30 | Evy

Nous tenons à la douleur parce que

c'est la seule chose qu'on nous a laissé.

Gossip Girl.

Un lycan, lors de la chasse, pouvait faire preuve de patience. Il savait que pour acculer sa proie, il devrait être rapide et faire du vent et de la brise ses meilleurs alliés. En meute, les lycans isolaient l'animal pour mieux le mettre à mort et alors le festin commençait. D'habitude, je savais faire preuve de patience. Je pouvais rester des heures et des jours sans bouger, attendant le bon moment, ne cherchant pas à pousser ma chance. Ren, au début de ma vie, m'avait appris à être une bonne lycan. À ramener de la nourriture pour les plus faibles. Et puis j'étais devenu une Godi et il n'avait plus seulement été question de chasser pour se nourrir. D'habitude, j'étais capable d'attendre, sans un mot, sans bouger. J'avais été torturée des jours entiers sans qu'aucun son ne franchisse mes lèvres. Il ne s'agissait pas de Contrôle. Mais de volonté.

Oui, d'habitude je gardais une parfaite maîtrise de moi-même, mais aujourd'hui, à quoi bon ? Le sexe érigé d'Abel contre ma cuisse pulsait, rappel constant d'un besoin primaire qui me tordait les tripes et qui anesthésiait tout. Ce n'était pas la douleur de mes plaies.

J'attrapai sa queue entre mes doigts et il gronda sourdement contre ma bouche, m'envoyant son souffle brûlant. Je voulais baiser avec lui. Très fort. C'était là, plus qu'une envie. Comme un besoin. Le même qui vous poussait à respirer ou à manger. Le même qui vous astreignait à une conduite particulière. Mon poignet commença un mouvement rapide, descendant puis remontant le long de sa hampe. Ses deux mains contre la paroi de la douche, de part et d'autre de mon visage. Voir son visage se contracter sous le désir que mon geste lui procurait me fit mouiller. Une véritable fontaine. Mes dents agrippèrent sa mâchoire, y apposant leur marque sans faire couler le sang. Malgré le parfum chimique du gel douche, l'odeur du lycan que j'empoignai m'entêtait. C'était un mélange subtil de terre, de chair et d'animal. Je frottai mon visage contre le sien, cherchant une promiscuité toute particulière pour la lycan que j'étais. Une intimité mâtinée d'une dose de violence sexuelle. Abel agrippa mes fesses et mes pieds ne touchèrent plus le sol. Il s'enfonça en moi sans préambule, accroché à ses hanches, mes ongles labourant son dos. Ses coups de reins impulsèrent le rythme, faisant rebondir mon corps contre le sien et claquer nos chairs.

Son sexe remplissait le mien, allant cogner jusqu'au fond, faisant grimper l'orgasme, un plaisir dont seul mon corps humain pouvait éprouver. Ce qui n'avait pas été facile à assimiler au début.

La paroi se mit à grincer derrière nous, provoquant un bruit strident à réveiller les morts. Ou n'importe qui dormant dans les chambres miteuses entourant la nôtre. Abel fut plus vigoureux, ses couilles claquant contre mon cul.

Nos peaux chantaient et nos souffles se bousculaient. Lorsqu'il se déversa en moi en un long soupir de satisfaction purement masculine, je fis rouler mon bassin. Ce fut plus lent. Plus doux d'une certaine façon. Visage enfoui contre mon cou, Abel me laissa faire. Ses doigts pétrissaient ma peau, la marquant. Je me mis à vibrer, sentant l'orgasme arriver, enfler. Je m'ancrai fermement aux épaules du lycan et relâchai tout le haut de mon corps qui partit en arrière.

Et les fusées explosèrent en moi, de toutes les couleurs, de toutes les saveurs. Et là, seulement là, je sentis une lourde fatigue s'abattre sur moi, me rappelant mes blessures, me rappelant le louveteau et Ren.

Nous nous détachâmes l'un de l'autre et après nous être rincés, Abel coupa l'eau, sortit en premier pour enrouler son joli petit cul dans une serviette avant de m'en tendre une. Je ne me privais pas de reluquer son corps, le trouvant puissant et bien proportionné. Son sa forme animale, le lycan d'Abel était du même genre ; tout en muscle et en force. C'est ce qu'il fallait pour un dominant tel que lui. Ni lui ni moi n'ayant des fringues de rechange à nous mettre sur le dos, Abel appela l'accueil et réussit à dégoter le numéro d'un magasin qui consentit à nous livrer dans l'heure. Je me séchai les cheveux pendant ce temps et observai le gros pansement qui cachait ma prochaine cicatrice. Mon corps était un vestige de batailles en tout genre. Il y avait peu de parcelles de mon corps qui était vierge de marques ou de traces. Mon histoire courrait sur mon épiderme. L'apanage de tous les Godar d'Australie et il devait en être de même pour les Mains des États-Unis. On racontait qu'il y avait de beaux spécimens de malades là-bas.

Sous mon sein gauche, une drôle de marque au fer rouge, preuve du fait que j'avais été répudiée de mon statut de Godi. Et que j'aurais dû trouver la mort pour ça. Les règles étaient les règles. Pourtant, j'étais encore là, bien en vie. Sortir du Fief restait interdit pour moi, tout comme terriblement dangereux. Il n'aurait pas fallu que je tombe nez à nez sur Gawain, un de plus redoutable parmi les Godar. Parce qu'un des plus vieux aux côtés d'Aslander. Les humains le connaissaient sous un tout autre nom, lui qui avait participé pour beaucoup à la légende arthurienne.

Dans la chambre, Abel, serviette toujours autour des hanches, avait positionné une chaise vers la fenêtre pour ne rien manquer de ce qui se passait dehors. Il avait tué les abrutis qui m'avaient suivi, craignait-il qu'il y en ai d'autres ?

— Tu m'as filé dès l'instant où je suis partie ? demandai-je.

Il hocha la tête.

— Je me suis rendu compte de leur présence trop tardivement. Ils n'ont pas commencé la filature dès le Fief.

Quelqu'un leur avait dit que Ren cherchait Mickael Simons et à partir de là, il avait suffi d'attendre. Mais le fait qu'Abel se soit rendu compte de leur présence bien après avoir laissé le Fief derrière lui prouvait une chose ; ils avaient su plus ou moins où j'allais, donc, ils avaient en partie remonté la piste de ce petit bâtard. Je ne voyais pas d'autres explications.

— Il se cachait de celui derrière tout ça, dit Abel.

— Oui. Il savait qu'il allait mourir, que ce soit nous qui le trouvions en premier ou les autres.

— Ça nous indique en partie à quel genre de personne on a affaire.

J'eus comme un rire jaune. Très humain pour le coup.

— On le savait depuis le début, crachai-je.

Le louveteau avait été enlevé, attaché comme un animal, violé puis séquestré. Je n'avais pas besoin de plus.

Abel me fixa durant un instant qui sembla durer trop longtemps. Il ne leva pas les mains en l'air en signe d'une quelconque reddition, mais l'idée était là.

— Il faut que tu te reposes, Evy.

— Je n'ai pas été envoyée ici pour ça, grondai-je.

Je n'étais plus humaine depuis... presque toujours maintenant, mais je réussis à lire la désapprobation sur le visage d'Abel sans aucun mal. Malgré tous ces siècles passés dans la forêt, comprendre l'humanité des uns et des autres n'était en rien difficile. Hormis quand il s'agissait de la génitrice du louveteau. Là, c'était une autre histoire.

— Rester là ne sert à rien, ajoutai-je. Le louveteau a vu le visage de celui derrière tout ça et tant que nous ne saurons pas qui il est, elle sera en danger.

L'homme face à moi soupira avant de se lever. Je le regardai approcher d'un mauvais œil.

— Pour l'instant, elle est au Fief, avec Warren.

— Et tu penses que ça les empêchera de l'atteindre ? Le louveteau passe avant tout.

— Non. Pas là tout de suite. Alors, pose ton cul sur ce putain de lit et prend ton mal en patience.

Sa puissance s'enroula autour de moi, me donnant envie de ronronner. Je haussai les épaules et mes fesses rebondirent sur le matelas trop mou. Abel se frotta la nuque et je me pourléchai la lèvre en avisant la ligne de poils disparaître en dessous de la serviette.

Quel était le mot que je cherchais ? Insatiable.

— On doit réfléchir à ce que tu vas dire à Warren.

Réfléchir ? Pourquoi faire ? Abel sembla le comprendre, car il attrapa la chaise et l'enfourcha, appuyant ses bras contre le dossier. Si je penchai la tête, verrai-je son sexe ? Il claqua des doigts :

— Concentre-toi.

Il souriait.

— Les faits sont clairs ; Ashika a été kidnappé par des abrutis payés par quelqu'un qui vient du Fief ou en tout cas qui est déjà venu. Quelqu'un qui connait Ashika. Personnellement.

Les lycans, ainsi que certains humains, allaient et venaient au sein du Fief depuis toujours. Mais là, même si nous nous concentrions sur la période qui avait suivi la naissance du louveteau, il resterait trop de personnes, bien trop de possibilités. N'était-ce pas comme chercher une aiguille dans du foin ? Une expression humaine intéressante.

— Nous devons envisager que ça puisse être l'un des nôtres.

Un des Ritters de Ren ? Un lycan sous l'autorité du Krig ? Qui aurait fait ça au louveteau ?

— Ashika a été prise pour cible pour atteindre Warren. Pour l'attirer en dehors du Fief. Pourquoi ?

Abel se mit à faire les cent pas, réfléchissant à toute vitesse, le visage crispé. C'était la première fois que nous avions une piste aussi solide, une piste qui pourrait nous amener à découvrir qui était derrière l'enlèvement et le viol du louveteau.

— Trop de lycans jalousent la position privilégiée de Warren. Il est le Krig personnel de l'Empereur et a donc certains privilèges. Et si on venait à apprendre que la seule Godi mise à mort dans l'histoire du pays est encore en vie à cause de ce dit Krig, je ne te raconte même pas.

Je remontai une jambe contre ma poitrine, dévoilant mon intimité.

— Les enfants des Krigs sont souvent pris pour cible, dis-je. Tori en a fait les frais lorsqu'elle n'était encore qu'une gamine.

Je m'en souvenais bien. Un groupe de Godar avait été envoyé pour régler l'affaire. Après ça, il n'y avait plus rien eu.

— Il y a trop de possibilités, cracha Abel avec un long soupir.

Et nous ne pouvions pas juste attendre qu'Ashika se souvienne. Je ne savais pas trop commence c'était censé fonctionner, mais ça pouvait lui prendre des années. Et nous n'avions pas tout ce temps.

— Je crains que ce soit quelqu'un du Fief ; sinon comment savoir que Warren enverrait quelqu'un ?

Je me tapotai la lèvre inférieure, penchant la tête sur le côté.

— Il y a eu beaucoup de mouvement à l'intérieur du Fief quand le louveteau a disparu et que Warren est venu dans la forêt. Beaucoup de lycans qui n'auraient pas dû être là.

Je n'avais pas aimé ces hommes-là. Ils n'avaient pas compris tout le système mis en place par Ren. Ils avaient imposé leur propre règle. Stupides cabots.

— Et il faut penser aux humains. Il est facile pour eux d'avoir des informations pour les revendre.

— Gabin ? Il ne ferait jamais ça, rétorqua Abel, véhément.

— Tu serais prêt à prêter serment pour lui, lycan ? À jurer de son honneur ? Les gens trahissent, ils se détournent de leur principe bien plus aisément qu'on ne veut le croire.

Nous nous observâmes en chien de faïence, ne sachant pas encore lequel de nous attaquerait le premier.

— Ne va pas remplir la tête de Ren avec ce genre de doutes pernicieux, Evy.

Mon sourire vorace, mauvais.

— Tu ne sais pas de quoi je suis capable pour le louveteau, Abel.

Notre petite joute verbale fut interrompue par des coups frappés à la porte. Je reniflais l'air et fut soulagée de sentir que ce n'était rien. Abel marmonna dans sa barbe, alla ouvrir et échangea quelques mots que je n'écoutai pas. Quand il referma, il balança des sacs de fringues sur le lit.

— Tu tiendras le coup ? s'enquit-il.

Il était temps pour nous de bouger. Jusqu'au prochain motel que nous trouverions. En voiture, il nous faudrait presque le double du temps pour rejoindre la Réserve.

— Alors enfile des vêtements et on bouge.

Je trouvai des sous-vêtements desquels je ne m'encombrai pas. Je n'en mettais que lorsque ça s'avérait nécessaire, sinon je n'en voyais pas l'utilité. Je trouvai un jean assez lâche pour ne pas compresser ma cuisse et élancer ma plaie. Je tirai du sac une chemise à carreaux que je boutonnai jusqu'en haut et mes doigts caressèrent une matière très douce. Un pull en petites mailles, d'un taupe assez clair. Je le passai par-dessus la chemise. Abel avait opté pour quelque chose de très simple ; un jean sombre et un t-shirt. Il jeta les serviettes dans la salle de bain et après avoir récupéré le peu de nos affaires, nous quittâmes cet hôtel miteux pour reprendre la route.

Nous roulâmes toute la nuit, nos phares en rencontrant d'autres lorsque nous traversions une ville, sinon, tout semblait désert. Je percevais des animaux sauvages sur le bas-côté ; des proies potentielles ou des animaux bien plus gros qu'un lycan. Abel ne montra des signes de fatigue que le lendemain, lorsque la journée était déjà bien entamée et que ne nous étions arrêtés que pour faire de l'essence. Ma peau me démangeait et je devais me retenir de ne pas Changer. Ce n'était pas facile pour moi. Mon ventre pulsait sous la douleur et d'après mes propres estimations, je devais avoir de la fièvre. Rien d'inquiétant au passage.

Nous trouvâmes un motel à la sortie de la dernière ville à des kilomètres et Abel se gara à côté des quelques voitures se trouvant sur le parking. Ça avait l'air plutôt calme. Tant mieux. Je le laissai aller payer une chambre à l'hôtel et lorsqu'il ressortit quelques minutes plus tard, son signe de tête me poussa à claquer la portière et à la rejoindre.

Chambre douze. La pièce sentait bon et restait très sommaire. Nous n'avions pas besoin de plus pour nous reposer avant le dernier trajet. Abel retira son t-shirt qu'il posa sur le dossier d'une chaise et fit rouler ses épaules, pour dénouer un peu toute la tension des dernières heures.

— Montre-moi les pansements.

— Tu pourras regarder après avoir dormi, dis-je.

— Evy, gronda-t-il.

Il était agaçant. Après avoir passé autant d'heures avec lui, je m'en rendais compte. Mais ce n'était pas désagréable. Bizarrement.

Une fois de plus, je me retrouvai à poils devant lui. Des frissons picotèrent ma peau et firent se dresser mes poils.

Il retira le pansement au niveau du ventre et passa son doigt sur la boursouflure. Pas de sang ni de pus. Ça guérissait. Pas aussi vite que je ne l'aurais voulu, mais je n'avais pas de meute derrière moi. Alors une simple blessure de ce genre pouvait mettre fatale. La cuisse était plus belle ; après tout ce n'était que de la graisse et du muscle ici. Abel refit les pansements et j'eus un mouvement de recul lorsqu'il toucha la marque au fer rouge sous mon sein.

— Tout ce qu'on dit, c'est vrai ? souffla-t-il. Que dès l'instant où notre Kaizer répudie un Godi, il brise tous ses liens et le lycan n'est plus en moyen de se lier à qui que ce soit ? Il ne peut plus s'attacher à aucune meute ?

Je hochai la tête.

— Nous sommes les lycans d'Aslander et lorsque nous commettons une faute impardonnable, il nous isole. Ou nous tue. Nous sommes ses jouets.

Abel ne préféra pas relever ma dernière phrase. Il avait du respect pour son Kaizer. Pas moi. N'en aurais plus jamais.

— Qu'est-ce que tu as fait pour mériter ce traitement ?

Le rire de Nokomis résonna à mes oreilles et je repoussai violemment Abel pour m'écarter de lui, pour mettre une distance entre nos deux corps. Je lui feulais dessus, plus à la manière d'un chaton qu'un véritable prédateur. Il me montra ses paumes, au niveau de ses hanches.

— Est-ce qu'on t'a déjà fait un câlin, Evy ?

— R-Ren le faisait beaucoup lorsque nous étions enfants. Parfois le louveteau se p-presse contre moi.

Un pas. Puis deux. Mon corps se tendit et mon instinct me souffla d'attaquer. De le mordre. De faire mal au lycan qui s'avançait toujours trop près de moi.

— Je peux te prendre dans mes bras ?

— Pourquoi ?

Je ne comprenais pas. J'étais un animal, alors c'était logique.

— Parce que j'en ai envie.

Le bout de mon nez contre son torse brûlant. Ses bras m'enveloppant, me serrant. Je ne bougeai plus. Dans cette position, il me serrait compliqué de réagir s'il décidait de me faire du mal.

— C'est juste un câlin, Evy. D'accord ?

Il enfouit son nez contre ma chevelure et inspira fort. Déglutissant, je passais mes bras dans son dos, me rappelant juste de ce que je faisais avec Ashika. Cela sembla plaire au lycan qui gronda doucement.

Je ne sais pas trop comment nous finîmes sur le lit, encore inextricablement enroulés l'un autour de l'autre. Bientôt, la respiration d'Abel se fit bien plus profonde et sa prise se détendit légèrement. Il dormait.

Je n'osai bouger, préférant écouter son cœur battre à travers sa peau, calmant la tempête qui faisait rage en moi. Quand le louveteau se pressait contre moi, c'est parce qu'elle en avait besoin, parce qu'alors, elle voulait se sentir mieux. Ren aussi d'une certaine façon. Je répondais à leur étreinte de façon laconique, ne voyant pas ce que ça pouvait apporter. Était-ce la même chose avec Abel ?

À travers la fenêtre et les rideaux que nous n'avions pas tirés, le jour laissa place à l'obscurité. J'entendis du mouvement tout autour de nous, mais rien n'ayant de quoi m'inquiéter. À un moment, je fermais les yeux, calant ma respiration sur celle d'Abel. Et je crois bien que je finis par m'endormir, moi aussi.

Je ne rêvai pas vraiment. Les animaux ne le faisaient pas. C'était plutôt un mélange d'effluves et de couleurs trop vives. Qui finit par me faire rouvrir les yeux.

Ma joue reposait sur la cuisse d'Abel. Il s'était redressé, son dos reposant contre la tête de lit. Il semblait être assis en tailleur, une de ses mains reposant contre mon dos. Dans mon sommeil, j'avais enroulé la couverture autour de mes jambes. Je n'avais pas envie de bouger. Pas encore. Ma peau ne me tiraillait plus, appelant le Changement. Je profitai de l'instant. Et puisqu'Abel ne semblait pas pressé de bouger, il devait penser comme moi.

* * *

Il nous fallut de longues heures encore pour atteindre le Fief. Nous arrivâmes aux abords de la maison peu avant l'aube. Tout était silencieux. Ren avait dû aller faire son footing et le louveteau devait encore dormir. Tout doucement, les Ritters bougeaient, prêts à réveiller les Recrues pour une énième journée d'entraînement. Seuls les week-ends étaient calmes. Je sautai de la voiture d'Abel et ne l'attendit pas entrer dans la maison, grimper les marches et me diriger vers la chambre d'Ashika. Je repoussai le battant. Elle était seule, enroulée dans sa couverture jusqu'au cou, comme si elle avait eu froid dans la nuit. Je retirai mes chaussures et m'allongeai à côté d'elle, pour observer son visage, pour me gorger de sa respiration toute douce. Je restai comme ça un long moment, jusqu'à ce que je sente la présence de Ren, dans l'encadrement de la porte. J'embrassai le crâne du louveteau et suivi Ren dans son bureau, dont il referma la porte. Il avait été prendre sa douche.

— Abel m'a dit que tu avais été blessée. Montre-moi.

Je relevai le bas de mon haut et le laissait aviser le pansement. Je tapotai aussi ma cuisse et cela sembla le contenter. Il s'approcha de moi et frotta sa joue contre la mienne, son lycan me saluant. Mon nez derrière son oreille.

— Dis-moi.

— Le louveteau doit se souvenir, Ren. Elle doit se rappeler ce qui est arrivé.

— Pourquoi ?

— Parce qu'elle a vu le visage de l'homme derrière tout ça.

Et je lui dis le reste.

Lui disais que ce monstre de bâtard l'avait bien connue et que tout ça avait été orchestré pour l'atteindre lui, en tant que Krig.

Mais plus important encore, il comprit sans que je n'aie besoin de lui dire.

C'était quelqu'un que nous connaissions tous.

Peut-être même un ami.

Mais à la fin, ça ne ferait aucune différence. À la fin, Warren le tuerait lui-même.

Pour le louveteau. 

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