Chapitre 16
Je ferme la porte discrètement pour ne pas réveiller mes colocataires et dépose mon sac ainsi que mes chaussures dans l'entrée. Je sursaute lorsqu'un bruit de verre résonne dans la maison, puis la lumière s'allume et je tombe nez à nez avec Lexie qui laisse échapper un cri de surprise. Elle recule, la main sur la poitrine, et manque de tomber.
- Bordel de merde, tu m'as fait une de ces frayeurs ! Pourquoi tu rentres dans le noir ? J'aurais pu faire une attaque !
- Je croyais que tout le monde dormait, me défendis-je.
- On t'attendait, qu'est-ce que tu crois ?
Un immense sourire remplace aussitôt la moue effrayée sur son visage et elle me prend dans ses bras, me serrant si fort contre elle que j'en ai le souffle coupé. Mais je ne la repousse pas, bien trop contente de retrouver mon amie et le réconfort de son étreinte.
- Tu es partie si vite, on était tellement inquiètes, soupire-t-elle. Tu vas bien ?
Ses mains sur mes épaules, elle m'écarte brusquement pour m'examiner sous toutes les coutures et je m'éloigne doucement, un sourire au coin des lèvres.
Avant d'éteindre mon téléphone dans l'avion, j'avais prévenu mes amies ainsi qu'Ethan que je serais de retour ce soir. J'ai insisté pour que personne ne vienne me chercher. Chase et moi avons convenu que le secret resterait entre nous : il était en Australie, auprès de sa famille, et moi en France. Nous sommes déjà convaincus que nos colocs auront des doutes puisque nous sommes revenus en même temps, mais nous ne changerons pas notre version.
Nous n'étions pas ensemble.
- Je vais bien, la rassuré-je. Je suis désolée d'être partie précipitamment mais je devais assister à un enterrement et...
- Ne te justifie pas, me coupe Lexie. On comprend, on sait. Le principal, c'est que tu sois là.
Je lui souris et elle m'entraîne avec elle dans le salon. La familiarité de la pièce m'apaise un peu. Depuis que j'ai posé les pieds sur le sol américain, je regarde partout autour de moi de peur que quelqu'un ne m'entraîne dans les histoires étranges de Chase. Mais ici, je me sens en sécurité. Cette maison est devenue un vrai cocon pour moi, un havre de paix et de bonne humeur et je m'y sens bien. C'est stupide, mais j'ai l'impression qu'entre ces quatre murs, rien ne pourra m'arriver.
Je retrouve Linh et Maï Ly qui m'accueillent avec autant d'enthousiasme que Lexie. À leur tour, elles me prennent dans leurs bras et me font part de leurs condoléances. Et je souris parce qu'elles m'ont réellement manqué.
- Tu devrais aller le voir, il était vraiment inquiet, me souffle Lexie en pointant du doigt l'extérieur de la maison. Il est venu dès qu'il a su que tu allais rentrer.
Je suis du regard la direction qu'elle m'indique et mon cœur se met à battre un peu plus vite. Dans le jardin, sous la lumière installée sur le mur, Ethan est là, lui aussi. Dos à la baie vitrée, il ne semble pas m'avoir vue ni entendue rentrer. Les mains dans les poches, les cheveux décoiffés par le vent, il fixe un point au loin, sûrement perdu dans ses pensées. Que fait-il seul dans ce froid ?
- Désolée de vous fausser compagnie mais mes examens commencent demain, je vais me coucher ! lance Maï en se dirigeant vers les escaliers.
J'avais presque oublié que la vie avait continué ici en mon absence. J'ai la chance d'avoir une dernière semaine afin de réviser pour les examens et j'ai bien l'intention d'utiliser chaque minute qui me sera offerte pour m'y préparer parce qu'une fois que Tom aura décidé de me mettre le grappin dessus, je ne sais pas si j'aurais encore le temps de me pencher sur mes cours. En réalité, je ne sais même pas si j'aurai l'occasion de passer mes partiels mais pour le moment, je préfère ne pas y penser et avant de réviser, j'ai bien l'intention de retrouver Ethan.
Je pousse la baie vitrée qui mène dans le jardin. Le vent s'engouffre aussitôt dans la maison et je suis tout de suite frigorifiée. Je passe mes mains sur mes bras dans l'espoir de me réchauffer un peu. Comment fait-il pour rester aussi stoïque dans ce froid glacial ?
- Hey...
Ethan se retourne et nos regards se croisent. Durant de longues secondes, il reste figé, loin de moi, et m'observe de la tête aux pieds comme pour s'assurer que je suis toujours en un seul morceau. Puis un sourire fend ses lèvres et ses yeux expriment tout son soulagement.
- Je suis content que tu sois là.
- Je ne m'attendais pas à te voir ce soir, avoué-je.
- J'aurais dû te prévenir. Tu es sûrement fatiguée, je vais y aller. Je voulais juste... te voir.
À mon tour de sourire et j'amorce un pas dans sa direction en secouant la tête.
- Non, reste. Je suis contente que tu sois là, tu m'as manqué Ethan.
Il hausse les sourcils, surpris, avant de me rejoindre. Il est hésitant et je le trouve adorable.
Nous nous étions rapprochés ces dernières semaines, et plus encore au début des vacances lorsque nous nous appelions régulièrement, mais je vois bien qu'il ne sait pas comment se comporter. Je me suis montrée distante pendant mon séjour en France, et ce n'était pas contre lui, mais ça, il ne le sait pas. Et je ne pourrai jamais lui expliquer les raisons pour lesquelles je n'ai pas toujours eu le temps de répondre à ses textos, ni pourquoi je n'en avais parfois tout simplement pas envie. Tout était, et est encore, bien trop compliqué.
Mais ce soir, je suis de retour, prête à reprendre ma vie comme je l'avais laissée en partant, y compris ma relation avec Ethan. Alors je fais le premier pas et passe mes bras autour de sa taille. À mon plus grand soulagement, il resserre aussitôt mon étreinte.
- Toi aussi tu m'as manqué, chuchote-t-il.
Il pose son menton sur le haut de ma tête et je me laisse aller contre lui, heureuse de le retrouver.
- Comment tu vas ?
- Bien mieux que je n'en ai l'air. J'ai juste très froid, rié-je.
Il attrape ma main et m'entraîne avec lui à l'intérieur. Dans le salon, mes amies ont déserté la pièce. J'éteins la lumière principale et allume une petite lampe pour que nous soyons moins éblouis. Quelques minutes plus tard, nous sommes dans le canapé, devant la télé que nous ne regardons pas vraiment, un mug de chocolat chaud entre les mains.
- J'ai eu peur que quelque chose ait changé entre nous, me confie Ethan après un long moment de silence.
- Moi aussi. J'avais peur que tu m'en veuilles d'être partie si vite, de ne pas avoir répondu à tes appels et à tes messages.
- Mais maintenant tu es là, et moi aussi, alors tout va bien ?
- Tout va bien, acquiescé-je.
Il passe un bras autour de mes épaules et je me laisse tomber contre lui, ma tête nichée dans le creux de son cou.
Épuisée par ces derniers jours et le long vol, mes paupières ne tardent pas à se fermer et rapidement, je m'endors, lovée contre Ethan.
***
Presque trois semaines se sont écoulées depuis mon retour à New Paltz et peu de chose ont évolué. J'ai repris mon rythme de vie doucement. J'ai passé la première semaine à jongler entre mes révisions et mon travail au cinéma. Puis j'ai passé mes partiels et, contre toute attente, je m'en suis plutôt bien sortie. Durant ces quelques jours, j'ai à peine discuté avec mes colocs. Nous étions toutes les quatre prises par nos révisions et nous nous sommes très peu croisées dans la maison. Tout comme Ethan que je n'ai vu qu'au cinéma.
J'ai néanmoins tenu ma promesse et je discute régulièrement par messages avec mes proches en France. C'est sûrement la seule nouveauté de mon quotidien parce que rien ni personne n'est venu troubler le calme de mes journées depuis que je suis rentrée.
Et puis les cours ont repris. Je me rends à l'université chaque jour et je fais tout mon possible pour faire le trajet avec mes amies, pour ne pas me retrouver seule dans les rues de New Paltz tard le soir. Je suis morte de trouille à l'idée que quelqu'un me menace avec une arme ou qu'on vienne me chercher dès que je serai vulnérable. Trois semaines que je suis sur mes gardes. Trois semaines de silence complet. Rien ne s'est encore passé. Et je commence même à me demander si je n'ai pas imaginé mon séjour en France ou si Chase n'a pas inventé toute cette histoire de roulette russe et de meurtre.
- Harmonie !
Je m'arrête au milieu d'une allée du campus et me retourne pour découvrir Joe qui court dans ma direction, le sourire jusqu'aux oreilles. À peine arrivé à ma hauteur, il me prend dans ses bras et me fait tourner, attirant l'attention de tous les étudiants autour de nous. Je ris et m'accroche à lui pour ne pas tomber.
- Ça fait du bien de te revoir ! Ma Harley Quinn m'avait manqué.
- Je savais que tu ne pourrais plus te passer de moi ! le taquiné-je.
- C'était cool quand tu étais à la maison, tu devrais revenir. On est bien plus drôle que tes colocs, non ? Le choix est vite fait !
- Merci de la proposition, mais je ne suis pas certaine de te supporter à longueur de journée !
- Je comprends, je suis trop génial et trop beau et trop parfait, ça doit être insupportable d'être constamment en présence d'un mec comme moi, déclare-t-il d'un ton théâtral.
- Exact.
- Bon, je dois te laisser j'ai un cours qui va commencer. Je suis content que tu sois de retour et je compte sur toi pour continuer à me donner des cours de français !
- Pas de problème, je suis là quand tu veux.
Il lève ses pouces en l'air avant de s'éloigner. Je l'arrête avant qu'il ne soit trop loin.
- Au fait Joe ! Tu sais où je peux trouver Chase ?
- Il est à la maison. Il sèche les cours de cet aprem !
Je le remercie de sa réponse et quitte le campus. Je n'avais pas vu Joe depuis une éternité et le reste du petit groupe me manque beaucoup aussi. Avec les examens, nous n'avons pas eu le temps de nous revoir. Je n'ai même pas croisé Chase une seule fois depuis qu'il m'a déposé chez moi le soir de notre retour. Nous avons échangé quelques textos mais j'ai l'impression qu'il m'évite. Il n'a pas daigné répondre à la moindre de mes questions et il est temps que cela change.
Je ne sais pas s'il a discuté avec Tom depuis que nous sommes revenus et je trouve étrange qu'il ne se soit toujours rien passé. J'ai l'impression de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête en permanence et c'est pesant. Je ne comprends pas non plus le comportement de Chase. Pense-t-il que je suis plus en sécurité s'il se tient loin de moi ? Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Et s'il n'était pas réellement rentré chez lui ?
Je dois en avoir le cœur net.
À mon tour, je quitte l'université. Tant pis pour les cours de cet après-midi, je les rattraperai plus tard. Chase est désormais ma priorité. J'ai essayé de mettre de côté tout ce que je traîne derrière moi depuis qu'il m'a révélé la vérité afin de me concentrer sur mes examens. À présent, je me sens plus que prête à mettre les pieds dans le plat. Je déteste vivre dans l'attente et dans l'angoisse. J'aimerais en finir au plus vite avec cette histoire. Mais comme toujours, seul Chase pourra donner des réponses à mes questions. Et comme toujours, j'ai du mal à le faire parler.
Le trajet jusqu'à la maison des garçons me semble durer une éternité pourtant, je marche d'un pas rapide, pressée d'arriver à destination. Je frappe à la porte et patiente tout en jetant des coups d'œil autour de moi. Personne ne m'ouvre alors j'insiste, encore et encore. Mon poing cogne de plus en plus fort contre la porte et je commence à me dire que Chase n'est sûrement pas là. J'envisage de faire demi-tour quand il apparaît enfin devant moi.
Je suis presque soulagée de ne pas avoir à refaire la route seule une nouvelle fois. Et si je ne m'étais pas figée en découvrant le visage de mon ami, je lui aurais peut-être sauté dans les bras. À la place, je me retrouve à observer ses cernes bleutés, ses traits fatigués et son regard perdu dans le vide. Ses lèvres n'esquissent pas le moindre sourire et ses doigts tremblent sur la poignée de la porte.
Inquiète, j'avance d'un pas et entre sans lui en demander l'autorisation. Calmement, je pousse Chase à l'intérieur avant de refermer derrière moi, et je l'entraîne dans le salon. Il me suit docilement, sans parler, sans broncher, sans chercher à m'éviter ou à me faire partir. Bordel, qu'ai-je bien pu rater ? J'aurais dû venir plus tôt.
- Chase ? Tu veux bien me dire ce qu'il se passe ? demandé-je doucement.
Ses yeux sombres se posent sur moi avant qu'il ne les ferme. D'un geste de la main, il repousse les mèches de cheveux qui lui tombent sur le front et il se laisse tomber dans le canapé en soupirant. Il a l'air épuisé. Non, il n'en a pas l'air. Il l'est. C'est certain.
- J'ai eu aucune nouvelle, déclare-t-il finalement.
- De Tom ?
- Ouais. Il n'a pas répondu à mon message, il ne m'a pas appelé, ni donné de nouvelles missions. Rien. Il fait le mort et putain, ça me rend dingue.
Il attrape mes mains dans les siennes et m'incite à m'installer à ses côtés, ce que je fais sans hésiter.
- Je suis complètement flippé à l'idée qu'il t'arrive quelque chose. Toute cette histoire tourne en boucle dans ma tête. Je me dis que je n'aurais jamais dû te dire la vérité, que j'aurais simplement dû affronter ce mec ou le tuer pour être certain qu'il allait te foutre la paix. Et je suis là à attendre comme un con un signe de sa part. Je peux plus dormir. Chaque fois que je ferme les yeux, c'est toi que je vois. Tu es étendue sur le sol, entourée d'une flaque de sang et c'est moi qui tiens l'arme. Je te jure, c'est infernal, ça ne s'arrête jamais.
C'est la première fois qu'il se confie autant sur ce qu'il ressent.
C'est la première fois que je me sens démunie, que je ne sais pas quoi dire ou faire pour apaiser ses souffrances.
- Tu ne peux pas aller le voir ?
- Pour quoi faire ? Pour lui demander quand il a l'intention de nous tomber dessus ? Quand a-t-il prévu de te faire du mal pour m'atteindre ? Je suis bloqué, obligé d'attendre et je t'ai entraînée dans mes problèmes. Je vais devenir complètement fou. J'ai même eu envie de jouer pour en finir avec cette attente interminable. Tout serait plus simple si je n'étais plus là.
Son aveu a l'effet d'un coup-de-poing dans le ventre. Je repense à ma conversation avec Armand et ma poitrine se serre.
Dépression.
Pensées suicidaires.
Armes.
Mauvais cocktail.
Pourquoi aucun de ses colocataires n'a-t-il cherché une solution pour lui venir en aide ? Il ne faut pas être un génie pour voir à quel point Chase est au fond du gouffre. Est-il suffisamment bon menteur pour faire avaler n'importe quoi à ses amis ? Ou sont-ils juste dépassé par la gravité de la situation ? Pourquoi aucun d'entre eux n'a jugé nécessaire de m'avertir que notre ami n'allait pas bien ? Joe ne l'a même pas mentionné tout à l'heure.
- Mais tu ne l'as pas fait.
- Non, bien sûr que non. Je suis juste à cran.
- Est-ce qu'on a une autre solution ? Est-ce qu'on peut faire autre chose que d'attendre ?
- Je n'en vois pas, soupire-t-il.
Et moi non plus, ai-je envie de répondre. Mais cela ne ferait qu'enfoncer davantage le clou. Nous ne pouvons rien faire. Tom est le seul à connaître les règles de son jeu et nous en sommes les pions. Je crois que je m'y suis fait mais pour quelqu'un qui aime tout contrôler, comme Chase, je suppose que c'est une situation plus difficile à gérer.
- Il faut absolument que tu te reposes, Chase. Tu as dit que tu voulais me protéger et tu ne pourras pas le faire dans un tel état. Tu es épuisé.
- Je te jure que j'ai essayé. Je n'en peux plus. J'aimerais dormir mais c'est impossible. Tu n'imagines même pas ce que je vois quand je ferme les yeux. Tu es partout, à la place de toutes les victimes que j'ai faites auparavant. C'est insupportable.
- Sauf que je suis là et je vais bien. Regarde-moi. Je peux rester autant de temps que tu le voudras, autant de temps qu'il le faudra. Je vais bien, insisté-je.
Ses yeux se remplissent de larmes qui dévalent aussitôt ses joues. Il pleure de fatigue et cette vision de lui me fend le cœur.
J'ai passé tellement de temps à lui soutirer des informations dans l'unique but de lui venir en aide. Je me suis promis de lui tendre la main, de l'épauler et de le soutenir quand il m'a enfin donné ce que j'attendais. Et finalement, je me retrouve là, face à ce jeune homme dépassé par la situation, et je suis incapable de trouver les bons mots pour l'apaiser, incapable de le réconforter. Mes quatre ans et demi de cours de psychologie ne me servent soudainement plus à rien. Si je n'avais pas fait d'études, j'aurais été dans la même situation. Et je déteste me sentir si impuissante.
Alors j'opte pour l'unique solution qu'il me reste. La seule qui pourrait lui offrir une pause dans le tumulte de ses pensées.
Je lâche ses mains qui serrent toujours les miennes et m'approche un peu plus de lui.
Je choisis sa manière de régler les problèmes plutôt que la mienne.
Et sans crier gare, ma bouche entre en collision avec la sienne.
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Hello ! 👋🏻
J'espère que vous allez bien.
Harmonie est heureuse d'avoir retrouvé ses amis mais Chase est au fond du gouffre.
Tom se fait désirer. Était-ce qu'une simple menace ? Ou va-t-il passer à l'action ? 👀
Réponse dans les prochains chapitres !
Pour ceux qui n'ont pas vu mes stories insta, j'ai expliqué récemment que j'avais un peu de mal à me concentrer sur l'écriture en ce moment. J'ai donc décidé de modifier le planning pour me laisser un peu plus de temps. Il n'y aura qu'un seul chapitre la semaine prochaine, mais je ferai en sorte d'en publier deux la semaine suivante !
Je vous souhaite une belle semaine. 💙💜
On se retrouve le week-end prochain ! 😘
Instagram : mllejustine28_
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