sur le papier et s'enfoncer dans la matière fine comme pour la transpercer. C'était l'état dans lequel se trouvait mon esprit. Des marteau-piqueur attaquaient mon cerveau, dévorant la chair et s'abreuvant de mon sang. Ils reprenaient un refrain infernal, celui que me chantait ma mère quelques minutes à peine. Il repassait en boucle sans cesse et ma poitrine se comprimait à force de retenir mes cris. Mon souffle se bloquait dans ma cage thoracique. Je me noyais et tout ce que je voulais s'était me jetter au sol et y frapper ma tête jusqu'à y créer le vide le plus complet.
C'était vraiment horrible, pire que n'importe quelle douleur physique. Je voulais juste sortir de moi même, mais je n'y arrivais pas. Lorsque ma poitrine tressauta finalement j'envoyai rageusement mon cahier à l'autre bout de la pièce avant de coller mes dents contre ma mains. Les larmes que j'avais tant refouler dévalaient à présent le long de mes joues, brûlantes et accusatrises. Me reprochant ma propre faiblesse. Je ne voulais pas pleurer mais je ne savais pas quoi faire d'autre. Je sentais ma propre morsure devenir de plus en plus profonde et mon esprit torturé se demandait vaguement jusqu'où je pourrais aller avant de ressentir une douleur concrète. Autre que celle qui me terrassait jour et nuit, m'empêchant de dormir et ternissant mes journées, se traînant à ma poursuite tel un ombre vengeur attendant de me massacrer dès que je me laisserais tomber. Cette douleur là était perpétuelle, constante. Le fardeau que j'étais condamné à traîner sur mes épaules tout au long de cette chienne de vie.
Lorsque la première goutte de sang atterrit sur le drap, l'incompréhension s'insinua en moi et je mis un moment avant de réaliser ce que j'étais entrain d'infliger à main. Je contemplai la petite surface de chair meurtris d'un air absent, je n'avais pas eu conscience du nombre de temps que j'étais rester assise ainsi, mais ma respiration avait finis par se calmer et mes larmes commençaient à sécher. La douleur me poussa finalement à me lever du lit pour prendre soin de ma main et j'eus une piètre consolation en me disant qu'au moins j'avais toujours le pouvoir de me faire souffrir beaucoup plus que les autres.
En allant rejoindre la salle de bain je passai devant le cahier qui avait atterit au sol et le ramassai avant de me figer stupéfaite face à la pair d'yeux qui me dévisageait. Je sentis mon sang se glacer et ma gorge se contracter. Je connaissais ce regard. Et bien que ce n'était qu'une exquisse encore incomplète, je reconnu dans mon dessin ce garçon que j'avais apperçu dans le bus au début de la semaine.
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Voilà une autre mise à jour comme promis !
J'ai hâte d'avoir vos avis sur ce chapitre x)
Xx
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