12 | Abel


« We're all human, aren't we?

Every human life is worth the same, and worth saving. »

J.K Rowlings, Harry Potter and the Deathly Hallows.



Quand je vis Warren et Yuri entrer dans la maison, je sus qu'il y avait un problème. Je le sentis jusque dans mes os et je cessai de couper les légumes qu'Ashika venait de me tendre. Elle releva son regard sur son père et agita sa main. Il lui rendit un bref sourire et s'éclipsa vers son bureau, accompagné de Yuri. Lilibeth les suivit sans bruit, mais je ne savais pas si je pouvais laisser Ashika toute seule dans la cuisine.

Je posai mon regard sur la lycan, allongée dans l'entrée de la cuisine. Elle m'observa de ses grands yeux avant d'émettre un petit bruit. Je tendis le couteau à Hachi.

— Tu me laisses deux minutes ? Il faut que j'aille discuter avec tout ce beau monde.

Ashika prit le couteau et se mit à couper les légumes. Avant que je ne passe le seuil, elle me rappela. Je déglutis, sachant très bien qu'on allait parler d'elle. C'était évident vu la tronche de Warren.

— Ouais gamine ? grognai-je en évitant un coup de croc de la lycan d'Evy.

L'animal en moi s'agita, réclamant ce qu'il voulait quand elle était dans les parages. Je devais arrêter de faire des cochonneries avec elle. Ce serait vraiment con qu'elle soit mon seul vide couille.

— Joshua rentre à quelle heure ?

Je retins un soupir et haussai mes épaules. Ashika n'avait vraiment pas conscience de ce qui se jouait autour d'elle, la concernant. Ce qui m'inquiétait un peu, je devais l'avouer.

— Il devrait plus tarder. Gabin rentre en général avant la nuit, la rassurai-je.

Elle hocha la tête et se replongea dans sa tâche. Sur le chemin du bureau, je croisai Elisheva. Je retins une moue, mais elle me suivit dans le bureau. Pourvu qu'Ainsley ne s'incruste pas bordel.

Dans le bureau, Warren était assis sur son canapé, Lilibeth à ses côtés une main sur son épaule. Yuri se tenait dans un coin de la pièce et semblait aussi sombre que lorsqu'Ashika avait fait sa première grosse crise à cause du bain qu'Elisheva l'avait forcée à prendre. Cette dernière resta près de la porte, comme si elle ne savait pas si elle devait rester ou partir.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? soufflai-je.

— Le nouveau psychiatre a soulevé un traitement que je souhaitais éviter, admit Lilibeth.

— Et moi donc, soupira Warren.

Il frotta ses cheveux et se redressa, tentant sûrement de retrouver une certaine assurance qu'il avait perdue depuis longtemps. Je l'observai, essayant de trouver qu'elle pouvait être cette solution, cette extrémité visiblement si Lilibeth ne voulait pas aller dans cette direction.

— Le psychiatre aimerait qu'Ashika passe par une phase d'internement, énonça Warren.

Elisheva ne dit rien, concentrée. Yuri avait déjà eu la nouvelle, donc il n'y eut aucune réaction comme Lilibeth d'ailleurs.

Moi, je fulminai sur place.

Littéralement.

Je venais de rentrer en combustion spontanée.

Tellement que je clignai des yeux, conscient de tenir Warren par le col de son t-shirt, nez à nez avec lui.

— Moi vivant, cette gamine n'ira pas là-bas, crachai-je. Tu m'entends ?

Warren me fusilla du regard et me repoussa de ses deux mains. Il ne cria pas pourtant, car il ne voulait pas qu'Ashika entende, sûrement.

— Tu crois que je veux l'envoyer là-bas ? Tu le penses vraiment, Abel ? C'est MA fille !

— Les garçons, souffla Lilibeth en se levant.

Elle se tint entre nous, sans une once de peur. Putain, elle avait de la chance d'être enceinte, car j'étais sur le point de fracasser Warren si on ne me donnait pas une excuse pour l'éviter.

— Dans certains cas, ça peut aider, souffla Elisheva.

Cette fois, ce fut Yuri qui me retient à bras le corps avant que je ne saute à la gorge de la Ritter.

— Ferme-la ! vociféra mon lycan. Ferme-la ou je te couds moi-même la bouche. Tu es celle qui a traumatisé Ashika.

— Abel ! s'écria Warren.

— NON !

Mon cri les figea.

— Cette gamine a le droit d'être ici. Elle a le droit d'être entourée des siens, pas de personnes qui la jugent à chaque fois qu'elle ne fait pas ce qu'on attendait d'elle avant qu'elle se fasse violer bordel !

Le souffle court, Yuri me relâcha. Mon torse se soulevait de ma colère, de ma haine envers les personnes qui avaient fait subir ça à Ashika.

Mais Elisheva n'était pas née de la dernière pluie. Elle voulait qu'Ashika soit la même qu'avant ! Elle le voulait tellement qu'elle l'avait presque noyé dans un bain pour qu'elle se lave, bordel ! Et personne n'avait réagi comme ils auraient dû le faire. PERSONNE !

— Laisse-moi t'expliquer, Abel, murmura Lilibeth.

Elle ne s'approcha pas, mais ses deux mains devant elle étaient un signe de paix. J'avais juste envie d'arracher des têtes. Des putains de tête. Des putains de membres.

Trop longtemps je les avais regardés faire.

Trop longtemps j'avais regardé Ashika tenter de satisfaire la vision qu'ils voulaient avoir d'elle.

— Ashika n'est plus la même, crachai-je. Elle ne sera plus jamais la même !

— Ne penses-tu pas que je veuille le bien de ma fille ? Que la couper de sa famille ne me rende pas fou ? riposta Warren, hargneux.

— Tu crois vraiment que l'éloigner de nous l'aiderait ? Objectivement ?

Mes dents étaient si serrées qu'elles grinçaient. La question de Yuri était inutile, bien sûr que cela ne l'aiderait pas.

Lilibeth échangea un long regard avec Warren qui secoua la tête et retomba dans son canapé, sa tête dans ses mains. Son dos fut secoué d'un léger mouvement et j'aperçus une larme tomber sur son jean, noircissant la petite zone ronde. Il tira sur ses cheveux et gronda doucement.

— Un séjour en hôpital psychiatrique peut aider la personne à reprendre le contrôle de sa psyché, autant que de son corps, expliqua Lilibeth. Ici, elle a beaucoup de souvenirs. Et comme tu le dis, des personnes qui attendent d'elle un comportement qu'elle n'a plus.

— Tu n'as pas voulu la mettre en hôpital psychiatrique quand elle était chez vous, arguai-je. Pourquoi changer d'avis ?

Lilibeth soupira et finit par grimacer.

— Ainsley vient de passer un mois en internement. Elle en est ressortie plus maître de ses émotions qu'avant, intervint Elisheva.

Je pivotai vers elle et mon regard la réduisit au silence. Elle alla même jusqu'à baisser les yeux en signe de soumission.

— J'avais peur de cette option parce qu'elle peut être à double tranchant, soupira Lilibeth.

— Soit ça fonctionne, soit ça empire la situation. Génial. Et on va jouer le bien-être psychologique d'Ashika sur ça ? m'énervai-je.

— Si c'est l'une des seules façons de la soigner, pourquoi pas ? cracha Elisheva, les yeux vers le sol.

Mes épaules se tendirent, mais Yuri était entre Elisheva et moi. J'aurais dû mal à le déloger de là en sachant qu'il devinait ce que je ferais subir à la Ritter.

Je fis deux pas pour être nez à nez avec Lilibeth. Elle n'eut aucunement peur, elle savait que je ne lui ferais aucun mal. Et c'était vrai, mais bordel, si je devais défendre quelqu'un : c'était bien Ashika avant tout.

— Jure-moi sur la tête de Joshua qu'Ashika tira un bénéfice quelconque de cet internement.

Ma phrase était traitre et força Lilibeth à détourner son regard. Il ne s'agissait pas de séparer Ashika de ses liens et de son environnement actuel, on parlait de la séparer des seules personnes qui la tenaient relativement saine d'esprit. Joshua, Lilibeth elle-même, Warren, moi et même Evy. Tous, nous étions là pour elle. Un psychiatre ne faisait que montrer les possibles chemins pour aller vers une guérison partielle.

Car soyons honnêtes, on ne se remettait jamais vraiment d'un viol. Qu'il soit physique ou mental.

— Oh, tu as réfléchi à Joshua ? insistai-je, mauvais.

— Joshua n'est pas le problème ! s'écria Warren, les yeux rouges. Nous parlons d'Ashika.

Le regard de Lilibeth se braqua sur lui, légèrement écarquillé.

— Tu as peut-être le bien-être de ta fille en tête, Warren, gronda-t-elle, mais j'ai le bien-être de deux enfants sur les bras depuis six mois maintenant. Je ne vais pas en soigner un en condamnant l'autre.

Sur ce, elle me bouscula pour pouvoir sortir du bureau en claquant la porte.

Warren resta bouche bée un instant avant de frapper dans sa poubelle qui alla s'écraser contre le mur.

— Tu dois penser à Ashika avant tout, insista Elisheva.

— Sortez d'ici, gronda Warren, dos à nous.

Elisheva voulut rester, mais ma main se referma sur son bras et je la virai dehors. Yuri me rejoignit dans le couloir, refermant la porte sur notre Krig.

Je l'observai un instant, ne sachant pas de quel côté penchait sa balance. Il me regarda, une expression presque fragile sur le visage.

— Je suis le dernier à l'avoir vue. Le dernier qui aurait pu éviter tout ça, articula-t-il, des larmes dans les yeux. Je n'ai rien fait, Abel. Rien. Si ce séjour là-bas peut lui permettre de trouver le chemin pour revenir vers nous, qui suis-je pour juger de ça ?

— Tu l'enverrais en prison juste pour ta culpabilité ? crachai-je.

Brusquement, il me plaqua contre le mur, son nez collé au mien. La douleur se lisait partout chez lui.

— Pour qu'elle ait une chance, Abel, éructa-t-il à mon visage. Une chance de revoir un jour la lumière.

— Elle ne trouvera rien de tel là-bas, sifflai-je, mauvais. Sa famille est ici. Son cercle de soutien se trouve ici. Elle a besoin de nous Yuri, pas d'étrangers qui vont la bourrer de médicaments tous les jours en tentant de fouiller les détails de sa mémoire.

Il me relâcha et se mit à faire les cent pas.

— Je suis d'accord pour le suivi psychologique, soufflai-je. Et s'il faut augmenter ses heures chez le psy alors faisons-le, mais bordel, est-ce que tu la vois là-bas ? Seule ? Bourrée de médicaments avec pour seuls souvenirs les hommes qui lui ont fait subir ça ?

Le regard hanté de mon ami croisa le mien avant qu'il ne s'échappe du couloir, par l'arrière de la maison.

Je rebroussai chemin vers la cuisine et tombai sur Elisheva et Lilibeth qui aidait Ashika à préparer les légumes. Le lycan d'Evy mordit ma main et me tira sur la droite. Je soupirai et la laissai faire. Nous nous retrouvâmes dehors sur la terrasse, moi faisant les cent pas, Evy avec mon t-shirt sur elle, assise sur les marches. Quand elle en eut marre de me voir faire ça, elle me poussa à m'asseoir. Et pousser fut le mot !

Je tombai le cul sur la première marche et elle me fusilla du regard.

— Explique-moi, geignit-elle en pointant la maison.

La brusque détresse de l'animal en face de moi fit grogner mon lycan. Il n'aimait pas voir ça. Je frottai mes cheveux et secouai la tête.

— Ils veulent l'emmener dans un autre endroit, soufflai-je.

Les mains d'Evy tirèrent mon visage vers le sien. Elle tenta de lire une quelconque émotion sur mes traits, mais ne réussit pas et gronda, mauvaise.

— Elle est ici chez elle, énonça-t-elle d'une voix rauque.

Je pressai doucement son poignet et soupirai. Comment expliqué à la lycan d'Evy le concept même d'hôpital psychiatrique ? Et merde. Warren aurait dû faire ça pas moi. J'étais pas foutu d'expliquer mes propres sentiments, alors ça ?

— Il existe des endroits où on enferme les gens pour les soigner.

— Les soigner ? Comment ? On enferme dans des cages pour contenir, pas pour soigner, contra l'animal d'Evy.

Je frissonnai, des souvenirs douloureux s'attaquant à ma mémoire. Des cages. Des cris. La douleur. Cette privation de liberté.

— Tu comprends qu'Ashika est malade, hein ?

Elle hocha la tête et posa sa main sur l'emplacement de son cœur, froissant mon t-shirt.

— Là. Elle... ça ne se voit pas. C'est à l'intérieur.

Je pouvais percevoir la notion même de douleur mentale qu'elle tentait de comprendre malgré son cerveau animal. Je décidai d'être plus clair dans mes propos.

— Tu te souviens du bain ?

— Le louveteau ne voulait pas, murmura soudain l'animal, se rappelant de la colère qui avait suivi cet épisode.

— Mais Ashika n'était pas blessée à l'extérieur. Elle avait peur. Tu comprends la peur, n'est-ce pas ? Tu as déjà ressenti ça ?

Elle cligna des yeux et se recula, retirant son poignet de ma prise. Un grognement sourd remonta dans sa gorge et je soupirai. Merde.

Je descendis d'une marche et baissai la tête, touchant presque sa cuisse de mon front. Elle se figea et regarda sûrement la nuque que je lui tendais. Lentement je sentis sa bouche à l'endroit visé, la jointure entre ma nuque et mon épaule. Je frissonnai, puis me redressai.

— Elle a peur, murmura Evy.

— Souvent, admis-je. Elle a souvent peur. D'un son, d'un geste. Elle est blessée à l'intérieur, comme tu l'as dit. Et les gens là-bas pensent pouvoir soigner ça.

— Soigner ce qu'elle a à l'intérieur ? spécula-t-elle, dans le doute. Comment... Comment font-ils ? Nous serions avec elle ?

Je frottai mes cheveux et secouai la tête.

— Non. Nous ne pourrions aller avec elle. L'homme qui tente de la comprendre pense qu'elle doit être séparée de nous, de sa maison pour pouvoir y revenir en étant... moins blessée.

Lentement, je vis le cerveau animal tenter d'intégrer ce concept. L'éloigner de sa famille en étant blessée ? Ça revenait à abandonner un louveteau au pied d'un arbre pour le laisser mourir en paix ou dévorer par ceux qui viendraient après la meute.

Evy se leva brusquement. Je bondis à mon tour pour la rattraper et ma main agrippa son poignet pour la faire pivoter. Elle me regarda avec de grands yeux où les émotions se battaient entre elles. Elle ne comprenait pas et cela la rendait folle, folle de ne pas pouvoir aider le louveteau.

— Ren a besoin d'elle. Le gosse aussi, souffla-t-elle d'une voix de moins en moins humaine.

Son corps s'agita et elle retira brusquement mon t-shirt. Je le récupérai avant qu'il ne touche le sol et bientôt, une lycan apparut à mes pieds.

Je m'agenouillai et tendis ma main. L'animal la regarda avant de se frotter à elle. J'enroulai mon bras autour de l'encolure d'Evy et elle fourra son museau dans mon cou.

Elle aussi avait besoin d'Ashika.

Nous avions tous besoin d'elle.

Et elle avait besoin de nous.




Au matin, j'étais d'une humeur de chien et je le faisais sentir à mes cadets. Le groupe que j'avais était celui de Joshua et ce dernier se tenait à l'extérieur des tatamis. Il observait Wolf et les autres s'entraînaient au combat.

Joshua n'allait pas toucher une seule personne cette semaine en combat un contre un. J'aurais pu lui fracasser la tronche pour lui montrer qu'il n'était pas prêt et qu'il ne connaissait rien à la violence.

Malheureusement, il connaissait la violence.

Il avait déjà tué.

Il avait déjà tenté de se défendre.

Et il avait échoué.

J'étais presque sûr que si je le mettais en situation, il trouverait un moyen de s'en sortir. Certes avec de la violence si nécessaire, mais il pouvait se débrouiller. Ce qui m'embêtait c'est qu'il n'avait pas encore pris conscience qu'il y avait bien plus que la violence à gérer.

Je m'approchai de lui, les deux bras croisés sur mon torse.

— Si Magnus arrivait maintenant devant toi pour te fracasser la gueule, qu'est-ce que tu ferais ?

— Je dirais à Ashika de partir, remarqua Joshua. Et après, je le fracasserai.

Visiblement, monsieur était d'une pire humeur que la mienne. Ashika n'avait pas dormi cette nuit, mais la présence de Warren dans la maison faisant les cent pas dans le salon avait retenu les deux de se voir. Qu'est-ce qui avait bien pu lier deux gosses dans le sang et la violence de façon aussi intrinsèque ? J'avais du mal à comprendre.

— Evy a dit qu'elle lui aurait brisé les deux bras si ça n'avait tenu qu'à elle.

Je l'observai, surpris et curieux. Ouais, c'était bien du grand Evy. Cette femme était un vrai animal. Et pourtant, j'avais découvert la partie fragile de sa personne hier soir. Elle était partie dans la forêt dans la nuit, me laissant Ashika à surveiller. Mon explication lui avait sûrement demandé du temps pour comprendre ce qu'il se passait.

— Evy n'a pas eu droit au magnifique discours sur la non-violence, minaudai-je. Sérieusement, Joshua, il faut que tu apprennes quelque chose aujourd'hui ou dans la semaine et j'aimerais que tu le fasses en sachant que c'est autant pour Hachi que pour toi.

Il me regarda du coin de l'œil, suspicieux. Je savais qu'il doutait de ma bonne parole. Après tout, j'utilisai l'excuse parfaite avec lui : Ashika.

— Sincèrement ? Si ça n'avait été que moi et si j'avais connu plus de techniques de soumission, je l'aurais simplement mis à terre plus vite. Il m'a attaqué et continuait de le faire, tu m'expliques comment toi tu gères ça, Abel ? Un mec dans la rue te saute dessus et continue de te frapper tant qu'il n'est pas inconscient sur le sol. Réaction ?

J'aurais été la personne à le mettre inconscient, mais ce n'était pas comme ça que Joshua devait réfléchir.

— Le principe même de la non-violence, c'est de se défendre sans attaquer.

— Il n'avait pas à faire ça avec Hachi, s'indigna Joshua. Et je suis en train de prendre cher à cause de lui. Il s'est excusé auprès d'elle ? Il a réfléchi à ses actes, lui ?

Un vrai gosse bordel. Bon, il n'avait pas totalement tort je devais l'avouer du bout des lèvres, mais il n'avait pas totalement raison non plus. Il devait voir les deux côtés de la balance. Magnus se chargerait de sa propre idiotie et incompétence comme il pourrait quand son père l'y autoriserait.

— Raphael a dû gérer beaucoup de conflits dans sa meute pour que tout le monde trouve son statu quo. Il a–

Joshua se leva brusquement et s'éloigna. Je me dressai à mon tour et tentai de le rattraper, mais à présent, il courrait presque.

— Joshua ! criai-je.

Bordel de merde. Il se mettait à courir. Je le rejoignis en quelques enjambées et agrippai son bras. Je le pivotai vers moi et découvris son visage et ses yeux rougis. Il tira sur son bras pour se libérer et détourner son visage.

— Excuse-moi, soufflai-je. Je ne pensais pas...

— Tu utilises assez l'excuse Ashika pour me faire plier, hoqueta Joshua, visiblement mal. Et maintenant, c'est l'excuse de mon frère mort que tu vas tenter ? Va te faire foutre, Abel.

Et merde. Merde !

Il se remit en marche et j'attendis qu'il soit à l'abri d'une maison pour le rattraper une seconde fois. Il me laissa le tenir par le bras pour être un peu plus à l'abri.

Je le relâchai et il essuya son visage dans sa manche.

— Premièrement, je ne cherchais pas à nommer Rafael pour te faire plier, arguai-je. Je tentai de faire appel à un exemple qui te parlait. Raphael était un bon dirigeant et il savait le faire de façon juste.

— Tu ne le connaissais pas.

— Dom a su me décrire son chef avec beaucoup de qualificatifs tout à son honneur, objectai-je.

Joshua baissa les yeux et ne dit plus un mot.

— Deuxièmement, je reste ton supérieur et tu me dois un certain respect.

Je le vis serrer les poings et attendis. Il se plaça en position de repos, le dos droit et les mains derrière lui.

— Je vais oublier le va te faire foutre, je l'ai mérité. Mais ne me tourne jamais le dos de cette façon, Joshua.

Pendant quelques secondes, je crus qu'il n'allait pas acquiescer et s'en aller, mais il avait au moins compris cette leçon-là.

— Je respecte ton frère, Joshua. Sois conscient de ce fait. Penses-tu qu'il n'était pas juste dans ses décisions ? Qu'il ne gérait pas les conflits avec des paroles plutôt qu'avec des poings ?

Le jeune homme soupira et secoua la tête.

— Raphael faisait dans la parlotte hormis quand ça le faisait chi... Joshua se racla la gorge et reprit : hormis quand ça l'énervait fortement.

— Il faisait quand même passer la parlotte avant les poings, non ? insistai-je.

Joshua acquiesça.

— Car il avait compris qu'un conflit sur deux peut largement être résolu par la parole. Apprends à désamorcer une situation avec ta bouche et tes neurones, recrue. Une jeune femme que je tiens en grande estime m'a dit que tu en avais beaucoup. Tu ne voudrais pas la faire mentir.

Je haussai un sourcil et Joshua rougit. Je retins mon rire, posai simplement ma main sur son épaule.

— Je ne suis pas contre toi, Joshua. Néanmoins, je suis là pour t'apprendre certains concepts qui pourraient te mettre plus dans l'embarras avant tout.

— C'est ça que d'apprendre, n'est-ce pas ? maugréa Joshua.

Je frottai ses cheveux et il tenta de s'échapper.

— Retourne à ta place et continue à méditer sur la non-violence dans la gestion de conflit.

Il hocha la tête. En le regardant repartir, je me fis la réflexion qu'effectivement Joshua deviendrait un très bon Krig. Malgré la perte de son frère, malgré les sévices qu'Ashika avait subis, Joshua n'était pas encore complètement plongé dans le noir.

Et s'il voulait devenir un vrai Krig, il devait rester du côté de la lumière. 


* * *


Abel aurait-il un quelconque passif avec l'internement pour avoir cette réaction si virulente ? Et Evy qui semble perdue face à tout ça... on sent l'animal en elle qui à du mal avec certain concept... 

J'aime beaucoup la relation entre Joshua et Abel du reste, pas vous ? 

On se retrouve lundi pour la suite et ce w-e dans les commentaires. 

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