10 | Joshua
« Monsters are real, and ghosts are real too.
They live inside us, and sometimes, they win. »
S. King.
Je frottai mes cheveux, concentré sur le livre qui était dans mes mains. Il fallait que je termine cette lecture et que je dépose un rapport dessus d'ici deux jours. Je pouvais le faire, bien sûr, mais je n'avais pas la tête à ça. Je regardai le long couloir de livres. Il n'y avait pas grand monde ici le dimanche, souvent c'était l'occasion attendue par tout le monde pour aller faire un tour dans la Réserve. Notre temps était tellement bien occupé que la plupart des benjamins et des cadets prenaient le temps de décompresser le seul jour de la semaine où on pouvait respirer.
Je portai pour la première fois depuis longtemps un jean, mes converses et un vieux t-shirt. Le dimanche, c'était aussi synonyme de liberté vestimentaire. D'ailleurs, la plupart de mes fringues se trouvaient dans les placards de Lilibeth, chez Warren. Je retins un gros soupir et posai le livre sur mes jambes étendues devant moi.
Warren. On en parlait ? Et Magnus alors, on en parlait ? Idiot de merde. Personne ne l'avait vu depuis vendredi soir à vrai dire. Depuis que toute cette merde avait eu lieu. Il m'avait mis en porte à faux avec Warren. J'avais eu un comportement remarquablement stable jusque-là. J'avais réussi à être l'élève modèle. Et rien. Tous mes efforts réduits à néant parce que je n'avais pas réussi à gérer ce malade. Je ne supportai pas Magnus depuis que j'étais arrivé ici et il me l'avait bien rendu. Du peu que j'avais entendu, il avait été amoureux d'Ashika et continuait de l'être visiblement, mais lui aussi avait subi l'absence de l'Earhja.
Ashika me parlait souvent des personnes ici présentes. Elle se sentait énormément coupable face à tous les comportements, face à tout ce qui avait pu se passer ici en son absence. La retraite de Warren, le départ de Mazakeen et encore d'autres évènements. Comme la déchéance prématurée de Magnus.
Je relevai un genou et appuyai mon coude dessus. Ce n'était pas sans fondement. J'avais conscience que je tentai de ne pas penser à mon frère. Que je m'occupai l'esprit. Hachi tentait de faire la même chose, mais ça ne fonctionnait pas vraiment, parce que tous les jours elle voyait les visages inquiets, surpris ou dégoutés par ses réactions.
Et moi, tous les jours, je voyais mon neveu grandir dans le ventre de Lilibeth. Je déglutis et repoussai mes souvenirs tous aussi lourds les uns que les autres.
Je me levai, prenant le livre avec moi. Je pourrais le finir tard ce soir au pire des cas. Comparé aux autres cadets, j'avais plus de devoirs étant donné que j'avais plus de leçons à apprendre. Ou du moins, à rattraper. Warren voulait que j'ingurgite autant de connaissances que je le pouvais étant donné que je n'avais pas grandi dans un Fief. Il savait qu'Ashika m'aidait énormément, mais il n'avait rien dit de plus là-dessus.
Je n'avais pas vraiment nettoyé mes poings, mais je fus sur mes pieds quand Warren sortit de la maison. J'avais élu domicile sur les marches, ne sachant pas s'il m'autoriserait à rentrer pour voir Ashika. L'inquiétude me nouait l'estomac.
Son regard se posa sur moi et je ne sus dire s'il était forcé ou non de me faire rentrer.
— Debout, ordonna-t-il.
Sa voix était sombre et rauque. Il n'était pas content du tout et en plus de ça, il était inquiet pour Ashika. Que s'était-il passé ? Je posai mon regard sur Lilibeth qui était assise à côté de moi. Elle me tapota la cuisse et me fit signe d'y aller.
— Cuisine, gronda Warren.
Je me dépêchai, entendis à peine le Krig présenter des excuses à Lilibeth pour ce qu'il avait dit. Je ne cherchai pas à comprendre et entrai dans la pièce à toute vitesse. Je découvris Ashika assise, contre le meuble. Il y avait une ou deux personnes dans la cuisine, à l'autre bout d'Ashika. Et quelques autres dans le salon.
Ashika avait fermé ses paupières et semblait à bout de souffle. Comme si la lutte était bien plus difficile que son corps ne nous laissait voir. Elle était trempée et ne portait qu'une brassière sur sa poitrine et son legging imbibé d'eau. Quelqu'un avait déposé une serviette sur ses épaules.
— Hey.
Je m'assis à ses côtés. Ashika prit une longue inspiration et son corps se pressa contre le mien. Son visage était pâle et creusé. Elle semblait grelotter et elle était encore un peu apeurée. Sa crise passait difficilement, ça se lisait sur son visage. J'attrapai ma main et fis comme elle faisait avec moi, je nouai mes doigts aux siens, voulant lui donner de quoi s'accrocher.
— Tu as voulu prendre une douche tout habillée ?
Ma moquerie ne la tira pas de son silence. Son regard était posé sur mes phalanges abimées par ma bataille avortée.
— C'est rien. Je ne sens pratiquement rien.
Juste, ça piquait un peu. Je tentai de voir la situation comme Abel m'avait poussé à le faire et je dus accepter l'idée que la violence n'avait plus de place entre Ashika et moi.
— Je suis désolé. J'aurais pas dû me battre. C'était stupide.
Sans aucun mouvement visible, son aura recouvrit mon corps, puis se concentra sur mes mains. La douleur s'en alla. Elle m'avait guéri. Mon cœur se serra.
— Je suis fatiguée, souffla finalement ma meilleure amie.
Et peu de personnes comprenaient réellement le sens de cette phrase dans cette pièce.
Hormis moi.
Je déglutis. Ouais, la crise d'Ashika aurait pu être bien pire. J'en avais conscience, mais être la raison pour laquelle elle s'était enclenchée ne cessait de me tarauder. Elle ne devait plus venir dans les dortoirs. Du moins, maintenant que Magnus n'était plus là, elle pouvait revenir, mais je savais qu'elle ne le ferait pas tout de suite. Je déposai la petite fiche du bouquin dans la case prévu à cet effet, après y avoir écrit mon nom et prénom. Je récupérai ma veste que j'avais oubliée comme le crétin que j'étais et sortis de la bibliothèque qui était un endroit très calme, comme Ashika l'avait dit. Je savais que Warren avait souhaité rester à la maison pour ce dimanche avec sa fille. Abel devait être présent aussi. Je savais que Lilibeth mangeait ce midi avec Tori, sa nouvelle amie. Elles étaient un peu les deux nouvelles du Fief, alors elles se serraient les coudes entre filles.
Avant d'atteindre la maison, je croisai Wolfgang. Je lui fis un petit signe pensant qu'on allait continuer notre chemin chacun de son côté, mais il me rejoignit, abandonnant le groupe de cadet avec qui il traînait.
— Ça va toi ?
Je haussai mes épaules.
— Ça ira, répondis-je vaguement. Et Magnus ?
— Pas un problème pour quelques semaines je pense, admit en grimaçant Wolf. Il n'avait jamais été à ce point–
— Est-ce qu'il est amoureux d'elle ? soufflai-je, soudain.
J'étais bien trop curieux et cela allait me jouer des tours. Mais les commentaires sur Hachi et moi me travaillaient assez sans que je sois obligé de supporter un ex jaloux qui ne comprenait pas ma relation avec elle.
— Il l'était. Je ne pense pas qu'il le soit encore.
— Est-ce qu'on choisit vraiment d'arrêter d'aimer quelqu'un, hein ? grimaçai-je.
Le visage de mon frère traversa mes pensées et la douleur dans ma poitrine s'accentua. Je devais trouver Lili. Ou Dom. Je ne voulais pas déranger Ashika et Warren.
— Pas vraiment, acquiesça Wolf. En tout cas, je suis sincèrement désolé de ne pas avoir compris ce qu'il allait faire. J'aurais dû l'arrêter.
— Il aurait dû s'arrêter tout seul, rétorquai-je, un peu mauvais.
— Faut croire ouais. Sinon, on est tous un peu près sûrs qu'Abel et Calder veulent nous la mettre à l'envers ce soir. Donc, tiens-toi prêt.
Wolf me fit un dernier signe avant de repartir vers son groupe. Et merde. Une sortie nocturne ? Génial, il ne manquait plus que ça. Je regardai encore une fois la maison dans laquelle je passais le plus clair de mon temps. J'avais envie d'aller voir Ashika. Seulement, je ne souhaitai pas gâcher le temps qu'elle rattrapait avec son père. Je réfléchissais encore quand la main de Dom s'abattit sur mon épaule.
— Alors Josh, tu comptes trouver les défauts de cette maison ? J'en vois plein personnellement.
Sans le vouloir, je craquai un peu. Je pivotai et fourrai mon nez contre le torse de Dom. Son bras protégea mon visage pour que personne ne voie mes pleurs.
Je m'en voulais de ne pas être assez bien pour Warren.
Je m'en voulais de ne pas être assez bien pour Ashika.
Je m'en voulais de ne pas être à la hauteur de ce qu'attendait Raphael de moi.
Et je m'en voulais de sentir son absence avec de plus en plus de difficulté.
Tout le monde répétait que le temps apaisait les douleurs.
Mais le temps chez moi était un putain de compte à rebours, vers l'explosion qui ne serait tardée.
— Ça ira gamin, souffla Dom en me pressant contre lui.
Je reniflai et tentai d'essuyer les dernières traces de mon méfait. Un bruit venant de la maison me fit me redresser malgré moi. Ashika apparut, vêtue d'un legging rose fluo et se mit à courir vers nous.
Elle nous heurta Dom et moi avec force et se pressa contre nous. Son nez frotta le mien et elle déposa un baiser sur ma joue, son bras sur ma nuque. On resta contre le torse de Dom pendant quelques minutes, avant que je sois assez remis pour ne paraître que vaguement malade et les yeux rougis.
— J'allais voir Lilibeth, tu veux venir ? me demanda Dom.
Je reniflai une dernière fois, tentant de cacher mon visage aux deux autres, mais Hachi ne lâcha pas ma main et me regarda avec de grands yeux, comme si elle ne voulait pas pleurer avec moi.
— Tu regardais pas un film toi ?
— On vient de le commencer, tu peux venir. Ça ferait de la compagnie à Abel pour pouvoir critiquer.
— Je devrais éviter ton père et Abel pendant quelques jours, admis-je en grimaçant. Ils ne sont pas folichons de moi.
Le sourire d'Ashika se flétrit sur les côtés. Dom fourragea dans mes cheveux et me poussa vers Ashika pour qu'on rentre dans la maison.
— Allez regarder ce maudit film les gosses. Warren et Abel sont grands, Joshua. Ils sauront faire la part des choses.
Ashika me tira vers la maison et bientôt, je me retrouvai entre Abel et elle devant un nouveau film avec des supers héros.
C'est là que je me rendis compte que moi, j'étais loin d'en être un. Néanmoins, j'aimais trop l'énergie d'Ashika pour ne serait-ce que m'éloigner consciemment d'elle. Était-ce un mal ?
Je mangeai avec Lilibeth, Warren, Abel, Tori, Ashika et quelques membres de la meute triés sur le volet. La mère d'Hachi faillit s'incruster, mais Elisheva la récupéra avant la catastrophe. Je fus envoyé aux dortoirs tôt, par Abel, ce qui me confirma qu'ils allaient nous la mettre à l'envers.
Deux heures plus tard, quand je fus en train de crapahuter dans la nature, voyant à peine deux mètres devant moi, je regrettai d'avoir bu toute la soupe de Tori. Elle avait été très bonne, mais j'avais la nausée et mon ventre gargouillait.
Calder était sous sa forme de lycan et nous talonnait tous. Il faisait nuit, assez pour galérer, mais pas encore trop profondément, donc je pouvais voir Wolf devant moi qui haletait à cause de la course qu'on nous imposait.
Abel était fan de ce genre de rodéo et je ne comprenais toujours pas pourquoi.
— BOUGEZ-VOUS LE CUL, BORDEL DE MERDE !
Son hurlement nous fit reprendre le rythme. Je crus le voir discuter au téléphone. Au téléphone ! Putain, on suait comme des porcs et lui il était tranquillement en train de taper la discute.
— Rayan est parti du mauvais côté, cria Wolf.
Calder aboya et je m'écartai juste à temps pour ne pas me faire mordre la fesse. Wolf me rattrapa avant que je ne m'étale par terre.
— Je vais crever au milieu de cette putain de forêt, crachai-je, les poumons en feu.
Mes muscles demandaient grâce, mais nous n'étions même pas sur le chemin du retour, ce qui vous laissait présager notre douleur.
La course dura une bonne heure de plus et on nous rendit à nos lits vers minuit. Tout le monde dut passer par une longue douche. Si certains s'attardèrent, moi je filai dès que je fus propre. Au moins, je pouvais espérer dormir deux heures avec tout ça. Mais en m'installant dans mon lit, le plafond devint de nouveau mon meilleur ami. Et merde. Je ne mis que deux heures à me motiver. Sur les coups d'une heure du matin, je me faufilai hors du dortoir, réussissant à passer sous le nez du Surveillant qui pionçait tranquillement dans le bureau. J'enfilai mon pull, capuche sur la tête. Je traversai la moitié du Fief pour pouvoir atteindre la maison de Warren.
Je fis le tour et restai sous la fenêtre d'Ashika qui était à quelques mètres au-dessus du sol. J'entendis vaguement des bruits dans le jardin. Des voix. Evy et Abel. Vu les différents sons qui s'échappèrent bientôt de là-bas, je ne cherchai même pas et commençai à grimper tranquillement le long mur de lierre. Je tirai la fenêtre qui était rarement fermée à clé et l'ouvris d'une main, me faufilant doucement. Je la refermai tout en retirant mes chaussures.
J'aperçus le corps d'Ashika bouger sous sa couette. Elle ne dormait pas, car je pouvais entendre la musique dans ses oreillettes. Elle se redressa sur un coude. Je retirai mon pull et mon jogging, me laissant tomber sur son lit à ses côtés en caleçon et t-shirt. Je la coinçai sous sa couette, ayant trop chaud pour supporter une autre couche de vêtement.
— Alors, c'était vrai hein ? grimaça Ashika, en tirant sa couette pour me révéler son visage.
— Ouais, grognai-je.
Elle me tendit un écouteur et je le mis. Je souris en entendant les musiques douces que Mazakeen lui avait conseillées pour s'endormir.
— Ça fonctionne sur toi ça ? soufflai-je.
— Comme tu peux le constater de tes propres yeux, Joshua Silva, non, maugréa-t-elle en boudant.
Je ne pus retenir un petit sourire. J'avais l'impression d'entendre Lili quand elle parlait comme ça. Je passai mes bras sous ma nuque, fermant mes yeux, me concentrant sur la musique pendant quelques minutes.
Rien. Nada. J'étais encore plus réveillé qu'avant.
— Ça te dirait de commander de nouveaux leggings ? soufflai-je en lui jetant un coup d'œil.
Le grand sourire d'Ashika me convainquit que oui. Nous passâmes une bonne partie de la nuit à lui trouver de nouveaux leggings avec des motifs tous aussi magnifiques les uns que les autres. Mon préféré était le legging licorne qui remplacerait l'ancien déchiré dans la bataille.
Quand la lumière du jour commença à filtrer, je frôlai la joue de ma meilleure amie d'un baiser qui la fit ronchonner. J'aurais préféré rester ici à faire des bêtises, mais il fallait que je reprenne cette semaine du bon pied. Je laissai Ashika endormie vers cinq et demi du matin et rejoignis les quartiers des cadets.
Aux alentours de huit heures du matin, je penchai la tête devant le tableau, curieux. D'après le programme, j'étais toute la journée avec les gardes forestiers. Je loupai l'entraînement de Calder de l'après-midi et les cours de ce matin. Rien de grave en soit, je pourrais toujours les rattraper, mais je trouvais ça étonnant.
Abel posa sa main sur mon épaule et la façon dont il la pressa ne me dit rien qui vaille. Je tentai de ne pas me recroqueviller face à sa présence.
— Il faut qu'on parle, Silva, grogna-t-il dans mon oreille.
Je déglutis. Et merde. Warren avait bien dit que ma punition serait donnée par Abel lui-même.
Il nous entraîna dans un coin éloigné du bureau de Warren, passant devant l'immense tableau qui servait de programme ici. Quand on était dessus, ce n'était jamais bon signe. Si « les cadets » étaient inscrits, là, ça allait. Hormis pour les tours de gardes, c'était plutôt rare d'aller avec les gardes forestiers. Ils allaient loin dans la Réserve et surveillaient la faune et la flore comme si c'était la tâche la plus importante de leur vie.
Ce qui était sûrement le cas.
Abel me poussa à m'asseoir dans une petite salle de réunion que Warren gardait pour mettre à jour les équipes des instructeurs et d'autres trucs. Je m'en rappelais vaguement.
— Tu étais où hier soir ? gronda Abel.
Il semblait de mauvais poil. Quand Raphael et Lilibeth avaient du sexe, ils étaient largement moins grognons que ça. Du coup, je ne comprenais pas trop le comportement d'Abel. Je ne savais même pas jusqu'à hier soir qu'il couchait avec la tante d'Hachi.
— Pas dans le dortoir, admis-je.
— Pourquoi donc ?
— Parce que je n'arrivais pas à dormir. J'ai été courir.
— Après les trois heures de jogging ? Gamin, je t'en prie, apprends à mentir.
— J'étais pratiquement au même endroit que toi, admis-je du bout des lèvres.
Il haussa un sourcil et fit la moue.
— Joue pas au plus malin. Tu as vu le programme. Tu vas aller crapahuter dans toute la Réserve aujourd'hui, avec Gabin. Il va t'apprendre ce que c'est que de marcher. Tu es de garde pour trois lundi de suite avec eux. Me suis-je bien fait comprendre ?
— C'est ma punition ? m'enquis-je sans manquer de respect.
— Ta punition, Joshua, c'est de ne pas participer au cours de combat rapproché de cette semaine donné par Calder. Tu vas apprendre que la violence n'est pas la seule arme qu'on peut utiliser dans un conflit. Et on va le faire ensemble. Compris ?
Oh joie.
J'allais mourir d'ennui entre les mains d'Abel.
Mon Enfer sur terre.
* * *
Coucou vous ! 😁😳 Ça faisait un petit moment et j'avoue, vous m'avez manqué quand même 😇💖 Comment s'est passé les fêtes pour vous ? Nous on a fait les deux côtés de la France pour voir les familles et nous voilà enfin de retour ; ça fait du bien !
On reprend la publication de cette première partie ; toujours les lundi et les vendredi. On avance tout doucement. Dans la suite, il sera question d'internement, de souvenirs et de retour, mais je n'en dit pas plus, haha... 😎
Je vous embrasse très, très fort ❣️❣️❣️❣️
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top