Chapitre 2


Le regard de Sabine se posa sur Adrien, puis sur Marinette, puis de nouveau sur Adrien, ses yeux s'écarquillant de surprise à mesure qu'elle prenait conscience de la situation. Paralysés de terreur, les deux adolescents n'osaient pas esquisser le moindre mouvement.

Ils avaient été découverts.

Complètement, stupidement, indéniablement découverts.

- « J-Je... Je... je t'assure qu'il y a une explication », balbutia maladroitement Marinette sous le regard perçant de sa mère, tandis qu'Adrien s'empourprait de honte.

- « Je n'en doute pas », répliqua machinalement Sabine.

Alors que l'héroïne de Paris commençait à bredouiller de pâles excuses, sa mère l'interrompit d'un bref geste de la main. Poussant un lourd soupir, Sabine Cheng se pinça l'arête du nez avant de lever de nouveau les yeux vers sa fille et le petit ami de cette dernière.

- « Je veux vous voir dans le salon dans dix minutes », leur lança-t-elle d'un ton sans réplique. « Je dois d'abord parler un peu avec ton père », précisa-t-elle en braquant ses yeux gris sur Marinette, « puis nous aurons une petite conversation tous les quatre. »

A présent dangereusement pâle, l'héroïne de Paris hocha mécaniquement la tête, tandis qu'un Adrien tout aussi livide en faisait de même. Sabine leur jeta un dernier regard, puis tourna finalement les talons pour sortir de la pièce.




- « Oh nonononononon... », gémit Marinette à l'instant même où la trappe de la chambre se refermait sur sa mère. « Je suis fichue. On est fichus. Mes parents ne voudront plus jamais que tu reviennes. Et je vais me faire punir. Je vais tellement me faire punir ! Je n'aurai plus le droit de sortir jusqu'à mes dix-huit ans. Non, jusqu'à mes vingt-et-uns ! »

Se laissant tomber à plat dos sur son lit, Marinette enfoui son visage blême entre ses doigts. Un hoquet d'horreur lui échappa à peine une poignée de secondes plus tard et elle se releva aussi vivement que si elle avait été mue par un gigantesque ressort, avant de tourner ses yeux exorbités vers Adrien.

- « Et Ladybug ? » lança-t-elle d'un ton plaintif, tout en se mettant à arpenter nerveusement sa mezzanine. « Comment je vais faire pour sauver le monde en tant que Ladybug si je suis enfermée à clé dans ma chambre jusqu'à mes vingt-et-un ans ? »

La jeune fille accompagnait chacune de ses paroles de grands gestes saccadés, tandis que son souffle se faisait de plus en plus haletant.

- « Ma Lady, calme-toi », lui conseilla Adrien avec une palpable angoisse, tout en foudroyant du regard un Plagg hilare. « Je crois que tu hyperventiles. »

- « Je n'hyperventile pas, je respire vite ! », rétorqua aussitôt sa partenaire, avant de laisser échapper une brève quinte de toux.

De plus en plus inquiet, le jeune homme se leva d'un geste souple pour se placer aux côtés de sa partenaire, dont la poitrine se levait et s'abaissait à un rythme inquiétant. Il glissa un bras autour de la taille de Marinette, avant de réaliser brusquement qu'il n'avait absolument aucune idée de comment apaiser le légitime affolement de sa partenaire. En temps normal, il aurait probablement su trouver les mots justes, mais il était à présent bien trop proche de la crise de panique pour réfléchir correctement.

- « Ok ok ok », lança-t-il fébrilement, « Essaye de penser à quelque chose qui pourra t'aider à te détendre... L'océan, par exemple », poursuivit-il avec un enthousiasme d'autant plus admirable qu'il avait lui-même la sensation d'être en train de se liquéfier de l'intérieur. « C'est bien, l'océan ! C'est relaxant ! Tu peux... Tu n'as qu'à imaginer que tu es une mouette qui survole les vagues...»

- « Une mouette qui survole les vagues, qui se prend un sac plastique sur la tête, qui fonce droit dans une tempête, qui se fait frapper par des éclairs et qu'on enferme dans sa chambre jusqu'à ses vingt-et-un ans », marmonna obstinément Marinette.

Alors que Plagg laissait échapper un tonitruant éclat de rire qui lui valut de vives remontrances de la part de Tikki, Adrien se mordit vivement les lèvres, avant qu'un sourire nerveux ne se dessine sur son visage.

- « Je ne suis pas sûr qu'une mouette puisse avoir aussi peu de chance, Princesse », répliqua-t-il en la serrant contre elle, autant pour la réconforter que se rassurer lui-même. « Et personne ne va t'enfermer dans ta chambre jusqu'à tes vingt-et-un ans. »




Les deux adolescents passèrent la dizaine de minutes suivante à tenter de calmer leurs crises de panique naissantes, avec l'aide bienveillante de Tikki et sous les rires moqueurs d'un Plagg clairement plus amusé que compatissant. Puis, une fois qu'ils eurent tous deux retrouvé un semblant de maitrise de leurs émotions affolées, ils se dirigèrent tous deux vers le salon avec autant d'enthousiasme qu'une paire de condamnés vers leur potence.

Comme convenu, Tom et Sabine les y attendaient, assis sur le canapé d'angle qui trônait dans la pièce.

Adrien et Marinette s'avancèrent sans oser croiser leurs perçants regards, avant de s'installer à l'autre extrémité du canapé. Le teint livide des deux jeunes gens offrait un contraste saisissant avec leurs joues rouges de honte, et jamais ils n'avaient ressenti une aussi forte envie d'être n'importe où sauf ici. En comparaison, même les rudes attaques du Papillon ou les virulentes crises de colères de Chloé semblaient être d'une perspective plus attrayante que l'embarrassante situation dans laquelle ils se trouvaient.

- « Ok, avant que vous ne disiez quoi que ce soit », lança Marinette d'une voix tendue, « je vous assure qu'il y a une explication parfaitement logique à tout ça. »

- « Très bien, nous t'écoutons », répliqua aussitôt Tom, croisant machinalement les bras dans l'attente des explications de sa fille.

Re-oups.

« Brillante idée, Marinette », se fustigea la jeune fille, qui n'avait pour l'instant pas l'ombre d'une idée pour justifier la présence d'Adrien dans sa chambre et dans son lit.

« Adrien est Chat Noir, je suis Ladybug, et on se repose souvent ici en revenant de patrouille ? » Véridique, mais impossible à avouer. « Il était venu réviser et on s'est endormis tous les deux sans le vouloir ? » Pourquoi pas, mais ça n'expliquait pas pourquoi ils avaient dissimulé la présence du jeune homme. « Je ne m'étais pas rendue compte que je l'avais enfermé par erreur dans ma chambre quand il était venu me rendre visite hier midi ? » Peu crédible. « On a menacé d'enlever Adrien et je le cache sous ma couette pour sa protection ? » Encore moins crédible.

Elle était fichue.

- « Alors en fait, c'est très simple », commença malgré tout Marinette, priant de toutes ses forces pour trouver une excuse vraisemblable en cours de route. « Vous allez voir. »

Puis elle s'arrêta, déjà à court d'idées.

Fichue.

- « Oui ? », l'encouragea son père, haussant un sourcil attentif.

Fichue, fichue, fichue.

- « En fait ce n'est vraiment rien, je ne suis pas sûre que ça vaille le coup de vous le raconter », reprit-elle avec un petit rire nerveux, renonçant finalement à tenter d'expliquer quoi que ce soit. « Ce n'est pas intéressant du tout... Vraiment pas, je vous assure », rajouta-t-elle, tandis que l'expression de ses parents montrait clairement qu'ils étaient au contraire très très intéressés.

Complètement, totalement, définitivement fichue.

- « Tout est de ma faute ! » intervint brusquement Adrien, faisant sursauter les Dupain-Cheng jusque-là concentrés sur les phrases décousues de leur fille.

Marinette tourna vers lui un regard aussi surpris que plein d'espoir, mais l'expression affolée de son partenaire lui indiquait sans le moindre doute qu'il avait lui aussi lancé la première phrase qui lui passait par la tête sans songer à une explication acceptable.

- « Oui, heu, c'est à cause de... Enfin, tu sais... », s'interrompit-il lamentablement, avant de jeter un coup d'œil désespéré à Marinette.

- « Ah oui », reprit-elle nerveusement, sans savoir non plus quoi rajouter de plus, « Le... Enfin la... Enfin je... Oui, oui, tout à fait ! Mais tu peux leur dire, je pense », conclut-elle en tendant la main vers lui, en un geste d'invitation à poursuivre son histoire.

- « Non, toi ! », s'exclama Adrien d'une voix affolée, tout en secouant vigoureusement la tête de droite à gauche.

Une expression alarmée se peignit de nouveau sur les traits de la jeune fille, qui ouvrit la bouche, la referma, l'ouvrit de nouveau, ses grands yeux bleus écarquillés par le stress dévorant qui lui faisait perdre complètement ses moyens. Sa ressemblance avec un poisson jeté hors de son bocal aurait été comique en d'autres circonstances, mais en cet instant, les deux adolescents n'avaient clairement pas envie de rire.

- « Oui, heu donc en fait... Tout... Tout a commencé hier », commença-t-elle d'un ton qu'elle espérait convaincu, mais qui ne trompait hélas personne. « C'est... Heu... C'est... »

- « En fait, je me suis disputé avec mon père hier soir, et je suis sorti de chez moi pour me changer les idées », lança Adrien, dans une fulgurante crise de bon sens.

Ce n'était certes pas la meilleure excuse du monde, mais elle offrait au moins l'intérêt d'être vaguement crédible.

- « Oui, c'est tout à fait ça », renchérit Marinette d'une voix suraiguë. « Dehors. Il était dehors parce qu'il s'est disputé avec son père. »

Tom et Sabine échangèrent un regard sceptique, avant de tourner de nouveau leur attention vers le couple d'adolescents.

- « Tout ça n'explique pas pourquoi vous avez passé la nuit ensemble », reprit calmement Sabine, manifestement aussi loin d'être convaincue que d'être satisfaite par cette piètre ébauche d'explication.

- « I-Il... Je lui ai p-proposé de venir à la maison pour en parler », balbutia précipitamment Marinette.

- « En pleine nuit ? », releva aussitôt son père, fronçant légèrement les sourcils.

- « Ce... C-Ce n'était pas prévu », hoqueta la jeune fille affolée. « C'est juste... C'est que... I-Il... Il est arrivé tard ? Parce que... Parce qu'il s'est perdu ? »

Re-re-oups.

Adrien enfoui son visage entre ses mains, assistant impuissant aux légendaires ravages des bouffées de panique de Marinette, qui détruisaient consciencieusement le peu d'explications crédibles que sa coéquipière et lui avaient jusque-là réussi à fournir. Comme s'il y avait la moindre chance pour qu'il se perde dans les quelques rues qui séparaient leurs domiciles respectifs, rues qu'il parcourait par ailleurs plusieurs fois par semaines pour venir passer du temps avec sa charmante petite amie.

- « Et je suppose que ce n'est pas la première fois qu'Adrien se perd jusqu'à ta chambre ? », demanda Sabine d'un ton inquisiteur, tandis qu'elle renonçait manifestement à obtenir une explication claire et précise sur la présence du jeune homme.

- « S-Si ? » balbutia Marinette d'un ton peu convaincant, à l'instant même où Adrien laissait échapper un « Non » honteux.

Les deux adolescents échangèrent aussitôt un regard désespéré, avant de rougir de plus belle.

- « N-Non, ce n'est pas la première fois », reprit Marinette en baissant les yeux.

La jeune fille entendit son père pousser un lourd soupir, puis releva la tête quand sa mère poursuivit son impitoyable interrogatoire.

- « Peut-on savoir depuis combien de temps dure ce petit manège ? » demanda Sabine d'une voix dangereusement douce.

Marinette resta muette un moment. En temps normal, elle aurait pu retracer avec la plus parfaite exactitude les moindres événements et informations ayant trait à Adrien, mais en cet instant, son cerveau paralysé par l'appréhension n'était clairement plus en état d'effectuer le moindre calcul.

- « Q-Quelques s-semaines », bredouilla lamentablement la jeune fille, pendant qu'Adrien murmurait « quatre mois et dix-sept jours » d'une voix si basse que seule sa partenaire réussit à l'entendre.

Surprise par une telle exactitude, l'héroïne jeta un vif coup d'œil à son coéquipier, dont le visage s'éclaira d'un timide sourire.

Et pour la première fois depuis que sa mère les avait surpris, Marinette se sentit soudain respirer plus librement. Cette situation était peut-être la plus épouvantablement embarrassante dans laquelle ils se soient jamais trouvés, mais au moins l'affrontaient-ils ensemble.

Même si le fait qu'ils aient été ensemble le matin même était au cœur du problème auquel ils faisaient à présent face, mais ceci était un autre débat.




Alors que les pensées de Marinette fuyaient délicieusement la réalité, les Dupain-Cheng semblaient quant à eux ne pas en avoir fini avec cette histoire. Sabine échangea un regard entendu avec son mari, qui hocha légèrement la tête en signe de connivence, puis elle se redressa légèrement tout en laissant échapper une légère quinte de toux qui ramena aussitôt Marinette à l'instant présent.

L'adolescente se figea, crispant machinalement ses poings autour de ses genoux.

Ses parents n'avaient pas encore parlé de la punition qui serait la sienne, et ils s'apprêtaient très clairement à aborder le sujet. Il était impensable qu'ils laissent passer sans sévir un tel manquement à toutes les règles qu'ils lui avaient inculquées. Les visites d'Adrien allaient certainement devoir se dérouler sous la plus stricte surveillance, en admettant qu'elles soient encore autorisées. Le concert de Jagged Stone auquel Marinette devait assister la semaine suivante allait probablement être impitoyablement supprimé de son emploi du temps. Sans compter qu'elle pourrait certainement dire adieu à son argent de poche pour les mois à venir.

- « Bon », commença sa mère d'une voix ferme. « Je me doute que vous n'avez certainement pas envie d'entendre ce que je vais vous dire... »

Marinette laissa échapper un lourd soupir de résignation.

C'était ça.

La punition. Les sorties supprimées. Sa chambre, jusqu'à ses vingt-et-un ans.

- « ... mais est-ce que vous prenez vos précautions ? »

Quoi ?

- « Parce que vous n'êtes pas sans savoir qu'il est important de se protéger... »

QUOI ??

- « ... même si j'espère que vous êtes assez responsables pour –»

- « QUOI ??? » hurlèrent les deux adolescents avec un magnifique ensemble.

Non, non, non. Les jeunes héros avaient du mal à en croire leurs oreilles. Les parents de Marinette ne s'imaginaient tout de même pas que...

- « Ecoutez », reprit patiemment sa mère, « Je suppose que vous n'avez pas envie d'avoir un enfant à votre âge, et personnellement je me trouve un peu trop jeune pour être grand-mère. »

Si.

- « Non ! N-Non, ce n'est... » balbutia péniblement Adrien, s'empourprant si vite et si fort que la peau de son visage semblait avoir pris soudainement feu. « Ce ne... On ne... On n'a pas... »

- « CE N'EST PAS çA DU TOUT ! » hurla aussitôt Marinette, sa voix se perdant dans d'extraordinaires aigus sous l'effet de l'embarras et de la surprise mêlées.

Sous le choc, la malheureuse jeune fille s'interrompit un instant, tandis qu'une honte brûlante lui peignait les joues d'un rouge écarlate plus vif encore que celui de son partenaire. Ça serait définitivement un miracle si elle survivait à cette journée, tant son corps semblait à présent partagé entre la faire mourir d'une attaque cardiaque ou se consumer instantanément de gêne.

- « J-Je n'ai... Je ne... » poursuivit maladroitement Adrien, peinant à aligner deux paroles cohérentes. « Marinette et moi on n'a pas... Je n'aurai jamais voulu... Non pas que tu ne sois pas-», se reprit-il brusquement en jetant un regard affolé à sa coéquipière, qui le fixait avec stupéfaction. « Je veux dire, tu es d-définitivement la plus belle et la plus extraordinaire fille que j'ai jamais rencontré, mais j-je... je... je... »

Poussant un grognement de honte, le jeune homme enfoui son visage brûlant entre ses mains.

- « Je ne suis vraiment pas prêt pour ce genre de choses... » laissa-t-il échapper d'une voix plaintive.

- « Moi non plus ! » renchérit immédiatement Marinette, sans pour autant pourvoir s'empêcher de s'empourprer un peu plus en entendant Adrien la qualifier de 'belle' et 'extraordinaire'. « Vraiment, vraiment, VRAIMENT pas prête », martela-t-elle avec conviction, tandis que sa voix s'envolait de nouveau vers de stridents aigus.

Tom et Sabine les jaugèrent un instant du regard, tandis que les deux adolescents rouges de gêne se tassaient sur le canapé comme pour tenter de disparaitre à travers les coussins. Avec un peu de chance peut-être se découvriraient-ils de mystérieux dons de passe-muraille qui leur permettraient de se fondre à travers le plancher et de s'enfuir vite, vite, très vite.

Et très loin.

Ils n'osaient pas relever les yeux, fixant le plancher avec une intensité presque insoutenable, comme si le sol du salon des Dupain-Cheng était soudainement devenu la chose la plus digne d'attention de tout l'univers.

Jamais ils n'avaient été aussi embarrassés de leur vie.

Mais malheureusement pour eux, les impitoyables parents de la jeune fille ne semblaient pas décidés à mettre fin à leur douloureux supplice.

- « Ce 'genre de choses' peut arriver bien plus vite qu'on ne le pense », reprit Sabine avec une sérénité extraordinaire au vu des circonstances. « Vous n'êtes peut-être pas prêts maintenant, mais vous passez déjà des nuits dans le même lit. »

- « Oui, à DORMIR ! » gémit Marinette, levant les yeux au ciel. « Juste. Dormir. »

A ses côtés, Adrien se prenait à présent la tête à deux mains, se recroquevillant sur lui-même comme dans un vain souhait de disparaitre de la pénible attention des Dupain-Cheng.

C'était une véritable catastrophe.

Il avait envie de disparaitre sous terre, de s'enfuir du pays à tout jamais, voire de s'envoler vers l'espace si possible. De sortir son cerveau de sa boite crânienne pour le laver à l'eau de javel, afin de tenter d'en effacer le moindre reliquat de cette pénible conversation et de cette embarrassante matinée. Au vu de la sévère éducation qu'il avait reçu, le héros affolé savait qu'il aurait dû pouvoir faire de preuve de plus de sang-froid, mais tous les tuteurs du monde n'auraient jamais pu le préparer à subir une telle conversation.

Cruellement indifférente aux émois qu'inspiraient ses propos à son jeune public, Sabine reprit rapidement le fil de son petit discours avec la tacite approbation de son immense mari.

- « Ecoutez, on ne sait jamais », poursuivit-elle d'une voix ferme, « Si un jour vous avez envie de commencer à avoir ce genre de relations... »

- « MAMAN !! » hurla aussitôt Marinette, dans le fol espoir de l'interrompre enfin.

- « ... vous en aurez, avec ou sans notre consentement. Donc Tom et moi pensons qu'il vaut mieux pour vous que vous soyez parés à toute éventualité. »

Se mordant violemment les lèvres, Marinette laissa échapper un gémissement de désespoir.

Sa punition.

C'était ça, sa punition.

Qu'ils en soient conscients ou non, sous leurs dehors compréhensifs, ses parents lui faisaient subir une lente et cuisante humiliation qui était bien pire que tous les sévices qu'elle aurait pu redouter. Elle allait mourir de honte, là, maintenant, tout de suite.

Toujours assis à ses côtés, son partenaire ne paraissait guère être dans de meilleures dispositions qu'elle. Le regard d'Adrien était à présent étrangement fixe, rivé droit devant lui, et le jeune homme semblait très clairement être au bord de la crise d'apoplexie.

- « Je pense que je vais te prendre rendez-vous chez ma gynécologue le plus rapidement possible », lança soudainement Sabine à l'attention de sa fille. « Tu pourras discuter avec elle du moyen de contraception qui te conviendra le mieux. »

A présent incapable de formuler la moindre parole cohérente, Marinette laissa échapper un étrange bruit étranglé, tandis qu'Adrien se vit quant à lui secoué d'une si brusque quinte de toux que le jeune homme crut un instant qu'il allait finir mourir étouffé sur ce canapé.

Ce qui, de son point de vue, aurait certainement été moins cruel et douloureux que la lente torture que leur faisaient subir les bien trop accommodants parents de Marinette.

- « Je sais qu'on pense souvent instinctivement à la pilule », reprit Sabine, que les deux adolescents dévisageaient à présent avec un effroi croissant, « mais ne le prends pas mal, ma chérie, mais tu es tellement distraite et maladroite que je ne suis pas certaine que ça soit ce qu'il y ait de plus approprié pour toi. »

- « J-Je... Et moi je suis CERTAINE que je n'ai pas envie de parler de ça ici et maintenant ! » rétorqua aussitôt Marinette en jetant des regards affolés à son coéquipier.

A présent pâle comme un mort, Adrien hocha vigoureusement la tête pour marquer son approbation. Il fallait que cette conversation s'arrête.

Là.

Maintenant.

Ni lui ni Marinette n'étaient en état d'entendre ne serait-ce qu'un mot de plus, c'était l'évidence même.

- « Oui, oui, ma chérie », répliqua distraitement Sabine, avant de se lancer dans un long et détaillé exposé des différentes options qui s'offraient à sa fille.

Quelques minutes plus tard, l'instructif exposé de Sabine Cheng avait plongé les fiers et prestigieux héros de Paris étaient dans un état de détresse et d'effarement que lui aurait envié le plus acharné des supers-vilain.

Frappée d'une étrange torpeur, Marinette regardait droit devant elle, sans oser tourner les yeux vers ses parents ou son coéquipier, tandis qu'Adrien se trouvait à présent bien plus au fait des méthodes de contraceptions féminines qu'il n'aurait jamais souhaité l'être.

Tambourinant nerveusement des doigts sur son genou, Adrien déglutit péniblement. Son cœur le lançait dans sa poitrine, lui semblant être soit prêt à exploser de honte, soit sur le point de s'enfuir au loin en arrachant les barreaux de sa cage thoracique, pour mourir ensuite tranquillement d'humiliation.

Ça ne pouvait pas être pire.

- « Bien sûr », intervint soudain Tom, « Il y a aussi les préservatifs. »

Ne jamais se dire que les choses ne pouvaient pas être pires, nota mentalement le jeune héros, dans un superbe effort pour conserver un semblant de santé mentale.

- « Ah, d'ailleurs, chéri, tu peux me passer la liste de courses ? » lança Sabine, à qui les deux adolescents jetèrent aussitôt un regard mi-effaré, mi-effrayé. « Je vais noter d'en prendre une boîte. Je te la laisserai dans ta chambre », conclut-elle à l'attention de sa fille.

- « O-On... NON !!! » glapit Marinette, retrouvant brusquement l'usage de la parole. « Ce n'est pas la peine. Vraiment PAS LA PEINE ! Puisqu'on vous dit q-que... Qu'on ne... Q-Qu'on n'est pas... »

- « Oui, oui, je sais », répliqua distraitement Sabine, tout en griffonnant rapidement quelques mots sur le papier que venait de lui tendre son mari. « Mais autant faire preuve de prudence. »

- « Sortez-moi d'ici », gémit Adrien avec un sincère désespoir, tandis que Marinette enfonçait son visage dans un oreiller pour étouffer un puissant hurlement.




Quand les parents de Marinette les relâchèrent, une dizaine de longues, pénibles et embarrassantes minutes plus tard, Adrien se hâta de prendre congé. Ravie d'avoir une occasion de s'éclipser elle aussi de l'étouffante atmosphère de son salon familial, sa coéquipière se proposa aussitôt de le raccompagner chez lui.

Les deux adolescents marchaient à présent côte à côte dans les rues de Paris, l'air aussi sonnés que s'ils avaient tous deux pris un terrible coup de massue sur le crâne. Comme plongés dans une sorte d'état second, ils avançaient d'un pas presque mécanique, tandis que leurs joues étaient toujours rouges d'une cuisante gêne. Contrairement à leurs habitudes, ils n'osaient même pas se tenir par la main tant l'embarrassant discours des Dupain-Cheng dansait encore dans leurs mémoires.

- « J-Je... Je ne sais pas si j'oserai revenir chez toi un jour », balbutia le malheureux Adrien, encore secoué par cette rude matinée.

- « Je ne sais pas si j'oserai moi non plus », gémit sa partenaire en se passant fébrilement la main sur le visage. « C'est... C'était... Je crois que je n'ai jamais été aussi embarrassée de toute ma vie ! », conclut-elle en s'empourprant de plus belle.

- « Je te rassure, c'est la même chose pour moi », répliqua Adrien avec un petit rire nerveux.

Un léger silence plana entre les deux adolescents, avant que le jeune homme ne reprenne de nouveau la parole.

- « Tu... Si tu préfères, pour les prochaines fois, on pourra se retrouver chez moi », lui suggéra-t-il avec un pâle sourire.

Marinette lui jeta un coup d'œil incisif, avant de secouer négativement la tête.

- « N-Non, c'est bon... Je pense qu'il vaut peut-être mieux garder ma chambre comme point de rendez-vous », répondit-elle pensivement. « Enfin, si tu veux bien », reprit-elle en souriant à son tour.

- « Pour toi, je devrais réussir à surmonter ce terrible traumatisme », répliqua Adrien avec une moue espiègle. « Mais tu es sûre de toi ? »

- « O-Oui », bredouilla Marinette, un visible embarras se peignant de nouveau sur son pourpre visage. « Au moins avec mes parents, le mal est fait. »

Alors que son partenaire haussait un sourcil interrogateur, elle poursuivit :

- « Tu imagines si ton père nous découvre lui aussi ? Et s'il nous impose lui aussi LA conversation ? »

Les yeux du jeune homme s'écarquillèrent d'horreur à l'idée de l'illustre Gabriel Agreste discourant sur les hormones adolescentes et sur les bienfaits de la contraception.

- « T-Tu as raison, ma Lady », approuva-t-il d'une voix blanche. « Chez toi, c'est très bien. »


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