14 | Ashika

« Même si on essaie de toutes nos forces, on doit se rendre à l'évidence,

certaines choses ne peuvent pas être réparées. »

Grey's Anatomy.



À chaque fois que quelqu'un poussait la porte, je savais que ce n'était ni Lilibeth, ni Joshua et encore moins Raphaël.

Il n'y avait plus de Yona, pas plus que d'aller-retour dans le jardin. Fini les parties de cache-cache en ville et les soirées films pendant que Joshua était avec Loki.

J'étais revenue ici depuis l'enterrement. Chez moi. En tout cas, c'était censé être mon chez-moi. Parce que j'étais Ashika Archeon, fille d'un Krig. Mais les mots étaient complètement dénués de sens pour moi.

Ils ne revêtaient aucune réalité tangible. Rien. J'étais là, dans le noir depuis des jours et je ne voulais pas bouger.

Je n'avais pas envie de descendre et d'être prise dans les bras de tout le monde. Parce que j'étais vivante.

Et que je n'étais plus Yona. Et puisque c'était comme ça, je n'avais plus Joshua. C'était un trou immense dans ma poitrine, un peu de la même façon qu'un trou béant.

J'avais mal. Entendre sa voix au téléphone ne me suffisait pas. Ça me faisait mal d'être là sans lui.

Une famille. On était une famille et on ne devait pas se séparer comme ça. On ne devait pas...

Tout aurait dû rentrer dans l'ordre. Je me souvenais de beaucoup de choses maintenant. Pas seulement d'un prénom.

Je savais qui avait été Ashika Archeon, seulement, ce n'était pas moi. Pas tel qu'elle avait été. Non. Tout était différent maintenant.

Je regardai ma main.

J'étais catatonique. Je n'étais pas sortie d'ici une seule fois, hormis pour aller aux toilettes. Pas de douche. Pas de nourriture.

Je n'y arrivais pas. C'était trop dur de...

Vivre ? C'était ça ?

Je bougeai mes doigts ; refermai mon poing. Joshua allait venir ? Papa disait que oui. Mais quand ?

Ici, j'avais l'impression d'être toute seule. Que je ne suffisais à personne.

Parce que j'avais été Yona. Et plus Ashika.

Différente. Plus la même. C'était dans leurs yeux. Dans leur façon de me parler ou de se comporter.

Ils avaient récupéré un fantôme. Un cadavre ambulant.

La porte grinça et je relevai les yeux. Elisheva s'avança, les manches retroussées et un drôle d'air sur le visage.

Lorsqu'elle m'attrapa par le bras pour me mettre debout, je la laissai faire. Si je faisais ce qu'on me demandait, on me laisserait tranquille, non ?

Elle sentait bon et elle avait une main mouillée. Elle m'amena à la salle de bain, où un bain avait été coulé. La pièce était chaude et pleine de buée.

Je ne bougeai plus.

— Il faut que tu te laves, ma chérie. Après, on se fera un chocolat chaud et ça ira mieux.

M... mieux ?

Elle me retira mon haut et mon soutien-gorge. De froid, je plaquai mes bras contre ma poitrine, le regard dans le vide.

— N...non.

Ma voix n'était qu'un souffle. Elisheva me sourit et me fit avancer jusqu'à la baignoire. Il y avait de la mousse. L'eau semblait tiède.

Je ne voulais pas.

Je ne voulais pas aller dans...

Je secouai la tête, mon cœur commençant à battre plus vite et plus fort. Mon souffle se coinça dans ma gorge.

— Je ne... non.

— Mais si. Retire ton pantalon, Ashika.

Je clignai des yeux. Mon... pantalon ? Je ne voulais pas l'enlever. En dessous, il y avait tout et rien.

Il y avait les marques de ma mémoire envolée. Balayée par une tempête.

Je reculai. Je voulais juste retourner dans ma chambre et y rester. Attendre Joshua. Juste attendre.

Les doigts d'Elisheva s'enroulèrent autour de mon poignet, me forçant à ne plus bouger.

— Tu ne peux pas continuer comme ça. Je vais le faire, d'accord ?

Elle s'accroupit devant moi et agrippa le dessus de mon pantalon, prête à le tirer. La panique enfla. Non. Elle explosa dans mon ventre et se répandit dans chacun de mes membres.

J'étais tétanisée.

Soudain, je n'étais plus là, dans cette pièce. Je n'étais plus avec Elisheva. Mais là où je me trouvais alors, j'étais nue.

Des mains sur mon corps. Un rire. Une douleur indescriptible au niveau de ma jambe.

Et la peur. La peur. La peurlapeurlapeurlapeurlapeur.

Elisheva me souleva.

Mes pieds plongèrent dans l'eau.

Et je vis tout. Les marques. Les lacérations que je m'étais infligées à moi-même.

Mes yeux s'écarquillèrent.

Tout ce que je cachais, tout ce que j'avais oublié, c'était là. Et je ne pouvais pas simplement détourner les yeux.

Je ne pouvais pas oublier ces marques.

Les larmes coulèrent le long de mes joues et un hurlement silencieux brisa tout. Elisheva m'attrapa avant que je ne tente de sortir du bain et essaya de me faire assoir.

Tout éclata.

Mon esprit.

Mon corps.

Mon cœur.

Je hurlai.

— NON ! NON ! NOOOOOOOOOON !

Des mains partout sur moi. Des rires et des cris. Je devenais folle. C'était regarder un miroir et le voir se briser.

Ce miroir, c'était moi. Ma vie.

L'eau gicla dans tous les sens. Mon pied dérapa et mon menton heurta durement le sol. Mes dents s'entrechoquèrent.

La douleur me fit reprendre pied l'espace d'un instant. Tout était drôlement silencieux. Je passai mes doigts sur mon menton et y découvrit du sang. Je m'étais ouverte. Ce n'était pas vraiment rouge le sang. C'était plus foncé. Pas très joli.

La porte s'ouvrit à la volée, claquant contre le mur. Papa surgit, suivit d'Abel et d'autres Ritters de la meute.

Je croisai son regard.

J'étais nue devant eux et ils pouvaient tous voir ma jambe. Voir les marques et les cicatrices. Tous ils regardèrent. Et j'eus envie de leur hurler de s'en aller. De me laisser tranquille. Ils n'avaient pas le droit d'être là.

Ils n'avaient pas le droit de me toucher.

C'était mon corps.

C'était ma...

Une main sur mon épaule. Je me jetai sur la personne, me retrouvant dans un sous-sol. Du sang au sol. Une chaine. Des mains qui m'attrapaient.

On ne me laissait jamais dormir.

On voulait toujours... toujours me...

Je devins une véritable furie. Mes hurlements n'avaient plus rien d'humain. Je luttai pour ma vie. Je luttai de toutes mes forces, quitte à crever de fatigue.

On m'avait appris à frapper.

On m'avait appris à fuir lorsqu'il le fallait.

À réfléchir. Et plus important encore, on m'avait appris à vivre.

Quelque part, en moi, je savais que j'avais vécu l'enfer. Qu'une part de moi était morte et que je ne la retrouverais jamais. Qu'importe que je lutte. Que je hurle ou que je me batte.

Elle était partie. Envolée. Et à partir de là, tout avait été différent. Que ce soit en bien ou en mal.

— Ashika ! ASHIKA !

Des bras s'enroulèrent autour de moi, m'empêchant de bouger. M'empêchant de faire du mal. Papa tomba au sol, me maintenant avec force contre lui.

Est-ce qu'il avait peur que je disparaisse ?

Est-ce qu'il avait peur que je... disparaisse encore une fois ?

Mes doigts se refermèrent sur son t-shirt. Je tremblai.

J'avais terriblement froid. À l'intérieur, tout était noir.

Il n'y avait aucune lumière.


Mon élastique n'arrêtait pas de claquer contre ma peau. Tant et si bien qu'une marque était en train de rougir mon épiderme. Je n'avais pas mal. Cette partie-là était comme anesthésiée. Je ne ressentais absolument rien.

Papa avait pleuré. Papa n'était pas bien. Je le savais. Je savais qu'il y avait eu une conversation et que si Abel était en colère, papa était triste. Et comme à chaque fois, il y avait cette partie de moi qui se sentait coupable.

De tous les maux de chaque personne ici. Comme si je pouvais porter ce poids toute seule. Alors, l'élastique claquait.

Il marquait ma peau tout aussi bien que mon âme.

Ce matin, ça n'allait pas. Parler à mon nouveau psy la veille n'avait rien changé. C'était toujours la même chose. Et après, il avait parlé à papa et à partir de là...

Est-ce que j'avais dit quelque chose durant ma séance qui avait poussé le médecin à parler à papa ? Est-ce que j'avais fait quelque chose de mal ?

Ma jambe me démangeait.

Je n'en avais parlé à personne. Pas même à Joshua. Ça avait commencé il y avait plus d'une semaine maintenant et ça venait sans prévenir.

Ça me rendait folle. Je ne voulais pas la toucher. Je ne voulais pas regarder ma jambe.

J'avais essayé de réparer tout ça. Sans succès. Effacer les marques par d'autres marques n'avait rien arrangé.

Ma jambe était horrible.

Parfois, je me demandais comment je serais dans un mois, dans un an, dans dix ans. J'étais incapable de me relever.

Toute seule, je n'y arrivais pas.

Je suspendis mon geste et attrapai mes boites de cachets dans la petite armoire. Dose par dose, j'avalai les pilules. J'observai les dernières. Petites et rondes. Si je prenais plus que la prescription, il arriverait quoi ?

Je savais que maman avait pris beaucoup de médicaments le fameux matin où elle avait voulu en finir. Comment est-ce qu'on se sentait ?

J'entendis du bruit dans ma chambre et avalai le tout avant de ranger les boites. Je ne devais pas penser ainsi. Ce n'était pas bien.

On m'avait appris à vivre. Alors, je ne pouvais pas considérer la mort aussi facilement. Je me passai un coup sur le visage.

Il fallait que je trouve Evy pour lui demander de m'amener chez les gardes forestiers. Papa ne serait pas d'accord, mais c'est là-bas que je pourrais voir Joshua.

Et j'avais besoin de le voir.

Pas ce soir ni demain. Maintenant. Comme à chaque fois que j'avais ce désir de faire claquer l'élastique. Joshua faisait taire les cauchemars et la peur.

Il tenait à distance les souvenirs.

Lorsque je revins dans ma chambre, une robe avait été posée sur le lit. Un mot se trouvait à côté et je reconnus sans mal l'écriture de maman.

Ça disait que nous sortions du Fief en fin de journée avec Elisheva et que je devais mettre quelque chose de léger pour ne pas avoir trop chaud.

Je soulevai la robe et la collai contre moi pour voir où elle tombait. Un peu au-dessus du genou. C'était Maze qui me l'avais offerte celle-ci. Il y avait quelques années. Elle était d'un bleu pâle joli avec une coupe cintrée.

Je l'avais toujours beaucoup aimée. Plus maintenant.

Pourquoi maman ne voulait-elle pas comprendre ?

— Je pensais que tu en aurais pour plus longtemps alors je t'ai laissé un mot !

Je sursautai et me retournai. Ma mère se tenait dans l'encadrement de la porte, toute souriante. Elle s'avança et attrapa le pan de la robe pour en caresser l'étoffe.

— Elle est belle. Tu devrais la porter.

— Papa est d'accord pour que je sorte ?

Ma mère pinça ses lèvres, ce qui transforma son visage. Elle paraissait toujours plus froide ainsi.

— Ça n'a pas été facile de le convaincre, mais oui, il est d'accord. Tant qu'Elisheva est avec nous.

— Abel ne peut pas ?

Je sentis mes paumes devenir moites. Mon cœur s'accélérer.

— Pourquoi tu voudrais qu'il vienne ? C'est une sortie entre filles ! Et on n'a pas besoin d'un idiot pareil pour...

Elle inspira, comme pour se reprendre et posa sa main sur mon bras.

— Désolée, chérie. Je sais que tu l'aimes beaucoup. Mais pour aujourd'hui, ce sera toi, moi et Sheva. Qu'est-ce que tu en dis ?

Elle rayonnait. L'idée de sortir à trois semblait réellement l'exciter. Je ne voulais pas qu'elle soit aussi triste que papa. Elle l'était déjà suffisamment.

— Oui... oui, je... d'accord.

Elle tapa dans ses mains.

— Pense à la robe ! Ce n'est pas que je n'aime pas tes leggings, ma chérie, mais... fais un effort, tu veux ? Pour moi.

Elle m'embrassa et retourna en bas. Je baissai le regard sur mon legging. Aujourd'hui c'était un Marvel. La nouvelle commande avait dû arriver et il fallait que j'aille la récupérer chez Len.

Papa non plus n'aimait pas me voir porter ça. Il ne disait rien, mais son regard était assez éloquent pour se passer de mots. Pour autant, il ne m'empêchait pas d'en mettre, pas plus que d'en commander.

Pourquoi je n'avais pas le droit de mettre ce que je voulais ? Pourquoi tout le monde voulait que je fasse comme eux voulaient ?

Mes doigts se crispèrent sur le tissu et sans le faire exprès, l'étoffe céda sous mon geste.

Oh.

Je la lâchai et elle ne forma plus qu'un tas à mes pieds.

Je me baissai. Mais ne touchai à rien. Je restai là, dans le vague, triste à mon tour.

— Pourquoi tu pleures, louveteau ?

La voix de tata Evy s'éleva, rauque et rassurante. Je reniflai.

— Je ne pleure pas, dis-je en essuyant mes joues.

Elle ne vint pas m'enlacer, pas plus qu'elle ne chercha des paroles de réconfort. Parce qu'elle n'était pas comme ça.

— Je ne veux pas mettre de robe.

— Alors n'en mets pas.

C'était si simple avec elle.

— Pourquoi personne ne peut se contenter de qui je suis maintenant ?

Maze me manquait comme jamais. Je voulais la voir. Lui parler. Qu'elle me prenne dans ses bras. Qu'elle soit là.

Avec moi.

Du coin de l'œil, je vis Evy ouvrir un de mes tiroirs et en sortir un legging bleu foncé avec des licornes et des arcs-en-ciel dessus. Elle envoya valser son short et enfila mon vêtement. Elle pencha la tête :

— Je ne savais pas que c'était aussi agréable.

Au début, je souris. Et puis j'éclatai de rire.

Tata Evy était, étrangement, celle qui me comprenait le mieux. Ou en tout cas, qui faisait tout pour.

J'avais au moins une personne avec moi.

Au sein du Fief, nous avions une partie où on pouvait trouver une épicerie et quelques petits commerces. Rien de trop conséquent, mais c'était toujours sympa de pouvoir y aller pour acheter une glace ou des bêtises. Quand nous étions petits avec Wolfgang et Magnus, le tout était de ne pas nous faire attraper par les adultes et surtout pas par Elisheva, sinon, on passait un mauvais quart d'heure. Papa, Abel et Yuri avaient toujours été plus gentils, nous y amenant d'eux-mêmes, quand il ne s'agissait pas de faire l'heure de route pour aller à Canberra.

Ce n'était pas le centre névralgique du Fief, mais on y rencontrait souvent du monde, que ce soit des membres du contingent ou des recrues.

Plusieurs regards convergèrent vers nous et surtout vers Evy lorsque nous arrivâmes pour récupérer ma commande. C'était sûrement la première et la dernière fois qu'il la verrait dans un accoutrement pareil.

Len, celui qui s'occupait du petit bureau de poste, disparut dans l'arrière-salle et revint avec un gros carton.

— Une autre super commande ?

Je hochai la tête. Il se pencha par-dessus le comptoir :

— Pense à parader devant tout le monde avec ça sur les fesses, p'tite Hachi. On se fiche bien de ce qu'ils en penseront !

Evy prit le carton pour moi et je passai par l'épicerie pour attraper une brique de chocolat au lait bien trop sucré, mais qui avait le don de me faire du bien. Evy réclama la sienne, pour goûter, même si c'était déjà le troisième essai. On se posa sur les marches, au soleil.

— Tu sais pourquoi papa était triste hier ? soufflai-je, le nez dans ma paille.

Evy garda le silence, le visage inexpressif au possible. Elle fronça les sourcils plusieurs fois.

— Non.

Elle mentait. Mais je ne la poussai pas à me dire la vérité. Je me contentai de finir ma brique jusqu'à ce qu'Abel surgisse un peu plus loin, Joshua sur les talons. Je fus sur mes pieds la seconde suivante et Evy se contenta de me regarder traverser pour les rejoindre, effaçant la distance entre Joshua et moi en quelques secondes à peine.

Mon ami me vit après Abel et n'eut pas le temps de me faire un signe de la main que j'étais déjà tout contre lui, mes bras l'enlaçant, ma joue allant reposer tout près de son épaule.

Là, oui là je me sentis mieux. Plus besoin de faire claquer l'élastique.

Plus besoin de craindre l'obscurité. Parce qu'il était là.

— Elle... Evy a vraiment ça sur elle ?

Je souris et sans me reculer, hochai la tête.

— Ça lui va bien je trouve, dis-je.

— C'est quand son anniversaire ? On devrait lui en acheter !

Je haussai les épaules. Je n'étais pas sûre qu'elle aurait aimé, même si elle aurait fait semblant. Parce qu'elle était comme ça.

— Tu es de corvée avec Abel aujourd'hui ? soufflai-je.

— Ouaip. Et je ne sais pas c'est quoi le pire.

Je frottai le bout de mon nez contre son t-shirt et reculai mon visage pour pouvoir le regarder.

— Tu apprends des choses au moins ?

Le sourire de Joshua se fit immense. Il adorait ça, en fait, même si c'était censé être une punition, il ne voyait que le bon dans tout ça. L'utile.

— Ma mère veut m'amener en dehors du Fief tout à l'heure avec Elisheva et...

Je pinçai mes lèvres. Joshua fronça les sourcils. Il attendit. Je me sentis rougir. Un peu.

— Tu pourrais venir toi aussi ?

Je le vis regarder derrière mon épaule. Vers Abel ?

— Si tu veux, finit-il par répondre. Comment pourrais-je louper une sortie entre filles ?

Il me fit un clin d'œil.

Parfois, j'avais l'impression que Joshua était la seule constante de ma vie. Qu'il était là pour relier les deux personnes que j'étais.

Yona et Ashika. Avec lui, je ne formais plus qu'Hachi et il se fichait bien de qui j'avais été avant. Il se fichait bien de me voir en legging ou peu bavarde.

Grâce à lui j'étais vivante. Je me sentais vivante.

J'avais déchiré les pages de mes carnets. J'avais jeté dans la douche toutes mes robes, tous mes shorts et toutes mes jupes.

J'avais brisé les miroirs de ma chambre. Fracassée les ampoules de mes lampes.

Ne restaient que l'obscurité et le silence.

Abel venait me voir. Il restait assis par terre avec moi, me tenant la main, sans rien dire. Et je le laissai faire.

Je pleurais Maze.

Je voulais voir Joshua et Lili. Je voulais entendre la voix de Raphaël. Et je voulais qu'on me laisse tranquille. Depuis le bain, Elisheva n'était pas revenue me voir.

Plus personne n'avait essayé de m'enlever mes vêtements.

J'étais toute seule.

Ma tête glissa contre le mur.

J'avais la bouche sèche et le cœur en miettes. J'étais fatiguée. À un moment, je me levais. J'ouvris ma porte et descendis. Je traversai le couloir. Passais devant la cuisine. Dehors, il faisait beau. La lumière sembla heurter ma peau et me faire mal.

Des voitures venaient de se garer et les portières claquèrent les unes après les autres.

— Ashika ?

Je m'avançai sur le perron. Tendit le bras pour que le soleil baigne ma peau. La chaleur se rependit tout le long de mon bras ; courût sur ma peau. Mais ne me réchauffa pas pour autant.

Je tournai la tête. Le sac que Joshua tenait tomba par terre. L'espace d'un instant, je crus que j'étais en pleine hallucination. Et puis je vis Lilibeth. Et même Dom. Papa était là. Abel aussi.

Tout le monde était réel. Ils étaient tous...

Un drôle de bruit s'échappa de ma gorge. Des jours étaient passés, mais pour moi, c'était presque des années. Ma bouche s'ouvrit et la seconde suivante, Joshua me serrait contre lui, si fort qu'il aurait pu me briser en deux.

Je m'accrochai à lui. De toutes mes forces.

De

Toutes

Mes

Forces.

— On se voit après, alors ? murmurai-je.

— Si j'arrive à échapper au bourreau, je viendrais plus vite que prévu.

Je levai les yeux au ciel et écopai d'un baiser sur la tempe d'Abel avant qu'il n'attrape Joshua pour repartir.

J'effleurai mon élastique. Mon bras retomba le long de mon flanc et je rejoignis Evy qui m'attendait.

Si Joshua venait avec moi, alors cette journée ne serait pas si terrible. 

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