Chapitre 3
Je mentirais si je disais que je n'ai pas été morte de trouille lorsque j'ai découvert Chase dans le salon de Mégane, Eliott sur ses genoux. Je me déteste d'être effrayée à l'idée qu'il puisse faire du mal à mes proches parce que ça me semble impossible qu'il fasse une telle chose. Il avait l'air tellement sincère quand il m'a dit être venu seulement pour discuter avec moi mais je ne peux m'empêcher d'être inquiète et de douter de ses motivations. La tragédie s'est déjà abattue à deux reprises sur cette famille, c'est mon devoir de les protéger. Et je refuse qu'un nouveau drame se produise par ma faute.
- Est-ce que tout va bien avec ce garçon ? demande Mégane lorsque la porte d'entrée claque.
- Oui, ne t'en fais pas. Je... dois lui parler. Je reviens après, d'accord ?
- Prends ton temps.
J'esquisse un faible sourire avant de récupérer mon manteau et de l'enfiler. J'ai laissé les courses en plan dans la cuisine mais je sais que Mégane se chargera de les ranger. Je m'en veux de la laisser seule deux jours à peine après mon retour, mais je n'avais pas prévu que Chase se pointe ici, ni de devoir faire face à cette situation aussi tôt. Je n'ai même pas vraiment eu le temps de réfléchir à ce que j'ai vu et à ce qu'il pourrait faire avec ses armes.
Après avoir passé deux nuits blanches, assise contre le lit d'Eliott, je suis épuisée et discuter avec Chase est bien la dernière chose que j'ai envie de faire. Je n'avais aucune intention de mélanger ma vie en France avec celle de New Paltz mais tout vient de tomber à l'eau. Avec un peu de chance, il repartira aussi vite qu'il est arrivé et j'aurais tout le temps dont j'ai besoin pour aider ma famille de cœur, retrouver mes parents et faire mon deuil.
Je ferme la porte derrière moi et prends une longue inspiration. Je suis tellement confuse de trouver Chase chez moi, en France. Je ne sais pas comment il m'a retrouvée, mais le voir ici est perturbant. Tout se mélange dans ma tête et je déteste ce sentiment. Tout m'échappe. Je n'avais que peu d'emprise sur ce retour précité. Désormais, je n'ai plus aucun contrôle. Il vient de faire voler en éclats le fragile équilibre que j'ai tenté d'instaurer deux nuits plus tôt.
- Je suis désolé, je n'aurais pas dû entrer mais je ne savais pas si tu étais ici, souffle-t-il en me voyant.
Pour toute réponse, je hoche la tête. J'ai besoin d'une seconde de plus pour remettre de l'ordre dans mon esprit. Après avoir parlé anglais pendant plus de quatre mois, reprendre le français n'a pas été si simple. Me voilà à devoir jongler entre ces deux langues et ce n'est pas aussi facile que je le souhaiterais. Encore un nouveau problème à gérer. S'il reste ici quelques jours, comment s'en sortira-t-il ? Je ne peux pas le laisser seul, livré à lui-même.
- Monte dans la voiture, soupiré-je.
Je sais que me retrouver en sa compagnie, en tête à tête, n'est pas la meilleure idée que j'ai eue, mais j'ai envie de lui faire confiance. Je refuse de douter de l'un de mes amis avant d'avoir eu une explication. Tout n'est peut-être qu'un vaste malentendu. J'ai besoin qu'il me parle et qu'il soit honnête avec moi. Je veux connaître la vérité, je veux savoir qui il est et ce qu'il fait de son temps libre.
Je prends le volant et m'empresse de monter le son de la musique. Je démarre et m'éloigne un peu de la capitale dans l'espoir d'éviter les bouchons. Je veux du calme et être dans de bonnes conditions pour aborder cette conversation.
- C'est étrange de te voir conduire.
- Ça m'avait manqué, confessé-je.
- La liberté ?
- Ouais.
Rouler pour s'évader.
Rouler pour savourer la liberté.
Rouler pour oublier.
Rouler pour garder le contrôle.
On s'entend sur ce point. J'espère que nous serons encore sur la même longueur d'onde après cette escapade qui, pour la première fois, n'est pas nocturne mais plutôt matinale.
Je glisse un regard dans sa direction et un léger sourire se dessine sur ses lèvres. On s'est toujours compris et bien entendus, comme si nous étions amis depuis toujours. Mais finalement, il semblerait que je ne le connaisse pas. Et j'en suis aussi anxieuse que triste. Comme toujours, j'ai mis en avant nos points communs, oubliant les détails qui nous différencient et les secrets qui ont, en réalité, creusé un immense fossé entre nous.
- Pourquoi t'es venu ? l'interrogé-je après avoir baissé le son de la radio.
- Je... c'est tellement compliqué à expliquer. Je ne sais pas par où commencer.
Il soupire et évite mon regard. Le silence s'étire et je devine qu'il se livre à une bataille, un conflit permanent qui l'anime depuis peut-être plus longtemps que je ne l'imagine : garder ses secrets ou tout révéler. Et si lui semble hésiter, j'ai bien l'intention de lui donner un petit coup de pouce parce que moi, je suis sûre de ce que je veux. Et un énième mensonge ne fait pas partie de mes attentes.
- Écoute bien parce que je t'assure que je ne le répéterai pas. Je veux la vérité, Chase. Tu m'as menti beaucoup trop de fois, tu as gardé tous tes secrets pour toi et si je l'ai supporté jusqu'à présent, ce ne sera plus le cas. Je jongle entre deux trains de vie différents, j'essaye de garder la tête hors de l'eau, de ne pas couler une seconde fois. Et pour ça, j'ai besoin d'être bien entourée. Alors si tu as l'intention de me mentir, dis-le moi et je te dépose à l'aéroport.
- Ne me mets pas la pression, c'est déjà assez dur comme ça.
- Je traverse un moment difficile. Je ne suis pas prête à affronter tes mensonges, à me battre pour obtenir la vérité, à me battre pour que tu te confies. Donne-moi ce que je veux, sinon laisse tomber.
Durant de longues minutes, il garde le silence et, même si aucun son ne sort de sa bouche, je peux l'entendre cogiter. Il hésite. Je ne suis pas naïve, je sais que me confier ses secrets lui coûte cher. Il les protège constamment, il n'en parle même pas à ses colocs mais j'ai vu des armes dans son armoire, il ne peut plus faire marche arrière. Je veux savoir où je mets les pieds, comment me positionner. Je veux savoir si je suis en danger. Moi ou quelqu'un d'autre.
- Je vais rester là quelques jours, laisse-moi du temps pour tout t'expliquer. Je te promets de te dire la vérité si, en échange, tu me promets d'être patiente.
- Pourquoi t'es venu si vite si tu as besoin de temps ?
- Parce que je n'ai pas eu le choix et que la seule chose dont je me suis préoccupé, c'était de te retrouver. Je veux faire ça correctement. Je refuse de sortir une phrase de travers et de t'effrayer.
- Je déteste devoir te poser cette question mais... Comment puis-je encore te faire confiance ?
- Je ne t'ai jamais voulu de mal Harmonie. Jamais. Et ça n'a pas changé.
Je soupire et me gare sur le côté de la route. Je dois le croire sur parole. Je n'ai pas le choix parce qu'il ne peut rien faire pour me prouver qu'il n'a pas l'intention de s'en prendre à moi. Les prochains jours me diront si j'ai eu raison, ou non, de lui faire confiance.
- Est-ce que tu t'es servi de moi pour atteindre quelque chose ?
- Bien sûr que non ! J'ai toujours été sincère et honnête avec toi. Et si je n'ai jamais répondu à tes questions, c'était pour éviter de devoir te mentir. C'était pour te protéger parce que putain, tu n'imagines pas dans quelle merde je suis !
Je coupe le moteur et descends de la voiture, oppressée. Je me fous d'être garée n'importe où, perdue au milieu d'une rue déserte. J'ai besoin d'air et d'une pause. Est-il en danger parce que j'ai découvert ses armes ? Le suis-je aussi ?
Je m'assois sur le bord du trottoir et Chase me rejoint. Je le laisse s'installer à mes côtés sans m'éloigner. Pourquoi n'ai-je pas le droit de vivre ma vie sans tomber à chaque fois que j'avance ? Je passe mon temps à me relever, à entrevoir l'espoir d'un avenir meilleur, et à chuter de nouveau. Dès que quelque chose de bien m'arrive, une nouvelle tempête s'abat sur mon quotidien. C'est épuisant.
Mes parents, mon ex, Sophia, Matthieu et maintenant Chase. Qui sera la prochaine personne ? Qui sera le prochain à me décevoir ? À m'entraîner dans sa chute ? À faire de ma vie un enfer ? Chacun leur tour, ils ont été ma bouffée d'oxygène. Ils m'ont rendu heureuse avant de tout me reprendre. Ils m'ont redonné le sourire avant de piétiner tout ce que j'avais, de briser tout ce que j'étais. Pourquoi le même schéma se répète-t-il constamment, inlassablement ?
- Je peux te poser une question ?
- Vas-y, acquiescé-je.
- Pourquoi t'es partie ?
- Le père de Sophia est décédé, débité-je sans réfléchir, avec froideur.
- Je suis désolé.
- Moi aussi...
Je fixe un point devant moi, le souffle court, et je lutte, encore et encore. Je suis épuisée, tant moralement qu'émotionnellement. L'annonce de la mort de Matthieu m'a bouleversée, revenir ici m'a brisée en mille morceaux et retrouver Chase en France a fini de m'achever. C'est trop pour moi. Je n'ai même pas encore réussi à remettre un pied dans la chambre que je partageais avec Sophia. Je n'ai même pas encore revu mes parents. Je n'ai finalement affronté que la moitié de tout ce qui m'attends. Et j'en ai déjà marre. J'essaye de me montrer forte pour Mégane et Eliott. Je suis allée faire les courses pour remplir leur frigo, je reste auprès d'Eliott chaque soir pour l'aider à s'endormir, je fais à manger, je nettoie la maison, j'épaule Mégane. Je suis là depuis deux jours et j'en ai déjà tellement fait dans l'espoir de ne pas laisser la moindre seconde de répit à mon cerveau pour penser à tout ce qui m'arrive. J'ai du mal à croire que dans quelques jours, je devrai revivre un enterrement. Du mal à croire que je n'ai pas eu l'occasion de dire au revoir à Matthieu, que je ne lui ai jamais dit merci, que je suis partie comme une voleuse. Je me déteste d'être aussi égoïste, aussi faible et incapable de prendre soin des autres. Et de moi. Il semblerait que je me sois trompée de voie parce qu'il est évident que jamais je ne serai une bonne psychologue.
- Harmonie ?
- Hum... ?
- Je peux te prendre dans mes bras ?
Je tourne la tête dans sa direction, un peu surprise par sa question. Tout a toujours été si naturel entre nous. Notre relation va-t-elle se briser à cause de ce que j'ai découvert ? Vais-je perdre un second ami ? J'accepte doucement le décès de Sophia, je ne supporterai pas l'absence d'une autre personne, surtout si elle est encore de ce monde. Ce serait encore plus dur.
Pour toute réponse, je laisse tomber ma tête sur l'épaule de Chase et aussitôt, il passe son bras autour de ma taille. Ce simple contact m'apaise et tous mes doutes s'envolent. J'ai besoin de réconfort. J'ai besoin de soutien, d'attention. Je veux que quelqu'un m'empêche de m'effondrer une énième fois. Et tant pis si je me montre imprudente. Tant pis si je me trompe sur son compte. Tant pis s'il me confie qu'il n'est pas celui qu'il prétend être. Je me fous de ses secrets et de la raison de sa présence. Pour le moment, j'ai juste besoin de lui.
Je le repousse doucement et enjambe ses cuisses pour me retrouver assise sur lui. J'enroule mes bras autour de sa nuque et niche ma tête dans le creux de son cou. Il resserre mon étreinte et se détend contre moi, sûrement soulagé que je ne le repousse pas. J'ai l'impression de recharger mes batteries, de remonter à la surface, de toucher le sol après un saut en parachute. La connexion a toujours été étrange. Notre alchimie est indéniable, mais notre amitié est encore plus belle. Et j'ai tellement peur de perdre ce qu'il y a entre nous. J'ai peur de le perdre, lui, comme j'ai perdu Sophia et Matthieu. Parce que tout comme eux, il est devenu un pilier dans mon quotidien. Je regretterais de m'être trompée sur Chase, de ne pas m'être suffisamment méfiée parce que j'allais mal. Je ne peux pas croire qu'il se soit montré si patient avec moi pour finalement me blesser.
- Tout va bien, n'est-ce pas ? le questionné-je d'une voix tremblante.
- Non, tout ne va pas bien. Mais je te promets d'arranger la situation et de prendre soin de toi.
- Dis-moi ce que tu as fait, s'il te plaît.
- Des choses affreuses, chuchote-t-il.
- Tu as blessé des gens ?
- Pas maintenant. Je ne veux pas qu'on parle de ça ici, pas de cette façon. Je veux que tu sois prête à m'écouter, à encaisser les informations que je te donnerai.
- D'accord.
Nous restons dans les bras l'un de l'autre encore un long moment avant de reprendre la route. Je le ramène chez Mégane, consciente qu'il n'a aucun endroit où dormir et qu'il doit avoir faim. Je pourrais le laisser prendre une chambre d'hôtel, mais je préfère garder un œil sur lui. S'il avait l'intention de s'en prendre à ma famille, il n'aurait pas attendu mon retour ce matin. Et il m'est impossible d'imaginer qu'il joue à un jeu avec moi depuis le premier soir. J'aurais fini par m'en rendre compte, par entrevoir des failles. Il ne peut pas être un aussi bon comédien.
Avec un peu de chance, il se sentira plus en confiance pour me confier l'ampleur du problème et ses secrets s'il est constamment auprès de moi.
De retour chez Mégane, je lui explique la situation en quelques phrases brèves. Je mens un peu, lui dis que j'ai confié à Chase être un peu chamboulée par les événements et qu'il est venu m'épauler. Avec toute sa bonté, elle accepte de l'héberger le temps de son séjour et je suis soulagée.
Je laisse Chase s'éclipser à l'étage pour s'installer dans la chambre et je reste en bas, avec Mégane. Je sais que l'heure sera bientôt venue de me confronter à cette pièce qui me fait si peur, mais tant que je peux l'éviter, je le fais. Peut-être parviendrai-je plus facilement à y remettre les pieds si je ne suis plus seule ?
- Ta mère a appelé, souffle Mégane, sur ses gardes.
- Elle sait que je suis là ?
- Non, je ne lui ai rien dit.
- Pourquoi a-t-elle appelé dans ce cas ?
- Elle l'a toujours fait. Depuis que tu habites ici, elle appelle toutes les semaines pour avoir de tes nouvelles. Ton départ l'a blessée. Bien plus que tu ne l'imagines. Tu devrais aller voir tes parents. C'est le bon moment, tu ne crois pas ?
Je hausse un sourcil, surprise. Je ne savais pas que mes parents s'intéressaient autant à ma vie. Ça me surprend et me touche. J'ai toujours cru que mon départ ne leur avait fait ni chaud ni froid. Je me suis dit qu'ils devaient être en colère contre eux-mêmes, pas parce que j'étais partie, mais parce qu'ils n'avaient pas réussi à avoir suffisamment le contrôle sur moi pour me retenir. Je me suis trompée et malgré les apparences, il semblerait qu'ils m'aiment.
- Je ne sais pas. Ça fait si longtemps que je ne les ai pas vus.
- Ils seront présents à l'enterrement. Tu ne pourras pas les éviter éternellement.
- Je sais.
Elle pose une main réconfortante sur mon épaule et me sourit tristement. Elle a perdu brusquement la moitié de sa famille. Elle a sûrement du mal à comprendre comment je peux m'obstiner à fuir la mienne alors qu'une tragédie est si vite arrivée. Je suis sûre que Chase ne le comprendrait pas non plus, lui qui est si proche de sa sœur et de sa mère. Mais c'est ainsi. Tout le monde ne grandit pas étouffé d'amour, de câlin et d'affection. Je fais partie de ceux qui ont vécu oppressés par les règles, les contraintes et le but de perfection. J'ai souvent haï mes parents, puis je l'ai regretté avant de réaliser que, même si ça semble affreux, jamais je ne pleurerai autant leur mort que celle de Sophia, jamais je ne souffrirai autant de leur départ que de celui de Matthieu et je n'y peux rien. Il m'a fallu du temps pour l'accepter, mais on ne choisit pas qui on pleure comme on ne choisit pas qui on aime. Et si la rancune surpasse le pardon, ce n'est pas grave. Parce qu'on n'est pas obligé d'excuser et de chérir les gens sous prétexte qu'ils sont de notre famille.
J'ai l'intention de renouer avec mes parents, de leur redonner une chance, mais même s'ils se comportaient comme je l'espère, cela ne rattrapera jamais tout ce que nous avons vécu. Ou plutôt, ce que nous n'avons pas vécu.
Je m'éclipse à l'étage et pour la première fois depuis que je suis revenue, la porte de mon ancienne chambre est ouverte. Je jette un coup d'œil à l'intérieur avant de détourner le regard et de m'appuyer contre le mur. Une boule se loge dans le fond de ma gorge et je déglutis. Deux mondes se rencontrent et je crains que la collision ne me soit fatale. Sophia, mon passé, et Chase, mon présent. Leurs chemins ne se croiseront pas et pourtant, ils n'ont jamais été aussi proches l'un de l'autre. Je ne sais pas si ça me comble de bonheur ou si je vais m'effondrer dans les prochaines secondes.
Silencieusement, je décide que je resterai une nouvelle fois dans la chambre d'Eliott cette nuit. Ainsi, je serai là s'il se réveille et qu'il a besoin de quelqu'un pour sécher ses larmes. Et comme en général il dort à poings fermés, je pourrai compter sans gêner personne. Je pourrai passer de longues heures à réfléchir à mes retrouvailles avec mes parents, aux secrets de Chase, à ce qui est le mieux pour lui, pour moi et pour mes proches. Parce que si j'ai envie de lui faire confiance, il n'en reste pas moins que je doute. J'ai peur de ce que je pourrais apprendre. Et j'ai le pressentiment que ses confessions ne vont pas me plaire.
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Hey ! 👋🏻
Comment allez-vous ?
J'espère que vos examens se sont bien passés ! 🤞🏻
Chase semble avoir besoin de temps mais il lui est compté. Parviendra-t-il a révéler tous ses secrets avant la fin des dix jours ?
Harmonie pourra-t-elle encaisser la vérité, en plus de tout ce qu'elle traverse déjà ?
Réponse bientôt... 👀
Chase va commencer à se dévoiler. Rendez-vous la semaine prochaine ! 💜
Bon week-end ! 😘
Instagram : mllejustine28_
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