Henrietta reste docilement assise sur la jambe du pompier, un tube de yogourt à la main. Lance, de son côté, joue partout dans la cuisine avec son camion de pompier qu'il a sorti du placard de jouet en l'honneur du pompier dans la cuisine.

Je me dépêche, quant à moi, de préparer le souper pour les deux jeunes enfants avant qu'ils fassent une autre crise. À moitié concentrée, je sens le regard du pompier qui me brûle la nuque. J'évite le plus possible de diriger mon regard vers lui, mais je ne peux m'empêcher de jeter des coup d'oeil furtif...pour m'assurer que Rietta est correcte, j'essaie de me persuader.

N'empêche que mon regard se faufile toujours sur son visage concentré sur ma petite nièce.

- Tu ne parles pas hein? Je l'entends demander à Rietta. Tout comme ta tante, il ajoute en riant doucement.

Je me fige pendant une seconde en entendant le commentaire, mais je m'empresse à reprendre le contrôle de ma personne pour continuer à préparer la nourriture.

Je me surprends quand même à être maladroite avec le couteau que j'utilise pour couper des saucisses. De nul part, je sens sa présence derrière mon dos. 

- Fais attention avec ce couteau Lindsay, il me dit sérieusement en posant une main sur mon épaule.

Le sang dans mes veines se fige une seconde et je sens littéralement mon cerveau arrêter toute activité.

Tu es proche...je n'arrête pas de penser en boucle.

Ne voyant aucune réaction de ma part, il prend le couteau de mes mains. Je me retourne enfin pour le regarder.

- Laisse-moi t'aider, veux-tu Lindsay?

Je m'éloigne et lui laisse la place. Je fais signe à la petite fille qui est encore dans ses bras de venir dans les miens, mais elle refuse en tournant la tête de l'autre côté et en la posant sur l'épaule du grand homme devant moi.

Vaincue, je la laisse et je me dirige vers la table où je commence à sortir des couverts. 

- Fini! James dit. Y a-t-il autre chose que je peux couper pour toi? Il me demande en me faisant face.

- Non, merci! Je réponds simplement. Il faut juste que je les fasses bouillir un peu et le tout sera prêt, j'ajoute en pointant les saucisses coupées de la tête.

Il suit mon regard, prend le chaudron que j'avais déjà mis sur le four, rajoute un peu d'eau avec les saucisses et les mets à cuire. 

Je ne peux m'empêcher de le regarder faire. Même avec un enfant sur le bras, il a aucune difficulté à bouger et à rester...parfait?

Parfait n'est peut-être pas le mot, mais je ne peux penser à un mot plus adaptable à ce que je vois devant moi.

- Je m'excuse de ne pas avoir de bouffe d'adulte à t'offrir, je lâche quelques minutes de silence après. Je ne m'attendais pas à passer ma soirée avec un autre adulte.

Il sourit.

- Tu sais Lindsay, il débute, depuis que je te connais, tu t'es excusée à chaque début de conversation. Et ce n'est pas du tout nécessaire. En tout cas, pas avec moi, il conclut.

- Notée! Je réponds simplement.

Je retourne finir de mettre la table.

- Je parle, tu sais? Je lance un peu certaine.

Il se retourne pour me regarder, un grand sourire aux lèvres.

- Ah oui? 

- Un peu, j'avoue finalement. Mais pour éviter de dire n'importe quoi, je préfère parler que quand c'est nécessaire.

- Je comprends la logique, il réplique.

Il détourne le regard, avance vers le four et ferme le rond.

- Par contre, je voudrais quand même entendre les n'importes quoi qui sortent de ta bouche, il annonce sans m'accorder un regard.

Encore une fois, je me fige en entendant le commentaire de l'homme à grande carrure. Que dire à ça?

- Mangeons! Il lâche.

*** 

Ma soirée est assez bizarre. Je suis dans la maison de mon frère, en train de faire du babysitting avec un inconnu que je sens qui n'est plus un inconnu.

Si un artiste présenterait ce tableau, tout ce qui serait observé par les amoureux de l'art serait la vue d'une famille heureuse...deux enfants avec le papa et la maman. Pourtant, même si je sais qu'il s'appelle James et qu'il est pompier, je ne sais rien de plus que lui. Et lui non plus, il ne sait rien de moi.

Mais les enfants n'ont pas l'air de trouver la situation bizarre. Au contraire, Lance ne cesse de converser avec James qui lui raconte des histoires de sauvetages de pompier et Rietta, elle, mange les pâtes étalées sur sa table comme si c'est le dernier repas qu'elle va manger. Tout le monde a l'air assez détendu...tout le monde, sauf moi.

Je ne suis pourtant pas crispée. Je suis ébahie. Oui c'est ça le bon mot pour cette situation. Je suis assez stupéfaite de voir que cet inconnu n'a pas qu'un effet sur moi, mais aussi sur les petits membres de ma famille. C'est peut-être le charme du pompier en action? Ou c'est peut-être son charmant sourire tout simplement? Je ne le sais pas honnêtement.

- Je peux y aller tatie? Lance me demande.

Sortie de ma rêverie, je regarde l'enfant qui me fait des yeux de chiots avant de détourner le regard vers le voisin qui lui aussi attend une réponse.

- De quoi on parle?

- James, le petit garçon commence.

- Monsieur James, je précise en le coupant.

- Monsieur James dit que je peux aller visiter sa caserne. Il donne des camions de pompier plus cool que mon camion.

Je regarde Monsieur James qui soutient mon regard.

- Il faut demander à papa, Lancey. 

- Si papa accepte, vas-tu m'emmener? Monsieur James dit que tu serais la bienvenue, l'enfant se plaint presque.

Je redirige mon regard vers le pompier qui soulève les épaules en me regardant. Un sourire essaie de rester subtil sur sa face.

- Bien-sûr, je réponds vaincue. Si papa dit oui, je t'y emmènerai.

- Fait que tu me dois un souper et une tournée dans ma caserne, James affirme en plongeant son regard dans le mien. 

Cette fois-ci, son sourire est largement installé sur son beau visage. 

- Donc, vendredi pour le souper comme planifié? Il questionne. Je te cuisinerai autre chose que de la nourriture pour enfant, promis! Il conclut en me fixant droit dans les yeux.