32 | Warren


"Les innocents, ça n'existe pas.

Par contre il existe différents degrés de responsabilité"

Stieg LARSSON. 



Un corps chaud se pressait contre le mien. J'en fus désorienté un instant, avant de sursauter et de me redresser sur mes coudes. La main de Tori glissa sur le matelas et je m'assis, frottant mes paupières. Mon regard suivit le tatouage de la lycan avant de se poser sur quelques cadres sur la commode.

Très mauvaise idée.

Je détournai rapidement mes yeux de ses souvenirs pour certains douloureux et observai le corps nu à côté du mien. Tori dormait nue, comme la plupart des lycans que je connaissais. C'était compliqué pour nous parfois de supporter des vêtements, surtout quand le Changement se faisait sentir. Comme si l'animal en nous voulait aller courir et se décrasser les muscles. J'allais courir dans la forêt sous la forme de mon lycan au moins une fois par jour. Mes muscles n'avaient jamais été aussi imposants. Je roulai des épaules et frottai ma nuque. L'entraînement était rude et continuait de l'être. J'en avais besoin et les miens avaient surtout besoin de se remettre à leur meilleur niveau. Je posai ma main au milieu du dos de la lycan et embrassai son oreille. Elle ronchonna et enfonça son visage un peu plus loin dans l'oreiller. Je ris et bondis hors du lit pour aller prendre une douche.

J'enfilai un short et un t-shirt noir, attrapai une paire de chaussettes avant de claquer un baiser sur la fesse de Tori qui dépassait. Elle ronchonna et je la laissai tranquille. Il était bien trop tôt pour elle, même si je savais qu'elle avait subi ça une partie de sa vie à cause de son père, un Krig.

J'ouvris doucement la porte de la chambre de Lilibeth et la découvris endormi profondément sur son flanc, son ventre apparaissant un peu à cause du drap repoussé. Elle portait un t-shirt blanc ample et une culotte rose. Je retins un rire et après avoir vérifié qu'elle et le bébé allaient bien, je refermai précautionneusement la porte pour ne pas la réveiller. Le terme allait bientôt arriver et je savais qu'elle était de plus en plus fatiguée. J'aperçus la chambre du bébé, qui était sur le même palier que le mien, ancienne pièce où on entreposait beaucoup trop de bêtises. Je l'avais nettoyée et aménagée au minimum pour le bébé, Lilibeth avait terminé de tout décorer. Elle achetait encore plein de fringues et certaines étaient suspendues pour sécher. Beaucoup de linges, donc beaucoup de machines. Nous étions tous prêts pour l'arrivée de la petite fille qui allait débarquer dans nos vies.

Je descendis les escaliers sans un bruit et découvris Abel sur le canapé, la lycan d'Evy lovée littéralement sur lui, son corps entre ses jambes. Heureusement que ce canapé était assez large pour ça. Je n'avais pas vraiment reparlé d'Evy avec Abel, mais mon Ritter lui demandait beaucoup d'attention et la plupart du temps, ma sœur la lui donnait. Je n'avais jamais vu ma sœur être autant à l'écoute d'une autre personne que ma fille ou moi-même. Abel semblait dormir, mais je n'en aurais pas juré.

Je passai dans la cuisine et découvris ma fille. Elle avait attaché ses cheveux avec une pince, trop courts pour être relevé avec un chouchou. Elle portait encore une petite attelle à sa cheville, mais elle marchait bien et semblait bien remise. Elle avait enfilé une tenue de sport, un long legging noir avec deux bandes fluo sur le côté de ses jambes, un t-shirt rose et elle avait noué un pull noir en microfibres sur ses épaules. Elle n'aurait pas froid, mais c'était au cas où. Elle semblait en forme, malgré les cernes sous ses yeux, qui étaient avouons le moins horrible qu'il y a quelques semaines.

_ Bonjour p'pa, souffla-t-elle pour ne pas réveiller les deux lycans dans la pièce d'à côté.

_ Salut ma chérie, murmurai-je en déposant un baiser contre sa tempe.

Elle termina son chocolat chaud et rinça la tasse, me tendant la mienne remplie de café par la même occasion. Je la remerciai et le bus rapidement, pour que nous puissions décoller. Je mangeai souvent un plus gros petit déjeuner après mon tour.

_ Prête ? m'enquis-je en enfilant mes baskets.

_ Je passe aux toilettes et oui, dit-elle en alliant le geste à la parole.

Je sortis dehors et m'étirai rapidement avant d'observer mon Fief à la douce lueur de l'aurore. Plusieurs évènements importants allaient jalonner cette journée et je devais être très attentif à toutes les étapes. Hachi sortit de la maison à son tour et refit correctement ses lacets avant de me tendre sa main. Je tapai dedans avec la mienne et le top départ fut donné.


_ Pourquoi ? POURQUOI ?

_ Ashika, il y a des règles à suivre dans ce Fief et je veux que Joshua en prenne conscience. Tu les connais pourtant !

_ Je m'en fous ! Je veux aller le voir ! Tu ne comprends rien !

Je sentis la boule d'angoisse se transformer en colère et je me levai lentement face à ma fille qui était à deux doigts de craquer. Je le sentais. J'avais moi-même renvoyé Joshua qui avait dû obéir aux ordres. Nous étions chez moi, nous étions sous mon toit donc mes règles. Et en plus, nous étions dans mon Fief. Si ma propre fille ne s'en souvenait pas, nous allions avoir un problème. J'en avais marre de la laisser croire qu'elle ne devait plus suivre aucune règle ici.

Je voulais qu'elle repose son pied sur le sol du Fief.

Comme une lycan.

Comme une membre de ma meute.

Comme ma fille. Elle avait peut-être changé, elle n'était peut-être plus la même que j'avais élevée, mais bon sang elle allait suivre mes ordres à la lettre.

Rapidement. Avant que ça ne soit un désastre.

_ Tu vas m'obéir, grondai-je. Comme Joshua le fait. Prend exemple !

Ma réplique la blessa et quelque chose se fissura en moi. Son visage prit une couleur rouge avant que ses yeux ne commencent à s'emplir de larmes.

Lilibeth était déjà au lit et ne pourrait pas faire tampon. Et ce n'était pas plus mal. J'avais besoin de confronter à ma fille.

_ Je veux aller voir Joshua ! répéta Ashika, se retenant de crier. JE VEUX Y ALLER ! Il n'y a que LUI qui me comprend ici ! Il n'y a que LUI qui me croit !

_ Arrête avec ça maintenant, soufflai-je. Je te crois quand tu me dis que tu as besoin de lui, mais je te signale que nous sommes dans un Fief. Nous devons tous suivre certaines règles. Joshua plus que n'importe qui d'autre !

_ C'est de TA faute s'il doit dormir là-bas ! Il n'y avait rien de mal à ce qu'il le fasse ici ! J'ai besoin qu'il soit là !

_ Tu as besoin d'aller te calmer dans ta chambre et de dormir, dis-je en contournant la table.

_ Tu ne comprends rien ! hurla-t-elle.

_ Ashika ! Ça suffit !

_ Non ! NON ! Tu veux absolument me garder ici, mais je n'en peux plus ! JE VEUX PARTIR !

Je sentis mon cœur se serrer et soudain les larmes dévalèrent sur ses joues. Je levai mes deux mains devant moi et elle eut un mouvement de recul.

_ J'ai besoin de JOSHUA ! cria-t-elle.

Sa jambe tressauta sur le côté et elle se mit à frotter son legging du plat de la main en secouant la tête.

_ Il faut que tu te calmes !

_ Tu ne comprends rien ! cracha-t-elle. Je te déteste ! JE TE DÉTESTE !

Je sentis mon regard s'écarquiller en entendant la rage dans sa voix. C'était sûrement l'une des émotions les plus dures qu'elle me donna. Qu'elle me permit de voir dans ses beaux yeux.

_ Je n'en peux plus de cette maison ! Je n'en peux plus de tout ça ! Je veux partir !

Je frappai du plat de ma main la table et cela la fit frémir, jusqu'à coller son dos contre le mur.

_ Dans ta chambre ! Maintenant ! criai-je, d'un ton sans appel.

Elle hurla de nouveau qu'elle me détestait et s'enfuit par les escaliers. Quelques secondes plus tard, sa porte claqua. Fort. Je me laissai tomber sur ma chaise, cachant mon visage dans mes mains. La colère et la peur faisaient vibrer mes os. Je m'en voulais.

Je m'en voulais atrocement d'avoir ce genre de comportements avec elle. Mais bon sang, elle ne pouvait pas décemment attendre de moi une passivité morbide qui irait jusqu'à sa guérison n'est-ce pas ?

Il y eut du bruit puis un cri qui me fit bondir dehors.

La vision de ma fille étendue sur l'herbe mouillée, son visage baigné de larmes me tira mes dernières forces.

Je sentis mon impuissance m'envahir. Je voyais bien sa cheville et je voyais bien qu'elle venait de tomber de trois étages, mais c'était comme si mon corps s'était figé pour observer cette scène.

Comment en étions-nous arrivés là elle et moi ?

Cette enfant que j'avais toujours écoutée et entendue.

Ma fille que j'avais toujours aimée et protégée.

Elle qui m'avait toujours parlé et expliqué. Que j'avais élevé pour être une personne franche et honnête avec moi, avec les personnes qu'elle aimait.

Me détestait-elle vraiment ?

Avais-je seulement le pouvoir de la retenir ?

Une lumière fut allumée dans la maison et j'entendis à peine la voix de Lilibeth, ou celle d'Abel.

Je découvris avec encore plus de netteté la détresse de ma fille.

Et elle vit enfin la mienne.

Une vérité plutôt crue pour ma fille sortit de ma bouche sans que je puisse la retenir.

Parce que c'était trop.

Parce qu'elle se faisait du mal.

Parce que je ne pouvais pas la guérir ni remonter le temps.

Parce que je ne pouvais pas changer qui j'étais ni qui elle était devenue.

Parce que si elle ne voulait pas de moi dans cette vie, alors je ne méritais pas d'être à ses côtés.

Et si elle continuait à m'empêcher de l'aider, alors je ne saurais plus quoi faire et encore moins comment le faire.

_ Tout ça, c'est pour toi que je le fais, parce que tu es mon louveteau, tu es ma fille et que je t'aime plus que tout au monde. Tu ne peux pas continuer comme ça, Ashika, parce que sinon, à un moment, je ne pourrais plus t'atteindre. Tu te refermes. Tu t'éloignes de moi et bientôt, bientôt mon cœur, je ne pourrais plus t'atteindre.


Je discutai avec Todd et Reed des besoins du Contingent en infrastructures, mais ni l'un ni l'autre ne semblaient totalement concentrés sur moi. Ils étaient intrigués par Ashika qui observait les entraînements matinaux de Mera sur deux troupes du Contingent. Je me raclai la gorge et Reed me sourit, comme si de rien était.

_ Elle a repris l'entraînement ? s'enquit soudain Todd.

Je secouai la tête.

_ Sa cheville est guérie cependant, donc je pense que je devrais réussir à la convaincre d'une ou deux séances par semaine, admis-je confiant.

Ce dernier mois qui venait de passer avait été très intense. Il y avait eu plus de hauts que de bas et rien que ça, c'était une victoire. Le psychiatre faisait un très bon travail et je savais que l'incident du mois de mars avait été un déclic important pour ma fille, et pour moi. Il fallait que je la traite de nouveau comme celle qu'elle était. Ma fille et pas juste l'ombre de celle que j'avais connue. Elle devait reprendre vie et pour ça, goûter de nouveau aux joies du quotidien.

Todd me contourna et s'approcha d'Ashika. Cette dernière le salua d'un geste de la main et d'un sourire. Elle se pencha vers lui quand il se mit à lui parler et parut sincèrement intéressée. Ils échangèrent quelques mots de plus avant de se serrer la main pour conclure un pacte. Je souris.

Todd venait de réussir à convaincre Hachi de venir s'entraîner avec lui. Une émotion étrange me serra le cœur. Todd tapota mon épaule en revenant vers moi et les deux Asters retournèrent vers les soldats dont ils s'occupaient.

Ashika répondit au geste de salut de Mera un peu plus loin et me rejoignit. Nous passâmes devant un groupe de cadets levés très tôt par leur instructeur, Calder. Evy et Abel ne tarderaient pas à venir rajouter une couche. Joshua vénérait littéralement mon Ritter ce qui me faisait sourire. Je n'avais aucun doute qu'Abel avait réussi à gagner la confiance de notre Krig-an, tout comme je m'efforçais de le faire tous les jours.

Nous terminâmes notre tour par l'équipe de Gabin. Evy ne cessait de lui tourner autour en ce moment, tentant de trouver une faille là où il n'y en avait pas forcément. Gabin était nerveux encore aujourd'hui, ma sœur ne le ménageait vraiment pas et il allait peut-être falloir que je recadre tout le monde.

Je savais très bien les personnes qui avaient été extérieures au Fief durant ces derniers mois et je me devais de trouver des réponses. Et si parmi les hommes d'Arkan, certains avaient vendu des informations ? Evy pensait la même chose des humains de Gabin. Pour elle, Gabin était l'Alpha de la meute des humains et il en était donc responsable, autant d'eux que de leurs actes. J'avais du mal à lui expliquer la différence. Abel lui avait juste dit que Gabin n'était pas leur Alpha, et qu'il était comme un soumit à qui on avait donné une équipe. Evy avait grogné et était de nouveau allé l'emmerder.

J'avais longuement réfléchi aux personnes ayant potentiellement été en contact avec Ashika depuis sa naissance. Je ne l'avais pas trimballée partout non plus. Les personnes extérieures au Fief n'étaient autres que les Herres et les Freiherrs que j'accueillais. Alors, j'allais commencer par celui qui était le plus imprégner de notre Fief et surtout qui avait eu le plus d'interactions avec durant ces derniers mois.

Arkan avait été placé là par défaut, car il s'était proposé et je l'en remerciais. Grâce à ça, le fief n'était pas devenu une complète zone de guerre. Néanmoins, Abel m'avait relaté certains évènements qui n'auraient pas dû arriver. Comme les rondes qui avaient été stoppées sur les hauteurs, ainsi que le renvoi des humains et la fermeture partielle de la Réserve. Abel m'avait même dit qu'il avait fait venir des lycans d'autres meutes pour l'aider à tenir le Fief.

Je voulais voir si Arkan avait des informations sur tout ça. Sur des possibles lycans qui auraient eu plus qu'une dent contre moi. Car pour attaquer ma fille au lieu de m'attaquer moi, la personne était un lâche doublé d'un enculé.

Ashika agita sa main vers Gabin et il lui tendit un petit paquet avec un sourire tendre, qu'elle se dépêcha de prendre en le remerciant. Elle tira une lettre de la poche de son pull et la tendit à Gabin. Demain, ce serait sûrement lui qui donnerait la réponse de sa femme. Nous terminâmes notre tour par l'infirmerie. Je regardai Ashika s'activer, s'occupant d'allumer les quelques lumières, d'aérer un peu l'endroit. Cela permettait à Lilibeth de se reposer le matin. Ensuite, Ashika reviendrait ici avec Lili pour travailler sur ses cours de médecine. Les matinées étaient bien rodées entre les deux femmes. Je raccompagnai Ashika jusqu'à la maison et elle rentra pour préparer le petit déjeuner des gens qui vivaient chez nous. Je me Changeai en lycan et laissai l'animal voguer à travers la forêt pendant une demi-heure de plus.

Quand j'arrivai à la maison, j'enfilai de nouveau mon short et allais me doucher rapidement. En arrivant dans la cuisine, je trouvai Tori, Lilibeth, Ashika et Abel autour de leur petit déjeuner. Ma fille se faisait un devoir de veiller sur Lilibeth. Le ventre de cette dernière était bien rond à présent. Encore un mois et il y aurait un nouveau membre dans cette maison déjà remplie.

Je m'installai entre Tori et Abel, me penchant vers la lycan pour embrasser sa joue. Elle me sourit et pressa ma cuisse de sa main. Je surpris le regard anxieux d'Abel avant qu'il ne se détourner pour grommeler et manger. Il ne sursauta même pas quand Evy posa sa patte sur sa cuisse en soufflant. Il lui fila un truc à manger que je ne vis même pas. Du bacon ? C'était plutôt un comportement normal pour eux.

La discussion tourna autour des prochaines journées qui allaient être fortes en émotion. La Brigade noire devait revenir s'entraîner avec nous. Avant toutes ces épreuves, la Brigade Noire était relativement bien vue même s'il y avait des dissidences ici même au Fief. Certains des miens étaient pour, d'autres non. J'avais un peu peur que les plus difficiles à convaincre fassent leur mauvaise tête. Et qu'ils le fassent payer aux hommes de la Brigade Noire. Calder n'avait pas désiré participer, ce qui m'avait étonné, mais je savais qu'il était concentré sur les cadets en ce moment. Ce serait donc Yuri, Mera et moi qui serions les nouveaux instructeurs. Je voulais tester la nouvelle venue avec des humains autour d'elle, voir ce qu'elle valait.

_ Quand avez-vous commencé ces entraînements ? s'enquit Lilibeth en terminant son thé.

_ Quand Maze a réclamé que ses hommes soient capables de se défendre face à des surnaturels, répondit Abel.

_ Il y a eu une affaire délicate, admis-je. Un mort et un blessé. Les deux étaient de l'équipe de Mazakeen. On aurait pu éviter ça en joignant nos forces.

_ C'est là que Maze a poussé ce qui était la genèse de la Brigade Noire, à venir s'entraîner ici tous les mois.

_ La Brigade Noire n'a pas été officielle tout de suite c'est ça ? remarqua Lili.

_ Les accords ont été signés bien après que Maze soit venue nous emmerder, acquiesça Abel en baragouinant.

Je souris, me rappelant le lien qui s'était tissé entre Mazakeen et lui. Des amis, et ils l'étaient toujours.

_ Maze rentrait aujourd'hui, non ? Elle va passer tu crois ? s'enquit Ashika en enroulant ses bras autour du cou de Lilibeth.

Cette dernière caressa les cheveux de ma fille. Je sentis les épaules de Tori se tendre sous ma main, mais elle affichait une expression calme et sereine, donc je ne relevais pas.

_ On a rendez-vous demain matin à la Brigade, lui rappelai-je. Je lui demanderais de passer te voir dès qu'elle peut. Mais elle risque d'être très occupée.

_ Elle viendra à l'entraînement, remarqua Abel.

_ Super ! fit Ashika en souriant.

Lilibeth lui tapota les bras et la poussa à décoller à l'infirmerie. Elles nous saluèrent et s'éclipsèrent.

_ J'ai un cours avec les Benjamins dans une heure. Je vais aller courir un peu avant, nous annonça Tori.

Je hochai la tête. Elle me sourit, déposa un rapide baiser sur ma joue plutôt que mes lèvres, car Abel nous observait d'un air vaguement menaçant. Les doigts de Tori pressèrent ma nuque quand elle se leva et elle s'en alla à son tour.

_ Je crois que j'ai la nausée, grogna Abel.

_ T'es enceinte ? ricanai-je.

Il voulut me taper, mais j'esquivai sa main. Yuri choisit ce moment pour entrer et nous avisa d'un œil un peu moqueur. Je repoussai Abel quand il tenta de me chopper et me levai.

_ Arkan est à l'entrée, remarqua mon Ritter.

_ À mon bureau, directement, ordonnai-je.

En rentrant dans ce qui était sûrement le poste de garde du Fief, je vis Arkan de l'autre côté du bureau. Pas celui où il aurait dû être, mais celui où il avait été. Il était debout, à ma place, frôlant les quelques papiers qui se trouvaient là. Je rentrai et me raclai la gorge pour le faire réagir.

Il cligna des yeux et m'observa. Il me tendit sa main que je serrais. Il me tira à lui pour une brève accolade.

_ Je suis content de te voir en forme, Warren, dit-il en me reculant pour m'observer.

Arkan était un vieux compagnon de route et j'appréciais qu'il soit inquiet de ma santé. Après tout, il avait été un vrai soutien. Même si d'après Abel, c'était surtout un opportuniste.

_ Merci d'être venu si vite, je sais que je ne t'ai pas laissé beaucoup de temps pour t'arranger.

_ Pas de souci.

_ Installe toi, je t'en prie, dis-je en indiquant le siège devant mon bureau.

Il alla s'y installer, le visage ouvert et patient. Il attendait simplement ma demande. Je l'avais un peu poussé pour qu'il vienne le plus vite possible. Je récupérai énormément d'éléments en ce moment et il devait m'en fournir une partie.

_ J'aurais besoin d'une liste de tous les lycans que tu as postés ici pour du soutien quant à la gestion et l'organisation du Fief, admis-je.

Arkan se frotta le menton et hocha la tête.

_ Je dois pouvoir te faire ça.

_ Tu as gardé des listes rassure moi ? soufflai-je, vaguement inquiet.

_ Oui, oui, ne t'en fais pas. C'est juste que c'est un de mes lycans qui tenaient l'administratif à jour. J'espère qu'il n'a rien jeté. Nous étions partis du principe que ton retour signifiait que tout était sous contrôle.

_ Ça l'est, pas de souci. Je n'ai juste pas trouvé de listes ici, dans nos papiers. Je me suis douté que tu avais repris tes documents.

_ Abel m'a bien fait comprendre qu'aucune trace ne devait être laissée, s'amusa Arkan en haussant ses épaules.

Je souris et secouai la tête. Abel avait désiré que je retrouve mon territoire. Rien d'inquiétant.

_ Désolé de ne pas t'avoir donné de nouvelles plus tôt.

_ Tes recherches progressent pour que tu me fasses cette demande ? As-tu enfin des pistes ?

Je ne voulais pas dévoiler mes plans à qui que ce soit. Arkan avait beau faire partie des personnes que je ne pensais pas coupables, il se pouvait que parmi ses effectifs il y ait une personne qui n'était pas recommandable et qui avait commandité tout ça.

_ Comme tu le dis, ce ne sont que des recherches. Je n'ai pas de pistes sérieuses à l'heure actuelle.

Le lycan m'observa avec un air sérieux. Je comprenais qu'il veuille m'aider, mais c'était ma mission. Je devais me débrouiller seul pour ce coup là.

_ Fournis-moi la liste au plus vite. C'est tout ce que je te demande.

_ Parfait. Comment se porte Ashika ? s'enquit Arkan en croisant ses jambes.

_ Mieux. Le travail de fond aide, admis-je un peu soulagé de pouvoir le dire et le penser vraiment.

_ Elle voit un professionnel ? devina Arkan.

Je n'établissais aucun rapport sur l'état de santé de ma fille. Toutes les personnes nécessaires à sa guérison étaient déjà prévenues.

_ Elle est suivie, oui. Seul le temps nous dira si elle peut guérir de tout ça.

Il hocha plusieurs fois la tête d'affilée avant de se redresser dans son siège.

_ Surtout, n'hésite pas si tu as autre chose à me demander.

_ Je dois encore avoir quelques questions sur la façon dont tu as géré le fief pendant mon absence. Pour savoir ce qui aurait besoin d'être renforcé ou non.

_ Je n'avais pas autant d'effectifs que je le voulais. Je suis désolé si certaines rondes n'ont pas été faites correctement, s'excusa Arkan.

J'agitai mes deux mains devant moi.

_ Non, ne t'inquiète pas. Je ne te reproche rien. Je veux juste être au courant. Que je puisse colmater. Je suis surpris que tu n'aies pas utilisé tout l'effectif qu'on a à disposition. Les Juniors sont très friands des rondes. Ça leur donne un sacré sens des responsabilités.

Arkan parut vaguement gêné par ma remarque.

_ Intégrer des personnes extérieures au Fief me fait toujours frémir, marmonnai-je en faisant semblant de frissonner.

_ Tous les jeunes étaient un peu hors de contrôle, admit Arkan. Il était difficile de les canaliser.

Je penchai la tête. J'avais l'impression qu'Arkan essayait de se justifier. Il avait tout simplement voulu avoir ses hommes avec lui au cas où. Je ne pouvais lui en tenir rigueur, mais trop de personnes étaient au courant de la topologie du Fief. Des lycans qu'Arkan lui-même ne connaissait pas forcément.

_ Ne parlons plus de ça, ce qui est fait est fait, dis-je en me levant. J'ai vraiment besoin de ces listes. Fais-les-moi parvenir d'ici deux jours s'il te plaît.

Arkan hocha la tête et se leva à son tour pour sortir. Je soupirai et m'installai dans mon fauteuil. Je frottai mes paupières quand soudain, un léger coup à la porte fut frappé.

_ Oui ? soufflai-je.

_ Krig ? s'enquit Joshua. Tu es prêt ?

Je me redressai et hochai la tête.

_ Où en étions-nous ?

_ Les effectifs des Cadets, des Benjamins et des Juniors. Ainsi que les demandes pour aller dans les meutes et les autres pour rester dans le Fief, énonça Joshua en déposant son carnet sur mon bureau.

Je procédais à plusieurs étapes avec mon Krig an et afin qu'il soit plus libre de ses mouvements d'ici quelque temps et qu'il prenne en charge certaines responsabilités, je le formais surtout à la partie administrative qui était gérée par une petite masse de lycans, donc deux du contingent et trois de ma meute. Certains seniors, des lycans qui étaient voués à partir dans des meutes pour être Ritters ou à devenir instructeurs, aidaient aussi à ces tâches.

Je me lançai dans mes explications, concentré sur les connaissances que je transmettais à Joshua.

La matinée, Lilibeth s'occupait d'Ashika.

De mon côté, j'enseignai à mon Krig-an.

Ce quotidien nous convenait et nous prenions doucement nos marques pour bien continuer à évoluer.

Cette routine était bienvenue après ce mois difficile.

Mais je savais que ce n'était pas pour longtemps.

Je savais qu'il y avait toujours la possibilité, qu'à n'importe quel moment, tout puisse basculer.

Il fallait juste profiter des moments de calme.

Ce que je faisais de plus en plus avec Joshua.

Et avec ma fille. 


* * *

Et nous revoilà dans la tête de nos personnages après un passage par les notes de ce cher et appréciable doc ! J'espère que le format vous aura plut, moi en tout cas j'avais adoré écrire sous cette forme ! 

On sent que les choses bougent enfin vraiment, surtout côté Warren et sa fille et ça fait drôlement plaisir x) En espérant que ça bouge aussi entre d'autres protagonistes, hein...

On se dit à vendredi pour la suite *w*

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