Chapitre 13
Nous sommes le 2 janvier. Les partiels ont lieu la semaine prochaine et contre toute attente, je sais que je serai rentrée pour les passer. Quelque part, je suis soulagée de ne pas avoir à mettre mes études entre parenthèses, parce que je m'étais promis de ne jamais le faire, mais laisser Mégane aussi vite ne m'enchante pas.
Ce matin, j'ai pris mon courage à deux mains pour lui avouer que je partais déjà. Elle s'est contentée de hocher la tête, elle s'attendait à ce que je m'en aille. Sa réaction m'a d'abord un peu blessée, comme s'il était évident qu'une nouvelle fois, j'allais m'enfuir, mais elle se doutait simplement que je reprendrais mes cours après les vacances, que mon retour précipité n'était qu'éphémère. J'ai souri. Mais j'avais juste envie de fondre en larmes. Si elle savait...
Je déteste l'idée qu'elle pense que je fais passer mes études avant elle, avant Eliott. Parce que c'est faux et parce que je serais sûrement restée plus longtemps si je l'avais pu. Cette situation m'oppresse. Je dois prendre sur moi pour ne pas dire la vérité à cette femme brisée qui m'a hébergée plus de trois ans. J'aimerais qu'elle sache que pour une fois, si je fuis, ce n'est pas contre elle, c'est pour elle. Mais j'ai promis que je ne dirais rien et je suis persuadée qu'elle ferait tout pour me retenir si elle me savait en danger. Il est plus sage de partir en la laissant croire que je le fais pour moi plutôt que pour la protéger.
– Vous sortez ? demande Mégane qui revient des courses.
– Oui, on va faire un tour. On sera de retour dans une heure ou deux.
– Vous avez déjeuner ? Ne partez pas le ventre vide.
– Ne t'en fais pas, on a mangé, la rassuré-je.
Elle acquiesce et nous sourit. Eliott dépose son manteau dans un coin et revient vers nous.
– On pourra regarder un dessin animé ensemble ce soir ? Avant que je reprenne l'école ? questionne Eliott en tirant sur mon pull.
– Bien sûr, accepté-je.
– Je veux montrer Cars à Chase !
Je traduis la conversation à mon ami qui, pour toute réponse, lève le pouce en l'air à l'intention du petit garçon. C'est devenu leur langage et je ne peux m'empêcher de les trouver mignons tous les deux. Quand Chase a débarqué chez moi, je ne pensais pas qu'il ferait son maximum pour épauler ceux que j'aime. Il est venu dans un but précis qui n'incluait pas qu'il se montre adorable avec mes proches. Pourtant, il ne s'est jamais montré distant ou méprisant et je sais de source sûre qu'il manquera à Eliott lorsque nous rentrerons.
Je dépose un baiser sur le front du petit garçon avant de quitter la maison, Chase sur mes pas. Le début du trajet en voiture se déroule dans le calme avant que mon passager ne décide d'entamer la discussion. J'apprécie qu'il prenne la parole parce qu'il est étrangement silencieux depuis qu'il m'a confié ses secrets, et pire encore depuis que nous sommes sortis de la maison de mes parents, et je déteste qu'il passe son temps à gamberger.
– Est-ce qu'on va reparler de ce qu'il s'est passé au dîner, hier soir ?
– Pourquoi ? Ça n'avait pas d'importance.
– Bien sûr que si.
Je glisse un rapide coup d'œil dans sa direction, intriguée par l'agacement qui transparaît dans sa voix, avant de reporter mon attention sur la route. J'ai organisé cette sortie pour que nous puissions discuter de notre retour imminent à New Paltz, pas de ma famille. Pourtant, il semble tracassé, touché de près par ce sujet et j'ai le sentiment qu'il me reproche quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Je choisis de ne pas éviter la discussion et joue la carte de la sincérité.
– Mon père m'en veut pour des dizaines de raisons différentes, pour toutes mes conneries et encore plus d'être partie sans les prévenir et de les avoir ignorés tout ce temps. Il a toujours détesté mes choix et je sais qu'il ne les acceptera probablement jamais. Je m'y suis faite.
– J'ai perdu le mien, et putain, je regrette tellement de choses ! Tu n'imagines pas à quel point la relation que tu entretiens avec le tien me rend dingue, soupire-t-il.
– Je comprends mais je ne peux pas être la seule à réparer ce qui a été cassé. Une relation nécessite que les deux personnes se démènent pour entretenir le lien.
– Non, tu ne peux pas comprendre.
Son ton est froid et je le vois passer nerveusement une main dans ses cheveux. Il contient son agacement et sa colère qui sont dirigés vers moi alors que je ne suis pas coupable de ce dont il m'accuse. J'ai fait un pas vers mes parents dans l'espoir de rétablir la communication, je leur ai tendu la main et l'un d'eux ne l'a pas saisie. Seulement, je me garde bien de lui faire la remarque parce que, de toute évidence, je n'ai pas réagi de la bonne manière. J'aurais dû me douter que le sujet allait le toucher. Il n'aurait jamais dû m'accompagner à ce repas de famille. C'était stupide.
– Tu as raison. Je ne sais pas ce que ça fait de perdre son père et si ça m'arrivait, je ne ressentirais probablement jamais la même souffrance que toi parce que je ne partage pas un lien suffisamment fort et solide avec lui. Mais j'ai perdu Sophia et cette douleur, elle est là, soufflé-je en posant une main sur ma poitrine. Elle est toujours là, constamment, inlassablement. Je la ressens à chacune de mes respirations. Alors, crois-moi, je comprends que tu n'acceptes pas que je reparte en étant toujours fâchée contre mon père parce que moi non plus, je ne supporte pas tous ces gens qui se disputent avec leurs amis pour des raisons futiles. Mais je ne peux pas le forcer à me pardonner. J'ai fait un pas vers lui et il m'a repoussée. J'aurais aimé que le dîner se passe différemment, je t'assure.
Je reprends mon souffle après ma longue tirade tandis que le silence retombe dans l'habitacle. L'air est chargé de rancœurs, de regrets et de mélancolie. Ce n'est pas ainsi que j'avais imaginé notre escapade mais s'il faut en passer par là pour qu'il comprenne que non, l'amour ne plane pas au sein de toutes les familles et que non, on n'est pas tous heureux de rentrer chez nous pour retrouver nos parents, alors je veux bien faire ce compromis. Il a peut-être grandi entouré de parents aimants, ouverts d'esprit et conciliants, mais ce n'est pas mon cas. Les miens m'ont étouffée.
– Je sais que tu es proche de ta famille, que tu regrettes chaque jour de ne pas être à leurs côtés et qu'ils te manquent beaucoup mais ce n'est pas mon cas et je suis sincèrement désolée si le repas d'hier t'a blessé d'une façon ou d'une autre. Ce n'était pas le but.
– Ça va, c'est pas grave. Où est-ce qu'on est ?
Je soupire en me garant sur le parking de la SPA. Je n'en reviens pas qu'il se soit renfermé comme une huître. Il ne parle jamais de son père, ni de sa famille d'ailleurs, et j'ai cru qu'il allait le faire parce que, sans l'ombre d'un doute, il aurait bien besoin de se confier à quelqu'un. Mais Chase a passé des années à cacher ses secrets et je sais qu'il garde tout pour lui, y compris la douleur et le chagrin qui le consument à petit feu. Il érige des murs autour de lui pour maintenir les autres à distance et le jour où ils se fissureront, je crains que toutes les émotions emprisonnées s'échappent en même temps et ne causent d'innombrables dégâts. Il sera blessé, mais il ne sera pas le seul. Ses proches risquent d'être touchés.
Il regarde par la vitre et je comprends qu'il ne sert à rien de relancer le sujet. Il n'a pas envie de parler, je n'insisterai pas.
– Je venais souvent ici avec Sophia pour faire des pauses dans les révisions et promener des chiens, expliqué-je. On pourra discuter sans être dérangé.
Il quitte le véhicule sans m'attendre, le sourire aux lèvres. Toute trace de tristesse a quitté les traits de son visage et j'ai du mal à saisir ce changement si soudain de comportement. Tout s'explique lorsqu'il se met à genoux pour caresser les chiens à travers les petites grilles. Chase aime les animaux. Pourquoi ne l'ai-je pas su plus tôt ?
Je retrouve mes habitudes en pénétrant dans le refuge. Il y a de nouvelles têtes mais je croise quelques personnes que je côtoyais déjà avant mon départ. Après avoir discuté avec elles un moment, Chase et moi nous éloignons pour balader deux chiens.
Je quitte le refuge en compagnie de Frisbee, un bouledogue français noir et blanc de trois ans. Chase tient la laisse de Max, un golden retriever au pelage doré. Nous rejoignons le parc situé à un quart d'heure à pied du refuge dans une ambiance bon enfant.
Frisbee gambade joyeusement dans l'herbe et se retourne de temps en temps dans notre direction, comme s'il avait peur que je lâche la laisse et que je l'abandonne au milieu de toute cette étendue verte. Max, lui, avance aux côtés de Chase, bien plus calme et fidèle à son maître.
Je remonte la fermeture de mon manteau et enfile des gants pour affronter le froid de ce début de janvier. Je cherche la meilleure manière d'aborder notre retour sans brusquer mon ami et, contre toute attente, c'est finalement lui qui prend les devants.
– J'ai réservé les billets tout à l'heure. Nous partons mardi à 19 heures.
– Comment saura-t-il que nous sommes rentrés ?
– Je le préviendrai quand j'aurais récupéré mon téléphone.
Pas besoin de prononcer son nom pour savoir que nous parlons de son boss.
Je hoche la tête et entreprends un rapide calcul. Je pensais que nous aurions pris l'avion un peu plus tôt mais Chase a visiblement décidé de jouer avec le feu et de rentrer à la dernière minute. Espérons que notre vol n'aura pas de retard sinon... Je ne sais pas ce qu'il se passera en réalité. Mais je ne tiens pas à le découvrir.
– Est-ce qu'il va envoyer quelqu'un pour... venir nous chercher ?
– Je ne pense pas. Tom, comme tous ceux qu'il emploie, agit dans l'ombre. Il ne prendra jamais le risque d'attirer l'attention de nos colocs en demandant à l'un de ses sbires de venir sonner chez nous.
– Qu'est-ce qu'il va faire, alors ?
Frisbee s'arrête à mes pieds et pose ses pattes mouillées contre mon jean. Je m'abaisse pour le caresser. Je le prends dans mes bras et il se met aussitôt à me lécher le visage. Je ris en m'écartant et le repose au sol pour lui gratter la tête. Il roule sur son dos et je souris, amusée. Son pelage est maculé de taches de boue qui le rendent vraiment adorable.
Je m'essuie la joue avant de reprendre la balade et de me tourner vers Chase qui n'a toujours pas répondu. Mon regard l'invite à reprendre la conversation, ce qu'il fait sans hésiter.
– Je crois qu'il va me demander de venir avec toi. Il ne prendra pas la peine de faire se déplacer quelqu'un d'autre s'il sait que je peux lui apporter ce qu'il attend. Il te veut, toi, ce serait stupide de passer par une autre personne que moi.
– Et si tu n'y vas pas ? Si nous n'y allons pas ?
Il s'arrête un instant et ses iris sombres se posent sur moi. Je ne crois pas qu'il réfléchit à ce que je viens de dire. Sa décision est prise, il est simplement frustré de ne pas avoir d'issue de secours.
– J'irai, Harmonie. Et il le sait. Trop de vies sont en jeu, je ne le laisserai pas s'en prendre à ceux que j'aime, soupire-t-il en passant une main dans ses cheveux en bataille.
J'ai encore du mal à imaginer que Chase trempe dans ce genre d'histoires et pour être tout à fait honnête, je ne sais même pas à quoi m'attendre. Je n'ai aucun doute sur ce que son boss serait capable de faire. Chase le craint, je le vois bien, et si j'en crois ce qu'il me dit, Tom ne m'épargnera pas, moi ou quelqu'un d'autre, si mon ami ne lui obéit pas. Il a de l'emprise sur ceux qui bossent pour lui, il fait pression et il y prend sûrement plaisir.
– Parle-moi de lui.
– De qui ? De Tom ?
La surprise se lit sur le visage de Chase tandis que j'acquiesce. Je vais me jeter dans la gueule du loup, j'aimerais bien savoir où je mets les pieds. Je n'aurais rien pour me défendre, quelques informations seraient les bienvenues.
– Eh bien... Je travaille pour lui depuis environ deux ans et honnêtement, je ne le connais pas vraiment. Je rapplique quand il m'appelle mais on ne discute pas, tu vois ? Ce n'est pas mon ami, ni quelqu'un que j'apprécie. De toute façon, il se montre discret, il ne s'étale jamais sur sa vie.
– J'avais bien compris que tu ne l'aimais pas particulièrement mais vous devez vous croiser des fois, non ? Comment est-il avec toi ?
– Paradoxal, répond-il et un rire nerveux s'échappe de ses lèvres. À vrai dire, je n'y avais jamais songé avant que tu ne poses la question. Parfois, j'ai l'impression qu'il craint que je mette un terme à notre contrat, peu importe les conséquences qui pourraient découler de ma rébellion. C'est comme s'il voulait me garder auprès de lui et dans ces moments-là, même mes provocations ne le font pas réagir. Et je ne supporte pas de bosser pour lui alors il m'arrive souvent de le défier.
– Il a besoin de toi, n'est-ce pas ?
– Ouais. Enfin, je crois. D'autres fois, il n'hésite pas à me rappeler que c'est lui qui dirige et que si je ne me montre pas aussi docile qu'il l'attend, mes proches pourraient avoir des problèmes. C'est étrange parce qu'il sait que je reviendrai toujours, que je ne prendrai jamais le risque d'entraîner mes amis dans cette merde, alors il me laisse le provoquer. Mais quand je commence à perdre pied et qu'il sent que je pourrais tout foutre en l'air, il n'hésite pas à me foutre un coup de pression.
– Il te complimente, des fois ?
– Ça arrive. Pourquoi ?
– Comme ça.
Nous nous arrêtons au bout du parc et Chase se concentre sur Max. Fidèle à son maître du jour, le golden retriever n'a pas bronché de la promenade. Il ne quémande aucun câlin, contrairement à Frisbee, et reste sagement assis. Je souris comme une idiote en regardant Chase le caresser et lui parler à l'oreille. Je me fais la promesse de ne pas oublier tout ce que j'ai partagé avec lui, tous ces moments où il s'est montré adorable avec moi, réconfortant, à l'écoute. Toutes ces fois où il m'a remonté le moral, où il a essayé de me faire rire, où il m'a simplement prise dans ses bras et m'a laissée pleurer parce que c'est tout ce dont j'avais besoin. Et aujourd'hui, je l'observe câliner un chien qu'une autre personne a abandonné. Parce que c'est la seule facette de lui que je connais. Celle qui me fait sourire, frémir aussi.
Les derniers jours ont été éprouvants, pour moi comme pour lui, mais je me souviens qu'il y a un peu plus d'une semaine, c'est dans son lit que j'oubliais mes problèmes et que je faisais le deuil de ma culpabilité. En dépit des circonstances, l'attirance est toujours là. Et si nous ne traversions pas une phase aussi compliquée, il n'y a aucun doute sur le fait que nous aurions déjà recommencé.
J'aimerais assurer qu'une fois rentrés, rien ne nous empêchera de coucher ensemble. Pas d'enterrement, de repas de famille catastrophique, de maison d'enfance qui me rappelle tant de souvenirs. Je pourrais retrouver mes colocs, l'université, ma vie d'étudiante sans me préoccuper du reste. Mais tout ne sera probablement pas aussi simple.
Je sais que jamais je ne devrais oublier le jeune homme que j'ai rencontré il y a plus de quatre mois. Je ne devrais pas effacer de ma mémoire ce que nous avons partagé, mais j'ai si peur de découvrir une autre facette de lui qui ne me plaira pas. Je ne connais pas le Chase qui joue à la roulette russe, celui qui se sert d'un jeu de hasard pour tuer d'autres personnes. Je ne parviens même pas à l'imaginer et pourtant, c'est la même personne. Il est là, à côté de moi. C'est difficile à croire et je crains de découvrir qu'une arme à la main, il n'est plus celui qui m'a épaulée. J'ai peur de ce qu'il serait prêt à faire pour me protéger ou au contraire, pour sauver ceux qui ne savent rien.
– À quoi tu penses ?
Je sors de mes pensées et secoue la tête pour chasser les craintes qui m'encombrent l'esprit. Je ne devrais pas penser au pire. Il a dit qu'il allait veiller sur moi et j'ai dit que je le croyais. Il est le seul sur qui je peux me reposer et il est trop tard pour faire marche arrière. Il faut que je lui fasse confiance, comme lui m'a fait suffisamment confiance pour me révéler la vérité. Nous ne pourrons nous en tirer que si nous œuvrons main dans la main. Du moins, c'est ce que j'ai envie de croire.
– À rien d'important, soufflé-je.
Il fronce les sourcils, pas convaincu par ma réponse, mais il n'insiste pas et nous rebroussons chemin pour retrouver le refuge.
Nous quittons nos boules de poils pour regagner la maison. Je suis troublée par notre discussion lorsque je m'éclipse dans la salle de bain, un peu plus tard dans la soirée. Je n'ai pas l'impression d'en savoir davantage sur le monde dans lequel je m'apprête à foncer tête baissée, ce qui devrait m'angoisser. Pour l'instant, je me surprends à garder mon calme. J'ai enregistré toutes les informations que Chase a pu me donner sur Tom. Je vais les garder dans un coin de ma tête avec l'espoir qu'elles me seront utiles à un moment ou un autre.
Deux jours. Voilà le temps qu'il me reste. Demain, je dois retrouver Armand. J'avais envie de le voir avant de repartir pour New Paltz. Et mardi, ce sera le grand jour. Nous ferons nos valises et nous rendrons à l'aéroport. Je suis partagée entre la joie à l'idée de serrer à nouveau mes amis d'Amérique dans mes bras, et le regret de partir aussi vite.
– Harmonie ? Tu viens ? On t'attend !
– J'arrive !
Je prends une longue inspiration et chasse mes doutes. J'aurai tout le temps d'y penser durant le vol. Ce soir, j'ai promis à Eliott de passer la soirée avec lui. Avec un peu de chance, Cars saura me distraire une heure ou deux. Après, j'aurai toute la nuit pour mettre de l'ordre dans mes pensées : j'ai les idées plus claires dans le noir.
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Hello ! 👋🏻
Comment allez-vous ?
Harmonie et Chase se préparent doucement à affronter Tom mais tout se passera-t-il comme Chase l'imagine ?
Les retrouvailles avec leurs amis approchent mais avant ça, je vous donne rendez-vous mercredi pour passer un peu de temps avec Armand ! 👀💙
Bon dimanche ! 😘
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