Chapitre 22
Quatre jours.
Déjà quatre jours que mon monde a volé en éclats. Encore une fois. Quatre jours que la tempête s'est abattue sur nos vies, emportant tout sur son passage : les rires, les moments de partages, les sourires et la sérénité de notre maison.
Quatre jours que Maï est inconsolable, que nous la regardons sombrer un peu plus à chaque heure qui passe. Ses parents sont arrivés le lendemain de la fusillade et le corps de Linh sera transporté dans sa ville natale pour y être enterré lorsque l'enquête sera terminée.
La maison, notre petit havre de paix, là où je me sentais le mieux depuis le décès de Sophia, est devenu un endroit où règne le chaos et le chagrin. Linh n'est plus là pour nous faire rire le matin, Maï Ly semble avoir perdu la vie en même temps que sa jumelle et Lexie ne sait plus où donner de la tête. Partagée entre la peur que quelqu'un s'en prenne à elle et son devoir d'amie, elle tente de garder la tête haute pour épauler notre colocataire. Mais ce n'est qu'une façade. Je l'ai vue s'effondrer dans sa chambre, tard le soir. Je l'ai entendue pleurer sous la douche. Je l'ai aperçue sécher discrètement une larme qui roulait le long de sa joue. Et dès que James passe pour nous apporter son soutien, elle ne le lâche plus d'une semelle. Elle a peur. Tellement peur. Et je ne peux pas la rassurer parce que je ne sais même pas si elle est encore en danger.
C'était trop pour moi. J'ai affronté des orages un bon nombre de fois, je me suis toujours relevée. Mais pas cette fois. L'ambiance à la maison est trop pesante, le fantôme de Linh me hante la nuit et flotte au-dessus de mon lit, comme un rappel constant que tout est de ma faute. Je ne supportais plus de voir les garçons passer le pas de la porte chacun leur tour, pour s'assurer que nous tenions le coup, mais sans jamais nous apporter la moindre bonne nouvelle concernant l'état de santé de Joe. La culpabilité m'a assaillie. Alors je suis partie. Comme toujours.
C'est chez Ethan que j'ai choisi de me réfugier, loin de tous ces gens que j'ai mis en danger et à qui j'ai causé tant de peine. Il m'a apporté son aide et son soutien et lorsqu'il m'a proposé de passer un peu de temps chez lui, j'ai accepté. J'étais effondrée et incapable de continuer à affronter le regard de Lexie et de Maï en me levant le matin.
J'ai fui, encore une fois.
J'ai fui, et sans me battre cette fois-ci.
Parce que je n'étais plus capable de le faire.
– Harmonie ? Qu'est-ce que tu fais encore en pyjama ?
Je détourne le regard de la fenêtre pour croiser les yeux d'Ethan. Cela fait déjà trois jours que je traîne dans son appartement. Il m'a laissé son lit, se contentant du canapé, et je n'en suis pas sortie depuis que je suis arrivée. Il m'a apporté mes repas dans la chambre, il m'a obligée à me lever pour aller jusqu'à la salle de bain. Il a prévenu que je n'irais pas au travail cette semaine, parce que j'ai été incapable de le faire moi-même. Il a été là pour moi, tout simplement.
– Allez ma belle, debout. Tu vas rater l'hommage.
– J'ai pas envie d'y aller.
J'aimerais argumenter, lui dire que je ne suis pas prête à dire définitivement au revoir à Linh, que je n'ai pas le courage d'affronter les regards de mes amis. J'aimerais lui dire que j'ai peur que Tom m'attende en bas de l'immeuble, peur de revoir Chase et les hématomes sur son visage qui me rappellent tant cette affreuse journée. J'aimerais parler, me confier, mais j'ai la gorge nouée et les larmes retrouvent le chemin de mes joues sans que je ne puisse les retenir.
– Si tu préfères rester ici, je ne te forcerai pas à venir mais tu risques de le regretter plus tard, souffle-t-il en séchant mes pleurs.
Pour toute réponse, j'éclate en sanglots parce que la situation m'est beaucoup trop familière. Je me souviens encore des mots d'Armand qui m'avait soutenu pendant l'hommage dédié à Sophia. Aujourd'hui, c'est Ethan qui occupe cette place.
Un nouveau décès.
Un nouvel enterrement.
Quand cela va-t-il s'arrêter ?
– Tes amis m'ont envoyé des messages. Ils s'inquiètent pour toi, tu devrais au moins allumer ton téléphone.
Je ne suis pas une bonne amie et je le sais. J'ai abandonné mes proches au moment où ils avaient le plus besoin de moi quand Sophia est partie. Je répète les mêmes erreurs, constamment, mais c'est mon unique mode de fonctionnement. Je ne sais pas faire autrement. Et si cette fois j'aurais pu les soutenir, le contexte m'en empêche. J'ai honte.
Comment pourrais-je réconforter ceux à qui j'ai causé tant de chagrin et de douleur ? Je suis à l'origine de ce désastre, je ne devrais même pas avoir le droit de pleurer le décès de Linh.
– Allez, viens. Allons au moins sur place, on verra ce que tu veux faire, ok ?
Ethan dépose un tendre baiser sur mon front et je suis ses conseils. J'enfile des vêtements chauds, avale un morceau de pain et nous quittons l'appartement.
La route me paraît durer une éternité et lorsque nous arrivons enfin à l'université, j'aurais finalement préféré que nous roulions encore durant des heures. Je ne suis pas prête à soutenir le regard des autres étudiants.
Je m'accroche à Ethan comme à une bouée de sauvetage et nous rejoignons le campus. À l'entrée du bâtiment dédié aux cours de médecine, des dizaines de fleurs ont été déposées. Des bougies brillent dans la pénombre de cette matinée d'hiver et de nombreuses personnes sont entassées là, devant le portrait de mon amie. Je reste loin, très loin, et j'observe la scène avec attention, en retrait.
Je prends appui sur Ethan pendant la minute de silence, le souffle court.
Je serre sa main dans la mienne lorsque les étudiants se dissipent pour rejoindre leurs salles respectives après avoir déposé leurs dernières fleurs.
Je m'accroche à son manteau quand mon regard tombe sur mon groupe d'amis. Ils font partie des rares personnes qui n'ont pas encore déserté et sans surprise, Maï et Joe manquent à l'appel. Mon cœur se serre un peu plus, si cela est encore possible.
Figée au milieu du campus depuis un long moment, je finis par attirer l'attention de mes amis et Lexie est la première à se précipiter dans ma direction. Je n'ai pas le temps de m'excuser pour mon comportement que je suis déjà dans ses bras.
– Je suis contente de te voir, chuchote-t-elle, la gorge nouée.
– Moi aussi. Je suis désolée d'être partie.
– Je suis partie aussi, me confie-t-elle. Maï est avec ses parents et j'avais peur de rester toute seule à la maison. James me prête sa chambre. De toute façon, il n'y dort pas souvent.
Je m'écarte doucement et hoche la tête. Il doit passer la majorité de son temps libre à l'hôpital, à veiller sur Joe. Je n'ose même pas imaginer l'angoisse qui doit le ronger à longueur de journée.
Justement, James nous rejoint et lui aussi, il me prend dans ses bras. Il a l'air épuisé, bien plus que n'importe lequel d'entre nous. Épuisé et contrarié. A-t-il pris le temps de discuter avec Chase ? Lui a-t-il demandé la vérité ? Est-ce qu'il nous déteste ?
– Je retourne à l'hôpital, je viendrai te récupérer après tes cours, annonce James en regardant Lexie.
– Merci.
– Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux appeler, Harmonie. Je suis là pour toi aussi, souffle le Britannique en me lançant un regard insistant.
Sous-entendu : je sais que Chase et toi cachez quelque chose, tu peux me dire la vérité.
Je me contente de le remercier d'un hochement de tête. Il me fixe encore une seconde mais je ne saisis pas la perche qu'il me tend. Si Chase ne lui a rien dit, je ne le ferai pas non plus. Je refuse de trahir ses secrets et sa confiance. Si quelqu'un doit révéler la vérité sur cette double fusillade, ce n'est pas moi.
Mes confessions impliqueraient de mettre Chase en danger. Elles l'enverraient tout droit en prison voire pire, elles pourraient le conduire à la peine de mort. Je refuse d'avoir une énième mort sur la conscience, surtout celle d'un autre ami.
Face à mon silence, James s'éloigne en soupirant et Lexie s'excuse avant de prendre la direction des cours. Ma colocataire est bien plus forte que moi. Elle est anéantie et effrayée pourtant, elle continue d'aller à l'université. Pourquoi ne suis-je pas capable d'en faire de même ?
– Tu es prête à retourner en cours ? demande Ethan.
– Non, pas du tout.
– Dis-moi ce que je peux faire pour t'aider.
– Tu connais une patinoire dans le coin ?
Il hausse un sourcil, surpris, mais acquiesce et attend patiemment que je poursuive.
J'ai besoin d'une pause, d'un moment de répit. J'ai besoin de me sentir vivante, juste quelques instants. Je veux filer tellement vite que tout autour de moi me paraîtra flou. Je veux glisser avec tant de rapidité que je risquerai la chute à tout moment. Je veux avoir le contrôle sur ce qui m'entoure, sur ce que je fais. Je veux me souvenir que, moi, je suis toujours là.
– J'aimerais y aller un moment.
– D'accord mais avant, je crois que tu devrais aller lui parler.
D'un signe de la tête, il désigne une personne derrière moi. Je me retourne et, un peu plus loin, assis devant la photo de Linh, Chase fait tourner une rose entre ses doigts. J'ai l'impression qu'il hésite à la déposer. Il la tient depuis une éternité et j'ai été surprise qu'il ne vienne pas à ma rencontre. J'ai pensé qu'il ne voulait pas me voir. Peut-être que, moi aussi, je lui rappelle que tout ce qui est arrivé est de notre faute.
– Je croyais que tu ne l'aimais pas, soufflé-je en reportant mon attention sur Ethan.
– Et c'est toujours le cas. Mais vous êtes amis, non ?
– Oui.
– Alors vas-y. Il a besoin d'une épaule sur laquelle s'appuyer et toi, tu as besoin de lui parler. Je t'attends dans la voiture, ok ?
Un mince sourire se dessine sur mes lèvres. Je suis heureuse qu'il fasse un pas vers moi, qu'il accepte mes conditions. Et pour la première fois depuis de nombreux jours, mon cœur s'emballe au lieu de se serrer.
Je crois que je suis en train de tomber amoureuse de ce garçon.
Je me hisse sur la pointe des pieds et approche mon visage du sien.
Accrochée aux pans de son manteau, j'attends son approbation. Ses lèvres s'entrouvrent légèrement, sa respiration s'accélère et sous la paume de ma main, son cœur tambourine. Il penche la tête et sa bouche frôle la mienne avec une douceur exquise. Je ferme les yeux et je l'embrasse. Lentement. Tendrement.
Ses doigts glissent dans mes cheveux et la délicatesse de ce baiser balaye tout sur son passage : le froid, la peur, la tristesse. Loin du désir passionnel qui m'anime habituellement, je l'embrasse avec mon cœur en déversant ma reconnaissance et mes sentiments naissants, grandissants.
À bout de souffle, je m'écarte et rouvre les yeux. Un sourire flotte sur son visage et j'arbore sûrement le même.
– Je reviens, annoncé-je en m'éloignant.
– A tout de suite.
Je lui tourne le dos au moment où il part en direction de sa voiture. Je m'empresse de rejoindre Chase qui n'a pas bougé d'un cil. Je me laisse tomber à ses côtés et mes yeux se posent sur la photo de Linh. Je détourne aussitôt le regard afin de ne pas fondre à nouveau en larmes.
À ma droite, Chase ne quitte pas des yeux la rose qu'il fait toujours tourner entre ses doigts. Je commence même à me demander s'il a remarqué ma présence lorsqu'il s'adresse à moi :
– Je me sens pas légitime de poser cette fleur. Je ne devrais même pas être là.
Je regrette de l'avoir évité ces derniers jours. Il est le seul qui peut comprendre ce que je ressens, parce qu'il connaît la vérité et qu'il se sent aussi coupable que moi. Et sans l'ombre d'un doute, nous ne devrions pas rester chacun dans notre coin en ce moment. Ethan avait raison.
– Je suis désolée d'avoir abandonné tout le monde.
– Tu avais toutes les raisons du monde de te barrer, soupire-t-il. Je suis même étonné que tu sois encore dans le coin.
Ne sachant que répondre, je décide de garder le silence. Moi aussi, je suis surprise d'être encore ici. Ce n'est pas comme si mes proches ne m'avaient pas conseillé de rentrer en France lundi, loin du danger qui règne ici. Mais j'ai refusé.
– Ma mère et ma sœur sont là, lâche soudainement Chase.
– Elles... tu... là ? Ici ? À New Paltz ?
– Ouais.
– Mais pourquoi ?
– Ma mère s'est inquiétée. Elle n'est pas dupe, elle sait que j'ai quelque chose à voir avec ces fusillades. J'ai peur que Tom ne l'apprenne et qu'il leur fasse du mal.
– Elles dorment où ?
– À la maison. J'ai insisté pour qu'elles restent avec moi, je veux garder un œil sur elles.
Je hoche la tête, me laissant le temps d'assimiler toutes les informations.
Joe est dans le coma.
Le corps de Linh va bientôt être rapatrié en Asie.
Maï va sûrement partir pour l'enterrement.
James soupçonne quelque chose.
La mère de Chase et sa sœur sont dans le coin.
Quel bordel.
– Jenny aimerait te voir. Tu avais fait bonne impression au téléphone.
– Je peux passer si tu veux. Ce week-end.
– Je suis sûr que ça lui ferait plaisir.
Il m'offre un sourire peu convaincant avant de reporter son attention sur sa rose qu'il décide enfin de déposer parmi les autres. La majorité d'entre elles sont rouges ou blanches. Celle de Chase détonne. Elle est rose pâle, la couleur préférée de ma colocataire.
– Tu crois que Joe va se réveiller ?
Sa question me surprend autant qu'elle me fend le cœur. Je suis incapable de lui donner une réponse et s'il me le demande, c'est que les médecins n'ont pas pu lui en offrir une non plus. Comment pourrais-je le savoir alors que je n'ai même pas remis les pieds à l'hôpital depuis lundi ? Voir Joe allongé dans un lit, les yeux clos depuis des jours, me rend malade.
– J'espère.
– Ses parents ne sont même pas venus. Je savais qu'il ne s'entendait pas très bien avec sa famille mais je pensais qu'ils auraient fait le déplacement pour le voir. Il est tout seul dans cet hôpital et je suis sûr qu'il sait que ses parents ne sont pas là.
– Il n'est pas seul. Il vous a, James, Agustin, Adrian et toi.
– Il ne serait pas allongé dans ce lit s'il ne m'avait pas pour ami.
– Il va s'en sortir, soufflé-je. Il est fort, il va se battre pour revenir. J'en suis persuadée.
Loin d'être convaincu par mes paroles, il hausse les épaules et baisse la tête. Du coin de l'œil, je vois les larmes se perdre dans son cou. Je l'attire contre moi et il craque. Seuls ses sanglots troublent le silence lugubre qui règne sur le campus.
Le menton posé sur le haut de sa tête, je caresse distraitement son bras et le laisse pleurer sur mon épaule. Mes pensées dérivent et me ramènent plusieurs mois auparavant, lorsque j'ai posé le pied en Amérique pour la première fois.
Je me souviens encore de cette soirée en boîte, de ce jeune homme qui m'avait offert un verre alors que j'avais décidé de ne plus boire. Je me rappelle avoir dansé contre lui, ses mains sur mes hanches. Il était sûr de lui, plein d'assurance et tout ce que je ne voulais plus être. Il était ce que je devais éviter. Il avait l'air intouchable. Ce soir-là, jamais je n'aurais imaginé passer autant de temps en sa compagnie. Jamais je n'aurais cru devenir amie avec lui. Jamais je n'aurais pensé qu'il était, en réalité, brisé en mille morceaux.
– Je vais rentrer, annonce-t-il de longues minutes plus tard.
– Je passerai demain.
– D'accord.
Les yeux rouges, il dépose un tendre baiser dans mes cheveux avant de se relever et de quitter le campus. Je ne tarde pas à suivre ses pas et je retrouve Ethan qui m'a patiemment attendu.
Il ne pose aucune question lorsque je monte dans la voiture. Il attrape simplement mes doigts entre les siens et les presse doucement. Sa présence m'apaise et me réconforte. Je crois qu'il ne réalise pas à quel point je me sens mieux et différente quand il est là.
Comme je le lui avais demandé, il roule jusqu'à la patinoire la plus proche. Sans échanger le moindre mot, nous faisons la queue. Il paye avant que je ne puisse réagir et il m'aide à serrer mes patins. Toujours dans le silence, il m'accompagne sur la glace et il me lâche la main. Je ne sais pas vraiment pourquoi je le remarque, mais je suis troublée.
J'ai tellement l'habitude qu'Armand patine avec moi. J'ai l'habitude qu'il me tienne serrée contre lui, qu'il cale ses pas sur les miens.
Mais Ethan n'est pas Armand.
Ethan s'adapte à mes besoins. Il m'a tenue durant tout le trajet, sûrement parce qu'il avait peur que je m'effondre. Il a compris qu'ici, j'avais besoin d'être seule. Seule avec la glace. Seule avec mes souvenirs. Seule avec moi-même.
Je lui offre un sourire de remerciements et m'éloigne. Je glisse doucement d'abord, puis de plus en plus vite. Chaque fois que je pousse sur mon pied pour prendre de la vitesse, le poids sur ma poitrine s'allège un peu. Chaque fois que je manque de chuter, je me sens un peu plus vivante.
Vivante.
Libre.
Puissante.
Et finalement, je tombe dans un bruit fracassant. Ethan se précipite dans ma direction, inquiet, mais je me relève en souriant. Mon pantalon est trempé, j'aurai sûrement un bleu demain mais je m'en fous.
Je suis fière de la manière dont j'ai remonté la pente ces derniers mois.
Je suis fière des batailles silencieuses que j'ai menées et remportées.
Je suis fière d'avoir essuyé mes propres larmes.
Aujourd'hui, je suis encore debout, encore en vie.
Et aujourd'hui, je veux continuer à me battre.
************************************************************************
Hello ! 👋🏻
J'espère que vous allez bien.
Harmonie a décidé de remonter la pente, mais qu'en est-il de Chase ? Va-t-il surmonter cette épreuve et se battre contre Tom ? Sa famille est-elle en danger ?
Joe est toujours dans le coma mais Harmonie semble persuadée qu'il va se réveiller. Qu'en pensez-vous ? 👀
On se retrouve le week-end prochain pour la suite ! 💙❤
Bon courage pour cette nouvelle semaine. 😘
Instagram : mllejustine28_
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top