Chapitre 3
Ce lundi matin, je me suis réveillée et tout me semblait normal.
Enfin, tout me semblait normal jusqu'à temps que je sois prête à partir et que j'hésite à prendre deux muffins aux chocolats pour apporter à mon neveu Lance et sa petite soeur Henriette lors de notre marche habituelle du lundi pour aller à l'arrêt de bus.
Les muffins n'étaient pas l'objet de mon hésitation. Je me questionnais à savoir si je voulais vraiment me promener sur la rue de Karl et Valérie...Je ne pensais pas être prête à rencontrer James, le voisin qui ne m'a pas rappelé depuis la première et dernière tentative faite la semaine dernière.
Pourtant, j'avais réussi à me donner du courage pour ne pas manquer cette tradition que j'avais instauré avec mon petit neveu de six ans depuis qu'il avait commencé l'école en septembre dernier. Je n'avais d'ailleurs aucune raison logique pour m'en empêcher.
J'étais donc heureuse de marcher avec lui, sa mère à qui j'avais décidé, depuis ma rencontre avec James, de ne pas parler et Henriette.
- C'est gamin de ne juste pas m'adresser la parole, Valérie me répète pour la cinquième fois depuis qu'on a pris le chemin pour aller à l'arrêt d'autobus du petit.
Lance marche devant nous avec son muffin à la main droite et la main de sa petite soeur dans la main gauche.
- Oh lala! Valérie lâche exaspérée. Techniquement, tu es aussi son voisin. J'ai juste donné ton numéro à un voisin pour qu'il t'avise si y a un souci chez toi, elle tente de se justifier.
- J'habite à deux coins de rue Valérie! Je réplique enfin. En faisant ça, tu lui as juste donné l'impression que je suis désespérée ou assoiffée d'homme. L'un n'est pas meilleur que l'autre, je conclus en tournant la tête pour la regarder enfin dans ses yeux.
Elle n'a pas le temps de rien dire qu'un ombre vient se placer à côté de nous. Surprise, je me tourne vers le nouvel ombre un peu effrayé. Rapidement, la frayeur fait de la place à un sursaut quand je réalise que l'homme à côté de moi n'est autre que James. Un James en sueur, je dois rajouter.
- Bonjour Lindsay, il dit simplement quand je m'arrête net.
- Bonjour James, je réponds calmement, mais mon coeur battant la chamade.
- Bonjour James, Valérie rajoute après avoir arrêté Lance et Henriette dans leur élan de marche.
Ce dernier sourit à Valérie et reporte automatiquement son regard sur moi.
- J'espère que tu vas bien! Il affirme. Je n'ai pas eu de retour de mon appel manqué de la semaine dernière, il ajoute avec un sourire au lèvre, je me suis légèrement inquiété, il conclut.
- Allez les enfants, le premier qui arrive à l'arrêt d'autobus aura une surprise de maman ce soir! Valérie crie aux deux enfants avant de se mettre elle-même à courir.
Je soupire fort en regardant Lance lâcher la main d'Henriette et commencer à courir.
- Rietta a trois ans, je lâche entre mes dents, elle ne peut pas faire la course avec vous.
- Ne t'inquiètes pas, je gère, la petite femme me répond en soulevant Henriette et en la portant sur son épaule en courant.
J'entends James rire. Je me retourne vers lui pour le regarder.
- Elle est drôle, il commente.
- Des fois, je réponds pas du tout amusée de la situation puisque Valérie n'essaie que de me laisser seule avec son voisin.
N'a-t-elle pas déjà assez fait? Je pense sur le coup.
James porte encore un gros sourire sur ses lèvres. Il me regarde assez attentivement sans rien dire.
N'étant pas gênée d'habitude, je me surprends à vouloir fuir son regard perçant sur moi. Mon cerveau se demande même ce qu'il essaie de voir en me fixant aussi intensément. Parce que moi, même si je ne l'ai regardé que pendant quelques secondes, j'ai déjà vu tout ce que je devrais voir de lui.
Un homme. Un bel homme. Un bel homme en sueur. Un bel homme en sueur avec des yeux perçants. Un bel homme en sueur avec des yeux perçants qui me déshabille du regard.
Quand je me force à soutenir son regard, son sourire s'élargit.
- Je pensais sincèrement que tu allais me rappeler, James me dit après avoir arrêté de sourire.
- Je ne pensais pas que je devais le faire, je lui réponds réellement plus calme qu'avant. On s'est rencontré après cet appel, je lui rappelle. Et si j'ai bien compris ce que tu m'as dit, tu ne voulais pas avoir mon numéro à la base. Je t'enlève donc la responsabilité d'essayer de me parler pour faire plaisir à madame, je rajoute en pointant Valérie avec ma mâchoire.
Il rit fort. Un rire qui résonne en moi. Un rire joyeux.
- Je ne t'ai pas appelé pour faire plaisir à madame, il commence, que pour me faire plaisir à moi-même, il répond.
Sa réponse me déstabilise. Qu'est-ce que ça veut dire?
- Vois-tu Lindsay, il ajoute, si elle ne m'avait pas donné ton numéro, je me serais arrangé pour l'avoir. Parce que je voulais te poser la question depuis que ta famille a emménagé au coin de la rue : Veux-tu venir souper avec moi?
***
Je regarde mon visage dans le miroir de la salle de bain. Tout d'un coup, j'ai l'air affreusement fatiguée comme si on n'est pas que lundi. Je résiste à prendre un poignet d'eau et de me rincer la face.
Je maudis le mascara non imperméable que j'ai choisi de porter aujourd'hui. Partout où je vais, je sens que l'air est restreint et j'ai cette sensation de m'étouffer. Alors l'eau froide sur ma face m'aurait fait un bien fou.
- Arrête de te torturer et respire, je m'ordonne à moi-même.
Inspire-expire, inspire-expire, inspire-expire...
Je me regarde à travers le miroir et je ne suis toujours pas convaincue que je vais bien ou que j'irai bien.
- Bordel, je lâche en frappant mon front avec la paume de ma main.
Oui, c'est un bordel. Je ne peux pas arrêter de penser au grand homme qui m'a invité à souper avec lui. Pourquoi? Comment? De où?
Tout me semblait surréel. Pourquoi tout d'un coup j'ai piqué la curiosité du voisin que j'ai rarement vu même si que je suis chez mon frère au moins deux fois par semaine? Et surtout, pourquoi il pique autant ma curiosité? Pourquoi je pense sincèrement que je manquerai quelque chose si je n'accepte pas son invitation?
Je ferme les yeux et j'entends sa voix prononcé mon nom encore et encore.
Si y a deux semaine, je ne prêtais pas attention à l'existence de cet homme, aujourd'hui, il remplit chaque mili seconde de chaque seconde de mes pensées.
Mais pourquoi?
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