40 | Evy
On ne fait pas de bien sans mal.
— C'est de l'inconscience ! De l'inconscience ! Ces gosses auraient pu mourir ! Tu es complètement folle ?!
Je regardai Lilibeth me hurler dessus pendant que tout le monde s'activait à l'intérieur pour prodiguer les premiers soins aux Cadets. La majorité avait tenu jusqu'au bout, mais d'autres avaient été abandonnés en chemin. D'ici à ce que l'un d'eux comprenne le fondement même de l'exercice, du temps allait passer.
Étais-je déçue ? Il ne m'avait pas fallu longtemps pour juger du potentiel des recrues, quelques minutes pour certains.
Lilibeth bougeait les bras dans tous les sens, les sourcils froncés et ses yeux envoyant des éclairs. Une expression d'après le louveteau. Des larmes de frustration faisaient étinceler son regard et je penchai la tête sur le côté. Je ne saisissais pas vraiment le fondement de sa colère. Toutes les blessures de ces gamins n'avaient pas été infligées par moi. Hormis donner un coup de croc à Joshua, j'étais restée en retrait, observant. Si aucun ne semblait avoir compris le sens de l'exercice, était-ce ma faute ?
— Qu'est-ce que tu aurais fait si l'un d'eux–
— Tu veux un câlin ? grognai-je.
Plus aucun son ne franchit la bouche de Lilibeth. Ses yeux s'écarquillèrent et elle me fixa bêtement, de longues secondes.
— Que... quoi ?
Elle était sourde ? Peut-être que ma façon même de dire les choses manquait de... tact. Il faudrait que je demande à Abel. Lui saurait.
— Un câlin, répétai-je en exagérant ma prononciation.
— Non ! cria-t-elle. Non je ne veux pas de câlin, Evy, je veux que tu prennes conscience de ton–
Je relevai les yeux pour voir l'humaine de Ren débouler au pas de charge, la gueule fermée, les yeux mauvais. Elle aussi ? J'eus envie de feuler, de claquer mes dents pour l'empêcher d'approcher, mais à ce stade, rien ne l'aurait arrêté.
— Ce sont des putains de gosses ! cracha-t-elle véhémente. Tu sais qu'il existe des lois pour les protéger, Fief ou pas ?! Tu es complètement tarée !
Folle et tarée devaient donc être des synonymes. Si je les laissais s'exciter, finiraient-elles par me lâcher les baskets ? Ces trois jours dans les bois m'avaient calmée. D'où le fait que je les laissais brasser de l'air inutilement.
L'humaine fit un pas. Prête à en découdre ? Mais Ren choisit ce moment pour surgir et s'interposer entre elles et moi.
Là j'étais déçue. Vraiment.
— Je m'en occupe, d'accord ? grogna-t-il, les épaules lâches, preuve qu'il n'était pas en colère.
— Il serait temps que vous vous souveniez qu'il y a des flics ici, marmonna l'humaine.
Quel était son prénom déjà ? Aucune idée. Elle leva les mains en l'air en jurant et en me fusillant une ultime fois du regard, avant de retourner à l'intérieur.
— Je suis contre ce genre d'entraînement, Warren, dit Lilibeth. Et tu le sais.
— Et alors ? commençai-je d'une voix rauque et un peu enrouée. Tu n'es là que–
On m'empêcha d'en dire plus en collant une main contre ma bouche. Abel me colla contre son torse en me ceinturant gentiment. Aucun mot ne fut échangé avec Ren. Le lycan dans mon dos me souleva et nous nous retrouvâmes dans le bureau du Krig, porte ouverte en l'attendant.
— Tu as foutu une belle pagaille.
Sa main reposait sur ma hanche, sous mon haut, son pouce caressant ma peau. Pas désagréable ça. Je levai la tête pour l'observer et finis par frotter le bout de mon nez contre sa mâchoire. La porte claqua derrière Warren.
— Tu devrais remettre Lilibeth à sa place, soufflai-je. Tu es le Krig, je suis une instructrice et elle gère l'infirmerie, c'est tout.
— Laisse-moi donc m'occuper de ça, tu veux ? Il faut dire que tu as ramené les Recrues dans un sale état.
Mon sourire mauvais, cette part sombre en moi coulant à même mes veines, se dévoilant face à son alpha.
— Je n'en ai touché aucun. Ils se sont fait ça tout seuls.
Ren soupira et s'appuya contre le bord de son bureau, les bras croisés.
— Là n'est pas vraiment la question.
— C'est vrai, acquiesçai-je. Ils n'ont pas le niveau pour être là. À se demander quel genre d'entraînements ils ont eu jusque-là.
— C'est des gosses, Evy, répondit Abel. Pas des Godar, ni même des Soldats du Contingent. Tu dois garder ça en tête quand tu pars trois jours dans les bois avec eux.
— Pourquoi ? répliquai-je. Ils sont appelés à devenir Ritters, à faire partie de l'armée, peut-être même que certains finiront Godar. Mais ce que j'ai vu dans les bois était loin du niveau attendu.
Je regardai Warren et uniquement Warren. Ses yeux me harponnèrent.
— Parle, lycan, gronda-t-il.
— Tu as lâché la bride trop longtemps sur tes hommes et sur les plus jeunes. Aucun n'a compris l'exercice, pourtant simple. Joshua n'a pas saisi les enjeux, pas plus que Dax, le rejeton de l'autre Krig. Il y en a bien quelques-uns qui sont sortis du lot, mais ça reste un échec cuisant pour chacun d'entre eux. Les faire courir et leur apprendre à rouler au sol – parce que oui, c'est ce que vous faites avec eux, ne leur apportera rien. Ils sont désorganisés, faibles et stupides comme des manches à balai. Et c'est une insulte pour les balais.
Abel secoua la tête puis regarda par la fenêtre. Warren fixa le sol, sa tapotant le menton.
— Des lycans du pays entier viennent ici pour avoir le droit à la meilleure instruction possible. Mais même moi je ne vois rien de tout ça.
— Qu'est-ce que tu proposes ?
— Je retournerais dans les bois dans une semaine.
— Pas trois jours, Evy, grommela Warren.
— Va pour deux alors.
Il leva les yeux au ciel, pas satisfait de cette réponse, mais ne formula pas un non catégorique non plus.
— Tu en as traumatisé beaucoup.
— Ils viendront quand même. Tu as fait de moi un instructeur, vas jusqu'au bout sans reculer.
— Abel sera de la partie.
Je haussai les épaules.
— S'il est prêt à jouer le jeu, ça me va.
Warren hocha la tête, m'offrant son feu vert. Il y allait y avoir d'autres cris, d'autres pleurs. Jusqu'à ce qu'ils comprennent comment agir. Quoi faire. Tant que je ne serais pas satisfaite, nous partirions toutes les semaines, encore et encore. Et tant pis pour les cauchemars.
— Et arrête de traîner dans les pattes de Gabin.
— Tant que tu ne m'en empêcheras pas, je continuerais.
C'est qu'il avait des doutes. Qu'il s'interrogeait lui aussi. Je me fichais bien de ce qu'en pensait le garde forestier. Il s'agissait du louveteau. Tant que je n'aurais pas trouvé la ou les taupes, je ne lâcherais pas l'affaire. Ce n'était pas mon genre après tout.
Ren se redressa et sa main glissa sur ma nuque. Il vint appuyer son front contre le mien, sans cesser de me regarder. Et puis il se recula et quitta le bureau, nous laissant avec Abel.
— Tu doutes que je puisse suivre tes règles ? bougonna-t-il.
J'agrippai ses cheveux, cherchant ses lèvres des miennes.
— Prouve-moi le contraire, lycan. Et maintenant, touche-moi.
Il gronda.
Et je me délectai de ce son, ainsi que de ses mains sur mon corps bouillonnant.
Je lui demanderais plus tard quelle était la meilleure façon de prendre quelqu'un dans ses bras.
* * *
Evy qui demande si Lili veut un câlin : épique ou pas ? 🤣 C'était à faire au moins une fois !
J'imagine qu'une majorité d'entre vous est à la maison en ces temps un peu troubles.... Pour ma part je vais au collège... Sans élèves 🙄 ça va faire bizarre hein ! On se dit à très vite ❤️
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top