24 | Warren
« Ceux qui vivent sont ceux qui luttent. »
Victor Hugo.
Reed et moi avions assez joué ensemble pour connaître les faiblesses de l'autre. Ce jeu en forme d'arène était l'un de ceux que je préférais. Il faisait travailler toutes les notions importantes que nous voulions inculquer aux jeunes recrues. Surtout, il nous permettait à nous adultes de nous dépasser physiquement.
Je bondis et ma main s'agrippa sur le haut du mur. Mon pied glissa et je grognai d'effort avant que Reed m'attrape et me fasse grimper en quelques secondes.
_ Ne te ramollis pas. Je déteste perdre, grogna l'Asters en ricanant.
Je fis une petite moue, cela faisait longtemps que je n'avais pas poussé mon corps au bout de ses capacités. J'adorais ça. Doucement, je reprenais des forces, physiquement parlant. Je retrouvai lentement le corps que j'avais toujours eu et cela me rassurait.
_ C'est un jeune, il n'arrivera pas à...
_ Attention ! cria Reed.
Elle agrippa mon t-shirt et je sentis un courant d'air frôler mes cheveux. Todd roula un peu plus loin disparaissant derrière un autre des poteaux. J'aperçus à peine Joshua qui se faufila dans le filet à la suite de l'autre Asters. Oh les malins !
Reed me poussa à courir le long de la planche, en équilibre au-dessus d'un vide tout relatif puisque si on tombait, on atterrissait dans le niveau sous-terrain de l'arène. Mais il y faisait trop sombre pour prétendre réussir à s'y planquer ou tout simplement s'échapper par là-bas. Je connaissais les moindres recoins de cette arène.
En tout il y avait plus de quatre niveaux. Le sous-terrain qui était un labyrinthe sombre dans lequel vous pouviez facilement vous perdre comportait deux épreuves différentes. L'une impliquait de se rouler dans la boue pour atteindre la sortie et l'autre impliquait de ramper dans des tunnels très étroits. Le niveau supérieur était celui de l'eau. Il y avait plusieurs épreuves qui impliquaient de plonger de longues minutes sous l'eau ou tout simplement d'être en équilibre sur des planches. Le niveau supérieur était le plus terrestre si je pouvais le nommer ainsi. Beaucoup d'exercices de force. C'était par-là que nous étions entrés. Poteaux, cercles, barres et toutes sortes de jolies tortures pour les abdominaux, les bras et bien sûr les jambes. Le dernier niveau était celui de l'air puisqu'il comportait plusieurs sauts en haute voltige. C'était celui sur lequel nous nous trouvions avec Reed.
L'Asters grimpa encore plus haut, sur le tout dernier niveau, tel un singe s'agrippant à son arbre. Elle se hissa lentement au sommet d'un des trois poteaux les plus hauts et fit un tour sur elle-même. Elle eut un petit sourire mauvais. Je pivotai dans la direction où elle regardait. Joshua se tenait sur un des autres immenses pylônes qui fendaient l'air. Todd ne devait pas être loin de lui. Je souris, fier qu'il se prenne au jeu et qu'il repousse ses limites.
Joshua avait réussi les tests de Krig-an pour une bonne raison. Ses tests avaient été préparés par une équipe d'Aslander composé de plusieurs profils tous avaient été au moins une fois dans la position de Krig, de Godi ou d'autres postes qui composaient notre hiérarchie.
Reed se figea et baissa soudain les yeux vers moi. J'eus à peine le temps de sauter sur des filets à ma gauche que Todd tentait de voler mon tissu de couleurs. J'échappai à ses doigts agiles et me mis à crapahuter dans le filet pour échapper à sa prise. Reed, préférant me protéger qu'aller à la rencontre de Joshua qui était plus vulnérable seul, sauta sur Todd et ils glissèrent à travers les mailles du filet. J'entendis leurs rires et leurs grognements, mais je ne m'attardais pas, cherchant une planque pour mieux me protéger de ce filou de Todd.
En quelques secondes, Reed fut à mes côtés et nous nous mîmes à courir vers la partie inférieure de l'arène. Les parcours qui se trouvaient là étaient un peu plus demandeurs mais c'était un tout aussi bon exercice pour échapper à des adversaires en terrain compliqué.
Pendant plus de dix minutes, on ne croisa ni Todd, ni Joshua. Nous étions au niveau de l'eau et rien ne bougeait autour de nous.
_ On va commencer à la jouer offensive, gronda Reed, impatiente comme toujours.
_ Tu crois qu'ils ont relâché leur surveillance ? dis-je, mutin.
Reed ricana et hocha la tête. Elle me tendit sa main et je la claquai avant de me remettre en mouvement, me hissant sur une des plateformes du niveau supérieur.
Soudain, je ne vis même pas Joshua sous moi, bondissant hors de l'eau. Reed fut percutée par Todd au même moment d'en haut et je sentis la prise de mon Krig-an se refermer sur le tissu à ma ceinture. Il se détacha facilement et un cri de joie passa les lèvres de Joshua.
Todd bondit sur ses pieds et réussit à me frotter la tête avant de rejoindre le jeune dans l'eau, plongeant sur lui comme un gamin. Je restai interdit quelques secondes de plus tandis que Reed me fusillait du regard, mauvaise joueuse. J'éclatai de rire et finis par tendre ma main à Joshua pour qu'il grimpe sur la plateforme en bois où j'étais.
_ Ne jamais baisser sa garde, Krig, ricana Todd en le suivant.
_ La prochaine fois, on l'a joue en plusieurs manches ! cria Reed à l'autre Asters.
Je hochai vivement la tête, le cœur un peu plus léger. Todd embêta Reed jusqu'à ce qu'on soit en dehors de l'arène. Joshua était trempé dans sa tenue de recrue, je m'en sortais un peu mieux.
_ Tu nous le laisses pour aujourd'hui ? s'enquit Todd, visiblement content de l'exercice de Joshua.
Je savais que Todd était aussi un maillon important de la chaîne pour la formation d'un Krig-an. Il évaluait le garçon sans que celui-ci ne s'en rende compte.
_ Je veux ma revanche d'ici peu, les prévins-je.
Ils hochèrent tous les trois la tête.
Il fut convenu que j'allais rester avec eux pendant une partie de l'après-midi, néanmoins ma présence n'était pas forcément nécessaire. Todd et Reed prirent le temps de tout réexpliquer à Joshua. Que ce soit les Asters ou les autres rangs du Contingent. Comment ils avaient été placés là, comment cette hiérarchie avait vu le jour, les limites et les enjeux de leurs propres postes, mais aussi ceux des autres. Ils établirent aussi un lien très prononcé avec le Krig, ce qui me réchauffa un peu le cœur.
Les trois Asters qui composaient mon Fief étaient les meilleurs parmi les meilleurs. Ils étaient très autonomes et ne me rendaient que peu de comptes. Je leur en réclamais de moins en moins de toute façon, sachant très bien qu'ils géraient leurs affaires. Ils avaient tous une loyauté indéfectible pour Aslander et je savais de source qu'au moins un des trois Asters était de la famille éloignée de notre Empereur. Encore une raison pour laquelle je croyais en eux et en leur dévotion. Ani ne faisait pas qu'offrir des postes élevés dans une hiérarchie avisée. Il plaçait des personnalités aux endroits les plus challengeant. Todd me disait souvent à quel point il avait besoin de cette motivation, de ce défi pour continuer à s'épanouir à ce poste qui n'était pas des plus simples.
Il restait quand même sous mon commandement puisque j'étais le chef de guerre. Néanmoins, il avait une certaine marge de manœuvre pour être tenu responsable de l'échec d'une mission et il n'était pas en reste, tout comme Reed et Cardinian.
Je m'éclipsai quand je vis que Joshua était prêt à faire un petit tour dans les baraquements et que Todd l'embarqua avec plaisir. J'étais satisfait de voir la relation entre ces deux-là se créer et surtout aller dans le bon sens. Reed m'accompagna à un des parcours d'Endurement, observant Mera et les quelques soldats qu'elle avait sous la main.
_ Elle est bonne, remarqua Reed.
_ Elle pourrait être une Asters, ajoutai-je.
_ Je n'osai pas le dire à voix haute tiens. D'ailleurs, je ne comprends pas vraiment pourquoi elle est ta Ritter plutôt qu'une Asters. Le Kaizer avait-il quelque chose en tête ?
Je me frottai le menton, ne sachant pas vraiment si c'était le cas ou non. J'enroulai mes bras autour de mon torse et continuai d'observer Mera. Son corps était aussi souple que celui d'Evy et pourtant, je savais très bien que la force qu'elle pourrait mettre dans une frappe serait mortelle si elle le souhaitait.
Mera avait fait partie de la garde de Nokomis, tout comme ma sœur. Elles avaient partagé des secrets avec notre Princesse et l'avaient protégée comme si c'était leur propre femme d'une certaine façon. Mera était beaucoup plus ancrée dans la mentalité d'un soldat. Evy, elle, avait été élevée comme un Godi. Pas comme un soldat. Et c'était peut-être aussi ce qui avait plu à la Princesse pour la prendre dans sa Garde personnelle.
Malheureusement, la trahison n'était pas quelque chose que ma sœur supportait. Pas plus que les menteurs et les manipulateurs. Et à ses yeux, Aslander avait toujours été un peu des deux. Protégeant Nokomis d'une certaine façon, mais l'utilisant d'une autre pour régler ses problèmes.
Je savais qu'Ani aimait profondément sa sœur et qu'il avait convenu de très lourds sacrifices pour protéger le bien commun. Nokomis avait eu la même loyauté que nous tous face à Aslander et avait choisi de protéger le peuple de son frère, son peuple à elle aussi, de la façon qu'elle avait trouvé le plus juste. Evy, quant à elle, n'avait jamais compris ce geste.
Je secouai la tête, ne voulant pas repenser à toute cette période de nos vies où nous avions subi de lourdes pertes. Que ce soit au sein du contingent ou au sein de la famille royale.
_ Est-elle ici pour surveiller ? releva Reed en haussant un sourcil.
_ Je ne pense pas. Du moins pas vous.
_ Elle est là pour Evy ? comprit l'Asters, qui prenait souvent des baguettes pour gérer ma sœur.
_ Sûrement. Mais je ne pense pas que ce soit en mal. Elle fait partie de ma meute maintenant. Elle protégera les siens. Et elle vous aidera pour le contingent. C'est un bon élément.
_ Ce n'est pas Todd qui dira le contraire, minauda Reed.
Elle haussa ses épaules sur cette remarque sibylline et agita sa main avant de rejoindre Mera et les autres. Je souris. Tant que les personnes au sein de mon fief s'entendaient bien et se respecteraient, tout irait bien.
Je trouvai enfin Tori sur un parcours d'entraînement. Elle avait une très bonne forme physique qu'elle entretenait à coup de footing intense et d'exercice sportif tous aussi impressionnants les uns que les autres. Je l'avais vu passer un des parcours d'Endurement assez rapidement, même si c'était une épreuve compliquée. Elle restait fille de Krig. Ashika avait eu droit à un entraînement intensif aussi, mais ma priorité était qu'elle prenne des cours d'autodéfense dès qu'elle en serait capable.
Le corps fin de Tori termina difficilement la dernière épreuve et elle sauta au sol souplement, le souffle court et la poitrine se soulevant rapidement. Elle ne portait qu'une brassière noire, découvrant son ventre musclé et bronzé, ainsi qu'un legging de sport bleu foncé qui soulignaient ses cuisses fermes. Un tatouage que j'avais mis du temps à repérer se baladait de sa hanche droite et s'enroulait sur son flanc, se cachant dans son dos puis réapparaissait sur son épaule gauche. Elle se dirigea vers sa serviette et s'épongea un peu avant de boire de grandes gorgées d'eau.
Installé sur l'herbe à quelques mètres d'elle, son regard se posa sur moi quand elle tourna pour observer son environnement. J'agitai le brin d'herbe entre mes lèvres et agitai ma main. Elle pencha doucement la tête, retenant son sourire. Moi, le mien était présent et franc. J'avais envie d'être moi-même avec Tori et j'avais surtout envie de créer un lien avec elle. Un lien qui doucement se mettait en place durant nos longues conversations depuis sa venue ici.
Elle s'approcha enfin et vint s'asseoir non loin de moi. Heureusement j'avais le bras assez long pour l'atteindre, mais je ne le fis pas tout de suite.
_ Tu as l'air... de bonne humeur, remarqua-t-elle en épongeant sa nuque.
_ Tu es de bonne humeur aussi quand je me balade torse nu sous tes yeux, n'est-ce pas ?
Elle rougit et détourna son regard en maugréant sur mes idioties. Je ris et roulai sur le ventre approchant mon nez de sa cuisse. Elle me regarda d'en haut, sentant sûrement que j'étais là pour faire des bêtises.
_ Je crois qu'on devrait se refaire une petite balade, toi et moi, repris-je en caressant le muscle tendu de sa jambe.
Elle regarda mes doigts qui remontaient vers sa hanche et haussa un sourcil.
_ Serais-tu joueur, Warren Archeon ?
_ Sage, rétorquai-je en levant un doigt et en agitant mon brin d'herbe entre mes lèvres.
Tori ne put s'empêcher de rire et ce son me fit du bien. Il me réchauffa la poitrine et j'en oubliai les problèmes qui m'attendaient au-delà de notre bulle. Les doigts de Tori glissèrent sur ma joue et je me figeai, attendant qu'elle veuille bien venir à moi. Elle me chipa mon brin d'herbe et joua un instant avec avant de se pencher doucement vers moi. Je m'allongeai lentement l'observant approcher à sa manière.
Sa bouche rencontra la mienne et mon corps se tendit délicieusement. Malgré moi, ma main s'enroula sur la nuque de Tori et je la tirai un peu plus à moi pour que je puisse l'attirer avec ma langue. Elle s'ouvrit naturellement et approfondit notre baiser en poussant un long soupir.
Elle finit à moitié allongée sur moi, une de ses cuisses entre les miennes, sa main sur mon torse, ses lèvres gonflées. Nos souffles hachés nous tirèrent des sourires coquins et mon deuxième bras s'enroula dans son dos. Je nous fis rouler dans l'herbe et me retrouvai sur elle. Son rire se transforma en gloussement quand mes lèvres s'égarèrent dans son cou sur cette zone sensible chez elle.
_ Warren, haleta-t-elle.
Du bruit nous poussa à nous redresser et nous observâmes naturellement le groupe de Cadets passer, suant et courant avec Calder sous forme de lycan derrière. Le mien était profondément enfoui, comme s'il ne voulait pas s'intéresser à la lycan de Tori, ou du moins comme s'il ne voulait pas lui prêter assez d'attention dans l'idée de reprendre une compagne. Ce n'était pas facile dans sa pensée de croire que Mazakeen ne voudrait plus jamais de nous.
Et pourtant, c'était bien le cas. Il était temps que je regarde vers l'avant et que comme ma fille, je reprenne goût à la vie. Tori enroula son bras sur mon torse, son nez caché derrière mon oreille. Je caressai doucement sa cuisse et pressai son genou.
_ Merci de rendre ça plus facile, souffla-t-elle dans le creux de mon cou.
_ Ça ne tient qu'à nous, Tori, répondis-je en pivotant vers elle.
Elle hocha la tête et déposa un nouveau baiser sur mes lèvres.
Je l'accompagnai aux douches, mais elle refusa que je pose un pied dans la même pièce. C'était trop tentant, avait-elle dit en secouant vivement la tête. J'avais compris tout de suite de quoi elle parlait et bon sang, des images plutôt osées m'avaient traversé l'esprit.
Je pris le chemin de la maison, un sourire idiot aux lèvres. Je sifflotai en arrivant devant chez moi. Mon lycan remua, m'indiquant une scène qu'il aurait aimé interrompre s'il l'avait pu. Mais il ne pouvait pas, parce qu'elle ne le laisserait pas faire. Et je ne devais pas me mettre en porte à faux avec le psy d'Ashika.
Nate Pratt était un homme d'une bonne trentaine d'années. Je lui aurais donné quarante ans dans sa tenue habituelle, mais aujourd'hui, il portait un simple jean, avec un t-shirt et un pull noué sur les épaules. Une de ses mains était dans sa poche et l'autre s'agitait devant Maze, lui indiquant plusieurs choses à la suite. Il devait avoir trente-six ans, peut être trente-sept. Je fis la moue quand il pressa doucement l'épaule de Maze qui lui sourit, bienveillante.
Je détournai mon regard, sentant ma gorge se serrer. Je ne pouvais pas avoir ce genre de comportement quand elle était là. Je ne pouvais pas continuer de la vouloir en sachant que Tori me laissait une chance. Nous laissait une chance.
Avec Maze, la nôtre était passée.
Je pouvais simplement tenter de recoller certains morceaux pour que la Brigade Noire continue d'être formée et en sécurité.
Résolu à gérer cette nouvelle rencontre, je pris une longue inspiration et m'approchai des deux autres humains qui se trouvaient au Fief.
Maze fut la première à tourner son regard vers moi. Le docteur Pratt retira sa prise sur l'inspecteur Fairfax et pivota lentement vers ma personne. Je lui tendis ma main qu'il serra avec une certaine mesure, m'empêchant de vraiment contrôler sa force brute. On pouvait apprendre beaucoup de choses sur son adversaire avec une simple poignée de main.
Néanmoins, Nate Pratt n'était pas un adversaire.
Il était le nouveau psychiatre d'Ashika, un allié dans cette guérison.
_ Docteur, le saluai-je.
_ Monsieur Archeon, répondit-il, sérieux.
_ Appelez le Krig, c'est trop bizarre sinon, marmonna Maze en se balançant d'un pied sur l'autre.
Je retins un sourire, à la fois ému et légèrement gêné, je crois bien.
_ Vous pouvez simplement m'appeler Warren si vous le désirez, le rassurai-je.
_ Je vais m'en tenir à Krig. Votre fille m'a pourtant informé de cette politesse.
Je tentai de ne pas rougir mais le sourire de connivence que les deux humains échangèrent m'indiqua une complicité que je n'avais pas encore bien saisie.
_ Que pensez-vous d'Ashika ?
_ Auriez-vous un endroit où nous pourrions parler en privé ? s'enquit le psychiatre.
_ Oui. Mon bureau. Suivez-moi.
Maze nous fit signe d'y aller et m'offrit un sourire d'encouragement. Je hochai la tête et je conduis le docteur à travers un bout du Fief pour trouver le petit baraquement qui abritait mon modeste bureau officiel et non pas celui à la maison. Ashika y était sûrement et je voulais mettre au clair cette situation avec le docteur.
Nous nous installâmes sur le canapé de la pièce et je vis rapidement le regard de Nate balayé l'immense tableau où les activités du jour étaient consignées.
_ C'est intéressant de découvrir ce fonctionnement, admit-il en croisant sa jambe sur son genou.
_ Ce sont des informations à caractère sensibles. Puis-je compte sur votre discrétion ?
_ Mon secret professionnel m'empêche de révéler quoi que ce soit, Krig.
_ Appelez-moi Warren, réclamai-je.
_ Vous pouvez m'appeler Nate alors, enchaîna le psychiatre.
Je nous servis un rapide café avant de m'installer dans l'un des deux sièges qui se trouvaient à côté du canapé.
_ Je ne suis pas spécialisé chez les adolescents, m'indiqua Nate. Cependant, je suis spécialisé dans les traumatismes et je pense pouvoir aider votre fille. Elle est en recherche de personnes à qui faire confiance et je peux me placer comme tel.
_ Vous pensez que sa guérison peut enfin démarrer ?
Nate pencha doucement sa tête sur le côté.
_ Qu'est-ce qui vous fait penser qu'elle en est au début ?
Je haussai mes épaules, frottant mon menton, nerveux et gêné.
_ Vous êtes la première personne qu'elle semble laisser rentrer dans un cercle très hermétique.
_ Les personnes traumatisées cherchent des alliés, pas des juges. Elle sait que je ne la juge pas.
_ Les autres psychiatres...
_ Ne rentrent plus en compte. J'ai moi-même posé des conditions à notre entre aide et elle semble les avoir acceptées.
Il dénoua ses jambes et déposa sa tasse sur la petite table entre nous. Il joignit ses mains et prit une longue inspiration.
_ Votre fille va avoir besoin de plusieurs années de thérapie, si ce n'est toute une vie, Warren.
_ Je le sais bien.
_ Mais savez-vous que pour que votre fille guérisse, il faut que vous le fassiez aussi ? Que toutes les personnes qu'elle pense avoir blessées par sa disparition doivent l'aider à guérir ? Et ils ne pourront le faire qu'en travaillant sur la perte que la disparition d'Ashika a créée. Vous êtes l'un des premiers... baromètres pour évaluer sa propre guérison. En vous voyant lutter, elle continue de le faire aussi de son côté.
Je ne voulais pas mettre plus de poids que je n'en mettais sur ses épaules, mais je savais que je le faisais malgré moi. Si une personne pouvait m'aider à travailler sur ça, je ne pouvais pas refuser cette main tendue.
_ L'inspecteur Fairfax est très proche de votre fille et semble être un autre indicateur pour Ashika en termes de guérison. Qu'elle soit de retour est bon pour votre fille, cela la stabilisera.
J'entendis comme un mais dans sa phrase, mais il ne le dit pas à voix haute. Mazakeen était de retour, mais ça lui coutait énormément. Et ce, par ma faute.
_ N'y a-t-il pas un quelconque conflit d'intérêts dans ma prise en charge ? soupirai-je en me laissant aller dans le siège.
_ De mon côté, il n'y en a aucun. Mon travail avec l'inspecteur ne regarde qu'elle.
Je retins un grognement et frottai ma nuque.
_ Dites-moi ce que je dois faire pour que ma fille guérisse.
_ Vous devez vous pardonner à vous-même de ne pas avoir été là, souffla Nate.
Un long silence s'en suivit, brisé par le psychiatre lui-même.
_ Et je peux vous y aider.
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