Chapitre 27 : Petit ange...
– April –
J'ai dit à Cameron que j'allais me reposer un peu, donc on m'a laissé tranquille depuis que je suis arrivée, j'ai conscience que ça ne fait pas très poli d'aller se réfugier dans la chambre de mes hôtes, mais je n'avais pas la force de laisser mon cerveau continuer ses comparaisons consentes.
Mais je ne vais pas pouvoir échapper au dîner que vient de m'annoncer Cameron. Je le suis dans les escaliers puis jusqu'à la salle à manger où Milo et Max installent une rallonge à la table et que Lily et Adrien commencent à mettre les couverts.
Une bonne odeur de lasagne a empli la pièce et la bonne humeur est toujours aussi présente.
- Tu as réussi à te reposer ? Demande Kate en sortant de nulle part.
- Oh, oui merci. Dis-je avec un sourire poli aux lèvres.
J'ai l'impression d'assister à un soir de fête, le tintement de la vaisselle, les rires et les discussions des différents petits groupes qui se sont formées autour de la table. Nous sommes huit au total mais j'ai l'impression que nous sommes une trentaine.
Famille parfaite. Ce sont les seuls mots qui tournent en boucle depuis que j'ai posé mes fesses sur cette chaise.
Kate est un vrai rayon de soleil et elle parvient à donner autant d'amour à son fils et à sa fille sans oublier Max, Milo et Adrien qui sont visiblement ses trois autres enfants.
Nicolas – le père de Cameron – a cuisiné des lasagnes et elles sont absolument divines, je dois l'avouer.
Les rires fusent dans la pièce et le même sentiment que lorsque je suis arrivée tout à l'heure me serre le cœur.
Je ne suis que spectatrice de la scène. Une scène que je ne revivrais jamais parce que ma mère ne m'aime pas.
Elle me déteste à cause de ce que je lui ai fait.
Ma mère ne m'aime pas.
C'est une vérité que j'ai mis tellement de temps à admettre, mais aujourd'hui j'en suis sûre.
Elle ne m'aime pas.
Merde. Les larmes me montent aux yeux et j'ai l'impression de ne pas pouvoir respirer.
Pas maintenant.
Ma jambe bouge frénétiquement sous la table et je tente de me calmer et surtout de cacher la crise qui pointe le bout de son nez.
C'est vraiment, vraiment pas le moment April ! Tu t'es montrée déjà bien trop impolie.
- Ça va ? Me demande discrètement Cameron en posant sa main sur ma jambe qui tremblotte.
- Il faut... il faut que je sorte de table. Je lui bredouille, à bout de souffle.
- April ? Il faut que je te parle, tu viens. Dit Cameron en se levant de table.
Je lève le visage vers lui en fronçant les sourcils, il me fait un clin d'œil discret.
- Cameron ? Tu ne peux pas attendre la fin du dîner ? Demande sa mère surprise.
- Je... Ça va, ça ne me dérange pas. Dis-je en me levant à mon tour, en faisant tout pour garder mon visage hors de portée de vue de tout le monde.
Je suis Cameron jusqu'au salon où il ouvre la porte fenêtre qui mène à une terrasse au frais.
Je n'attends pas plus malgré la fraîcheur de cette soirée de mois de novembre. J'entends Cameron dos à moi alors que je m'accoude au garde-corps qui entoure la terrasse.
- April ? Il demande.
- Cinq minutes... Il me faut juste cinq minutes seule. Je supplie presque Cameron pour qu'il me laisse.
- April, qu'est-ce qui se passe ?
- Cinq minutes... je lui demande, la voix à deux doigts de se briser.
Il m'attrape le bras et essaie de me tourner vers lui mais je me débats, je ne veux pas qu'il me voie encore aussi faible, surtout pour une raison aussi merdique.
- April. Tonne-t-il en forçant un peu plus.
- Cinq minutes... cinq petites minutes. Fondé-je en larmes.
J'abandonne totalement, je n'arrive plus à contrôler mes larmes, ni ma respiration atrocement douloureuse.
- April...
- Laisse-moi.
- Non. Dis-moi ce qui ne va pas. Insiste-il.
Il parvient à me tourner vers lui, ses mains prennent mon visage en coupe et son regard inquiet me fait culpabiliser encore plus de ressentir ça.
- Toi ! Craqué-je. Toi et ta putain de famille parfaite... dis-je d'une voix plus basse.
Il ne me répond rien, au lieu de s'éloigner comme je pensais qu'il allait faire après ma réponse, il me prend dans ses bras et me laisse pleurer contre lui sans rien dire.
Je sais pas combien de temps on reste l'un contre l'autre, cinq minutes, peut-être même dix. Tout ce que je sais, c'est que quand j'arrive enfin à prendre le contrôle de moi-même, je m'écarte de lui en le poussant.
Oui, c'est une réaction de merde alors qu'il vient de m'aider à me calmer mais c'est un moyen de défense, je crois.
- Je t'avais dit de me laisser seule !
- Pourquoi tu me reproches toujours tout ? Il demande en enfonçant ses mains dans ses poches. Je t'ai embrassé, tu m'as embrassé et tu me l'as reproché, je t'ai pris dans mes bras pour t'aider, ça t'a aidé et tu me l'as reproché.
Je serre les dents et lui tourne le dos pour m'accouder de nouveau sur le garde-corps. Je passe une main sur mon visage pour essuyer mes joues encore humides. Ce n'est que maintenant que je prends conscience de la fraîcheur de cette soirée.
- Ma famille n'a pas toujours été... parfaite. Soupire-t-il en se posant à côté de moi.
- Laisse-moi en douter. Lui dis-je en tournant le visage vers lui.
Il hoche négativement la tête, ouvre la bouche puis la referme tout en gardant son regard rivé devant lui, comme s'il hésitait à me raconter quelque chose.
Il finit par enlever son sweat, il m'intime de regarder le tatouage qu'il pointe du doigt.
Il est situé au-dessus de son coude.
- C'est le premier que j'ai fait. Dit-il à voix basse.
Il est n'est pas bien grand et se fond parmi les autres tatouages présents sur son bras. Il est composé en deux parties, des ailes d'ange avec une auréole puis... une date.
Le 26 octobre.
Je ne peux m'empêcher de frôler la date du bout des doigts, ce qui lui donne des frissons ou peut-être est-ce le froid... Je lève les yeux vers les siens, demandant silencieusement des explications.
- C'est... la date de ses anniversaires. Dit-il en me regardant dans les yeux.
- Ses ? Je demande à voix basse.
Il renfile son sweat puis inspire et expire en tournant le visage, il ne me regarde plus, alors je fais comme lui, je fixe un point invisible devant moi, peut-être que ne pas le regarder l'aidera à se confier.
Je ne sais pas pourquoi j'ai autant besoin de cette confession, mais il me la faut.
- Mon petit frère, il est né le 26 octobre, et il est mort le 26 octobre. Explique-t-il.
L'anniversaire de sa naissance... et celui de sa mort.
- C'est un bébé mort-né. Ajout-il. Je n'avais que dix-mois lorsque ça s'est produit, mais ça a eu un impact marquant par la suite. Ma mère a eu une dépression et mon père se tuait au travail pour penser à autre chose, ça ils me l'ont expliqué plus tard. Je n'étais qu'un gosse et j'ai des souvenirs de cette période, mais ils ne remontent qu'à mes quatre ans.
Ses explications me serrent le cœur, j'imagine la femme souriante et pleine de vie qu'est sa mère au plus bas, ne pouvant plus sortir de son fils.
- Selon mon père, ma mère n'arrivait presque plus à me regarder, t'imagines ? Il se tourne vers moi. Ma mère, celle qui me saute dans les bras dès que je passe le pas de cette porte. Dit-il en montrant la maison du doigt.
Je me mords la lèvre et ne réponds rien à sa question parce qu'il n'attend pas de réponse.
- Lily... Sa fierté la plus grande depuis qu'elle est au courant, c'est d'être un accident. Elle était loin, très loin d'être prévue. Mes parents ne voulaient plus d'enfants après mon frère. Mais Lily est arrivée, surprenant tout le monde. Là, je n'ai plus de souvenirs. La grossesse de ma mère a été compliquée et son premier sourire après cinq ans fut lorsque les infirmières ont déposé Lily dans les bras de ma mère. C'est grâce à Lily que mes parents ont remonté la pente et que nous sommes devenues, la famille parfaite.
Je ferme les yeux en entendant sa manière de prononcer les mots que j'ai moi-même prononcés il y a quelques minutes.
- Je suis désolée d'avoir dit ça. Dis-je à voix basse.
J'ai honte d'avoir dit ça sans connaître tout ce qu'ils ont vécu avant, mais ça n'enlève pas les sentiments que je ressens en voyant leur famille aujourd'hui.
Mais d'un côté, une faible partie de moi me souffle que ma famille parviendra, elle aussi, à dépasser cette période sombre de ma vie, après tout, ma mère ne boit plus.
- On devrait rentrer maintenant. Dit Cameron en se tournant vers la porte-fenêtres.
- Je vais attendre encore un peu, je ne voudrais pas qu'on voie que j'ai pleuré. Dis-je en restant sur mes positions.
- Ne dis pas n'importe quoi, il fait froid.
- Pas grave.
Il soupire et je l'entends se rapprocher de moi. Son indexe glisse sous mon menton et tourne mon visage vers le sien.
- Tu es parfaite, on ne voit pas que tu as pleuré, alors rentrons, mon cœur.
Il plonge ses yeux dans les miens et n'a pas l'air décidé à retirer son doigt qui maintient toujours mon visage vers le sien, légèrement élevé pour que je le regarde dans les yeux.
- Ce que je te reproche à chaque fois, c'est de faire le premier pas. Soufflé-je d'une voix à peine audible, répondant ainsi à ce qu'il m'a dit tout à l'heure.
Ma voix est basse, mais il m'a entendue. Parce que sa mâchoire se contracte, il baisse son doigt et s'éloigne de moi.
- Rentrons. Dit-il une fois encore.
Et cette fois, je le suis à l'intérieur et la chaleur de la maison me fait un bien fou.
- Avant qu'on retourne à table. Dit Cameron en arrêtant de marcher devant moi.
- Oui ? Je demande en voyant qu'il ne continue pas sa phrase.
- Ne dis rien à propos de mon frère, Max est le seul au courant. Dit-il, toujours dos à moi. Était le seul. Je l'entends se corriger à voix basse alors qu'il recommence à marcher vers la salle à manger.
J'acquiesce même s'il ne peut pas me voir puis le suis, lorsque nous entrons dans la salle à manger, tout le monde nous regarde alors que nous nous asseyons dans le silence.
- Tout va bien ? S'inquiète Kate. Vous en avez mis du temps.
- Oui, désolée d'avoir quitté la table aussi longtemps. Dis-je en souriant à Kate.
Les discussions reprennent et Cameron et moi sommes les seuls à n'avoir pas fini notre assiette, nous mangeons donc rapidement – même si c'est froid – pour que tout le monde puisse passer au dessert.
Lily, qui s'est installée en face de moi, commence à me poser un tas de questions aléatoires, elle passe de ma couleur préférée au dernier voyage que j'ai fait en passant par la marque de mon shampooing.
- Et tu as des frères et sœurs ?
- Une petite sœur, elle doit avoir ton âge. Je lui réponds en acquiesçant.
- Oh, c'est vrai ? Elle s'appelle comment ? Peut-être que je la connais comme je suis dans le même collège que toi et Max.
Je suis surprise d'apprendre que Lily est au courant que j'ai été au même collège que Max, mais savoir si elle connaît ma sœur passe au-dessus de la surprise.
- Charlie, elle s'appelle Charlie.
- Oh, mon Dieu ! C'est ma meilleure amie ! S'exclame-t-elle en laissant sa cuillère pleine de crème anglaise tomber dans son assiette.
J'écarquille les yeux en faisant le lien entre Lily, la meilleure amie de ma sœur et Lily, la sœur de Cameron.
- C'est donc toi qui as surnommé Falco, Falcon ?
- Oui !
Nous rigolons toutes les deux, surprise de cette découverte.
Et c'est la première fois que je parviens à me détendre ce soir.
À suivre...
*******
Coucou !
Un peu plus de choses dans ce chapitre, notamment la signification de cette date, le 26 octobre !
Prochain chapitre : départ pour Paris !
On se dit à la prochaine pour la suite, bisous !
<3
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