77 || Ashika

« You think you know someone.

But mostly you just know what you want to know »

Joe Hills.



J'avais passé tant d'heures à la Brigade Noire que j'en connaissais les moindres recoins, un peu comme au Fief. Les bureaux des uns et des autres, chaque policier, brigadier et que sais-je encore, trop peu familière de tous les grades, encore maintenant.

Le bureau de Maze se perdait parmi les autres, bien qu'elle ait la fonction la plus élevée et qu'elle soit la cheffe. L'endroit correspondait à l'image qu'on se faisait d'elle. La grande bibliothèque remplie de livres sur différents sujets passant de la médecine légale à des essais théoriques un peu fumeux comme aimait dire Abel. Il pouvait parler, mais lui aussi parfois lisait des trucs imbuvables. Un ou deux fauteuils avec des plantes pour apporter de la vie, de la convivialité et des cadres photo avec son équipe, mais aussi avec des membres du Fief. J'étais présente sur pas mal de clichés et papa aussi. Sans surprise. Sur son bureau, tout était nickel et parfaitement rangé, jusqu'au pot à crayons où ces derniers avaient été triés par couleurs. Un peu toquée notre Maze, mais rien de trop grave.

Je m'installai sur son imposant fauteuil et le fit tourner, à la manière d'une gamine de cinq ans. Je pouvais percevoir le brouhaha du couloir, celui des bureaux et des conversations entre deux portes. Les commentaires y allaient en tout sens et les rires fusaient facilement. La Brigade se voulait liée comme une famille, les membres proches les uns des autres, sans pour autant entrer dans l'intimité. Les familles se connaissaient bien, parfois même un peu trop d'après Maze qui blaguait souvent sur ça. Je levai la tête pour observer le plafond, mes doigts pianotant contre la surface en bois, près du tapis de souris. J'aimais toujours autant venir ici, parce que tout le monde restait pareil avec moi et je lisais rarement de la pitié dans leurs yeux, ce qui m'allait. Je savais que c'était encore un peu compliqué pour papa ou même pour Abel, mais chacun faisait des efforts et pour l'instant, ça semblait fonctionner.

La Brigade, c'était autant le projet de Maze que de papa, donc aucun ne pouvait rester sur le côté.

Je baissai la tête pour voir passer Achilles dans le couloir avant qu'il ne recule et qu'il ne s'encadre au niveau de la porte.

Il était plutôt sympa, même s'il adorait asticoter Abel pour un oui ou pour non, ce qui pouvait s'avérer un peu lourd parfois. C'était un vieil ami de tata Evy. Lui aussi avait fait partie de la Garde de Nokomis. Rien que ça. Evy ne m'en avait pas encore parlé, parce qu'on n'avait pas vraiment eu le temps, mais j'avais hâte d'entendre tout ça.

— Qu'est-ce tu fou là, gamine ? s'enquit le lycan, faisant tourner un drôle de gadget entre ses doigts.

— J'suis venue voir papa avec Abel, répondis-je.

Je ne savais pas sur quoi papa et Maze travaillaient en ce moment, mais ça semblait tarauder mon père, d'où ma présence. Et puis ça m'avait fait du bien à moi aussi. J'avais besoin de sortir un peu du Fief, de penser à autre chose. À autre chose que « petite Hachi » qui passait encore en boucle dans ma tête, de jour comme de nuit.

J'avais demandé des somnifères au docteur et il avait accepté. Je dormais mieux, même si ça restait un sommeil comateux où les rêves demeuraient flous au réveil. Je préférais ça aux cauchemars, même si ce n'était que palliatif pour le moment et que j'allais devoir faire sans à un moment donné. Le travail avec le docteur Pratt s'intensifiait dans le sens où mon esprit lâchait enfin quelques informations importantes, me guidant sur la voie non pas de la guérison, mais de la découverte de ce qui m'était arrivé. Et quand je sortais de nos séances quotidiennes, j'allais directement m'effondrer dans le canapé ou sur mon lit tant je me sentais épuisée. Mais je devais quand même trouver la force de rejoindre Todd pour notre entraînement et ça non plus ce n'était pas facile.

— Tu sais sur quoi ils travaillent papa et Maze ?

Achilles n'enrobait jamais aucune vérité, il ne mentait pas non plus. Comme tata Evy et je crois que j'aimais ça chez lui ; chez eux.

— Une sale histoire de meurtres en série. C'est pas beau à voir.

Il haussa les épaules, sans expression particulière. Je hochai la tête en déglutissant, ne sachant pas trop si j'aurais aimé ne pas savoir finalement.

— Touche à rien, gamine, d'accord ?

Il me fit un clin d'œil et s'éloigna en sifflotant. Je posai mes paumes sur mes cuisses et observai mon environnement. Une pile de dossiers semblait attendre Maze et un rapport avait été partiellement rédigé sur une feuille blanche. Je reconnus sans mal l'écriture du Capitaine de la Brigade. Je coulai un regard vers le couloir avant de me lever, mon cœur gardant un rythme tout à fait normal. Je m'arrêtai devant une partie de la bibliothèque et laissai mes doigts courir sur la tranche de certains bouquins, m'imprégnant de la sensation toute particulière. Aucune particule de poussière ici ni ailleurs du reste. J'attrapai un livre et le retirai de l'étagère. Un dossier avait été glissé entre deux bouquins et d'autres avaient dû l'être ailleurs ; je connaissais Maze et sa façon bien à elle de mettre de côté des dossiers plus sensibles ou importants. J'avais conscience que ce que j'étais en train de faire n'était pas vraiment bien, mais tant pis. Au Fief, c'était compliqué de chercher dans le bureau de papa, surtout quand il était là et lui, il rangeait d'une tout autre façon, bien plus compliquée que Maze. Si j'avais demandé à Evy, est-ce qu'elle m'aurait dit ce que je voulais savoir ? Sûrement. Jusqu'à présent, je n'y avais pas pensé, ça ne m'avait même jamais effleuré l'esprit.

Nouveau coup d'œil vers la porte. Personne. Je remis le livre à sa place et retournai vers le bureau pour saisir mon sac et y glisser le dossier qui portait un numéro et mon nom.

— Tu veux aller prendre un chocolat chaud en ville ?

Je ne sursautai pas, ayant perçu le pas lourd d'Abel et son aura toute particulière à mes yeux. Je hochai la tête avec un sourire.

— Seulement si c'est moi qui choisis l'endroit alors.

— Si tu veux. On y va ?

Je passai la sangle sur mon épaule et le rejoignis. Nous ne croisâmes ni papa ni Maze et je laissai un mot à leur intention avant de quitter la Brigade. Je choisis un café librairie avec plein de vieux livres comme Bebel les aimait, bien qu'il prenne moins le temps de lire après tout ce qui était arrivé.

— Une Earhja va venir au Fief, dis-je, une fois installé, ma boisson devant moi et une pile de livres sur la banquette, tous choisit avec soin par le lycan face à moi.

— J'ai cru comprendre, ouais. Tu la connais peut-être.

— Je pense pas, répondis-je. Je suis pas restée assez longtemps au Deity pour... rencontrer les autres.

Je grimaçai à ce souvenir pourtant pas si horrible en réalité. Aujourd'hui, quand papa avait évoqué le fait qu'il faudrait que j'y retourne pour mon entraînement en tant qu'Earhja, je n'avais pas été rebutée par l'idée. Pas du tout même. Mais étais-je prête pour autant ? Je ne pensais pas. Pas encore. Pas maintenant. Mais ça ne voulait pas dire jamais et ça, c'était un grand pas en avant dont j'avais hâte de parler avec le docteur Pratt.

— Ça peut être intéressant pour toi, enchaîna Abel. Tu vas lui faire découvrir le Fief et elle te parlera de son quotidien au Deity.

— Un échange de bons procédés, dis-je.

— Tout à fait, gamine. Tu le sens comment ?

Je touillai mon chocolat fumant qui semblait particulièrement délicieux.

— Ça me fait un peu... peur, avouai-je. Pas elle, mais tout ce côté... Earhja. Tout ce que je suis censée être. Est-ce que je suis capable d'aider des gens si je suis... enfin... si je suis incapable de m'aider, moi ?

Abel referma le livre qu'il était en train de feuilleter et le déposa à côté de sa propre tasse. La couverte avait jauni avec le temps et les pages semblaient presque brunes.

Il se frotta la barbe.

— Avoir peur de ce dont on est capable, c'est normal. Et tu as toujours eu peur de ça. Parce que depuis le début ça signifie partir au Deity et y faire une partie de ta vie. C'est dur de tout laisser derrière soi pour apprendre à être qui tu es. Mais tes capacités ont besoin de maîtrise et même si Shady reste un peu avec nous, ce n'est pas elle qui t'apprendra ce qu'il te faut savoir. Tu fais partie de ce pourcentage minime d'Earhja ; tu es de type physique, ce qui rend ta présence au Deity d'autant plus importante. Pour autant, ça ne veut pas dire qu'on va juste te laisser y aller. Je pense qu'il faut que tu te sentes prête pour ça. Que ce soit ton choix et non pas le nôtre ou celui de l'Empereur. Il faut que tu acceptes cette part de toi pour apprendre à la maitriser et à l'aimer comme faisant partie de toi. Tout simplement.

* * *

La lycan d'Evy s'affala contre la porte pas tout à fait fermée du bureau de papa et exhala un long soupir. Bien que Shady lui ait dit d'éviter de se changer à cause de sa jambe, elle n'en avait fait qu'à sa tête. Mais personne ne lui dirait rien parce qu'Evy devait avoir besoin de quitter sa forme humaine, sinon elle ne serait pas allée contre nos ordres.

L'animal ferma les yeux, sa queue battant l'air, son poitrail se soulevant lentement. Je tirai le dossier d'entre mes cahiers et le posai devant moi. Je l'observai de longues minutes sans bouger, hésitant entre l'ouvrir et appeler papa pour lui dire que j'avais fait une bêtise. Je me sentais mal. Jamais je n'avais volé quoi que ce soit de toute ma vie, jamais je n'avais agi dans le dos de papa ou Maze.

J'inspirai par le nez.

Petite Hachi. Petite Hachi. Petite Hachi.

Je ne savais même pas ce que je m'attendais à trouver là-dedans. Il n'y aurait que les conclusions de l'enquête et mon rapport médical après avoir été récupéré par la meute de Raphael. Mes doigts sur le coin du dossier.

Et ce dégonflement en moi.

— Tata, soufflai-je.

La lycan redressa la gueule, les oreilles bien droites.

Attentive.

— J'ai fait une bêtise.

Faire ça ; prendre ce dossier pour savoir, ce n'était pas moi. Et je ne voulais pas devenir quelqu'un d'autre. Pas encore.

— J'ai fait... une bêtise.

J'éclatai en sanglots, dévastée par mes propres actes, ne comprenant pas ce qui m'avait pris sur l'instant, ne parvenant pas à me remémorer pourquoi.

Tout se flouta et je reniflai bruyamment. J'entendis la lycan s'éloigner sans la voir, me laissant toute seule. Je me sentais mal. Fautive et... ingrate. Pour quoi avoir fait ça ? Si on ne me montrait pas tout ça, n'était-ce pas pour une bonne raison ? Je savais que ce que je lirais ne me toucherait pas. Rien ne le pouvait. Lire ce qui m'était arrivé ne rendrait rien plus réel, plus tangible.

Les gonds de la porte grincèrent un peu. Je ne fus pas surprise de découvrir Abel, un peu plus Joshua, derrière-lui. Le premier s'avança dans la pièce, talonné par la lycan. Elle avait préféré aller chercher quelqu'un qui comprendrait mieux qu'elle. Et en ça, je la trouvais particulièrement humaine. Que m'aurait-elle répondu si je lui avais dit que j'avais volé ce dossier et que j'avais besoin d'aide pour me sortir de cette situation ?

« Si ça ne se mange pas, je peux rien faire pour toi, louveteau. »

Je levai ma tête vers Abel et essuyai ma morve d'un revers de la manche.

— J'suis désolée, dis-je. Je sais pas p-pourquoi je... j'ai pris le d-dossier. Pardon.

Il tendit le bras pour récupérer l'objet du délit et ses yeux s'assombrirent quand il comprit de quoi il retournait. Honteuse, je fixai mes mains, sur mes cuisses, incapable d'affronter qui que ce soit. Jamais je n'avais volé. Jamais. Et là, aujourd'hui...

— C'est pas grave, dit Abel. Je m'en occupe, d'accord ? Sèche-moi donc ces larmes, tu veux ?

Je pinçai mes lèvres et hochai la tête. Des doigts glissèrent sur les miens et j'allai appuyer mon front contre le flan de Joshua. Je fermai les yeux un moment avant que la voix rauque de tante Evy ne résonne entre nous.

— Si tu veux regarder, c'est maintenant louveteau.

Abel ouvrit la bouche, sûrement pour la rabrouer ; Evy ne lui en laissa pas le temps.

— Mais il n'y a rien là-dedans. Rien de bon pour toi.

Joshua s'écarta pour la laisser approcher, sa main lâchant la mienne. Tante Evy, toute nue, s'accroupit à mon niveau. Elle leva les mains à hauteur de mes joues et essuya mes larmes avec une tendresse qui contrastait avec un corps entraîné pour tuer, pour être une véritable machine de guerre. Mais là, dans ses yeux, de l'amour. Un amour propre à un animal, mais bien là.

— Les réponses que tu veux ne sont pas sur du papier. Elles sont ici, dans ta tête.


Petite Hachi. Petite Hachi. Petite Hachi.

PETITE

HACHI !

Mauvais jour.

Mauvaise humeur.

Manque de sommeil.

Mauvais jour. Je me frottai les yeux, assise sur les marches du perron, attendant que la fameuse Earhja arrive. La nuit avait été difficile.

Des mots dans ma tête, des maux dans ma peau. Mains moites, je jetai un millième coup d'œil à ma montre. Je ne me souvenais plus pourquoi j'étais là, à attendre. Qu'est-ce que ça allait changer qu'une Earhja vienne me parler de sa vie au Deity ? Je n'en avais rien à faire. Ne voulais en avoir rien à faire. Mais je me souvenais de ce que j'avais dit à papa. Je serais un bon guide, un hôte exemplaire.

La voiture arriva et se gara non loin des autres. Je soufflai et me redressai, mes muscles se déliant et mes os craquant d'être restés trop longtemps figés.

La jeune Earhja portait la tenue réglementaire de notre branche. Une magnifique robe d'un blanc immaculé et d'un bleu très doux, couleur qu'on retrouvait au niveau de ses chaussures. Ses yeux qui n'étaient pas vraiment vert pâle me harponnèrent et un immense sourire traversa son visage poupin à la peau laiteuse.

Jolie. Magnifique même. Cette étincèle de vie tranchait avec la froideur qui se dégageait de moi. Toute cette... joie de vivre me heurta et j'ai cette impression de me retrancher derrière une carapace infranchissable, mettant une barrière invisible entre elle et moi.

— Tu dois être Ashika ! Je suis tellement, tellement heureuse de faire enfin ta connaissance ! s'exclama-t-elle en saisissant mes mains poisseuses entre les siennes.

Trop de sourire.

— Je suis Ansara, mais tout le monde m'appelle Ansi.

Ansara.

Ashika.

Six lettres.

Deux Earhjas.

Que savait-elle de moi ? Que j'avais été kidnappée, violée, séquestrée et laissée pour morte ?

Je n'aimais pas ce grand sourire. Je n'aimais pas la texture de sa peau. Je voulais qu'elle arrête de me toucher. Qu'elle arrête d'être aussi... aussi... heureuse !

Je me reculai et elle fronça les sourcils, ses mains dans le vide, ne cherchant pas à me retenir. Je secouai la tête.

Je n'avais aucune envie de faire ça. Aucune envie de l'entendre me parler de sa vie parfaite au Deity. Aucune envie de savoir qu'elle me connaissait parce que tout le monde avait entendu mon histoire.

Non.

— Tu...

Elle commença, mais je lui tournai le dos et claquai la porte d'entrée derrière moi avant de grimper les marches quatre à quatre.

Si papa avait été là, je lui aurais fait honte. Mais après le vol du dossier, je n'étais plus à ça près, hein ? Je serrai rageusement des poings et allai m'enfermer dans ma chambre, me retrouvant contre mon lit, incapable de faire bonne figure, incapable de faire ce que papa attendait de moi.

Le lendemain matin, je trouvai Ansara dans la cuisine de la maison, devant un thé, toujours dans sa tenue. Elle se racla la gorge en me voyant entrer, alors qu'il était encore tôt. Je passai devant elle pour me diriger vers le frigo et attraper à boire.

— Je... j'ai conscience d'être un peu trop... envahissante parfois et je... enfin, je suis désolée si ça t'a surprise ou... choquée, peut-être.

Sa voix avait un timbre très doux, qui vous effleurait, qui vous enveloppait. Presque comme Lilibeth. Une Earhja qui soignait les maux à l'intérieur ?

— Je ne veux surtout pas te déranger ou tu sais... t'empêcher de faire ce que tu, euh, fais d'habitude. Donc...

Je retins un soupir. Je déposai mon verre dans l'évier et traversai dans l'autre sens. Elle se tendit sur le tabouret, ne me quittant pas du regard. Je m'arrêtai sur le seuil.

— On y va ? dis-je, me détestant d'être si... éloignée et distante.

— Oh ! O-oui !

Elle laissa sa tasse en plan pour me rejoindre et suivit mon pas déterminé. D'abord, l'infirmerie. Et ensuite, le reste du programme de la journée.

Je lui parlais à peine et répondis encore moins à ses questions. Mais elle ne se démontait pas. Pourquoi ? J'étais odieuse avec elle et je ne savais même pas pourquoi. Sa présence me hérissait le poil et même tante Evy essaya de me le faire comprendre en mordillant mes mollets.

Elle assista à l'entraînement avec Todd, rencontra Wolf et vit le geste de la main de loin de Joshua, en pleine séance de roulage dans la boue comme disait tata.

— C'est incroyable ! lâcha-t-elle sur le chemin pour retourner à la maison. Tu prends part à tous les entraînements ? Tous les jours ? Je suis vraiment impressionnée !

Elle rit et ce fut léger, apaisant, doux.

Je fis volteface et elle faillit me rentrer dedans.

— Oups, désolée, gloussa-t-elle, amusée.

— Pourquoi est-ce que tu es venue ici ? lâchai-je.

— Je voulais faire ta connaissance.

— Pourquoi ?

— Tu es la seule Earhja vivant en-dehors du Deity, enfin pas vraiment la seule, mais de ton âge, si. Et puis venir dans un Fief... c'était l'occasion rêvée pour moi qui ne sort pas beaucoup.

Elle fuit mon regard un instant, comme gênée de cet aveu soudain.

— Je ne suis pas stupide, soufflai-je. Je sais très bien que tu n'es pas venue ici pour faire ma connaissance. Comme si tu ne savais pas qui je suis.

— Ashika Archeon, fille de Warren Archeon, Krig de l'Empereur et Earhja de type phy–

— Arrête ! criai-je en voulant la repousser violemment, l'éloigner de moi.

L'incompréhension dans ses yeux, sur son visage.

— Ne fais pas semblant. Tout le monde parle de moi, tout le monde murmure mon histoire. Tu es venue voir ça de tes yeux ? Pour le raconter à toutes celles qui ne peuvent quitter le Deity ?

C'était méchant. C'était gratuit. Je m'en prenais à elle sans savoir. Ma rage m'aveuglait.

Mauvais jour. Mauvais jour.

Mauvais

Jour.

— Tu connais déjà toute ma vie, comme tous les autres alors ne fais pas mine de vouloir me connaître. Je n'ai pas besoin d'une nouvelle amie. Je n'ai besoin de personne !

À bout de souffle. Je respirai trop vite et la crise d'angoisse de déploya, vicieuse.

— Ne te fâche pas, souffla-t-elle.

— Laisse-moi tranquille, cinglai-je.

Je me retournai et le bout de mon pied se prit dans un caillou. Je tombai en avant et réussi à me rattraper avec mes mains. Je restai quelques secondes par terre, avant de me laisser aller sur les fesses. Mes paumes étaient toutes égratignées.

Je fronçai du nez pour retenir mes larmes. Je ne reconnaissais pas ma colère, ne savais pas pourquoi elle m'habitait.

Pourquoi elle me dépouillait de mon identité.

Ansara s'agenouilla devant moi et sans un mot, prit mes paumes dans les siennes. Un halo lumineux enveloppa nos mains et toutes traces de ma chute disparurent.

Elle était comme moi.

Elle soignait les gens.

— Je ne connais pas ton histoire, Ashika, je sais juste ce qu'il t'est arrivé. Les gens parlent sur ton passage et ils t'observent de loin pensant te connaître à travers ce qu'il s'est passé. Mais un événement ne nous définit pas. Alors oui, je veux faire ta connaissance. Je veux savoir qui tu es. Pas ce qu'il t'est arrivé. Parce que ça, ce n'est pas toi.

— Qu'est-ce que tu en sais ? soufflai-je.

Je ne retirai pas mes mains des siennes.

— Parce que les gens parlent aussi quand ils me voient. Ils chuchotent et ils ont pitié. Ils pensent tout savoir, ils pensent savoir qui je suis.

Son visage se fissura devant moi et je vis une douleur atroce, comme si... comme si son âme s'effilochait sous mes yeux. C'était... horrible. Triste. Très triste.

— J'ai voulu partir un peu du Deity pour voir ce que ça faisait de rencontrer des gens qui ne savent rien de toi, mais c'est injuste pour toi, n'est-ce pas ? Je sais ce qu'il t'est arrivé de pire.

Son sourire n'atteignit pas ses yeux, n'illumina pas son visage, ne réchauffa pas ses traits.

— Et toi ? murmurai-je. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

— J'ai rencontré mon Anchor quand j'étais plus jeune et crois-le ou non, mais j'en suis tombée amoureuse dans la seconde.

Je réussis à sourire, parce que ça, c'était une belle histoire. Une belle chose dans une vie.

— Il m'a à peine regardé. Et il m'a fait comprendre que je ne valais rien à ses yeux. Que je n'étais rien de plus qu'une gamine inutile.

Elle haussa les épaules, comme pour se défaire du souvenir, du poids des regrets et de la douleur.

— On m'a appris à ne pas comparer les souffrances des uns et des autres, mais j'ai bien conscience que tout ça doit te paraître bien dérisoire comparé à... tu sais.

Pas du tout. J'avais envie de pleurer pour elle. J'avais envie de... la prendre dans mes bras.

Nous nous regardâmes longuement. Et je ne sais pas trop, mais à un moment, nous réussîmes à nous sourire.

Puis à rire. 

* * *

Hachi qui vole son propre dossier avant de se raviser : mais Evy à raison : elle n'aurait rien découvert de bien ou d'utile...

Et voilà enfin Ansara ! Son histoire est déjà écrite et bouclée et le tome s'intitulera Corrupted Heart et fait partie de la série mettant en avant des Earhjas 😍😳

Hachi n'a pas été très sympa au départ, mais il semblerait qu'Ansara et elle vont faire un petit bout de chemin ensemble alors....

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