ÉPILOGUE

« Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes né

et le jour où vous découvrez pourquoi. »

Mark Twain

ASHIKA

Le Deity,

Un an plus tard,

— Je ne sais pas trop, soufflai-je. Je trouve que cette version-là, même plus ancienne, correspond à ce que nous avons appris.

Ansara fit la moue, mais hocha la tête, d'accord avec moi. Elle referma le carnet et alla le ranger à sa place, me laissant un instant toute seule dans l'immense bibliothèque impériale. Un trésor à elle seule. Je me trouvai subjuguée à chaque fois que j'y entrais, me sentant obligée d'observer un silence presque religieux. Ce qui faisait rire Ansara, elle qui se faufilait ici depuis son plus jeune âge. Elle n'avait pas tout lu. Pas encore. Ce qui me rassurait, parce qu'il y avait un sacré paquet d'ouvrages. Et même des parchemins !

Déjà qu'elle gardait de vieux journaux dans sa chambre ; les écrits de certains Chevaliers. Ansara était une véritable source d'informations concernant ces vieux lycans. Intarissable. J'aimais la candeur qui se dégageait d'elle quand je lui demandais de me raconter une histoire, n'importe laquelle. Elle le faisait avec plaisir, ameutant les autres Earhjas avec qui je passais tout mon temps depuis un peu plus d'un an maintenant. L'uniforme était devenu ma tenue quotidienne et j'arpentai l'aile réservée à notre apprentissage jour après jour, découvrant qu'être Earhja ne signifiait pas juste soigner et guérir.

Chaque semaine, j'envoyai une longue, longue, longue lettre à Joshua. Je lui parlai de tout, de rien, de mon quotidien, des cours, des quelques entraînements physiques dispensés. Du Deity. De la vie ici. Et en retour, il me parlait de son quotidien à lui, des balades dans les bois avec Evy, du temps qu'il passait presque exclusivement avec papa.

Ces échanges amenaient un goût de trop peu, mais nous avions choisi nos voies et comme il l'avait dit, pour le moment, nous devions avancer séparément. Jusqu'au jour où on se retrouverait.

— J'en ai trouvé un autre ! s'exclama Ansara, s'avouant rarement vaincu.

Une ténacité admirable. Elle revint avec un épais ouvrage et les pages craquèrent lorsqu'elle l'ouvrit.

Je lorgnai dessus un instant avant de tourner le dos à la porte, les mains sur les hanches.

— Je ne suis pas sûre...

— Avec toi, on va y passer la journée !

Mais l'idée ne lui déplaisait pas.

J'entendis les lourds battants de la bibliothèque s'ouvrir. Il y avait toujours du monde qui allait et venait dans le coin ; que ce soit pour un cours ou pour un instant de tranquillité. Je me tapotai les lèvres, dubitative.

Des bottes claquèrent. Le salut de la Garde. Étions-nous appelées quelque part ?

Je me retournai. Mon cœur loupa un battement, ou même plusieurs et un immense sourire étira mes lèvres.

— Wolf ?

Il semblait différent, magnifique dans son uniforme de la Garde d'Aslander. Dégageant un truc, une puissance. Il semblait tellement sûr de lui ! Je m'élançai sur lui et il me réceptionna, me soulevant de terre et me faisant tournoyer. J'éclatai de rire et lorsque mes pieds touchèrent de nouveau terre, je passai mes bras autour de son cou et le serrai très, très fort contre moi.

Sa présence me réchauffa. Il avait l'odeur du Fief et de Joshua.

L'odeur de la maison. Les larmes montèrent et il me murmura quelques paroles rien que pour moi.

La maison me manquait. Papa, Evy, Abel, Maze.

Joshua.

Mais qu'importe la solitude qui m'étreignait parfois, j'avais un objectif. Un but à atteindre.

Ansara était un pilier pour moi. Et maintenant, Wolf aussi.



Tamsyn vint me chercher peu avant l'aube, quand le ciel se colorait lentement, chassant l'obscurité, avalant les étoiles. Elle ne me pressa pas ; me laissa le temps d'enfiler ma tenue avant que je ne la suive dans le Deity, guidée par ses pas. J'ignorai si je devais être inquiète ou non. Une étrange boule obstruait ma gorge, nouait mon estomac.

Cette partie du Deity, je ne l'avais jamais foulée. N'avais jamais eu conscience de son existence. Aucun Garde. Juste nos ombres sur les pierres. Et puis devant nous, une grande porte où semblait nous attendre Aslander. Il portait un simple pantalon en lin et un haut somme toute banal. Lorsqu'il nous vit, son sourire se fit chaleureux, mais ses yeux restèrent pensifs, sombres.

Il remercia Tamsyn qui se contenta d'attendre.

— J'ignore si tu es prête ou non, lâcha Aslander, mais Tamsyn juge qu'il est temps pour toi de savoir.

Je fronçai les sourcils.

— Ce que tu vas découvrir derrière cette porte, jamais tu ne pourras le révéler, du moins pas tant que le moment ne s'y prêtera pas. Ni à ton père ni à qui que ce soit. Ton serment d'Earhja ne t'y autorise pas. Tu comprends cela, Ashika ?

Je clignai des paupières. Mon souffle me manqua durant un instant et je ne pus que hocher la tête.

— C'est un lourd fardeau, murmura Aslander. Et je regrette déjà de devoir te l'imposer.

Tamsyn posa une main sur le bras de son Empereur.

— Ça ira.

Aslander inspira longuement et hocha la tête. Les portes s'ouvrirent alors, comme mû par leur propre volonté et tout de suite, je remarquai cette étrange lumière bleue. Elle tapissait les murs, éclaboussait le sol.

Elle provenait d'un immense bassin au centre de la pièce. Bassin qui se trouvait au sommet d'une volée de marches.

Et je le sentis. Quelque chose qui m'attirait, qui m'appelait. Un fil invisible. J'avançai, presque dans un état second.

Tout était calme. Apaisant. Doux.

Une première marche. Puis elles se succédèrent. Je m'avançai au bord et mes yeux se posèrent au centre du bassin, où une tablette de pierre s'y trouvait submergée sur sa surface. Là où reposait un corps.

Mon cœur caracola.

Mon souffle se figea et le monde entier sembla tournoyer.

Je clignai furieusement des yeux. Et les larmes floutèrent ma vision.

Non... non... ce n'était pas... ce n'était pas...

— Sans le savoir, tu as commencé à le soigner. Et maintenant, il n'y a que toi qui peux aller au bout. Sans toi, je ne peux rien faire, souffla Tamsyn. C'est à toi de finir ce que tu as commencé.

Raphael.

C'était Raphael.

Qui gisait là. Depuis le début... depuis...

Mais... comment ? Mes yeux fouillèrent le visage de Tamsyn. Et Siobhane se matérialisa, le corps immergé dans l'eau, aux côtés de Raphael.

— Je garde son lycan dans un havre de paix en attendant que son corps soit guéri. Je n'ai pas pu me résoudre à le laisser partir. Il mérite de vivre. Il mérite de retrouver les siens.

Comme moi.

Finir ce que j'avais commencé. Et rendre Raphael aux siens. À Joshua.

Le ramener parmi les vivants comme on l'avait fait pour moi.

Il m'avait sauvée.

Il m'avait aimée.

Il méritait de vivre. Il méritait de revivre. 

FIN.



Gardez vos commentaires de fin pour la partie suivante.... 

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