Note #7 Docteur Pratt 📝

Note du Docteur Pratt.

Patiente : Ashika Archeon souffrant de TSPT (troubles de stress post-traumatique).

Séance du 27 Mars (7ième séance)

Une séance très dure aujourd'hui. Résultat direct d'une confrontation houleuse entre le père et la fille. Si je ne l'ai pas encore précisé, je dois rectifier le tir ; pour gérer son stress, Ashika a choisi une technique particulière, celle de l'élastique. En le faisant claquer contre sa peau, elle choisit de se concentrer sur le son plutôt que sur les émotions. Si jusqu'à présent Warren faisait comme si de rien n'était, hier soir, il a jugé qu'il était temps qu'elle cesse. Je ne jugerais pas la réaction de Warren. C'est un père et en tant que tel, il s'inquiète pour la santé et le bien-être de sa fille. S'il a laissé passer pas mal de choses depuis son retour, il a écouté mes conseils ; ne plus laisser Ashika dans un coin, là où il peut garder un œil sur elle. Le terme bousculé n'est pas le plus approprié, mais c'est l'idée que nous avons évoquée tous les deux. En la poussant à refaire des choses, comme des randonnées ou reprendre un entraînement physique, c'est la ramener du bon côté de la vie. Les débuts ont été difficiles, mais sans ça, Ashika aurait continué à s'enliser, aux yeux de tous, sans pour autant qu'ils agissent.

Il est compliqué, dans ce genre de situation, de savoir quelle décision par rapport à une autre est la bonne.

Mais je crois que pour notre travail à tous les deux, la réaction virulente de Warren a été un atout. Nous allions enfin pouvoir nous concentrer sur sa jambe. Et sur le rapport à elle-même.

« — Ça me démange tout le temps. Les minutes m'apparaissent comme des heures alors.

— L'élastique t'aidait à faire passer cette sensation ?

— Je sais pas. Oui. Non. C'est insoutenable.

— Il faut que tu trouves un autre moyen de focaliser ton attention. L'élastique n'agissait que comme un palliatif, Ashika.

— Je veux juste que ça s'arrête ! Je veux juste que... tout s'arrête. »

Il n'est pas facile de cerner le moment où un patient est prêt à passer à l'acte, même pour nous autres, docteurs. Ashika est dans un mauvais état d'esprit et un rien exacerbe ses sens, exacerbe sa propre perception d'elle-même. Ce n'est pas parce qu'elle est entourée des siens qu'elle doit forcément aller mieux. Et ça, c'est une chose qu'un parent ne comprend pas. Qu'il ne peut pas entendre. Dire à Warren qui sa fille avait des pensées suicidaires aiderait-il l'un ou l'autre ?

« — J'ai regardé sur internet. J'ai pris la tablette d'Abel et je suis tombé sur un drôle de forum. Au début, quand j'ai vu les gens parler de la mort si facilement, presque avec décontraction, comme si se... se tuer était normal, je suis allé vomir dans les toilettes et j'ai effacé l'historique. Et puis c'est devenu une idée fixe. Vous voyez ? Du genre à me trotter dans la tête toute la journée. Quand je croisais le regard de papa, je me sentais honteuse. Mais ça ne m'a pas empêché d'y retourner. Il y a des gens sur ce forum, ils font des tutos, sauf que là ce n'est pas pour apprendre à se maquiller ou à faire un origami. Non, c'est comment se taillader les veines en dix étapes, ou un truc dans le genre. Ils disent qu'il faut tout bien préparer avant et qu'il ne faut rien laisser qui pourrait vous aider à empêcher le sang de couler une fois que vous vous serez coupé. Parce qu'ils disent que dès que votre cerveau aura compris ce qu'il se passe, il voudra tout faire pour endiguer le flot. Dans les films, ça ne dure jamais bien longtemps, mais en fait, c'est très long. Vous savez combien on a de litres de sang dans le corps ? Pour une fille de ma corpulence, c'est entre trois et quatre litres. Vous imaginez combien de temps il faut pour que votre corps soit exsangue ? Vous imaginez ? »

Je me suis douté que nous en viendrons à ce genre de conversation. Ashika m'avait déjà fait part de certaines de ses pensées. Elle avait trouvé des médicaments dans la maison, puis elle avait commencé à subtiliser des lames de rasoir. Elle m'en a parlé à la deuxième séance, m'a expliqué pourquoi. Jusque-là, elle ne s'était pas interrogée plus que ça sur les motivations qui poussaient quelqu'un à mettre fin à ses jours.

« — Sur ce forum, ils veulent mourir parce qu'ils sont trop gros, pas assez beaux, parce que les autres se moquent d'eux. Mais je ne suis pas d'accord. Et ça me met en colère. J'ai envie de leur hurler qu'eux, on ne leur a pas tout pris. Mais qui je suis pour juger ? Je n'arrive même pas à me battre pour moi-même. Je suis une loque. Je ne suis plus rien. »

Je n'aime pas beaucoup utiliser cette analogie, pourtant j'ai l'impression que nous sommes en plein dedans avec Ashika. Elle fait le deuil de son moi d'avant. De qui elle était. Et dans son cheminement, les étapes sont nombreuses. Il y a tout d'abord le choc, inextricablement lié avec le déni. Souvent une très courte période ; la personne nie en bloc, elle refuse de voir la vérité. Viennent la colère puis le marchandage, concept très humain. Suivi par la dépression et l'acceptation. Le problème chez Ashika, c'est qu'elle oscille dangereusement entre ses cinq étapes, passant trop vite de la dépression à la colère. Parfois, c'est plus doux, mais la plupart du temps, ça reste violent. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top