Note #13 Docteur Pratt 📝
Note du Docteur Pratt.
Patiente : Ashika Archeon souffrant de TSPT (troubles de stress post-traumatique).
Séance du 3 Avril (8ième séance)
« — C'est encore douloureux ?
— Un peu. Les médicaments aident pour la douleur, mais ça me fait me sentir groggy. Comme ce médicament que je prends quand... quand je fais une crise.
— Tu dors mieux ?
— Non. Je f-fais beaucoup de cauchemars en ce moment. Plus que d'habitude et ça m'empêchent de me rendormir.
— Je peux te donner de quoi apaiser tout ça. Aucun effet secondaire. Tu dormiras mieux, mais une fois encore, ce n'est que pour t'aider.
— Il faut que j'aille mieux pour ne plus faire de cauchemars ? C'est ça ?
— En partie, oui, Ashika. Parle-moi du soir de l'accident, tu veux ? »
Elle a gardé le silence longtemps. Sa cheville avait dû être opérée à nouveau pour remettre tout en place. Le chirurgien s'était débrouillé pour ne pas ajouter des cicatrices. Il avait saisi le problème assez rapidement.
« — C'était une dispute stupide. Je... j'en étais à un point où je croyais que je ne pouvais plus communiquer avec papa qu'à travers les cris et les larmes. Le ton est monté et je lui ai hurlé au visage que je le détestais, que je ne voulais pas vivre ici. C'était faux en plus. Je-je ne déteste pas papa. Je...
— Prend tout ton temps, Ashika.
— Je suis montée dans ma chambre et je me souviens avoir claqué la porte très fort. Je n'ai pas pleuré, parce que j'étais trop en colère. Et je me suis mise à tourner comme un lion en cage. J'avais envie de-de casser des trucs, j'avais envie de gratter ma cicatrice à m'en arracher la peau. Mais surtout, je voulais voir Joshua. Soudain cette envie a repoussé tout le reste et c'est comme si je ne pouvais plus attendre, vous voyez ? Papa nous a interdit de nous voir le soir à partir d'une certaine heure. Joshua ne dort plus avec moi. Pour ça aussi j'en ai voulu à papa. Très fort. Dans mon aveuglément, j'ai ouvert ma fenêtre, l'ai enjambée et comme l'avais fait un milliard de fois Joshua, j'ai pensé que moi aussi je pouvais descendre et aller le rejoindre. En fait, ça me paraissait même très simple. Mais alors que j'étais dehors, je sais pas, ma colère s'est soudain apaisée et j'ai eu envie de-de d'aller m'excuser. J'ai juste eu envie d'aller me presser contre mon père et oublier cette horrible dispute. Et là, mon pied à glisser et ça m'a fait mal, vraiment mal. J'ai crié. De peur je crois. Ma tête a heurté le sol, mais je ne sais plus si c'était avant ou après ma cheville. L'angle était bizarre. »
C'est dans des moments pareils qu'Ashika laisse voir toute la dualité de ses ressentis, surtout en ce qui concerne son père. Passant du coq à l'âne.
« — Papa a surgi dans l'obscurité. L'herbe était toute mouillée ; il avait plu une bonne partie de la journée et j'aurais peut-être dû y penser avant de me retrouver sur le toit. Il ne s'est pas approché, en fait, il s'est figé. Je ne voyais que ses yeux, parce qu'ils luisaient dans la pénombre. Ils luisaient avec une telle intensité que ça m'a rappelé qu'il fallait que je respire. J'avais très mal à la tête, mais moi non plus je n'ai pas bougé et pendant de longues secondes, aucun de nous deux n'a parlé. Une lumière s'est allumée et là, j'ai vu le visage de papa. Il pleurait. Et je crois que ça, ça m'a fait bien plus mal que tout le reste. Papa, c'est mon roc, vous savez. Même en plein dans la tourmente, il est là et il me tient. Mais là, ses larmes, c'est comme s'il n'en pouvait plus. Comme si je nous avais poussés trop loin. Le poussant dans ses retranchements, le faisant devenir un étranger pour moi.
— C'est ce qu'il est pour toi ? Un étranger ? »
Elle a pleuré. En fait, elle a éclaté en sanglots, qui ont secoué son petit corps.
« — Il n'a pas crié. Il m'a fixé et puis il a dit « Tout ça, c'est pour toi que je le fais, parce que tu es mon louveteau, tu es ma fille et que je t'aime plus que tout au monde. Tu ne peux pas continuer comme ça, Ashika, parce que sinon, à un moment, je ne pourrais plus t'atteindre. Tu te refermes. Tu t'éloignes de moi et bientôt, bientôt mon cœur, je ne pourrais plus t'atteindre. » C'était horrible. J'ai cru que mon cœur se brisait dans ma poitrine. Jusqu'à présent, je fermais les yeux sur tout le malheur que j'infligeais aux autres. Surtout à papa. Mais là, papa s'est mis à nu devant moi et j'ai vu que-que mon comportement lui faisait du mal. Trop de mal. Alors je lui ai dit que j'étais désolée parce que j'avais pensé que... que mourir serait peut-être plus facile, que j'étais désolée de lui avoir dit toutes ces choses que je ne pensais même pas. C'était la première fois depuis longtemps qu'enfin, enfin je lui parlais. Et que je l'écoutais. Que nous nous écoutions tous les deux.
— Ça t'a fait du bien ?
— Oui. En moi, ça a été comme un déclic, presque comme une porte qu'on ouvre après l'avoir verrouillée pendant des années. Des siècles. Et toute cette... noirceur en moi, elle a disparu. Pouf ! D'un coup, il n'y avait plus rien et je me suis sentie... heureuse. Oui. Heureuse. »
Si jusqu'alors Ashika s'échinait à tenir à distance son père, il s'avère qu'elle a enfin compris qu'il est un maillon essentiel sur la route de la guérison. De sa guérison.
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