Une semaine s'est déjà écoulée. Rien n'a changé et pourtant, tout est toujours aussi différent.

Chase et sa famille se sont installés dans la maison que j'occupais il y a encore quelques jours. Moi, je n'y ai toujours pas remis les pieds. L'appartement d'Ethan et sa présence me réconfortent et m'apportent la stabilité ainsi que l'équilibre dont j'ai tant besoin.

J'ai repris les cours. J'ai repris le taf. Mes journées se ressemblent tellement que c'en devient presque inquiétant. Mais c'est apaisant aussi. C'est rassurant de ne plus perdre pied chaque seconde, de ne plus voir son monde voler en éclats constamment, de ne plus se retrouver mêlée à des histoires d'armes.

D'ailleurs, l'enquête se poursuit sans donner le moindre résultat. Et même si je sais que ce sera affreux pour cette famille de vivre sans connaître les coupables du meurtre de Linh, c'est mieux ainsi. C'est mieux pour Chase, pour moi et pour tout le monde.

J'essuie la larme solitaire qui a trouvé le chemin de ma joue et me tourne vers Maï Ly. Lexie et moi avons décidé de l'accompagner jusqu'à l'aéroport. Notre amie rentre chez elle pour enterrer sa jumelle. Sa famille et elle semblent s'être bien trop éternisés, ils ne supportent plus de dormir dans cette ville, là où la vie de Linh a si brutalement été emportée. Je crois qu'ils avaient hâte de partir. Il est temps pour eux de rentrer pour se reconstruire.

– Merci d'être venue, murmure Maï.
– C'est normal. Appelle-nous quand tu veux, on sera toujours là pour toi, souffle Lexie en la serrant dans ses bras.

Leur accolade dure un moment et je reste en retrait, les observant se dire au revoir. Je ne me sens pas légitime. C'est en partie de ma faute et je ne devrais pas être là, à soutenir cette fille que j'ai tant blessée. Mais refuser de l'accompagner jusqu'ici aurait été bien pire encore.

Lorsqu'elle s'avance vers moi, de nouvelles larmes ont trouvé le chemin de ses joues. Elles ne tarissent plus depuis deux semaines. À mon tour, je la serre contre moi.

– Est-ce que ça devient plus facile un jour ? demande-t-elle d'une voix à peine audible.

Je pose mes mains sur ses épaules et l'écarte doucement de moi. La douleur que je lis dans son regard ne fait que remuer le couteau dans la plaie. Cette tristesse, je l'ai provoquée. Pourtant, je l'ai moi-même vécue et je ne la souhaite à personne. Comment ai-je pu faire une chose pareille ?

– J'aimerais te le promettre, mais c'est impossible. Ça ne sera jamais facile mais je t'assure que tu apprendras à vivre avec son absence.
– Dès que je me réveille, la première personne à laquelle je pense, c'est elle. Et chaque matin, je réalise qu'elle n'est plus là et qu'elle ne sera plus jamais là. Je n'arrive même pas à expliquer à quel point ça me fait mal. C'est presque physique.
– Je sais... Perdre quelqu'un, ça nous brise en mille morceaux mais un jour, ça fera un peu moins mal.
– J'en sais rien, ça me paraît impossible, me confie-t-elle en essuyant ses larmes.
– Tu vas y arriver, Maï. C'est juste une question de temps. N'oublie jamais que Linh aurait très certainement aimé que tu continues à avancer et que tu sois heureuse, même s'il y aura toujours un vide au fond de toi.
– Je sais. Merci Harmonie.

Je lui offre le sourire le plus crédible que je puisse esquisser et je la serre une dernière fois dans mes bras. Puis elle disparaît avec sa famille, l'avion décolle et je me demande ce que j'aurais pu faire pour éviter ce désastre. Aurais-je dû poursuivre cette partie qui me hante encore la nuit ? Si j'en avais connu le dénouement final, peut-être. J'aurais pu me sacrifier mais qu'aurais-je gagné si Chase s'était pris cette balle à ma place ? Rien. Absolument rien. Je ne pouvais pas sauver tout le monde et cette situation me ronge de l'intérieur.

– Comment tu te sens ?

Je me tourne vers Ethan. Il glisse un furtif coup d'œil dans ma direction avant de se concentrer sur la route. Nous venons de déposer Lexie chez les garçons et depuis que nous avons quitté l'aéroport de New York, personne n'a décroché un mot. La route a été longue et j'ai senti Ethan inquiet. Il mourait d'envie de poser sa question mais il a attendu que nous nous retrouvions seuls.

– Pas très bien. Est-ce que ça te dérange si on fait un détour par l'hôpital ?
– Non, pas de problème. Tu veux aller voir Joe ?
– Je crois bien que oui.

Il hoche la tête et change de direction. Je ne suis pas retournée à l'hôpital depuis un moment. Je ne m'en sentais pas capable, je culpabilisais trop pour rendre visite à Joe, mais je crois que je m'en veux encore plus de ne pas être à ses côtés, de le laisser seul.

Ethan me dépose sur le parking. Comme toujours, il respecte mes décisions et m'attend dans la voiture. Il est patient avec moi. Il ne me brusque jamais, ne cherche pas à me faire parler ou à me faire sortir. Il me laisse aller à mon rythme, appréhender toutes les conséquences de cette fusillade comme je le souhaite. Et moi, je meurs d'envie de lui dire toute la vérité. Il mériterait de la connaître mais j'ai peur de sa réaction. Il a fait beaucoup d'efforts en ce qui concerne Chase, je ne voudrais pas qu'ils tombent déjà à l'eau.

Je chasse cette idée de ma tête et prends une longue inspiration avant de pousser la porte de la chambre de Joe.
Presque mécaniquement, j'attrape une chaise et la dépose à côté du lit sur lequel mon ami est allongé. Je glisse sa main dans la mienne et la froideur de ses doigts me fait frissonner.

Cela fait déjà quinze jours qu'il n'a pas ouvert les yeux. Ses cheveux châtains dépassent du bandage qui entoure sa tête, de nombreux fils le relient à une machine et si j'en fais abstraction, c'est angoissant de voir à quel point il a l'air d'aller bien. J'ai l'impression qu'il dort et que si je l'appelle, il finira par se réveiller.

Ses sourires me manquent. Ses blagues aussi. Lui tout entier, en réalité. Je ne m'étais pas rendue compte qu'il était devenu un pilier dans ma vie, qu'il comptait autant pour moi. Il était le petit rayon de soleil dans mon quotidien, je ne peux pas croire qu'il ne me fera plus jamais rire. Il doit se battre pour revenir.

– Je suis tellement désolée, murmuré-je en secouant la tête.

J'appuie ma joue contre nos doigts entremêlés et je ferme les yeux. Je sais que je devrais lui parler, parce qu'il m'entend très certainement. Certains disent même que cela pourrait l'aider à sortir de son coma. Ouais, je devrais parler, mais j'en suis incapable. Je préfère garder le silence parce qu'à cet instant, il est reposant et apaisant.

Je ne sais pas combien de temps je reste là, dans cette position inconfortable. Je me redresse brusquement lorsque la porte de la chambre s'ouvre. James se fige en me découvrant dans la pièce. Un million d'émotions défile sur son visage et mon cœur se serre en repensant aux mots blessants qu'il m'a balancés à la figure. Je les avais bien mérités mais ils n'en restaient pas moins déplaisants à entendre.

– Je ne savais pas que tu étais là, déclare-t-il finalement, brisant le silence qui régnait depuis mon arrivée.
– J'allais partir.

Il hoche la tête et je m'empresse de rassembler mes affaires. Je n'ai pas envie de rester ici plus longtemps. James m'en veut, et bordel, je le comprends tellement parce que moi aussi je m'en veux. Moi aussi je me déteste.

Je suis arrivée il n'y a même pas six mois et j'ai foutu le bordel dans sa vie et dans celles de ses amis. Si je n'étais pas venue ici, jamais je n'aurais trouvé les armes de Chase. Maï ne pleurerait pas sa sœur. Joe ne serait pas sur ce lit. Tout le monde irait bien. Alors oui, il a raison de m'en vouloir.

J'enfile mon manteau et quitte la chambre sans un regard en arrière. J'envoie un texto à Ethan pour le prévenir que j'arrive au moment où mon prénom résonne dans le couloir.

– Harmonie !

Surprise, je me retourne et plonge dans les yeux azurs de James qui me rejoint et s'arrête à ma hauteur.

– Tu as une minute ?
– Bien sûr, acquiescé-je.
– Je voulais m'excuser. Je n'aurais jamais dû m'emporter de cette façon.
– J'aurais sûrement réagi de la même manière. C'était légitime de ta part.
– Non, je regrette vraiment ce que je t'ai dit. Je n'ai pas réfléchi et j'ai été blessant avec toi. Tu n'y étais sûrement pour rien. Tu voulais juste l'aider, n'est-ce pas ?

Le regret que je lis dans son regard me réconforte un peu. J'acquiesce et hausse les épaules. Je voulais l'aider, certes, mais cela n'excuse en rien tout ce qui découle de mes erreurs.

– Je ne pensais pas qu'on en arriverait là et je suis désolée de ne pas t'en avoir parlé mais ce n'était pas à moi de le faire.
– Je sais. Tu es quelqu'un de bien et je m'en veux de t'avoir traitée ainsi.
– C'est déjà oublié, le rassuré-je avec un mince sourire.

Il ouvre ses bras et, sans réfléchir, je m'y réfugie, soulagée d'avoir eu cette discussion avec le Britannique. James est, au fil du temps, devenu comme un grand frère. Il est vrai qu'il m'a accueillie sans poser la moindre question, qu'il a toujours été là pour moi. J'aurais été vraiment triste que notre amitié se brise de cette façon.

– Comment va Chase ? demande-t-il en s'écartant.
– Honnêtement, je ne sais pas. Je ne l'ai pas vu à l'université de la semaine et je n'ai pas eu le courage de retourner à la maison.

Il hoche la tête avant de déposer un baiser sur mon front.

– Je vais voir Joe. Merci d'être passée, je suis sûr que ça lui a fait plaisir.
– J'espère. Hé James ?
– Oui ?
– Tu devrais lui laisser une chance de t'expliquer. Ce ne sera pas facile à entendre et à croire, mais écoute-le. Il a besoin de soutien.

Il se contente de m'observe un moment avant de m'offrir un sourire. Puis il m'adresse un signe de la main et disparaît dans la chambre de son colocataire.

Je m'empresse de retrouver Ethan qui m'attend depuis tout ce temps et sur le trajet du retour, tout ce que j'espère, c'est que James va penser à ce que je lui ai dit. Chase a réellement besoin d'être soutenu et entouré. Je sais qu'il culpabilise et qu'il se sentirait un peu mieux si son ami l'écoutait et le comprenait.
Ce que je demande à James n'est pas facile. Moi aussi, la première fois, je suis partie en courant. Moi aussi, j'ai rejeté Chase. Mais je lui ai laissé une seconde chance et si j'ai réussi à le faire, James devrait y parvenir, lui aussi.

Lorsque nous nous garons en bas de l'immeuble, il fait nuit depuis un moment. Je m'empresse de suivre Ethan dans son appartement et je décide de me mettre aux fourneaux. J'ai besoin de m'occuper.

Je commence à préparer le repas pendant qu'Ethan prend sa douche puis il me rejoint et la tentation devient beaucoup trop forte. Je meurs d'envie de lui confier la vérité. J'ai besoin de me libérer de ce poids, de ne plus lui cacher ce qu'il s'est réellement passé lundi. J'aimerais avoir une relation saine avec lui et cela n'arrivera jamais si je garde pour moi des informations qu'il mériterait de connaître. Je voudrais qu'il sache que si je suis toujours aussi mal, ce n'est pas simplement parce que Linh me manque ou parce que j'ai peur pour Joe. J'ai envie qu'il ait tous les éléments en main pour comprendre mon chagrin, mon malaise, mon mal-être. Je me sens coupable et je veux qu'il le sache.

– Ethan ?
– Oui ?

Je lâche des yeux ma préparation pour me tourner dans sa direction. Appuyé contre le meuble de la cuisine, il repose le livre d'art qu'il avait entre les mains et me sourit. Je dois lui dire la vérité mais Chase ne mérite pas que je le trahisse.

Je refuse de briser notre amitié au profit de ma relation avec Ethan.

Je refuse de mettre en péril cette relation pour protéger mon ami.

Je ne veux pas choisir entre eux. Je vais devoir trouver un compromis.

– Harmonie ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

Il quitte sa place pour me rejoindre. Et plus il approche, plus j'hésite. Du bout des doigts, il relève mon menton et nos regards se croisent.

– Je dois te dire quelque chose mais j'aimerais que tu me promettes de... Non, oublie la deuxième partie de ma phrase, soupiré-je.
– Tu veux que je te promette de ne pas m'énerver ? De ne pas partir en courant ? sourit-il, amusé.
– C'était stupide, tu auras le droit de m'en vouloir. En fait, je veux juste t'en parler, réagis comme tu veux.
– Tu m'inquiètes.

Il passe une main dans mon dos pour éteindre le gaz et éviter que mon repas ne brûle. Ce petit geste pourrait paraître anodin, mais pour moi, il ne l'est pas. De cette façon, il me prouve que j'ai toute son attention et qu'il est prêt à m'écouter, peu importe le temps que durera cette conversation.

– Ça concerne les fusillades de lundi dernier, soufflé-je.
– D'accord, acquiesce-t-il, un peu sur la réserve.

J'attrape l'ourlet de son t-shirt et joue distraitement avec. Nos corps sont si près l'un de l'autre et j'aime cette proximité. J'espère qu'elle ne disparaîtra pas dans les prochaines minutes.

– Je sais ce qu'il s'est passé.

Je prends mon courage à deux mains et plonge dans son regard. Aucune réaction. Il garde le silence et attend patiemment la suite. Si je déforme un peu la vérité, je peux couvrir Chase tout en confiant ma culpabilité à Ethan. Est-ce que je fais une erreur ? Peut-être. Mais on en est plus à une près, si ?

– Il y a quelques semaines, j'ai découvert que Chase trempait dans des affaires étranges. Il a traversé une phase un peu compliquée et il s'est laissé entraîner dans des histoires illégales. J'ai voulu lui venir en aide mais tout ce que j'ai réussi à faire, ça a été de nous attirer davantage d'ennuis.
– Est-ce que quelqu'un t'a fait du mal ?
– Non ! Enfin, pas directement. Mais j'ai vu des choses que j'ai du mal à oublier. Ils s'en sont pris à Chase, j'ai eu une arme pointée sur moi et... C'est parce qu'on a refusé de faire ce qu'ils nous ont demandé qu'ils ont tiré sur Linh et Joe.

Son visage se décompose et il émet un mouvement de recul. J'ai conscience qu'il pourrait me rejeter et putain, je crois que je ne le supporterais pas. Alors je m'accroche à son t-shirt et le serre fort dans ma main, l'empêchant ainsi de reculer davantage.

– Tu te sens coupable de ce qu'il s'est passé ?
– Oui.

Je me mords si fort la lèvre que du sang s'écoule dans ma bouche. Être honnête est sûrement la meilleure décision que j'ai prise ces derniers jours. Je me sens plus légère mais en même temps, j'ai peur des reproches que pourrait me faire Ethan.

– Ok, souffle-t-il. On est en danger ?
– Sûrement...

Il hoche la tête, dépose un baiser sur mon front avant de m'entourer de ses bras. Surprise par son geste, je mets du temps à lui rendre son étreinte. J'ai du mal à comprendre sa réaction mais j'apprécie la chaleur de ce câlin et lui laisse tout le temps dont il a besoin pour encaisser cette nouvelle.

– Honnêtement, je suis un peu sous le choc mais tu n'aurais jamais pu prévoir ce qui allait se passer. Tu ne devrais pas t'infliger ça, ma belle. Tu as déjà suffisamment de raisons d'être bouleversée. Vous n'êtes pas coupables, Chase et toi. Ce n'est pas vous qui avez tiré.

Je le laisse me bercer doucement tandis que ses paroles s'immiscent lentement dans mon esprit. Il a raison, nous n'avons pas tiré. Ce n'est pas à nous de culpabiliser ou de payer. Mais comment pourrions-nous faire tomber Tom sans qu'il nous entraîne dans sa chute ?

– Tu vas dire la vérité à la police ? l'interrogé-je, anxieuse.
– Non, ce n'est sûrement pas à moi de le faire. Je te remercie de m'avoir parlé.
– Merci de m'avoir écoutée.
– Je suis inquiet à l'idée qu'il t'arrive quelque chose. Promets-moi de faire attention et de m'envoyer des messages quand tu sors seule.
– Je te le promets.

Il me sourit et dépose ses lèvres sur les miennes. Je savoure cet instant de douceur, ce moment de répit. Mon cœur s'emballe et je soupire de soulagement.

J'ai fait le bon choix en lui confiant une partie de la vérité.

J'ai fait le bon choix en le choisissant, lui.

Et ce soir, j'en suis à présent certaine : je suis amoureuse d'Ethan. Mais ça, j'ai bien l'intention de le garder pour moi encore un peu.

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Hello ! 👋🏻
Comment allez-vous ?

Vous êtes nombreux à avoir plutôt bien cerné James (et j'en suis ravie parce que je l'adore !) Il est revenu vers Harmonie, parviendra-t-il à laisser une seconde chance à Chase ?

Harmonie s'est confiée à Ethan. Selon vous, a-t-elle fait le bon choix ?
Et qui de Tom ou de Chase gagnera la partie ?

Réponse dans les prochains chapitres ! 💙💜
Bonne semaine 😘

Instagram : mllejustine28_